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L’évaluation des jeunes enfants est une composante majeure des services d’intervention précoce (Bricker, 1996; Bricker et Losardo, 2000). De nombreuses raisons motivent le recours à l’évaluation (Bagnato, Neisworth et Munson, 1997; Meisels et Fenichel, 1999). En effet, évaluer peut permettre d’identifier la présence d’une incapacité, de cibler les enfants appartenant à un groupe à haut risque de développer une problématique, de situer le fonctionnement intellectuel et le développement de l’enfant. L’évaluation peut également être fort utile en soutien à l’élaboration du plan d’intervention individualisé et à l’identification des stratégies appropriées aux besoins de l’enfant et de ses milieux de vie (voir notamment Gould, Dixon, Najdowski, Smith et Tarbox, 2011 pour une discussion sur l’utilité des évaluations en contexte d’intervention précoce auprès des jeunes enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme).

Pourtant, les défis relatifs à l’évaluation des jeunes enfants restent nombreux. Le développement de l’enfant est un processus complexe. Meisels (1994) met en évidence que si les évaluations donnent un portrait global des connaissances, des compétences, des capacités et des caractéristiques personnelles de l’enfant, à un moment précis de sa vie, ce portrait n’est pas nécessairement représentatif de son fonctionnement habituel. De plus, de nombreux praticiens témoignent des réserves sur la validité des évaluations du développement réalisées dans les premières années de vie d’un enfant et sur leurs implications néfastes, tel le danger de stigmatisation. Pourtant, pour les enfants présentant un retard de développement, l’importance du dépistage précoce et d’un suivi hâtif est l’objet d’un vaste consensus (Guralnik, 1997). Comment alors concilier l’exigence de recourir à l’évaluation du développement des enfants tout en contournant les risques déjà documentés ? La distinction entre les différents outils d’évaluation et leur adéquation en fonction des motifs pour lesquels ils sont utilisés est une voie à explorer. Il s’agit précisément de l’objectif de cet article, à savoir, réfléchir sur les différents types d’outils d’évaluation en tentant de préciser les motifs de leur utilisation. Ainsi, les évaluations utiles à des fins de dépistage, de diagnostic et d’intervention seront situées les unes par rapport aux autres. Ce dernier type d’évaluation sera particulièrement détaillé, considérant son importance au niveau des services et pratiques d’intervention précoce. Finalement, afin d’illustrer ces distinctions, des évaluations utilisées auprès des enfants présentant un trouble du spectre de l’autisme seront présentées.

Des distinctions conceptuelles

Bagnato et al. (1997) ont souligné l’importance de bien distinguer trois types d’évaluation : l’évaluation pour le dépistage, l’évaluation utilisée pour le diagnostic et l’évaluation utile à des fins d’intervention. Afin d’approfondir la connaissance de ces types d’évaluation, chacun sera présenté en fonction de la finalité poursuivie, du choix des items le composant, des utilisateurs potentiels ainsi que des contextes dans lesquels il doit être utilisé.

Évaluer pour dépister

Les outils de dépistage ont comme principal but de vérifier la pertinence de référer l’enfant à un professionnel pour que ce dernier détermine la nature des difficultés présentées par l’enfant. La finalité de cette évaluation est donc de vérifier si l’enfant a besoin d’une évaluation plus spécifique (Meisels, 1994). Le dépistage est la première étape pour identifier les enfants à risque (Center for Early Education and Development; CEED, 1989). Cette évaluation doit être utilisée lorsque la difficulté n’est pas encore documentée (Glascoe et Shapiro, 1999). Il est important de mentionner que les outils de dépistage ont un pouvoir de prédiction pauvre relativement à l’identification de la problématique spécifique de l’enfant. De plus, les résultats à un instrument de dépistage ne constituent pas des informations suffisantes pour déterminer le programme d’intervention pour un enfant. Il s’agit donc d’évaluations plus générales et moins détaillées.

