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Contrairement au succès rencontré par le cybergouvernement dans les pays industrialisés, la majorité des initiatives relatives à la gouvernance électronique n’a pas réussi à mobiliser les citoyens des pays en développement. Les recherches de Dalziel (2004) portant sur 31 pays montrent d’ailleurs que le taux d’utilisation de l’administration électronique n’est que de 14 % dans les pays en développement alors qu’il oscille autour de 40 % dans les pays développés. Une étude similaire d’Accenture (2005) révèle que l’utilisation du gouvernement électronique dans les pays en développement se situe autour de 11 % comparativement à une utilisation de 70 % à 90 % du cybergouvernement dans les pays développés tels que les États membres de l’Union européenne, l’Australie et les États-Unis.

Étant donné que le principal objectif du gouvernement électronique réside dans l’amélioration de l’accès aux renseignements et aux services gouvernementaux tout en s’assurant de la participation et de la satisfaction des citoyens dans le processus gouvernemental, le faible taux d’adoption du cybergouvernement constitue un problème important, car une administration électronique n’est utile qu’à la hauteur de l’utilisation de ses services par les citoyens (Accenture, 2003). « Until the gap between what is offered and what is used can be bridged, e-government is far from reaching its maximum potential and government cannot justify large investments in e-government and get all of the value possible out of these investments » (Al-Adawi, Yousafzai et Pallister, 2005).

L’un des principaux facteurs d’échec des projets de cybergouvernement se trouve dans leurs structures irréalistes par rapport à l’environnement local (Heeks, 2003, cité dans Ndou, 2004). La majorité des initiatives d’administration électronique recommande aux autorités de construire une infrastructure Internet et incite la population à utiliser Internet comme moyen d’accès au système. Or, les pays en développement affichent toujours un faible taux de pénétration d’Internet, un coût élevé lié à Internet, un haut taux d’analphabétisme, trop peu d’infrastructures pour Internet ainsi qu’un approvisionnement en énergie déficient (Group of Fifteen, 2008 ; Pedrelli, 2001). Certains gouvernements tentent de pallier ce problème en offrant des programmes de formation sur Internet, en construisant des kiosques Internet et en développant des infrastructures électriques et Internet sur leur territoire. Ces programmes requièrent néanmoins un soutien financier important de même qu’un engagement à long terme, ce qui explique également pourquoi ils sont si difficiles à mettre en place dans les pays pauvres et les archipels. L’écart entre ce qu’exige Internet – en tant que principale voie du cybergouvernement – et la réalité des technologies de l’information et de la communication dans les pays en développement engendre un faible taux d’adoption des services publics par Internet.

Notre article présente des possibilités et des recommandations pour la mise en oeuvre d’un cybergouvernement par SMS (message texte ou texto) pour la prestation des services publics, et ce, plus particulièrement dans les pays en développement dans le but d’augmenter le nombre de citoyens utilisant ces services. En outre, nous décrivons un modèle de classification des services cybergouvernementaux par SMS avec le modèle à six niveaux (six-level model) et les services les plus populaires, et nous identifions les adeptes des services cybergouvernementaux par SMS. Enfin, nous proposons un modèle d’adoption des services cybergouvernementaux par message texte intitulé SMS-based E-Government Acceptance Model (SEGAM). Les recommandations, le modèle de classification et le modèle d’utilisation des services cybergouvernementaux par SMS peuvent être utiles aux gouvernements des pays en développement qui ont toujours du mal à convaincre la population d’utiliser les services électroniques et aux gouvernements des pays industrialisés et des pays en développement qui souhaitent initier un nouveau service cybergouvernemental par message texte ou évaluer leurs services et, enfin, aux concepteurs de tels services.

Les possibilités des services gouvernementaux offerts par message texte

Afin de réduire l’écart entre ce qu’exige Internet et la situation actuelle des technologies de l’information et de la communication dans les pays en développement, de joindre et de mobiliser un plus grand nombre de citoyens, il est recommandé aux autorités d’adopter une approche de développement du bas vers le haut (bottom-up) en utilisant des technologies de communications populaires dans les pays en développement : les téléphones mobiles et les applications SMS (Susanto et Goodwin, 2006). Au lieu de se concentrer sur un environnement Internet et PC pour la prestation des services cybergouvernementaux, les autorités devraient plutôt fournir un canal SMS comme point de départ. Comparativement à Internet, le message texte a en effet été accepté et est utilisé par bon nombre de personnes dans les pays en développement. Il est facile de lire, d’écrire et d’envoyer des textos, et ce, même pour les gens moins instruits. Le coût du texto demeure moins élevé qu’Internet et son infrastructure plus étendue permet une utilisation plus généralisée (Susanto et Goodwin, 2006). Avec ses infrastructures déjà en place et une population qui maîtrise les compétences nécessaires à son utilisation, le message texte peut être considéré comme le moyen le plus approprié pour la prestation des services gouvernementaux électroniques dans les pays en développement. Par ailleurs, avec l’avancement de l’implantation des infrastructures Internet et l’augmentation de l’alphabétisation de la population, les services cybergouvernementaux par SMS représenteraient un canal complémentaire à Internet.

Les services gouvernementaux offerts par message texte gagnent en popularité non seulement dans les pays en développement, mais également dans les pays industrialisés. Par exemple, depuis 2010 le gouvernement australien envoie des rappels aux citoyens via le SMS à propos des remboursements d’impôts, il publie des alertes sur des situations d’urgence et il communique tout changement à l’horaire du réseau de transport public par message texte. La population de Singapour a pour sa part accès à 150 services publics à l’aide d’un seul numéro SMS depuis 2006. Aux Philippines, 54 agences gouvernementales nationales prévoyaient fournir des services par texto avant décembre 2008 pour ainsi augmenter la prestation des services publics traditionnels. À Oman, un citoyen peut postuler pour un emploi via SMS, alors que la majorité des autorités au Ghana, aux Philippines et en Indonésie fournissent des canaux SMS pour obtenir les rétroactions de la population (News.smsegov.info, 2011). En juillet 2010, les centres de ressources du cybergouvernement tels que le Victorian e-Government Center (Australie) ont recueilli 95 rapports sur l’utilisation des messages textes pour la prestation de services publics dans le monde alors que le portail ePractice.eu a recensé 19 rapports sur la prestation de services cybergouvernementaux par SMS en Europe.

