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1. Contexte

Dans un contexte de développement d’une société du savoir, une des missions de l’école québécoise est d’offrir à tous les élèves les moyens nécessaires pour effectuer un apprentissage autonome, afin de devenir des citoyens capables de répondre à leurs besoins et aux exigences de la société moderne (MELS, 2006). Une des orientations scolaires retenues pour assurer cette réussite est de privilégier le développement de la compétence à lire dans le but d’acquérir des connaissances et de développer des compétences tout au long de la vie, soit la compétence à apprendre en lisant[2] (Cartier et Tardif, 2000). Cette orientation se manifeste à travers différentes mesures comme la Stratégie d’action sur la persévérance et la réussite scolaires, qui vise à contrer le décrochage scolaire (MELS, 2009).

L’acte de lire est une activité dont les finalités sont multiples, allant du décodage des lettres et des mots et de la compréhension en lecture, jusqu’à la littéracie et à l’apprentissage par la lecture (Cartier et Tardif, 2000). L’apprentissage par la lecture est plus que la capacité à comprendre un texte. Pour apprendre sur un sujet en lisant un texte, il importe bien sûr que l’apprenant lise et comprenne le texte, mais aussi qu’il poursuive l’intention d’acquérir des connaissances par cette lecture, qu’il soit motivé pour ce faire et qu’il gère la réalisation de cette tâche en lien étroit avec les exigences de l’activité poursuivie. Ce n’est que lorsque ces conditions sont réunies que le succès est possible (Butler et Cartier, S., 2004 ; Cartier, S. C. et Butler, 2004). Dans le Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, premier cycle (MELS, 2006), apprendre en lisant est présent dans tous les domaines d’apprentissage. Par exemple, dans le domaine de la mathématique, de la science et de la technologie, elle est présente dans les visées « d’adopter un point de vue mathématique, scientifique ou technologique au regard de différentes situations ou de différents phénomènes ; [d’]enrichir sa culture mathématique, scientifique et technologique ; [de] saisir les répercussions de ce domaine sur l’individu, la société et l’environnement. » (p. 227).

Or, plusieurs élèves éprouvent de la difficulté à apprendre en lisant, en particulier ceux qui ont une difficulté d’apprentissage (Cartier, 2006). Au Québec, ces derniers présentent un retard scolaire d’au moins une année par rapport à leurs pairs, et ce, sans avoir de déficience intellectuelle, physique ou sensorielle (MELS, 2007a). Ces élèves représentent une proportion importante de l’effectif scolaire québécois puisqu’ils comptent pour plus de 27 % des élèves de la fin de la première secondaire (MELS, 2006). Ce problème est majeur, car ces élèves sont nombreux à décrocher de l’école et peu d’entre eux obtiennent leur diplôme d’études secondaires (MEQ, 2004).

Différents facteurs peuvent influer sur la difficulté d’apprentissage des élèves dont des facteurs sociaux et familiaux tels qu’un faible niveau socio-économique (Van Grunderbeeck, Théorêt, Cartier, Chouinard et Garon, 2003) et un manque d’occasions d’apprendre dans des activités structurées et complexes ou par la technologie à la maison (Savard, 1997 ; Zimmerman, 2000). Des facteurs liés au milieu scolaire peuvent aussi influer sur cette difficulté, comme le manque de véritables occasions d’apprendre en lisant, par exemple, en ayant à répondre à des questions simples dont la réponse se trouve dans le texte (Barton, 1997 ; Blaser, 2007). Un autre facteur possible réside dans le fait qu’on forme peu les élèves à réaliser cette activité. Par exemple, les enseignants ne leur montrent pas (ou le font peu) à comprendre les exigences des activités d’apprentissage par la lecture (lire, comprendre, apprendre, gérer l’activité, persévérer jusqu’à la fin), ni à choisir des stratégies qui peuvent être utiles pour répondre à ces exigences et à leurs préférences d’apprentissage (Cartier, S. C. et Butler, 2004 ; Cartier, S. et Théorêt, 2002 ; Scalon, Deshler et Schumaker, 1996). Chez les adolescents en difficulté d’apprentissage, la difficulté à apprendre en lisant compromet leurs chances de réussite, car cette situation d’apprentissage est essentielle à leur réussite scolaire (MELS, 2007b).