Concernant la conception de ces outils, certains auteurs, notamment Bagnato, Neisworth et Munson, (1993), soulignent l’importance que ces instruments soient standardisés. Trop souvent, des intervenants utilisent des outils tels que des grilles-maisons qui contiennent des items trop généraux et qui ont un pauvre pouvoir de détection. Ils se basent ainsi sur des critères non valides et leur fiabilité est non connue. Le choix des items que l’on retrouve dans ce type d’instrument s’effectue en fonction des performances typiques d’enfants du même âge (Bagnato et al., 1993). Les items sont choisis en fonction de repères de développement et donc permettent de vérifier si l’enfant présente un développement typique ou non. En ce qui concerne les utilisateurs potentiels, Long (1996) met en évidence qu’il est souhaitable que ces outils ne demandent pas de formation spécifique. Il est intéressant que des intervenants non spécialisés ou les parents puissent remplir des questionnaires de dépistage. Au niveau de l’utilisation de ce type d’évaluation, il importe que les outils de dépistage soient à la fois rapides, peu coûteux, simples à administrer, mais également précis, le dépistage étant la première étape dans l’identification de la problématique de l’enfant.

Évaluer pour diagnostiquer

La finalité des évaluations diagnostiques est de documenter la problématique de l’enfant. Cette évaluation fournit de l’information concernant les forces et les faiblesses de l’enfant, le tout basé sur sa performance lors du test (Nehring, Nehring, Bruni et Randolph, 1992; Radichel, 2002). Ce type d’évaluation permet de classer les enfants en les comparant selon un ensemble de standards externes (normes). Ces normes permettent de comparer l’enfant à un groupe d’enfants du même âge (McCune, Kalmanson, Fleck, Glazewski et Sillari, 1990). L’utilisation des mesures standardisées de ces évaluations fait en sorte que l’enfant peut être comparé à un groupe référent (Nehring et al., 1992).

En ce qui concerne les évaluations diagnostiques, le choix des items est fait en fonction de la population en général. Les items choisis ne sont pas né-cessairement des habiletés fonctionnelles, c’est-à-dire que les comportements sélectionnés ne sont pas nécessairement des comportements utilisés dans la vie quotidienne. Ils sont choisis de façon statistique. Les mêmes items sont utilisés pour tous les enfants, indépendamment de leurs caractéristiques indi-viduelles. Le même matériel et les mêmes procédures d’administration doivent être utilisés pour l’ensemble des enfants. Long (1996) souligne que la plupart du temps, l’évaluation diagnostique est réalisée par une équipe multidisciplinaire. Il suggère que cette équipe comprenne au moins deux catégories de professionnels (psychologue, ergothérapeute, pédopsychiatre, orthophoniste, etc.). Après avoir réalisé leurs évaluations dans leurs champs respectifs, il est souhaitable que les professionnels se rencontrent pour établir le diagnostic ainsi que les recommandations. De plus, l’établissement d’un diagnostic doit être fait par des professionnels reconnus. Radichel (2002) mentionne que ces derniers devraient se baser sur plusieurs évaluations. Les résultats aux instruments d’évaluation ne sont d’ailleurs pas les seuls aspects dont on doit tenir compte. En effet, l’histoire médicale, les rencontres avec l’enfant et les parents ainsi que les observations complètent le processus diagnostique. Lorsque l’évaluation diagnostique est utilisée, il n’est pas permis d’utiliser l’enseignement en cours de passation. Il n’est pas possible de déroger du protocole. L’évaluateur doit respecter une façon de faire bien définie. Cette évaluation est faite selon des critères d’administration clairs et précis (Nehring et al., 1992).