La prestation de services cybergouvernementaux par message texte s’avère pertinente et appropriée autant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés grâce à la grande pénétration des messages textes et aux caractéristiques mêmes de cette technologie. Jusqu’en avril 2010, le SMS était considéré comme le roi incontesté de la transmission de données dépassant Internet mobile (Marlatt, 2010). Le nombre d’utilisateurs de message texte s’élevant à 3,6 milliards en 2009 [1] est nettement supérieur au nombre d’utilisateurs d’Internet qui se situait à 1,9 milliard (y compris les personnes ayant accès à Internet dans les cafés et sur leur téléphone mobile) (Marlatt, 2010 ; Internet World Stats, 2010). De plus, les messages textes sont faciles à lire, à écrire et à envoyer pour la majorité des gens, dont les personnes moins instruites. Étant l’une des fonctions de base d’un appareil mobile, il est plus facilement accessible qu’Internet sans fil. Étant toujours à la portée de la main 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 dans plus de 60 pays présentant un taux de pénétration du téléphone mobile de 100 %, la prestation de services cybergouvernementaux par SMS permettrait aux autorités de communiquer n’importe où et à n’importe quel moment avec les citoyens y compris en cas d’urgence (Marlatt, 2010). Les destinataires ont pour leur part la flexibilité de lire et de répondre aux messages quand bon leur semble. Un message texte peut être envoyé de façon individuelle ou communiqué à tous les utilisateurs de téléphone mobile dans une région donnée. Qui plus est, la livraison de ce type de message est assurée puisqu’il est entreposé dans le réseau jusqu’à ce que le cellulaire de destination deviennent disponible permettant à un utilisateur de recevoir ou de transmettre un message texte en tout temps, et ce, même lorsqu’il fait un appel vocal avec son cellulaire. Certains ont également relevé que l’utilisation de SMS permet de surmonter leur timidité, notamment en évitant de parler ou de rencontrer en personne l’interlocuteur et en adoptant un comportement social approprié tout en transmettant dans un message concis de l’information importante (Barkhuus, 2005).

Plusieurs autres avantages de la prestation de services cybergouvernementaux par SMS s’ajoutent à ces derniers. Par exemple, elle réduit considérablement le temps et les coûts de la prestation des services, elle fournit des canaux d’information plus rapides, plus faciles d’utilisation et plus économiques, elle améliore la transparence, la responsabilité, la communication et la relation entre les autorités et les citoyens, elle rend les services et les procédures plus faciles à utiliser, elle améliore l’image politique de l’administration, elle augmente la participation citoyenne et, enfin, elle fait la promotion de la cyberdémocratie (Bremer et Prado, 2006 ; Lallana, 2004 ; Rannu et Semevsky, 2005).

Sur la base de ces arguments, les gouvernements gagneraient à utiliser les messages textes comme point de départ pour le déploiement des services cybergouvernementaux dans les pays en développement. Ce canal électronique d’information leur serait très utile pour communiquer de l’information et joindre les citoyens peu importe le pays, et plus particulièrement ceux qui vivent dans des régions rurales où il n’y pas d’accès à Internet mais où les réseaux sans fil de cellulaire sont disponibles, les citoyens démunis, ceux non instruits et ceux qui ne savent pas comment utiliser Internet.

Les types de cybergouvernement par message texte

Pour aider les autorités à cibler les services cybergouvernementaux pouvant être fournis à la population par message texte, nous présentons un modèle de classification de ces services. Cette classification permet aux gouvernements d’utiliser des stratégies propres à chacun de ces services (Zinkhan et Wallendorf, 1985). Comprendre la diversité des services cybergouvernementaux actuellement disponibles par SMS permet d’expliquer l’adoption de services cybergouvernementaux, parce que différents types de services sous-tendent différents facteurs d’adoption.

Une méthode commune de classification des systèmes cybergouvernementaux s’appuie sur l’offre des services. Cette offre réfère à l’ampleur des relations entre les acteurs impliqués dans le service cybergouvernemental pour atteindre les objectifs du service et réaliser sa valeur proposée (Lee et Hong, 2002). De façon générale, le système cybergouvernemental est classifié à l’aide de modèles de stade de développement qui catégorisent les services au sein d’échelons : l’échelon « présence/catalogue » (communication unilatérale), l’échelon « interactif » (communication bilatérale), l’échelon « transactionnel » et l’échelon « intégration/transformation » (tel qu’il est cité dans Coursey et Norris, 2008). Ces modèles illustrent les systèmes cybergouvernementaux selon leur stade de développement et prédisent un développement linéaire du gouvernement électronique du stade le moins avancé vers le stade le plus avancé (chaque stade étant meilleur que le précédent) de façon progressive et par étape (un gouvernement doit impérativement passer par toutes les étapes de façon successive).

De même, plusieurs cybergouvernements par SMS déjà disponibles s’insèrent dans une classification basée sur l’offre de services, la complexité du système et les avantages offerts par celui-ci. Susanto, Goodwin et Calder (2008) proposent le modèle à six niveaux (six-level model), un modèle classifiant les services publics électroniques livrés par message texte dans six niveaux : écoute, notification, extraction d’information, communication, transaction et intégration (voir figure 1). Ce modèle, préférant le terme « niveau » à ceux de « stade » ou d’« étape », n’est pas un modèle de développement par stade : les séquences des niveaux ne sous-tendent pas la direction de l’évolution du système. Chaque niveau représente un degré de complexité du système et différents avantages pour les utilisateurs. Plus le niveau est élevé, plus complexe est le système et plus grands sont les bénéfices pour les citoyens utilisateurs. Chaque niveau est indépendant des autres et peut être complémentaire à un autre niveau (un ou plusieurs niveaux peuvent s’ajouter à un autre niveau). De plus, pour chaque niveau, le flux opérationnel du service entre les acteurs engagés dans les services diffère. Le modèle proposé est illustré par la figure 1 et élaboré par la suite.