Compte tenu de l’importance de l’apprentissage par la lecture pour la réussite scolaire et des problèmes identifiés chez les élèves qui ont une difficulté d’apprentissage, le but de la présente étude consiste à explorer l’effet d’une approche pédagogique sur les stratégies cognitives de ces élèves lors de l’apprentissage par la lecture.

2. L’apprentissage par la lecture, les stratégies cognitives et les approches pédagogiques

L’apprentissage par la lecture est « […] une situation et un processus par lesquels le lecteur/apprenant acquiert des connaissances par la lecture de textes informatifs, et ce, en gérant cette situation et son environnement de travail, tout en étant motivé à le faire » (Cartier, 2006, p. 439). Il s’agit ainsi à la fois d’une situation organisée par l’enseignant et d’un processus activé par les élèves. Lors d’un apprentissage par la lecture, l’élève doit apprendre sur un sujet en lisant divers textes. Pour ce faire, il emmagasine de nouvelles connaissances, il restructure les connaissances déjà acquises ou il corrige ses connaissances erronées sur le sujet du texte afin de construire des connaissances (Richard, 1990). Ce processus est contextualisé aux aspects socioculturels de l’expérience scolaire des élèves (p. ex. : les valeurs véhiculées, le programme mis de l’avant, l’influence des pairs, etc.) ainsi qu’aux pratiques pédagogiques de l’école et de la classe (p. ex. : pratiques évaluatives, attitude de l’enseignant). Ce processus est également individuel. En plus de la motivation, des émotions, des connaissances et de l’autorégulation de l’apprentissage, les stratégies cognitives de l’élève jouent un rôle essentiel lors de l’apprentissage par la lecture[3]. La présente étude porte sur cette composante et elle est développée davantage dans la partie qui suit.

2.1 Les stratégies cognitives dans la situation d’apprentissage par la lecture

Les stratégies cognitives « […] sont constituées d’un ensemble de pensées et d’actions qui permettent à l’élève de s’engager cognitivement dans l’activité d’apprentissage (…) » (Cartier, 2007, p. 26). Dans la situation d’apprentissage par la lecture, l’engagement de l’élève se réalise pour effectuer la lecture et réaliser l’apprentissage. L’élève mobilise alors trois types de stratégies cognitives : 1) les stratégies qui traitent le texte en soi, comme lire les titres, 2) les stratégies qui permettent de sélectionner les idées principales et secondaires, comme la stratégie des mots clés, 3) les stratégies qui traitent les informations contenues dans le texte, allant de la reproduction d’informations textuelles selon la structure intégrale du texte (ex. : relire) jusqu’à la réalisation d’une version personnalisée des informations, comme les stratégies d’élaboration (ex. : paraphraser) et les stratégies d’organisation (ex. : organisateurs graphiques tel que le tableau de comparaison, le schéma, le réseau de concepts) (Vauras, 1991).

Les travaux recensés dans ce domaine montrent que les stratégies enseignées aux élèves, majoritairement ceux en difficulté d’apprentissage, ayant fait l’objet d’une évaluation, sont principalement celles qui traitent l’information contenue dans le texte. On retrouve les stratégies mnémoniques (Marefat et Shirazi, 2003), les stratégies d’élaboration dont la prise de notes (Kobayashi, 2006 ; Mastropieri, Scruggs, Spencer et Fontana, 2003) et le guide d’étude ( Gersten, Fuchs, Williams et Baker, 2001), et les stratégies d’organisation dont les organisateurs graphiques (Boon, Fore, Ayres et Spencer, 2005). La majorité des stratégies évaluées dans les recherches les plus récentes sont des stratégies d’élaboration et d’organisation qui permettent de produire une version personnalisée de l’information. Certaines de ces stratégies sont enseignées au primaire, les guides d’étude et les organisateurs graphiques, mais la plupart le sont au secondaire (Boon et al., 2005 ; Gersten et al., 2001).

2.2 Les approches pédagogiques sur les stratégies cognitives dans la situation d’apprentissage par la lecture

L’enseignant peut soutenir le développement de stratégies cognitives (Rupley, Blair, Timothy et Nichols, 2009). Trois approches pédagogiques ont été recensées dans les travaux sur la question, soit les approches de modelage, d’enseignement direct et d’enseignement interactif. Nous les présentons brièvement, suivies des principaux constats découlant de leur analyse.