Évaluer pour intervenir

L’évaluation utile à des fins d’intervention est utilisée pour connaître les besoins et les carac-téristiques personnelles de l’enfant (Nehring et al., 1992). Ce type d’évaluation est en lien direct avec les buts de l’intervention ou les résultats attendus (Bagnato et al., 1993). Les outils d’évaluation utilisés pour la programmation ou l’intervention permettent d’identifier les besoins relatifs au développement de l’enfant, c’est-à-dire les forces et les difficultés dans l’ensemble des sphères (e.g. la motricité, le langage, la communication) (Gould et al., 2011). Meisel (1994) souligne de plus que les évaluations doivent inclure les préoccupations de la famille. Ce type d’évaluation met l’accent sur les objectifs spécifiques qui doivent être atteints par l’enfant. Il exige une observation continue de la performance des enfants, dans les différentes sphères de son développement (Barnett, Macmann et Carey, 1992). Les items sélectionnés dans les évaluations utiles pour l’intervention se basent sur des curriculums. Ces curriculums regroupent un ensemble de comportements ou d’habiletés jugé essentiel pour le fonctionnement optimal de l’enfant dans ses milieux de vie. Les intervenants sélectionnent les habiletés jugées incontournables dans le développement de l’enfant (Bagnato et al., 1993). Cette évaluation n’est pas d’usage exclusif quoiqu’elle demande une bonne connaissance du développement de l’enfant. Les différents intervenants, éducateurs, psychoéducateurs, orthophonistes et autres personnes impliquées auprès de ce dernier peuvent donc l’utiliser. En ce qui concerne le contexte d’utilisation de ces instruments, contrairement aux outils diagnostiques, l’enseignement est permis pendant l’évaluation, voire favorisé. Les critères d’administration sont souples. Ceci permet d’avoir plus d’informations sur le fonctionnement de l’enfant afin de pouvoir en tirer profit pour planifier l’intervention (James, 1993; Miller, 1981; Olswang et Bain, 1996; Paul, 1995). Selon Gould et al., l’évaluation en contexte d’intervention précoce auprès des jeunes enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme devrait permettre des liens directs entre les items évalués et les objectifs spécifiques du curriculum d’appren-tissage de l’enfant. L’évaluation peut être adaptée à l’enfant. Ceci est donc facilitant pour ceux qui présentent des incapacités (James, 1993). De plus, elle devrait permettre un suivi des progrès de l’enfant dans le temps (Gould et al.).

Outils d’évaluation pour les jeunes enfants autistes ou présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA)

Des exemples des principales évaluations seront présentés pour chacun des types d’évaluation traités précédemment. Ces instruments sont également décrits en fonction de la finalité qu’ils poursuivent, du choix des items les composant, de leurs utilisateurs potentiels ainsi que des contextes d’utilisation.

Exemples d’évaluation pour dépister

Le CHecklist for Autism in Toddlers (CHAT) (Baron-Cohen et Gillberg, 1992) illustre clairement les particularités d’une évaluation utile à des fins de dépistage. La finalité de l’utilisation du CHAT est d’identifier des enfants âgés de 18 à 36 mois et soupçonnés de présenter des signes précoces d’autisme. Les items du CHAT ont été choisis à partir de l’analyse des déficits caractéristiques des personnes présentant un trouble du spectre autistique. L’évaluation porte donc sur la performance ou les réalisations de l’enfant par rapport à certains aspects cruciaux du déve-loppement, particulièrement aux plans social et de la communication. Durant la passation du CHAT, trois aspects déterminants sont évalués : le pointage déclaratif, l’attention visuelle partagée et le jeu de faire semblant. Ces trois aspects détermineront la possibilité pour l’enfant de présenter de l’autisme (Baron-Cohen et al., 1996). Lors de l’élaboration du CHAT, il est prévu qu’il soit utilisé par les intervenants des services de santé ou des services en enfance lors du suivi habituel à 18 mois. Il se complète à partir d’une courte entrevue avec les parents (neuf questions de type oui ou non) ainsi que des observations (cinq items de type oui ou non) (Baron-Cohen et al., 2000). Aucune formation spécifique n’est nécessaire pour administrer l’outil. Il s’agit donc d’un instrument nécessitant très peu de temps de passation (5-10 minutes) (Baron-Cohen et al., 2000). Il est important de mentionner que le CHAT est un des seuls outils de dépistage dont la validité est documentée par des études et qui satisfait des critères d’efficacité. Le CHAT possède donc une excellente spécificité pour l’autisme et les troubles du spectre autistique, alors que la sensibilité est moins grande (Baron-Cohen et al., 2000). Il est important de préciser qu’il est disponible en français.

