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Le « choix » comme principe pour guider les politiques publiques s’est imposé à la croisée des représentations et des croyances sur la réforme de l’État social, surtout en Europe et en Amérique du Nord depuis plusieurs décennies[1]. En France, les réformes des années 1980 et 1990 de la politique familiale étaient toujours menées au nom d’un « vrai choix » pour les parents entre les modes de garde de leurs enfants, valeur qui a mené à la dépréciation du service standard, la crèche municipale (Jenson et Sineau, 1998). En Suède, la croyance dans les vertus du choix des consommateurs des services, jusqu’à une période récente publics et universels, a fait beaucoup de chemin ; la privatisation des services a suivi (Blomqvist, 2004). Depuis les années 1980 aux États-Unis, les États ainsi que le gouvernent fédéral promeuvent l’utilisation des bons d’études (schoolvouchers) pour que les étudiants démunis puissent fréquenter l’école de leur choix (Peterson et Campbell, 2001). En Europe, c’est sans doute le New Labour sous Tony Blair qui est allé le plus dans cette représentation du rapport du citoyen aux services publics.

Cette rhétorique du choix comme principe des services publics et de la protection sociale s’est révélée centrale dans la Troisième voie britannique et a largement été portée par les économistes comme Julian Le Grand qui a promu la notion de choix pour réformer les services publics et notamment le National Health Service, composant essentiel depuis 1948 de l’État social britannique. Ce travail de promotion d’une réforme a commencé avec les quasi-marchés pendant la période thatchérienne et a continué avec l’arrivée du New Labour au gouvernement en 1997 (voir entre autres Le Grand, 1991). Loin de se contenter de théoriser les réformes qu’il conviendrait d’introduire, ce dernier fut, en tant que conseiller spécial de Tony Blair, l’un des artisans directs de la transformation de l’État social britannique.

Les analyses réflexives sur l’utilisation de la notion de choix dans les politiques publiques en Europe et en Amérique du Nord auxquelles procèdent les articles du présent numéro ont trois axes. D’abord, des contributions générales sont présentées qui interrogent la portée des politiques de libre choix en matière d’effet sur les publics et de justice sociale. Ces contributions font apparaître le maintien des cadres sociaux qui limitent la portée du concept de libre choix, toujours vanté par les libéraux même à l’apogée de l’État social d’après-guerre. Ensuite, la notion de choix est interrogée à partir de sa déclinaison dans différents modèles sociaux : les États-Unis et leurs pratiques qui ont inspiré le New Labour, le cas britannique lui-même, le système social-démocrate suédois, et deux provinces canadiennes. Enfin, le dernier axe est consacré à l’analyse du choix dans les politiques publiques. La question de l’école est notamment abordée. Les analyses font apparaître le poids des mécanismes statutaires (van Zanten, dans ce numéro) d’une part, et le rôle clé de l’accès à l’information dans le développement d’inégalités dans la capacité à se saisir du choix, d’autre part.

Le choix : une valeur libérale qui dépasse les régimes du même nom

Le choix comme valeur primordiale est à la racine de l’idéologie libérale, de plusieurs disciplines scientifiques et de nombreux programmes de réforme, surtout mais non seulement de ceux des régimes libéraux de l’État social. Dans ces régimes, le choix était toujours une valeur en soi, et donc à promouvoir, mais également une valeur à pondérer pour assurer une protection sociale et une distribution des biens et services plus équitable. Par exemple, afin de renforcer les syndicats, et face à l’opposition des employeurs et de la droite politique, le parti démocrate aux États-Unis soutient depuis quelques années le Employees’ Free Choice Act tandis que les réformes des écoles dans les pays comme la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne dans les années 1990 visaient la création de quasi-marchés dans le système public.

La présence de cette tension entre libre choix et redistribution étant constante, il n’est pas surprenant que ce soient les régimes libéraux qui ont le plus approfondi cette notion, et ce sont donc les auteurs sortant de ce genre du régime qui nous renseignent sur les enjeux de la promotion du choix.