L’approche la plus évaluée dans les études recensées pour enseigner les stratégies cognitives à des élèves en difficulté d’apprentissage dans différentes situations de lecture est le modelage. Celui-ci est constitué de la combinaison d’un exposé de l’enseignant sur une stratégie cognitive, suivie d’une discussion avec les élèves portant sur la stratégie, d’une démonstration de son utilisation et d’une pratique guidée. Dans les études recensées, le modelage a été évalué dans le contexte de l’enseignement de stratégies d’organisation (Boon et al., 2005), de stratégies d’élaboration (Gersten et al., 2001) et de stratégies de sélection (Wilder et Williams, 2001). Ces recherches ont été réalisées auprès d’élèves du primaire et du secondaire (Jitendra, Hoppes et Xin, 2000).

L’enseignement direct, pour sa part, regroupe l’exposé, la pratique guidée et, parfois, la discussion. Quelques recherches ont évalué les effets de cette approche sur les stratégies d’organisation mises de l’avant par des élèves du primaire (Vidal-Abraca et Gilabert, 1995), ainsi que sur les stratégies de mémorisation et de sélection mises de l’avant par des élèves du secondaire (Marefat et Shirazi, 2003).

L’enseignement interactif enfin comprend toujours soit la discussion, le tutorat, l’apprentissage coopératif, soit une combinaison de ces pratiques pédagogiques, et parfois s’y ajoutent l’exposé, la démonstration ou la pratique guidée. L’efficacité de cette approche a été évaluée pour l’enseignement des stratégies d’organisation (Hudson et al., 1993), d’élaboration et de mémorisation (Calhoon, 2005), et ce, auprès d’élèves du primaire (Ibid.) mais surtout du secondaire (Spencer, Scruggs et Mastropieri, 2003).

Une autre pratique pédagogique est répertoriée pour enseigner une stratégie cognitive, soit le facilitateur procédural. Il consiste en un guide écrit des procédures à suivre lors de la pratique d’une stratégie (Baker, Gersten et Scalon, 2002 ; Cartier, 2007). Des auteurs ont suggéré que le facilitateur procédural pouvait ou non être intégré dans les approches pédagogiques pour enseigner des stratégies cognitives (Baker, Gersten et Scalon, Ibid. ; Graham, MacArthur et Schwartz., 1995). À notre connaissance, seulement l’étude de Graham et al. (Ibid.) a évalué les effets de cette pratique utilisée seule en contexte d’écriture auprès d’élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage.

L’analyse des études évaluant l’effet des approches pédagogiques sur les stratégies cognitives en contexte de lecture ou dans un contexte connexe, tel que la révision de notes, auprès d’un groupe ou d’un sous-groupe d’élèves ayant une difficulté d’apprentissage, permet de tirer des constats généraux à court terme et à moyen terme. À court terme, les trois approches évaluées semblent donner des résultats positifs quant à l’enseignement des stratégies cognitives. Elles ont amélioré les résultats scolaires des élèves et leur compréhension de textes en sciences et en histoire (Ellis et Lenz, 1990), leur acquisition de vocabulaire en sciences et en sciences humaines (Hudson et al., 1993) et leur compréhension de textes en général (Kim, Vaughn, Wanzek et Wie, 2004). Par ailleurs, deux pratiques pédagogiques mises en oeuvre dans ces approches se démarquent au regard de l’apprentissage à court terme de stratégies cognitives par les élèves en difficulté : 1) la pratique d’une stratégie par l’élève (Kim et al., 2004), et 2) l’accompagnement de l’enseignant lors de l’apprentissage d’une stratégie (Ellis et Lenz, Ibid. ; Hudson et al., Ibid.). Pour ce qui est de la pratique seule du facilitateur procédural, son effet sur la performance d’élèves en difficulté d’apprentissage a été évalué à court terme dans le domaine de l’écriture par Graham et al. (1995). La stratégie mise de l’avant était celle qui consistait à ajouter des éléments d’information à leur texte lors de l’étape de révision. Les résultats semblent montrer que les élèves bénéficiant du facilitateur procédural amélioraient leurs performances, mais pas davantage que ceux qui ne bénéficiaient pas de cet outil.