Une version modifiée du CHAT, le M-CHAT, a été développée en incluant tous les items clés du CHAT original et en ajoutant quelques items relatifs aux anomalies sensorielles et aux comportements répétitifs de l’enfant (Robins et al., 2001). Cette version du CHAT a été expérimentée auprès de 1122 enfants âgés entre 18 et 24 mois fréquentant une clinique pédiatrique et 171 enfants recevant de l’intervention précoce (Robins et al.). Les premières analyses démontrent que ce dernier a une sensibilité et une spécificité élevées. Par contre, comme l’échantillonnage provient d’une population ciblée, la sensibilité du M-CHAT dans la population générale, reste à démontrer.

Par ailleurs, le CHAT est présentement en révision. Allison et al. (2008) désirent développer un outil de dépistage qui permettrait d’identifier les jeunes enfants à risque de développer de l’autisme dans la population en générale, à partir d’un questionnaire destiné aux parents. Le Quantative CHecklist for Autism in Toddlers (Q-CHAT) est présenté sous la forme d’une échelle de type Likert, méthode qui a fait ses preuves dans le développement d’outils de dépistage chez la population ayant un TSA (Wheelwright et al., 2006). En plus des trois items clés du CHAT, le Q-CHAT inclut d’autres items qui touchent des domaines importants du développement (langage, comportements répétitifs et communi-cation sociale). La nouvelle version du CHAT demeure rapide à administrer, simple et peu coûteuse. Afin de déterminer les propriétés psychométriques (sensibilité, spécificité et valeur prédictive) de cet outil, des études devront être menées auprès d’un échantillonnage non sélectionné. Pour l’instant, il n’est pas recommandé d’utiliser le Q-CHAT comme instrument de dépistage (Allison et al.).

D’autres outils de dépistage de l’autisme chez le jeune enfant ont été développés. The Social Communication Questionnaire (SCQ ; Rutter, Bailey et Lord, 2003) est l’un de ces outils. Le SCQ est un questionnaire de dépistage qui s’adresse aux parents. Il comprend 40 items représentant des com-portements observables dans les domaines de la communication, des interactions sociales réciproques, ainsi que des intérêts et comportements restreints et répétitifs. Eaves, Wingert, Ho et Mickelson (2006) constatent que le SCQ est raisonnablement efficace pour dépister les enfants ayant un trouble autistique parmi les enfants souffrant d’autres retards de développement (sensibilité 0,79 ; spécificité 0,71). Corsello et al. (2007), quant à eux, constatent que le SCQ identifie moins d’enfants que l’Autism diagnostic interview (ADI-R) ce qui est un problème puisque les outils de dépistage devraient être plus inclusifs que les outils de diagnostic. Wiggins, Bakeman, Adamson et Robins (2007) mentionnent que le SCQ, pour un échantillon d’enfants référés, présente un niveau de sensibilité de 0,89 et un niveau de spécificité de 0,89. Cet outil doit faire l’objet de plus amples recherches avant de conclure sur son efficacité pour le dépistage.

Le Gilliam Autism Rating Scale-Second Edition (GARS 2 ; Gilliam, 2006) est un dernier exemple d’outil utilisé pour le dépistage du jeune enfant autiste. Cet outil est un questionnaire comportant 42 items destinés à recueillir les observations des parents et des enseignants sur les enfants, adolescents et jeunes adultes âgés de 3 à 22 ans. Il propose une mesure normative composée de trois sous-échelles élaborées à partir des catégories des symptômes du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition (DSM-IV) de l’American psychiatric association. Il s’agit des comportements stéréotypés, de la communication et des interactions sociales. Jusqu’à présent, le manuel du GARS 2 ne fait pas état d’études psycho-métriques démontrant la validité de l’instrument ainsi que de la cohérence interne des sous-échelles (Sijtmas, 2009). Par ailleurs, Pandolfi, Magyar et Dill (2010), suite à leur étude, mettent en garde les praticiens dans l’utilisation de cet outil à des fins de dépistage étant donné la faiblesse des données psychométriques. Norris et Lecavalier (2010) soulignent d’ailleurs la faible sensibilité de cet instrument.