Figure 1

Le modèle à six niveaux des services publics électroniques livrés par message texte

Le modèle à six niveaux des services publics électroniques livrés par message texte

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L’écoute

Le premier niveau du modèle regroupe les applications SMS qui visent à recueillir les opinions, les rapports et les plaintes des citoyens. La majorité de ces systèmes relevés dans la littérature permet aux citoyens d’envoyer directement des messages aux maires, aux conseillers, aux autorités locales ou aux décideurs du gouvernement. Or, les systèmes de ce niveau ne sont pas conçus pour répondre aux messages ou pour informer l’expéditeur de la marche à suivre pour la suite du dossier. Ce mode de communication unilatérale du citoyen au gouvernement s’inscrit dans la catégorie « écoute ».

Parmi les applications concrètes de services gouvernementaux par SMS de cette catégorie, nous relevons TXTGMA et Text 117 aux Philippines, le canal 9949 en Indonésie et le DMH ESCUCHA dans la ville de Mexico. Le TXTGMA et le canal 9949 sont des canaux de message texte qui permettent de communiquer avec le président, alors que le DMH ESCUCHA permet aux citoyens de joindre le maire de Mexico. Ainsi, la population peut transmettre directement au président ou au maire par l’envoi de messages leurs plaintes sur les services publics, les projets ou les fonctionnaires ; leur opinion sur une nouvelle politique ; leurs demandes de renseignements sur les nouveaux programmes. Elle peut même signaler la corruption. Tous les messages entrants sont classés et transmis au département ou au fonctionnaire concerné. La plupart des systèmes ne transmettent pas d’accusé de réception et n’informent pas les expéditeurs des mesures subséquentes.

La notification

Alors que la catégorie « écoute » qualifie les applications SMS d’interaction unilatérale allant du citoyen vers les autorités, le deuxième niveau (la « notification ») regroupe les applications SMS d’interaction unilatérale émanant du gouvernement vers la population. Il inclut toutes les applications qui permettent au gouvernement d’aviser les citoyens de changement à leur dossier personnel ou de transmettre une information officielle au public. Par exemple, le service de météorologie peut envoyer un bulletin météorologique ou des alertes aux catastrophes, le ministère des Transports peut transmettre aux travailleurs les retards à l’horaire des trains ou des avis de fermeture de certaines routes et les autorités peuvent même communiquer des avis de publication sur les politiques gouvernementales.

Les services présentement offerts à ce niveau sont des mécanismes de technologie du pousser (push-based mechanism) où le serveur transmet automatiquement (sans la demande de l’utilisateur) les messages aux citoyens ayant préalablement activé le service. Les services peuvent être des notifications sur des événements (push-event SMS), des messages avec remise différée (push-scheduled SMS), des avis liés au profil personnel de l’utilisateur (push-personal profile SMS), à la localisation (push-location SMS) ou à la diffusion générale de textos (SMS broadcasting).

Pour ce qui est des communications sur des événements, les messages sont transmis aux citoyens ayant activé le service de notification d’événements. Parmi les exemples concrets de cette application, nous trouvons le système eBroadcasting aux Philippines et le M-library à Tartu en Estonie. Relevant du Bureau of Internal Revenue, l’application eBroadcasting envoie des messages de confirmation aux contribuables, dont les montants et la date de réception du paiement (Lallana, 2004). Le M-library transmet pour sa part un message d’avis aux citoyens enregistrés dans le système lorsqu’un livre, un film ou une bande magnétique audio est disponible pour emprunt (Rannu et Semevsky, 2005).

Le système DMH CITA de Mexico est un bon exemple de transmission de message avec remise différée. Déclenché par la base de données des rendez-vous, il effectue un rappel ou une confirmation (demandé auprès d’un centre d’appels) 24 heures avant le rendez-vous. Les avis liés au profil personnel de l’utilisateur sont acheminés aux citoyens qui ont activé cette application en fonction de leur profil et de leurs préférences. Autre exemple, le système Job Hunt aux Philippines envoie un message avisant le chercheur d’emploi lorsqu’une offre d’emploi compatible avec son profil est disponible (Smith, 2005).

Le système de notification de localisation envoie un message lorsque l’utilisateur approche un endroit précis. Ainsi, un guide touristique par SMS peut transmettre un message à un touriste sis à un endroit précis. Le message peut l’informer sur ce qu’il y a à voir, sur un artiste en particulier ou sur l’histoire du site.

Finalement, le service de diffusion générale de textos permet la transmission de messages à tous les citoyens dans une zone spécifique (par l’utilisation du service Cell-Broadcast de diffusion par cellulaire) ou à certains usagés enregistrés dans la base de données (par l’utilisation de service SMS point à point). Le DMH PROTÉGÉ de Mexico diffuse des messages d’alerte aux citoyens sur les risques météorologiques et d’averses, sur les baisses de température et les désastres potentiels, sur les lieux d’urgence, de même que les numéros des personnes-ressources.

L’extraction d’information

Au troisième niveau, le modèle classifie les applications SMS pour les services publics qui permettent à un utilisateur de « tirer » ou d’« extraire » l’information en envoyant un message de demande de renseignement. Or les options d’information fournies par ces services sont limitées et le message de demande d’information doit être dans un format précis. Ces services de communication bilatérale s’inscrivent au niveau de l’« extraction d’information ».