À moyen terme, les recherches qui ont tenté de vérifier si les effets positifs des interventions se maintenaient dans le temps donnent des résultats mitigés. Certaines ayant évalué soit le modelage, soit l’enseignement interactif ont montré que les effets se maintenaient dans le temps (Boon et al., 2005 ), alors que d’autres ayant évalué le modelage n’ont pas observé de maintien (Jitendra et al., 2000). D’autres encore ont évalué soit l’enseignement direct, soit l’enseignement interactif et ont noté une légère baisse par rapport au premier post-test (Marefat et Shirazi, 2003). Par conséquent, les effets des différentes approches à moyen et à long terme restent à étudier (Gersten et al., 2001, Conley, 2008).

À la lumière de la recension des écrits réalisée, le modelage semble être une approche pédagogique qui produit des effets bénéfiques à court terme pour enseigner des stratégies cognitives qui permettent d’acquérir des connaissances de manière personnalisée. Toutefois, l’effet de cette approche à moyen terme est mitigé. Une explication possible de ce résultat peut résider dans l’absence de guidance lors de la mise en oeuvre de la stratégie, tout au long de l’enseignement en tant que tel, aux étapes de modélisation et de pratique guidée, ainsi qu’à l’étape de pratique autonome. Cette étape de la pratique autonome est fondamentale, car c’est à ce moment que l’élève doit faire preuve d’autonomie dans l’apprentissage. Dans le cas où il n’a pas totalement intégré ou fait sien la stratégie, l’élève peut se trouver en difficulté. Or, aucune recherche ne semble avoir été menée pour évaluer l’impact de l’ajout du facilitateur procédural à l’approche de modelage afin de soutenir l’effet à moyen terme de l’enseignement de stratégies cognitives lors de l’apprentissage par la lecture. En effet, à notre connaissance, le facilitateur procédural n’a été utilisé qu’en situation d’écriture et sans enseignement en soit. L’objectif de la présente étude consiste donc à évaluer l’effet du modelage accompagné du facilitateur procédural sur les stratégies cognitives d’adolescents ayant une difficulté d’apprentissage lors de l’apprentissage par la lecture.

3. Aspects méthodologiques

La présente étude est de type exploratoire et de nature évaluative (Van der Maren, 1996). Elle est exploratoire, car elle s’intéresse au recours au facilitateur procédural dans un contexte d’apprentissage par la lecture plutôt que dans un contexte d’écriture, comme l’ont fait Graham et ses collègues (1995). Sa nature évaluative provient du fait qu’elle vise l’amélioration d’une pratique en classe, soit l’intervention de l’enseignant pour soutenir les élèves en difficulté d’apprentissage lorsqu’ils lisent pour apprendre.

3.1 Participants de l’étude

Onze élèves d’une classe de présecondaire d’une école secondaire située en région éloignée ont participé à cette étude. Bien que les quinze élèves de la classe aient participé à l’intervention et que tous avaient au moins un an de retard scolaire[4] au moment de l’étude, onze d’entre eux ont été retenus selon la méthode des choix raisonnés (Beaud, 2004). Les élèves devaient répondre aux critères suivants : ne pas présenter de déficience intellectuelle, physique ou sensorielle et avoir le français comme langue maternelle, en concordance avec la langue d’enseignement. Ces informations ont été obtenues en consultant le dossier de chacun des élèves. De plus, afin de respecter les règles éthiques pour participer à l’étude, les élèves ont également eu à donner leur consentement verbal et à obtenir le consentement écrit de leurs parents. Sept garçons et quatre filles dont l’âge moyen était de treize ans et trois mois ont été retenus.

Ces élèves étaient de niveau sixième année du primaire en français et de niveau première année du secondaire en sciences. Deux sous-groupes d’élèves ont été formés dans la classe afin de répondre à l’objectif d’explorer l’effet du modelage accompagné d’un facilitateur procédural : un sous-groupe d’élèves bénéficiant du facilitateur procédural, et un sous-groupe d’élèves n’en bénéficiant pas. Pour s’assurer de l’équivalence des deux sous-groupes, des échantillons non probabilistes de type échantillon par quotas (quota sampling ) ont été formés (Gauthier, 2004) en regroupant les élèves deux à deux. Les critères retenus pour former ces sous-groupes d’élèves étaient l’âge, le sexe et la performance scolaire basée sur les résultats de l’école en lecture (français) et en sciences. Le tableau 1 montre le pairage effectué.