Plusieurs dimensions ont présidé à l’introduction puis à la promotion du choix comme élément central du programme en matière de réforme des services publics et de la protection sociale. La première dimension est épistémologique. Elle renvoie à la nécessité, pour ses artisans et promoteurs, d’adapter le service public à la réalité et aux besoins de l’usager, qui s’est considérablement transformé alors que l’État social n’a pas suivi cette évolution. Le sens de cette transformation se résume en quelques mots : celui d’individualisation pour décrire l’évolution sociologique dominante et celui de personnalisation pour caractériser l’adaptation nécessaire de l’offre publique à cette nouvelle donne sociologique.

Il y a là plus qu’un simple constat. En fait, c’est une double thèse qui est ici affirmée si l’on s’attache à ce qui sous-tend les décisions politiques et conceptuelles prises pour justifier l’introduction du « choix ». La première est donc celle de l’individualisation ou plutôt d’un nouvel individualisme que des auteurs comme Ulrich Beck ou Anthony Giddens ont annoncé[2]. L’individu contemporain serait un « être autonome, réflexif, et réclamant par conséquent les moyens de produire sa propre biographie » (Tournadre-Plancq, 2010 : 157). Plusieurs sociologues français ont transcrit en sociologie de la singularité cette individualisation qui bouleverse les cadres sociaux de la société industrielle (voir entre autres Martuccelli, 2010 ; Rosanvallon, 2011). La critique porte sur le caractère standardisé de l’offre publique à l’ère de la consommation de niches, de l’individualisation de la production dans le secteur marchand et de l’accroissement des exigences qualitatives des consommateurs.

Plus généralement, c’est la critique libérale de l’action planifiée élaborée au nom de la complexité par l’économiste néoclassique Friedrich Hayek, notamment reprise par Anthony Giddens, qui se fait entendre[3]. L’État social ne peut gérer de manière efficace (c’est-à-dire faire remonter puis redescendre par le biais d’une action intentionnelle en direction de la société) le stock d’informations émanant d’une société plus complexe, éduquée et individualisée. L’orientation de l’action publique doit épouser plus finement les contours de la personne. Elle doit donc laisser à celle-ci le choix des instruments et des prestations qui lui seront fournis. Pour autant, cette personnalisation n’est-elle pas un simple report de la responsabilité vers l’usager ? Cette hypothèse, déjà évoquée dans des travaux sur l’injonction biographique dans les politiques sociales (Astier et Duvoux, 2006), est au coeur de l’interrogation de nombreuses contributions du présent numéro.

Ce double ancrage épistémologique dans la théorie de l’individualisation, d’une part, et dans la critique de l’action providentielle de l’agent qu’est l’État centralisé, d’autre part, n’épuise pas, loin de là, les enjeux de la notion de choix. En effet, à cette dimension sociologique s’ajoute une dimension plus politique. Le choix s’offre comme une manière de rétablir une symétrie entre les usagers de l’État et les représentants de celui-ci. La critique de la capacité prévisionnelle et providentielle de l’État conduit logiquement à déstabiliser la prééminence de ses fonctionnaires sur les usagers. Les exigences de reddition de comptes deviennent alors le mot clé pour envisager un rééquilibrage des rapports de force. Rendre du pouvoir à l’usager dans la relation de subordination qui s’est progressivement imposée dès lors qu’il est en contact avec les bureaucraties de l’État social serait la finalité politique majeure de la thématique du choix (Le Grand, 1997). L’épistémologie sous-jacente de l’État social ici présentée pose cependant problème dans la mesure où elle postule une extériorité totale de la bureaucratie et de ses usagers, négligeant du même coup la continuité entre les mouvements sociaux et coalitions de classe et la construction de ces institutions.