Parmi ces types d’applications du gouvernement électronique, nous relevons le NHS Direct system au Royaume-Uni et le SMS-based vehicule detail system en Java oriental (Indonésie). Le NHS Direct system permet aux citoyens de retracer le point de service de santé à proximité grâce à l’envoi d’un message texte avec le nom du service demandé (comme un médecin ou une pharmacie) et leur code postal au numéro du NHS Direct system. L’expéditeur recevra une réponse immédiate spécifiant les détails du service demandé, dont l’adresse, le numéro de téléphone et la distance entre ce point de service et le code postal. Le SMS-based vehicle detail system permet pour sa part aux citoyens de recueillir de l’information sur un véhicule (taxe, modèle et propriétaire) en envoyant le numéro d’enregistrement du véhicule.

Un système d’extraction d’information peut être mis en place par l’utilisation d’un téléphone cellulaire ou d’un modem GSM branché à un ordinateur personnel avec un serveur SMS et une base de données. Le serveur SMS reçoit les messages entrants, analyse les mots, retire l’information de la base de données et envoie une réponse à l’expéditeur du message. Il est possible pour une organisation gouvernementale d’implanter et de fournir ce service par ses propres moyens ou en collaboration avec un fournisseur de services mobiles où le gouvernement fournit l’information (le contenu) alors que le fournisseur de services mobiles offre et gère les services.

La communication

Le niveau « communication » regroupe les applications SMS qui permettent à la population de se renseigner, de déposer une plainte ou de signaler toute information jugée pertinente à travers les canaux SMS sans se soucier du format du texte tout en recevant une réponse immédiate. Ces services sont analogues au service d’écoute avancé qui non seulement reçoit tous les formats de message, mais répond aussi à l’expéditeur en lui transmettant de l’information. Ces applications SMS assurent une communication bilatérale entre le gouvernement et les citoyens (avec des phrases et sans format de texte prédéfini).

Le système le plus simple de ce niveau réside dans une passerelle SMS opérée par une équipe formée pour répondre aux questions. Le TXTCSC de la Civil Service Commission of the Philippines permet aux Philippins de déposer une plaine, d’émettre des suggestions ou des commentaires, de rapporter des informations à propos des services publics, de la corruption et de la bureaucratie inefficace. Le TXTCSC répond aux questions et aux plaintes à l’intérieur d’un délai de 24 heures. Lorsque le système n’arrive pas à répondre à la requête, il renvoie le message texte aux agences concernées et fait un rapport sur les actions (Lallana, 2004).

La combinaison de courriels et de messages textes constitue une autre façon de fournir des services à ce niveau comme l’illustre la ville de Stirling au Royaume-Uni. Le conseil de Stirling reçoit les messages textes de la population et les convertit en courriels. L’agent au centre de contact répond immédiatement aux courriels s’il connaît la réponse ou les dirige vers le bon service. Les réponses aux expéditeurs seront automatiquement converties en messages textes et envoyées à leurs cellulaires.

La transaction

Le cinquième élément du modèle regroupe toutes les applications qui permettent aux citoyens d’effectuer des transactions via SMS, dont les transactions financières ou d’autres transactions de données (tel qu’un système de vote par message texte). Ces applications sont classifiées comme des services du niveau « transaction ».

Parmi les applications existantes, nous relevons la billetterie mobile (mobile ticketing) au Royaume-Uni et le système de vote par message texte en Suisse. Grâce à la billetterie mobile, la population a la possibilité de commander des billets pour des événements majeurs (des matchs de soccer, des concerts rock) en envoyant un message texte (Monash University, 2005). L’acheteur reçoit alors une réponse dotée d’une image avec un code métrique à deux dimensions contenant les détails de la transaction tels que le numéro du billet, le numéro de cellulaire et le numéro du siège. Les billets seront facturés à l’utilisateur par le fournisseur de service mobile une fois le code métrique numérisé à l’entrée du stade. Le système de vote par message texte permet aux citoyens de voter aux élections, qu’ils se trouvent à la maison ou à l’étranger (iTWire, 2008).

L’intégration

Dès lors que tous les services par texto sont intégrés et organisés dans un portail et qu’une personne peut envoyer un message à l’aide d’un numéro de service unique pour tous les services, nous nous situons au dernier niveau du modèle : l’« intégration ». Ce niveau sous-tend que les systèmes SMS intégrés seront également inclus dans les systèmes Internet du cybergouvernement. Les citoyens auront alors le choix d’accéder aux services par l’envoi d’un message texte à un numéro de service ou par Internet à une adresse Internet. Ici, le message texte et Internet sont complémentaires dans le service : un citoyen peut envoyer un formulaire ou payer pour un service public électronique par Internet et recevoir un avis par SMS, ou payer les services par SMS et recevoir le reçu par courriel.

En tant que portail pour 150 services de différentes agences gouvernementales, le SGOVT (Singapour) incarne un exemple concret de cybergouvernement par SMS. Depuis juillet 2006, les citoyens ont en effet accès à tous les services par l’envoi d’un message au 74688 ou SGOVT.

Comparaison des services cybergouvernementaux offerts par SMS avec ceux offerts par internet

Taylor Nelson Sofres plc, un chef de file mondial dans l’étude de marché, a relevé, lors de son enquête sur l’utilisation du cybergouvernement, que la majorité des messages visait la recherche d’informations, le téléchargement de formulaires traditionnellement envoyés par la poste ou par télécopieur (comme les déclarations de revenus et les formulaires pour réclamer des crédits fiscaux), la communication d’information personnelle ou sur le ménage, les transactions telles que le paiement par carte de crédit ou par numéro de compte bancaire d’un service ou d’un produit gouvernemental (comme le permis de conduire, les contraventions routières et les bacs de recyclage) alors que les services publics électroniques les moins utilisés sont la consultation avec le gouvernement (Dalziel, 2004, p. 6).