Exemples d’évaluation pour établir un diagnostic

L’Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS) (DiLavore, Lord et Rutter, 1998; Lord, Rutter, DiLavore et Risi, 1999; Lord et al., 2000) illustre les différentes caractéristiques d’une évaluation diagnostique. L’ADOS a été conçu pour observer le comportement social et la communication des enfants à risque de présenter un TSA. Il permet d’évaluer la qualité du comportement social et non seulement son absence ou sa manifestation inconstante. Il permet de recueillir de l’information concernant les forces et les besoins de l’enfant, clarifiant ainsi sa problématique. L’ADOS a été conçu dans le but de fournir une série standard d’évènements, d’observations et de codes de comportements qui permettent d’établir un diagnostic de TSA en fonction des critères du DSM-IV. Le premier ADOS a été développé pour les enfants ayant un certain niveau de langage, puis le Pre-Linguistic Autism Diagnostic Observation Schelule (PL-ADOS ; DiLavore, Lord et Rutter, 1998) a permis d’évaluer les enfants plus jeunes et ayant peu, voire pas, de langage expressif. Les auteurs ont par la suite combiné et adapté les deux instruments pour en faire un seul, l’ADOS-G (Lord, Rutter, DiLavore et Risi, 1999).

L’ADOS-G est divisé en quatre modules qui sont fonction du niveau de langage expressif, ainsi que de l’adéquation du type de tâches ou de questions relatives à sa situation sur le plan scolaire ou ses conditions de vie (Rogé, Fombonne, Fremolle-Kruck et Arti, 2008). Le module 1 est utilisé auprès d’enfants possédant peu ou pas de langage expressif. Le module 2 est destiné aux enfants utilisant des phrases flexibles de trois mots jusqu’à un langage fluide. Le module 3 s’adresse aux enfants et aux jeunes adolescents utilisant un langage fluide. Le module 4, quant à lui, est conçu pour les adolescents et les adultes utilisant un langage fluide. Les utilisateurs de l’ADOS-G doivent posséder une bonne expérience auprès des personnes ayant un TSA, faire preuve d’un bon esprit d’observation et être familiers avec les activités et le système de cotation de l’instrument. De plus, même chez les évaluateurs possédant une bonne expérience d’administration de l’instrument, il est nécessaire d’administrer l’échelle avec d’autres évaluateurs plusieurs fois par an ou de confronter les cotations à partir d’enregistrements vidéo afin d’éviter les dérives dans les cotations (Rogé et al., 2008). Lors de l’utilisation de cet instrument, l’examinateur joue un rôle d’observateur/participant, c’est-à-dire qu’il incite une interaction quasi naturelle, durant laquelle des comportements pré-planifiés sont susceptibles de se produire, tout en s’assurant que la structure imposée soit la moins visible possible. L’ensei-gnement n’est pas possible lors de l’évaluation.

Lord et al. (2000) ont publié une étude de validation de l’ADOS-G. Ils y rapportent les propriétés psychométriques de l’instrument. La fidélité interjuge, la fidélité test-retest et la consistance interne sont qualifiées d’excellentes. La validité diagnostique est également excellente. Il est intéressant de noter qu’une adaptation française validée de cet instrument est disponible (voir Rogé et al., 2008).

D’autres outils peuvent être utilisés en contexte d’évaluation diagnostique. Notamment l’Autism Diagnostic Interview (ADI-R) qui permet d’obtenir de l’information concernant les observations des parents au regard du développement de leur enfant à partir d’une entrevue semi-structurée (voir entre autres Lecavalier et al., 2006). Le Childhood Autism Rating Scale (CARS ; Schopler, Reichler, Rochen Renner, 1988) est également un outil d’évaluation diagnostique basé sur l’observation de l’enfant.