Ce glissement vers une vision qui dote l’usager des services publics des prérogatives du consommateur trouve une externalité positive dans l’incitation à la réforme qu’elle fournit aux services publics et aux institutions de protection sociale. Inspiré par la théorie économique néoclassique et ses propos sur les effets positifs de la concurrence, le choix des consommateurs apparaît comme l’aiguillon d’une réforme visant à promouvoir une amélioration de la productivité des fonctionnaires en les incitant à être innovants et plus compétitifs (Le Grand, 2010). Il manifeste un « souci de soi » de l’État déjà analysé en France et qui transparaît dans l’influence d’un ensemble de prescriptions et de réformes qui, de l’intérieur, transforment le sens de l’action publique et des missions de protection sociale (Bézès, 2009) : la mise en compétition constituerait finalement une modalité bien plus efficace d’incitation à l’augmentation de la productivité que la fixation d’indicateurs pouvant être déplacés ou tout simplement démoralisants pour les agents. Ainsi, le choix ferait bien partie de ces éléments d’une nouvelle gouvernementalité libérale ou néo-libérale qui modèle le secteur public et ses entreprises sur les méthodes issues du secteur privé[4]. Tant les présupposés de l’introduction du choix que les nécessités de leur analyse critique conduisent à faire une place centrale dans l’analyse aux instruments de politiques publiques (Lascoumes et Le Galès, 2005 : 16)[5]. L’analyse de ces politiques révèle cependant le poids des mécanismes statutaires dans les appariements et les relations de pouvoir.

Enfin, la dernière dimension de l’introduction de la notion de choix dans les services publics et la protection sociale est celle de la justice sociale. La notion de choix tirera ses principaux arguments d’une préoccupation de justice. Alors que les plus favorisés sont également les plus capables de se faire entendre pour obtenir une amélioration de la qualité des services qui leur sont fournis, ou même pour avoir recours à des prestataires privés lorsqu’ils sont insatisfaits, le choix est justifié dans la mesure où il permet d’égaliser la capacité des populations à peser sur les services publics. La justice sociale est alors définie du point de vue de l’équité : les réformes sont censées offrir des possibilités de choix, et donc d’autonomie, à ceux qui sont les moins bien lotis dans un système qui exclut le choix et qui ne peuvent, pour des questions de moyens, se tourner vers le secteur privé.

Cependant, les expériences des États-Unis, où l’utilisation des bons d’études et la création des écoles parallèles au système public (charter schools) ont une histoire longue de plusieurs décennies, démontrent la menace d’écrémage (cream skimming), à savoir le risque de sélection des usagers les plus favorisés par les prestataires (Peterson et Campbell, 2001). Il y a d’autre part le problème lié au manque d’information des usagers, de ceux qui disposent du moins de compétence pour circuler dans l’information ouverte et compétitive qui structure désormais l’action publique.

Sans un accompagnement social permettant aux individus de faire des choix éclairés, l’introduction du choix se révèlerait être un transfert de responsabilité de la collectivité vers l’individu en lieu et place du transfert de pouvoir recherché de l’État vers le citoyen. L’argument selon lequel le choix répond d’abord aux attentes des plus défavorisés est également brouillé par les usages contradictoires qui en sont faits. Enfin, les résultats des politiques ayant introduit une possibilité de choix pour lutter contre la ségrégation scolaire, au moyen de la « carte » du même nom en France, par exemple, sont pour le moins ambigus (Merle, 2011). Ces politiques appellent de toute façon comme première démarche de l’analyse un déplacement de cette analyse qui commence par un changement de l’angle retenu pour analyser le choix.

Le choix à l’épreuve de la résistance des cadres sociaux

Changer l’angle d’observation et d’analyse du choix conduit, dans un premier temps, à discerner les usages idéologiques et les effets concrets sur les usagers. C’est la démarche retenue par Frédérique Giuliani et Denis Laforgue. L’étude des deux sociologues des textes et discours officiels dans plusieurs domaines fait apparaître deux formes typiques : le choix-liberté et le choix-responsabilité. Cependant, dans leur démarche, cette première étape est insuffisante. Leur analyse est prolongée et déplacée par la prise en compte de l’impact sur les usagers de ces réformes. Les auteurs posent l’hypothèse que les usagers font toujours des choix qui leur sont propres, parfois invisibles pour les acteurs institutionnels, parfois aussi selon des logiques incompatibles avec les cadres institutionnels établis. Pour désigner cette dimension du choix des usagers, ils parlent de « choix-autonomie ». Ils concluent en énonçant ce qui apparaît comme un des paradoxes les plus féconds de cet ensemble : l’imprécision ou le flou qui entoure l’idéologie du choix est ce qui fait non pas sa faiblesse, mais sa force. Elle lui donne une plasticité qui lui permet de correspondre à un nombre de contextes et de situations très important.