La plupart des services gouvernementaux disponibles et représentés dans le modèle à six niveaux peuvent être offerts par les applications SMS déjà en place : les demandes de renseignements peuvent être transmises par les applications des niveaux « notification » et « extraction d’information », la transmission de données personnelles au gouvernement peut se faire à l’aide d’applications du niveau « transaction » et la consultation avec le gouvernement peut être tenue par les applications du niveau « communication ». Bien que cette question ne soit pas pertinente pour les gouvernements ayant déjà en place un environnement sans support papier, il importe de souligner que le téléchargement ne peut pas être fait par SMS.

Par ailleurs, même si en termes d’offre de services et d’utilisation typique des services publics électroniques le cybergouvernement par SMS pouvait fournir des services associés à Internet, il ne saurait le remplacer, car les canaux de message texte sont limités à des textes d’au plus 160 caractères, et ce, sans image ni son. Il est par conséquent impossible de livrer les services plus complexes tels que des textes multimédias et illimités ou requérant davantage de mesures de sécurité. La simplicité des textos, leur moindre coût et le fait qu’ils puissent joindre les citoyens à tous moments et en tous lieux sont des caractéristiques qui font leur force et leur attrait pour les services publics. Qui plus est, au lieu de remplacer les systèmes Internet, les canaux SMS leur offrent un complément et jouent un rôle de première ligne pour les services cybergouvernementaux et plus particulièrement dans la mobilisation de la population pour ces services. Les autorités gagneraient à déterminer quels services seraient bien assurés par SMS en fonction des avantages de ce canal. Par exemple, il serait peut-être préférable d’envoyer les avis quant aux dates butoirs des déclarations de revenus ou les alertes quant à un désastre potentiel par message texte plutôt que par courriel étant donné que les citoyens sont en mesure de lire sans tarder ces messages.

En termes de popularité, un sondage comprenant 159 réponses de 25 pays différents révèle que le service de notification est le service cybergouvernemental par SMS le plus fréquemment utilisé. Il est suivi par les services d’extraction d’information, d’écoute et enfin de transaction. Cette enquête a également conclu que les hommes âgés de 31 à 40 ans sont les plus susceptibles d’adopter les services gouvernementaux par SMS (Susanto et Goodwin, 2010). Nous recommandons alors aux autorités, lors de la phase initiale de la mise en oeuvre de services publics par SMS, de procéder à un service de notification ciblant les hommes âgés de 31 à 40 ans pour obtenir l’adoption rapide du service avant de procéder aux niveaux plus avancés. Cette stratégie laisse au gouvernement le temps de se concentrer sur des services publics simples qui répondent davantage aux besoins de la population tout en évaluant et en améliorant ledit service. Elle permet en outre de mobiliser les utilisateurs susceptibles d’adopter rapidement le service, lesquels pourront, en partageant leur expérience fructueuse sur leurs réseaux sociaux, convaincre les autres citoyens de l’utiliser. Finalement, elle permet aux autorités d’instaurer une relation en ligne positive avec les citoyens tout en recueillant les commentaires des utilisateurs pour les prochains services par SMS.

L’adoption par l’utilisateur des services cybergouvernementaux offerts par SMS

En plus de mettre en place une initiative de services publics par message texte à partir des services cybergouvernementaux les plus populaires auprès de la majorité des utilisateurs, les autorités et les concepteurs de systèmes doivent également connaître les facteurs qui influencent l’adoption de tels services. Comprendre ces facteurs et configurer les systèmes en fonction de ceux-ci (dans leur design et dans leur prestation) peut améliorer la possibilité que soient adoptés les services. Cette compréhension permet également d’assister les autorités dans leur évaluation des services publics par message texte, à savoir pourquoi un service cybergouvernemental par SMS est accepté alors qu’un autre est rejeté.

Notre enquête a relevé treize facteurs cognitifs et affectifs qui influencent l’utilisation par un individu des services publics par SMS : l’attitude envers l’utilisation (AU), les conditions facilitantes (CF), la confiance en ses capacités (CC), l’influence sociale à caractère normatif (ISN), la perception de la commodité (PCm), la perception de la compatibilité (PCp), la perception de la convivialité (PCv), la perception de la fiabilité et de la qualité de l’information (PFQI), la perception de la réceptivité (PR), la perception de son habileté (PH), la perception du coût (PC), la perception du degré de proximité des décideurs (PDPD) et les risques perçus (RP) (Susanto et Goodwin, 2011). Pour décrire les relations entre les facteurs, nous proposons le modèle d’adoption des services publics par SMS (SMS-based E-Government Acceptance Model – SEGAM). Ce modèle explique 58 % de la variance dans l’utilisation envisagée (UE) des services publics par SMS et 60 % de la variance dans l’attitude envers l’utilisation (AU) – le facteur le plus important dans l’utilisation envisagée. Il a été validé par l’utilisation des données de 589 citoyens résidant dans trois villes indonésiennes, par les méthodes du Confirmatory Factor Analysis et du Structural Equation Modelling, de même que par l’application des Analysis of Moment Structures. Le modèle d’adoption des services publics par SMS est illustré à la figure 2 alors que ses concepts sont définis au tableau 1.

Tableau 1

Description des facteurs d’adoption du modèle SEGAM

Description des facteurs d’adoption du modèle SEGAM

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Le SEGAM stipule que les intentions des individus dans l’utilisation des services publics par texto sont déterminées uniquement par leur attitude envers l’utilisation du service. Tous les autres facteurs interviennent par l’influence qu’ils exercent sur cette attitude. L’attitude envers l’utilisation (AU) des services cybergouvernementaux par SMS est une réaction émotive (affective) d’un individu où son sentiment face à cette utilisation se situe entre ne pas aimer et aimer, être défavorable et être favorable, mauvais et bon, négatif et positif (Fishbein et Ajzen, 1975). Le rôle dominant de l’attitude envers l’utilisation sur l’adoption par un individu de services cybergouvernermentaux par SMS émane du fait que l’utilisation d’un service se fait sur une base volontaire et que les utilisateurs ne sont facturés qu’en fonction des coûts des SMS réguliers (qui sont très peu coûteux, voire gratuit). Qui plus est, la grande pénétration des messages textes et des téléphones cellulaires, la disponibilité des réseaux sans fil à peu près partout, la simplicité de la technologie des messages textes et leurs faibles coûts signifient que l’utilisation des textos ne devrait pas constituer un obstacle. Par conséquent, l’utilisation envisagée de ce type de services découle simplement de l’intérêt ou non d’un individu à utiliser les services (Davis, Bagozzi et Warshaw, 1989).