Tableau 1

Sous-groupes d’élèves bénéficiant ou non du facilitateur procédural

Sous-groupes d’élèves bénéficiant ou non du facilitateur procédural

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Parmi les 11 élèves de la classe qui ont participé à l’étude, quatre ont été sélectionnés pour participer à une entrevue, deux dans chacun des sous-groupes. Pour ce faire, la technique de l’échantillon typique (typical sampling) a été utilisée (Beaud, 2004). Les participants aux entrevues ont été ceux qui avaient des résultats scolaires dans la moyenne de la classe et dont le degré de participation était sensiblement le même que celui de l’ensemble des élèves. De plus, afin de s’assurer que les élèves avaient bénéficié de l’intervention, les élèves choisis devaient avoir été présents à tous les cours prévus à cet effet.

3.2 Démarche d’intervention

Le domaine des sciences a été retenu pour enseigner la stratégie de l’organisateur graphique. Best, Rowe, Ozuru et McNamara (2005) mentionnent que les textes scientifiques sont plus difficiles à lire que les textes portant sur les sciences humaines, bien que la majorité des études soient faites dans ce dernier domaine. Le domaine des sciences représente de grands défis pour l’élève en difficulté d’apprentissage selon Best et al. (Ibid.). Les textes scientifiques seraient beaucoup plus difficiles à lire à cause du vocabulaire employé et de la syntaxe utilisée. De plus, la structure du texte exige de faire des liens et des inférences pour comprendre, alors que les élèves ont souvent peu de connaissances sur les sujets traités et des stratégies cognitives inadéquates pour apprendre en lisant (Best et al., Ibid.). Quelques chercheurs ont évalué des interventions sur les stratégies cognitives des élèves en sciences, dont l’organisateur graphique, et ils ont obtenu certains résultats positifs auprès d’élèves en difficulté d’apprentissage à court et à moyen termes (Boon et al., 2005), et à court terme, seul moment évalué (Vidal-Abraca et Gilabert, 1995). Par exemple, Vidal-Abraca et Gilabert (Ibid.) ont constaté que les élèves qui avaient réalisé des organisateurs graphiques comprenaient mieux les textes et se rappelaient davantage des idées principales que les élèves du groupe contrôle.

Dans la présente étude, nous avons choisi d’enseigner le réseau de concepts comme organisation graphique. Le réseau de concepts est une forme graphique servant à organiser et à représenter des informations autour d’un concept central. Dans la présente étude, le concept central à l’étude est « l’espèce ». Le réseau de concepts se prête bien à la représentation graphique de ce concept selon les aspects : habitat, adaptations physiques et comportementales, évolution et taxonomie.

La démarche d’intervention a été réalisée par la première autrice de l’article (intervenante) dans le cadre de son projet d’études. Elle n’était pas l’enseignante attitrée des élèves participant à l’étude et elle n’enseignait pas à l’école dans laquelle celle-ci s’est déroulée. Durant l’intervention qui s’est déroulée sur quatre périodes de cours, elle était responsable de la planification et de l’animation des activités de même que de leur évaluation. Pendant l’intervention, l’enseignante de sciences était présente en classe et observait l’intervention réalisée de même que le fonctionnement des élèves. Lors des deux premiers cours de l’intervention, l’intervenante a distribué le facilitateur procédural sur le réseau de concept (figure 1) aux élèves du sous-groupe qui en bénéficiait.

Figure 1

Facilitateur procédural

Facilitateur procédural

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L’intervenante a ensuite utilisé l’approche de modélisation pour enseigner le réseau de concepts aux élèves en suivant quatre étapes :1) elle leur a donné un exposé sur le réseau de concept, son utilité et son utilisation, 2) elle a discuté avec eux du réseau de concept et des concepts à l’étude, 3) elle a modélisé la procédure de réalisation du réseau de concept et 4) elle a guidé leur pratique. Aux trois cours suivants, l’intervenante a fait un retour sur ce qui avait été vu concernant la modélisation du réseau de concept, puis les élèves ont fait une pratique guidée, certains des élèves ayant reçu de l’aide par la réponse à leurs questions. La majorité du temps de travail a toutefois été réalisée en travail autonome.