Exemples d’évaluation pour des fins d’intervention

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un réel outil d’évaluation à des fins d’intervention, les motifs justifiant ceci étant présentés un peu plus loin, le Profil psychoéducatif-3 (PEP-3 ; Schopler, Lansing, Reichler et Marcus, 2005) est l’un des instruments utilisés au sein des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED) (voir le guide de pratiques de la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement ou FQCRDITED, 2010). Il s’agit d’un instrument qui a pour objectif d’évaluer le développement moteur (motricité fine, motricité globale, habiletés visuomotrices) et la communication (verbale, non verbale, réceptive) des enfants ayant un TSA âgés de 6 mois à 7 ans. Il comprend aussi des items portant sur les difficultés d’adaptation. Il permet l’identification des forces et des faiblesses de l’enfant à partir d’un protocole adapté aux caractéristiques autistiques. Les résultats aux items sont cotés selon leur niveau de réussite (réussi, en émergence ou échec). L'analyse des résultats de l'évaluation permet de développer des objectifs éducatifs prioritaires du programme individualisé élaboré pour l'enfant et ceci, en se basant sur les items dont la cote indique un comportement en émergence. Le PEP-3 peut être administré, coté et interprété par toute personne qui maîtrise le manuel et a l’habitude d’évaluer de jeunes enfants. Cependant, avant d’administrer le PEP-3, l’examinateur doit se familiariser avec le matériel, les consignes, les critères de cotation et les procédures. Il comporte plusieurs avantages, notamment celui d’utiliser du matériel concret et intéressant, de limiter les demandes verbales et de pouvoir servir à établir un niveau de développement, de permettre de faire le suivi des effets de l’intervention ainsi que l’identification d’objectifs d’intervention (Schopler et al., 2005). Par contre, contrairement à d’autres outils d’évaluation utiles à des fins d’intervention, il n’existe pas de correspondance directe entre l’évaluation et un curriculum. Bien que les activités proposées dans le cadre du PEP-3 soient adaptées aux caractéristiques des enfants ayant un TSA, qu’il permette d’identifier des forces et des faiblesses dans plusieurs sphères du développement et qu’il facilite l’identification d’objectifs, il ne vise pas à permettre l’identification d’objectifs spécifiques pour l’intervention précoce auprès du jeune enfant ayant un TED.

Par ailleurs, un autre programme, à savoir le STAR Program (Arick, Loos, Falco et Krug, 2004), qui s’adresse aux jeunes enfants ayant un TSA illustre bien les principes de l’évaluation à des fins d’intervention. Ce programme propose un curriculum touchant à six domaines : le langage réceptif, le langage expressif, le langage spontané, les routines fonctionnelles, les concepts préscolaires ainsi que le jeu et les habiletés sociales. Un outil d’évaluation, le Student Learning Profile (SLP), fait partie intégrante du programme. La finalité de cette évaluation est de fournir des informations afin de mettre au point des programmes éducatifs individualisés à l’enfant. Pour ce faire, l’outil propose une évaluation des habiletés de l’enfant en ce qui a trait au langage expressif, au langage réceptif, au langage spontané, aux routines fonctionnelles, aux concepts préscolaires, au jeu et aux habiletés d’interaction sociale. Les capacités dans ces domaines sont évaluées par 131 items. La répartition des items se fait de la façon suivante : 16 items pour l’imitation, 13 items pour la perception, 18 items pour la motricité fine, 18 items pour la motricité globale, 15 items pour la coordination oculo-manuelle, 26 items pour la performance cognitive et 27 items pour la cognition verbale. Chacun de ces items renvoie à un objectif spécifique et permet une évaluation du niveau de performance de l’enfant. De plus, cela permet d’identifier la leçon correspondante. Le programme, dans son ensemble, a fait l’objet d’une étude portant sur ses effets, qui sont prometteurs (Arick et al., 2003; voir aussi Odom, Boyd, Hall et Hume, 2010 pour une discussion de la qualité des dimensions des programmes offerts aux enfants ayant un TSA). Cependant, à notre connaissance, il n’existe pas d’études portant spécifiquement sur le SLP.