À la lumière de ces résultats, il est recommandé aux autorités et aux créateurs de systèmes de porter une attention particulière à l’attitude des utilisateurs pour prédire l’adoption d’un service public par message texte et ainsi avoir un service acceptable. Dans les phases initiales du processus d’élaboration du système, l’agence gouvernementale peut concevoir et tester un prototype du service pour ensuite mener un sondage mesurant l’attitude des utilisateurs cibles envers l’utilisation du service. Plus favorable est leur attitude, plus grandes seront les chances que les utilisateurs ciblés adoptent le service. De même, pour offrir un service public par message texte acceptable, les créateurs du système doivent tenir compte de tous les facteurs susceptibles d’instaurer une attitude favorable à l’utilisation des services dans le processus de développement. Pour leur part, les gouvernements doivent mettre l’accent sur ces facteurs lorsqu’ils procèdent à la promotion et à la gestion de ces services.

Selon le modèle SEGAM, cinq croyances influencent directement l’attitude envers l’utilisation (la perception du coût [PC], la perception de la commodité [PCm], les risques perçus [RP], la perception de la compatibilité [PCp] et la perception de son habileté [PH]) et sept influent indirectement sur l’attitude (la perception de la réceptivité [PR], la perception du degré de proximité des décideurs [PDPD], la perception de la fiabilité et de la qualité de l’information [PFQI], l’influence sociale à caractère normatif [ISN], la perception de la convivialité [PCv], la confiance en ses capacités [CC] et les conditions facilitantes [CF]).

Figure 2

Le modèle d’adoption des services publics par SMS (SEGAM)

Le modèle d’adoption des services publics par SMS (SEGAM)

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Le SEGAM stipule qu’une attitude favorable quant à l’utilisation d’un service public par message texte peut être bonifiée par l’augmentation de la perception de la commodité (PCm), de la compatibilité (PCp) et de son habileté (PH), et par la diminution de la perception des coûts (PC) et des risques perçus (RP). Parmi ces facteurs directs, la perception de la compatibilité est le déterminant le plus important de l’attitude envers l’utilisation autant pour les utilisateurs que les non-utilisateurs. Dans les quatre types de services gouvernementaux offerts par message texte (notification, extraction d’information, écoute et transaction), l’attitude envers l’utilisation a été surtout influencée par la perception de la compatibilité dans les services de notification, d’extraction d’information et de transaction, alors que dans les services de type écoute, l’attitude envers l’utilisation a été influencée par la perception de la commodité.

La priorité devrait toujours être accordée à la perception de la compatibilité étant donné qu’elle est le principal prédicteur de l’attitude envers l’utilisation des services publics par message texte. La compatibilité s’applique lorsque le service public par texto s’inscrit bien dans le style de vie et la façon de procéder de l’utilisateur cible ; par exemple, les utilisateurs cibles devraient être des citoyens qui utilisent déjà les messages textes. La compatibilité s’applique également lorsque les renseignements transmis par le service public sont des informations d’urgence ou mises à jour régulièrement pour que les individus y aient accès à tous moments et en n’importe quel lieu.

En outre, les autorités devraient réduire la perception des coûts (PC) du service de l’utilisateur. Si le service public n’est pas offert gratuitement (ce qui est à privilégier), les frais d’utilisation ne doivent pas être supérieurs aux coûts des messages textes réguliers. Le gouvernement doit garder à l’esprit que les individus ont tendance à rejeter les services gouvernementaux par SMS qui facturent un coût supplémentaire aux messages textes.

La perception de la commodité (PCm) du service public par texto gagnerait à être améliorée par les gouvernements qui devraient promouvoir les avantages d’un tel service par rapport aux autres canaux de services publics. Par exemple, le service public par message texte est moins intrusif comparativement à un appel téléphonique, moins cher qu’un service public par Internet et plus flexible dans le temps et dans l’espace (il permet aux destinataires de lire les messages à leur convenance et d’y répondre ou non). Les autorités devraient également tenir compte du meilleur moment de l’envoi, de la fréquence et du sujet des messages de notification pour maintenir la perception de commodité des utilisateurs du service. Par exemple, Scharl, Dickinger et Murphy (2005) recommandent que les messages ne soient envoyés que de 9 h à 19 h 30 en semaine et que les messages pour les étudiants ne soient pas envoyés avant midi. Les utilisateurs cibles doivent connaître la pertinence de ces services.

Les autorités devraient également améliorer la perception de l’habileté (PH) de l’utilisateur étant donné que la perception d’un individu quant à son habilité à utiliser le service pourrait encourager une attitude favorable à l’utilisation du service. Pour ce faire, les autorités devraient veiller à que le service soit accessible au plus grand nombre de citoyens en améliorant leur confiance en eux-mêmes dans l’utilisation du service (confiance en ses capacités – CC) et la disponibilité des ressources (conditions facilitantes – CF). Les gouvernements peuvent expliquer comment utiliser le service et publier l’information dans les médias de masse, concevoir un guide de l’utilisateur efficace, fournir une assistance sur l’utilisation du service à ceux qui le demandent ou offrir des sessions de formation gratuites pour les utilisateurs cibles. Ils peuvent également leur fournir les ressources nécessaires à l’utilisation des services électroniques par texto, notamment en coopérant avec un opérateur mobile pour fournir un service gratuit et fiable ou avec un vendeur de téléphones cellulaires pour offrir des dispositifs mobiles gratuits ou à moindres coûts pour les utilisateurs cibles. Une stratégie de marketing visant à augmenter la perception de contrôle pourrait offrir l’utilisation gratuite du service pour une période donnée (sans frais pour tous les messages envoyés au service et les réponses du service). Grâce à cette stratégie, les utilisateurs pourraient apprendre à utiliser le service.