Les observations de l’intervenante pendant les quatre cours de l’intervention et les informations données par les élèves lors de leur entrevue ont montré que les élèves qui bénéficiaient du facilitateur procédural s’y sont référés durant les explications de l’intervenante et lors de la pratique guidée.

3.3 Démarche de recherche

La démarche de recherche impliquait de prélever des données à différents moments (interrupted time series) : au début de l’intervention (prétest), à la fin de l’intervention (premier post-test) et quelque temps après (second post-test) (Creswell, 2005). Cette démarche de recherche est inspirée de celle qui a été mise en place par Graham et al. (1995), et qui vérifie l’effet à court et à moyen termes d’une intervention intégrant un facilitateur procédural en situation d’écriture de texte. Le tableau 2 présente les quatre grandes étapes du déroulement de la recherche ainsi que les actions réalisées et les outils utilisés à chacune de ces étapes. Considérant les délais identifiés dans les études pour évaluer les effets d’une intervention à moyen terme, allant de quelques jours à quelques semaines, et compte tenu des conditions de logistique de la présente étude, le moment de l’évaluation des effets à moyen terme a été fixé à neuf jours après l’intervention.

Tableau 2

Démarche de recherche

Démarche de recherche

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3.4 Outils de recherche

Quatre outils ont été utilisés pour l’étude, dont trois ont servi à décrire les stratégies cognitives : le questionnaire, les produits permanents et le guide d’entrevue. Le quatrième outil a servi à évaluer les connaissances des élèves sur les sujets des textes. Le recours à différents outils pour consigner les stratégies cognitives lors de l’apprentissage par la lecture a permis la triangulation des sources pour assurer ainsi la complémentarité et la justesse des informations obtenues (Creswell, 2005). Pour ce faire, la concordance entre les données provenant de différentes sources (questionnaires, produits permanents, entrevues) a été évaluée (Poupart, Deslauriers, Groulx, Laperrière, Mayer et Pires, 1997).

Une section du questionnaire « Lire pour apprendre » a servi à capter les perceptions que les élèves avaient de leurs stratégies cognitives lors de l’apprentissage par la lecture. Ce questionnaire, élaboré en langue anglaise et française (Butler et Cartier, 2004), a fait l’objet d’une validation du contenu auprès d’élèves et d’experts internationaux en plusieurs étapes (Butler et Cartier, 2004 ; Cartier et Butler, 2004). Il est de type autodéclaré. Les réponses obtenues sont utiles, non pas pour examiner les comportements d’apprentissage actuels pour lesquels d’autres outils sont plus appropriés, mais plutôt pour comprendre comment les élèves perçoivent leur engagement dans la situation d’apprentissage par la lecture (APL). Ainsi, ce questionnaire permet d’obtenir des résultats nuancés et détaillés sur les perceptions qu’ont les élèves de leur processus d’APL et sur leurs réflexions quant à ce type de travail scolaire. Cette perspective d’analyse se justifie par le rôle de médiation important que jouent les perceptions des élèves dans leur processus d’APL et dans la manière dont ils évaluent la qualité de leur performance. Dans la présente étude, les comportements des élèves ont été analysés à l’aide des traces qu’ils avaient laissées sur leurs textes et sur les feuilles de travail qui les accompagnaient (produits permanents).

La section du questionnaire portant sur les stratégies cognitives comprend 24 items. Les stratégies les plus importantes (en lien avec le cadre de référence) sollicitées pour réaliser le réseau de concepts sont les suivantes : Résumer ce que je viens de lire dans mes propres mots et Prendre en note les idées importantes (pour l’élaboration), et Regrouper les informations par sujet ou thème et Trouver des liens entre les informations (pour l’organisation). Les choix de réponse des élèves se situent sur une échelle de Likert à quatre points : presque jamais, parfois, souvent et presque toujours. Pour chaque passation de ce questionnaire, l’étudiante chercheuse a lu chacun des items et les choix de réponse en laissant quelques secondes aux élèves pour qu’ils puissent y répondre au fur et à mesure. La passation a duré environ dix minutes.