Aussi, bien qu’il n'ait pas été conçu spécifiquement pour les enfants ayant un TSA, l'EIS (Bricker, 2006a, 2006b, 2008) est un excellent exemple d'outil d'évaluation pour des fins d'intervention. Il d'ailleurs été utilisé dans le cadre d'un programme Project Data afin d’identifier les cibles d’intervention (voir Schwartz, Boulware, McBride et Sandall, 2001)

Conclusion

Pour un intervenant, le choix de l’instrument d’évaluation de l’enfant doit dépendre du but visé. L’évaluation pour dépister a pour fonction d’identifier les enfants ayant besoin d’évaluations plus approfondies. Il faut donc être prudent dans l’utilisation d’instruments très détaillés et requérant un investissement important en temps requis pour la passation. Le danger d’une telle pratique ne réside pas tant au niveau de l’enfant pour lequel une connaissance approfondie a été obtenue, mais bien auprès des autres enfants non dépistés, par manque de temps des professionnels. L’évaluation diagnostique, pour sa part, a pour fonction première d’identifier la nature des problématiques de l’enfant. L’utilisation d’instruments dont les propriétés psychométriques sont incertaines pourrait contribuer à une mauvaise orientation de l’enfant vers des services spécialisés. De plus, bien que pouvant contenir des informations précieuses pour l’intervention, il ne faut pas tomber dans le piège d’utiliser ces évaluations pour l’élaboration de plans d’intervention individualisés. En effet, les habiletés dont il est question dans ce type d’évaluation ne sont pas nécessairement des habiletés fonctionnelles.

L’évaluation pour l’intervention, quant à elle, a pour fonction de témoigner des habiletés de l’enfant et d’orienter et de soutenir l’intervention. Dans ce type d’évaluation, il importe de décrire ce que l’enfant fait et non pas sa problématique, de recenser des données longitudinales et non pas seulement un échantillon de comportements à un moment donné de même que de considérer les différents milieux de vie de l’enfant. Ce type d’évaluation permet de mesurer le progrès de l’enfant à travers le temps, de réviser les stratégies d’intervention et de mesurer l’efficacité de celles-ci. Par ailleurs, certaines caractéristiques font en sorte qu’une évaluation de ce type témoigne d’un lien plus ou moins étroit avec l’intervention. Bagnato et al. (1997) ont déterminé six critères permettant de juger de la qualité d’une évaluation pour soutenir l’intervention. Ces caractéristiques sont : l’authenticité, la convergence, la collaboration, le caractère équitable, la sensibilité et la cohérence. L’authenticité d’une évaluation se révèle par le choix de compétences naturelles et fonctionnelles, par l’utilisation du matériel et des situations de la vie quotidienne. La convergence peut, pour sa part, être évaluée si l’instrument utilise des sources variées d’information, fait la promotion du travail en équipe et de la transdisciplinarité et considère la famille. La caractéristique collaboration fait référence à la promotion de prises de décisions basées sur le consensus entre professionnels et parents (besoins de l’enfant, forces de l’enfant et priorités familiales). Le caractère équitable, quant à lui, s’évalue par la possibilité qu’offre l’instrument d’adapter les épreuves en fonction des incapacités des enfants. La sensibilité de l’instrument est la caractéristique qui permet de témoigner des petits progrès de l’enfant dans son développement et son fonctionnement. Finalement, la cohérence peut être observée si l’instrument permet l’atteinte des objectifs des programmes et services d’intervention précoce. Une étude approfondie des instruments utilisés en intervention auprès des enfants présentant un retard global de développement, une déficience intellectuelle ou un TSA en fonction de ces six caractéristiques pourrait orienter et soutenir le choix d’instruments d’évaluation les plus appropriés aux objectifs poursuivis par les milieux de réadaptation.