Qui plus est, pour accroître le niveau de confiance des utilisateurs (ou pour diminuer les risques perçus de l’utilisation – RP), les autorités devraient convaincre les citoyens que leur vie privée et leur sécurité ne sont pas menacées par l’utilisation de tels services. Plus précisément, dans le service de notification, chaque citoyen devrait pouvoir choisir de recevoir ou non les messages, voire choisir quelle information peut lui être envoyée, et les messages devraient indiquer comment se retirer de la liste d’envoi. Pour inscrire un individu dans un service de notification, il est conseillé aux autorités d’obtenir d’abord la permission de l’individu. Les procédures pour s’inscrire et se retirer d’une liste d’envoi devraient être faciles et se faire à l’aide de canaux multiples tel que par message texte, par Internet, par courriel, par téléphone, par télécopieur et en personne. Les agences gouvernementales doivent non seulement garantir la sécurité des renseignements personnels des clients, mais aussi les utiliser uniquement en lien avec le service à l’aide d’une déclaration de confidentialité sur leurs sites. Il serait par ailleurs important d’introduire une législation sur l’interdiction des pourriels et la faire respecter. De plus, une réglementation autorisant un individu à garder le même numéro de téléphone cellulaire lorsqu’il change de fournisseur de service cellulaire permet à l’utilisateur d’un service de notification de demeurer inscrit même s’il change d’opérateur téléphonique. Quant au service d’écoute, les autorités devraient s’assurer que les dénonciateurs demeurent anonymes et garantir leur sécurité. Pour ce qui est des services de transactions, les gouvernements devraient introduire et faire respecter des politiques et des réglementations sur les transactions électroniques telles que les signatures électroniques, les contrats électroniques, les reçus par message texte pour chaque transaction, les notifications par message texte pour chaque transaction réussie ou échouée de même qu’un système d’enregistrement et de gestion des transactions. Une procédure simple et rapide pour la réception et le suivi des plaintes à propos de transactions par texto aurait avantage à être fournie et il serait essentiel de mettre en oeuvre les technologies pour la sécurité des messages textes comme le cryptage sécurisé, les mots de passe et les numéros d’identification personnels, des programmes pour effacer les données à caractère privé sur un cellulaire, le module d’identité d’abonné, les programmes permettant des fonctions liées à la sécurité et à la vérification de l’identité, ou un module Agent Dispatcher (module rejetant les demandes d’accès non autorisées par l’identification des utilisateurs à l’aide du numéro de téléphone dans le réseau numérique à intégration de services).

En plus des croyances et des attitudes, le SEGAM recommande également aux gouvernements et aux concepteurs de systèmes de porter une attention particulière aux sept déterminants indirects de l’attitude envers l’utilisation : la perception de la réceptivité (PR), la perception du degré de proximité des décideurs (PDPD), la perception de la fiabilité et de la qualité de l’information(PFQI), l’influence sociale à caractère normatif (ISN), la perception de la convivialité (PCv), la confiance en ses capacités (CC) et les conditions facilitantes (CF).

Le facteur de la perception de la convivialité implique pour les autorités et les concepteurs de systèmes qu’ils instaurent une procédure facile à utiliser pour s’enregistrer et se retirer d’un service de notification, qu’ils fournissent l’information nécessaire et les marches à suivre pour l’utilisation des services et qu’ils attribuent un numéro simple et concis pour le centre de services SMS. En effectuant des essais préliminaires, le concepteur doit s’assurer que le service gouvernemental par SMS est facile à utiliser par la population cible. Par ailleurs, les autorités auraient avantage à fournir plusieurs modes d’inscription (dont le SMS, les formulaires Internet, le téléphone, le télécopieur ou en personne). Un service public par message texte doit en outre indiquer comment utiliser le service à l’aide notamment d’une brochure, d’une page Internet ou d’une fonction d’aide sur le système SMS (les utilisateurs pourraient demander de l’aide sur les modalités d’utilisation du service en tapant et en envoyant le mot « aide »). Le format du texte pour les demandes de services du niveau d’extraction d’information devrait également être simple, non sensible à la casse et facile à mémoriser, et les renseignements demandés par les clients devraient pouvoir s’envoyer dans un SMS (le système ne devrait pas envoyer des options ou des instructions supplémentaires). L’information envoyée aux citoyens se doit d’être concise, claire et facile à comprendre. Si nécessaire, le système peut utiliser les lettres majuscules ou les signes de ponctuation pour souligner les mots importants.