François Charbonneau propose quant à lui une étude qui infléchit la portée de la promotion du choix en matière de justice sociale à la lumière de l’expérience de la notion de « langue de son choix » incluse dans la loi canadienne depuis quarante ans, à savoir depuis l’adoption de la Loi sur les langues officielles par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau en 1969. Son analyse indique que l’offre de choix en matière de service public – valeur libérale primordiale de l’époque – peut avoir des effets non désirés par le législateur. Dans le contexte des droits linguistiques au Canada, le « choix » de l’individu de se faire servir ou de travailler dans une langue ou dans l’autre, comme citoyen ou comme fonctionnaire, est souvent conditionné par un ensemble de facteurs familiaux, communautaires et sociétaux. Du point de vue de l’organisation de l’action publique, la promotion du choix serait en réalité une manière de ne pas choisir propice au développement d’un laisser-faire défavorable aux plus vulnérables.

Le mariage est et a toujours été un domaine de la vie sociale dans lequel les cadres de normativité sociaux jouent beaucoup. Dans les régimes libéraux de protection sociale, l’état civil d’une personne n’était pas sans pertinence pour l’accès aux prestations et services, pour ne pas mentionner la situation financière dans laquelle les enfants grandiraient et même leur patrimoine. Hélène Belleau et Pascale Cornut St-Pierre démontrent que la notion du choix imprègne le débat actuel sur la pertinence d’imposer un cadre légal aux unions libres au Québec. Il y a deux pôles, l’un en faveur d’un encadrement légal des unions libres, qui se fonde sur l’idée de protection des conjoints économiquement plus faibles et de leurs enfants, et l’autre en défaveur d’un tel encadrement, qui se base sur le respect du libre choix des individus qui souhaitent vivre en dehors des cadres légaux du mariage. Nous retrouvons dans ce débat les mêmes tensions entre une valeur chère aux libéraux et le voeu sociétal d’une bonne protection.

Le choix des différents modèles sociaux

Dans sa politique de logement, le gouvernement fédéral des États-Unis a mis le choix et la responsabilité individuelle au centre de l’action politique, par le biais de l’allocation au logement, à savoir le programme Housing Choice Voucher. Après plusieurs décennies de logement social, le gouvernement américain a essayé de faire avancer à la fois la déségrégation des quartiers et la mobilité sociale de familles individuelles par un recours au marché. Xavier Leloup livre un recensement des nombreuses études maintenant disponibles qui démontrent les résultats mitigés de ces expériences consistant à doter les pauvres d’une allocation pour les permettre de chercher un logement dans un quartier plus agréable.

Même dans un pays où la notion de choix était monnaie courante, l’adoption d’un programme de réformes mettant en avant le principe ne va pas nécessairement de soi. Ainsi, Émilie Courtin retient un angle d’analyse qui, au sein même du système de santé britannique pour la réforme duquel la notion de choix a été promue, montre les limites de l’utilisation de cette notion. Elle montre que l’introduction inachevée du choix pour les usagers des services de santé mentale cristallise les difficultés et les paradoxes des réformes d’ensemble portées par le New Labour. L’insistance sur le contrôle des usagers est là aussi tout à fait convergente avec des analyses conduites dans le domaine des politiques de l’emploi, par exemple.

La question du choix ne saurait être limitée à l’application d’un référentiel libéral. En témoigne la présence de cette notion dans les politiques sociales des régimes social-démocrates des pays nordiques. En Suède, l’introduction de politiques publiques structurées autour du « libre choix » pose la question du redéploiement ou de la mise en cause de l’État social. Nathalie Morel montre que cette question est devenue centrale dès la fin des années 1970. De nombreuses réformes ont été menées au nom du libre choix, par des gouvernements de gauche comme de droite, entraînant une remise en cause des principes idéologiques (universalisme et égalitarisme) et des fondements institutionnels (rôle prépondérant de l’État dans l’offre de services) sur lesquels repose le régime social-démocrate.