La perception de la fiabilité et de la qualité de l’information (PFQI) suppose pour sa part que les agences gouvernementales organisent l’information de façon appropriée. Les messages envoyés aux citoyens doivent être pertinents, ils doivent répondre à leurs besoins et à leurs intérêts, être brefs, directs, opportuns, à jour et personnalisés en fonction des identités individuelles des utilisateurs. Les autorités locales pourraient offrir aux utilisateurs potentiels la possibilité de participer au processus de développement du service et de fournir des rétroactions tout au long de ce processus. Cette participation augmenterait la probabilité que les services sélectionnés correspondent à leurs valeurs. Les messages devraient également utiliser de façon efficace les 160 caractères disponibles. Bien que la majorité des téléphones cellulaires permet des messages plus longs, l’envoi d’un message important nécessitant plus de 160 caractères (la limite d’un message texte) est trop risqué étant donné que le message risque d’être reçu et affiché de façon incomplète en raison du manque de mémoire du cellulaire ou de la qualité de la connexion. Lorsque le message s’adresse à une population jeune (par exemple les notifications sur l’éducation sexuelle, le sida ou les campagnes contre le tabac), les messages devraient être divertissants et utiliser un langage familier pour les jeunes (Scharl, Dickinger et Murphy, 2005). Il est également possible pour le gouvernement de personnaliser les messages textes en fonction de l’heure locale, de l’endroit et des préférences du client (Scharl, Dickinger et Murphy, 2005), voire d’inclure le nom du client sur le message (pour les utilisateurs inscrits). Par exemple : « Cher M. Susanto, la clinique à proximité en service au moment de la demande est la clinique du Dr John au 15 rue Goodwood, ouverte de 8 h à 16 h aujourd’hui. » Les gouvernements devraient également actualiser régulièrement les informations qui varient en fonction du temps (la température, le temps de prière ou une situation d’urgence) et s’assurer de leur justesse en se renseignant auprès des agences appropriées. Par exemple, lors des inondations survenues en Australie en janvier 2011, le conseil municipal de Brisbane et le gouvernement de Victoria ont utilisé de façon répétée le système d’alerte rapide par message texte pour diffuser des milliers d’avis d’inondation aux gens vivant dans les zones à risque pour s’assurer que les personnes ciblées reçoivent les messages. La décision d’envoyer les messages a été prise par les responsables en fonction des avis du bureau météorologique.

S’agissant de la perception du degré de proximité des décideurs (PDPD), il est recommandé au gouvernement de nouer une relation personnalisée avec les citoyens à l’aide des messages ; l’utilisateur doit avoir l’impression qu’il communique directement et en personne avec le décideur politique. Par exemple, les messages peuvent inclurent les noms du destinataire et du fonctionnaire et le système doit répondre rapidement ou envoyer un message personnalisé lors d’une date spéciale pour l’utilisateur. Selon notre étude, une impression de relation interpersonnelle augmente la perception de la commodité.

Pour ce qui est de la perception de la réceptivité (PR), une fois de plus il est conseillé aux gouvernements que leurs systèmes répondent rapidement à tous les messages entrants, qu’ils préviennent les citoyens que leurs messages ont été reçus et lus par les fonctionnaires appropriés et qu’ils transmettent la réponse et les progrès à l’expéditeur. Il peut être intéressant pour une agence gouvernementale de publier annuellement le nombre de rapports envoyés par les citoyens à un service d’écoute qui protège l’anonymat de l’expéditeur, voire d’élaborer davantage sur le nombre de rapports auxquels les fonctionnaires ont répondu et sur l’avancement des actions prises par la suite. Cette publication peut encourager les citoyens à recourir au service d’écoute et améliorer la participation de la population dans la gouvernance.

En plus des influences liées à la motivation et aux attitudes, les gouvernements devraient également tenir compte des pressions normatives sur les intentions des individus à utiliser les services publics par texto en considérant le contexte social dans lequel est utilisé le service. L’influence sociale à caractère normatif (ISN) recommande l’utilisation des influences sociales pour promouvoir les services cybergouvernementaux par message texte. La stratégie de marketing devrait tenter d’influencer les amis et la famille des utilisateurs, les professeurs, les fonctionnaires, les experts et les figures publiques très en vue. À titre d’exemple, une agence gouvernementale peut d’abord se concentrer sur un groupe de citoyens qui ont confiance en leurs capacités à utiliser les messages textes étant donné qu’ils sont les utilisateurs les plus probables des services publics par SMS. Ces utilisateurs sont ensuite encouragés à promouvoir les services auprès de leur famille, de leurs amis et de leurs pairs. Ce bouche à oreille peut avoir une influence importante sur la perception qu’a une personne de l’utilité d’un service. Les gouvernements devraient promouvoir et mettre en marché l’adoption des services publics par texto à travers les médias de masse, notamment pour sensibiliser le public et augmenter les connaissances sur ce type de services. Les expériences fructueuses des utilisateurs devraient être publicisées par des leaders tels que les experts, les hauts fonctionnaires, les figures publiques et les professeurs afin d’attirer les non-utilisateurs.

Conclusion

La prestation de services publics par message texte peut réduire l’écart entre ce qu’exige Internet – en tant que principale technologie du système cybergouvernemental – et la situation actuelle des technologies de l’information et de la communication dans les pays en développement. De tels services peuvent en effet joindre davantage de citoyens et les amener à utiliser les services cybergouvernementaux.

Ces services cybergouvernementaux sont présentement disponibles en six niveaux : écoute, notification, extraction d’information, communication, transaction et intégration des services. Pour promouvoir leur utilisation, nous recommandons aux autorités de mettre en place d’abord un service de notification ciblant les hommes âgés de 31 à 40 ans pour obtenir l’adoption rapide du service avant de procéder aux niveaux plus avancés.

Nous recommandons au gouvernement et aux concepteurs de systèmes de favoriser l’attitude à utiliser les services en améliorant la perception du coût, la perception de la commodité, les risques perçus, la perception de la compatibilité et la perception de son habileté en tant que déterminants de l’attitude envers l’utilisation du service. Nous conseillons également de tenir compte des déterminants indirects de l’attitude envers l’utilisation : la perception de la réceptivité, la perception du degré de proximité des décideurs, la perception de la fiabilité et de la qualité de l’information, l’influence sociale à caractère normatif, la perception de la convivialité, la confiance en ses capacités et les conditions facilitantes. Dans la conception et la prestation d’un service cybergouvernemental, notre étude suggère aux autorités de considérer tous les facteurs proposés et de les surveiller en tant qu’indicateurs de performance. Lors de la promotion des services publics par message texte, la mise en marché devrait souligner les aspects liés aux croyances proposées. Étant donné les contraintes en ressources, nous suggérons néanmoins aux agences gouvernementales d’établir leurs priorités en fonction de l’importance relative des facteurs.