À l’intérieur d’un même ensemble fédéral, les réformes d’un seul domaine peuvent revêtir des modalités très fortement différenciées. Ainsi Christian Jetté, Yves Vaillancourt et Jean-Vincent Bergeron-Gaudin montrent que les services à domicile au Canada font l’objet d’une régulation très différente selon que l’on se situe au Québec ou en Ontario. Dans le premier cas, le modèle québécois de régulation des services à domicile reste ancré de manière dominante dans une régulation tutélaire, et laisse peu de choix aux usagers, alors que l’Ontario a expérimenté plus intensément la régulation concurrentielle en mettant en place un système de managed competition, privilégiant le marché comme lieu de choix.

Choix et politiques publiques

La notion de choix se traduit par une inflexion substantielle de l’organisation des politiques publiques comme des comportements des usagers. Un ajustement réciproque se met en place entre la réforme des grandes bureaucraties d’un côté et le développement d’un rapport électif des individus et des familles aux services publics de l’autre. De tous ces points, l’école constitue un laboratoire particulièrement intéressant. D’un côté, les choix politiques et institutionnels renvoient à la mise en place d’une concurrence entre établissements et entre systèmes ; de l’autre, les choix des familles renvoient au rôle croissant que l’éducation remplit pour pallier la menace de déclassement social et préserver le statut acquis. Les dynamiques d’appariement sélectif, de regroupement communautaire et donc, potentiellement, de ségrégation, trouvent en effet dans le choix des lieux de scolarisation un point de cristallisation particulièrement intense. Le fonctionnement traditionnel des systèmes éducatifs s’en trouve profondément amendé.

Ainsi, Agnès van Zanten présente une analyse de la régulation de l’offre et de la demande éducative dans l’enseignement scolaire français. Son article s’intéresse à l’influence des choix politiques et des logiques institutionnelles et sociales qu’ils engendrent de façon délibérée ou non sur les stratégies compétitives des établissements et les stratégies de choix des familles. Se focalisant sur les procédés que mettent en oeuvre les acteurs institutionnels et sociaux pour préserver leurs intérêts, notamment pour ce qui est du maintien ou de l’amélioration de leur position, l’analyse de leur interaction met l’accent sur le rôle de mécanismes statutaires dans les appariements et les relations de pouvoir.

De la même manière, Nathalie Bélanger montre à partir de l’étude du choix de l’école secondaire de langue française en Ontario par les parents que le choix scolaire est structuré par des instruments d’action publique. Après une déconstruction de la notion de choix scolaire en s’appuyant sur le cadre herméneutique intermédiaire défini par Agnès van Zanten, elle s’intéresse surtout aux résultats d’un sondage auprès de parents dont les enfants sont inscrits dans les écoles de langue française en Ontario. Les résultats montrent, entre autres, que les parents qui se prévalent du choix scolaire s’en remettent moins à des informations formelles ou à des compilations officielles qu’à des informations de première main obtenues grâce à leur réseau social. L’offre des programmes, le corps enseignant et la direction, les normes, les valeurs et l’esprit d’école semblent des critères qui retiennent l’attention des parents. Ces résultats interrogent la capacité intégratrice des écoles dans un contexte de grande diversification.

Le déclin de la capacité intégratrice des institutions et la corrélation de l’ouverture du choix dans les politiques publiques avec la dualisation des populations entre celles susceptibles de subir les nouvelles occasions ainsi offertes et celles qui se trouvent marginalisées par le nouveau contexte institutionnel se trouvent vérifiés dans de nombreux contextes. L’analyse que William’s Daré et Jérôme Queste font de l’écologisation de la politique agricole à La Réunion est tout à fait révélatrice de cette accentuation des inégalités et des risques de marginalisation des acteurs les plus fragiles, quel que soit par ailleurs leur apport effectif à la préservation de l’environnement, d’une part, et à l’équilibre social de la société considérée, d’autre part. Leur contribution, à l’unisson de nombre d’autres réunies dans ce volume, interroge la possibilité même d’un choix et d’une adhésion dans le cadre de nouvelles politiques publiques.