Afin de compléter les informations obtenues sur les perceptions des élèves sur leurs stratégies cognitives, nous avons analysé les traces laissées par les élèves sur les textes qu’ils avaient lus et sur les feuilles de travail qui les accompagnaient (produits permanents). Ces traces ont permis d’observer certaines des stratégies qu’ils avaient utilisées (Prendre en note les idées importantes et Regrouper les informations par sujet ou thème). Lors de la lecture de chacun des textes, les élèves avaient à leur disposition une feuille blanche qu’ils pouvaient utiliser s’ils en ressentaient le besoin. Les élèves avaient entre 20 et 60 minutes, selon la longueur des textes, pour lire chacun des textes.

Afin d’analyser le processus d’apprentissage par la lecture, nous avons développé et utilisé un guide d’entrevue semi-dirigée semblable à ce que proposent Creswell (2005) et Gauthier (2004). Les questions fermées et ouvertes, en lien avec le modèle de Cartier (2007), portaient sur différents thèmes liés au processus d’apprentissage par la lecture tels que les stratégies cognitives utilisées, la motivation ou l’interprétation des exigences de l’activité. Pour chaque question, des sous-questions étaient prévues pour clarifier les réponses de l’élève, si nécessaire. La démarche suivie pour réaliser l’entrevue consistait à rencontrer les élèves un à la fois dans un local libre situé tout près de la classe de sciences durant une dizaine de minutes. L’entretien a été enregistré sur bande audio et l’intervenante a pris quelques notes sur l’essentiel de ce que l’élève racontait.

Le questionnaire d’évaluation des connaissances des élèves sur le sujet des textes lus comportait neuf questions. Les questions posées étaient de deux types : 1) quatre questions de type explicite et textuel, qui servaient à vérifier si les élèves se souvenaient des informations contenues dans les textes (stratégies de sélection et de mémorisation), et 2) six questions de type implicite et textuel, qui servaient à vérifier s’ils comprenaient les concepts selon leur capacité à organiser les informations lues et à élaborer sur celles-ci. Lors de chaque passation de ce questionnaire, l’intervenante lisait chacun des items à l’élève en lui laissant le temps nécessaire pour répondre. La passation a duré environ dix minutes. La grille de correction des réponses était la suivante : deux points pour une réponse correcte et complète, un point pour une réponse correcte, mais incomplète, et zéro point pour une réponse erronée ou manquante.

3.5 Méthodes de compilation et d’analyse des données

Les données obtenues aux différents questionnaires ont été compilées dans le logiciel ACCESS puis transférées dans le logiciel Statistical Package for the Social Sciences (SPSS), alors que les données tirées des entrevues ont été enregistrées et codées dans le logiciel QDAMiner. Deux séries d’analyse ont été effectuées en lien avec les deux objectifs de l’étude.

3.5.1 Analyses pour déterminer l’effet à court et à moyen termes de l’intervention sur les stratégies cognitives

L’analyse de l’effet à court terme de l’intervention sur les stratégies cognitives des élèves a été réalisée à partir des réponses au questionnaire, des produits permanents et des réponses obtenues lors des entrevues. L’analyse des réponses au questionnaire et des produits permanents a été effectuée respectivement pour chacun des items et pour chacune des stratégies observées, et ce, en trois temps. Premièrement, afin de vérifier l’effet entre le prétest et le premier post-test de tous les élèves, le test non paramétrique de comparaison de deux échantillons liés (test de Wilcoxon) a été utilisé. En second lieu, afin de comparer les stratégies mentionnées selon le sous-groupe d’élèves, recours ou non au facilitateur procédural, le test non paramétrique de comparaison de deux échantillons indépendants (test de Mann-Whitney) a été utilisé. Troisièmement, l’analyse des comptes rendus in extenso d’entrevues sur les stratégies cognitives lors de l’apprentissage par la lecture a été effectuée, d’abord en comptabilisant leur fréquence, et ensuite en comparant les stratégies mentionnées par sous-groupe.

L’analyse de l’effet à moyen terme de l’intervention sur les stratégies cognitives des élèves a porté sur les réponses au questionnaire et sur les traces des élèves. L’analyse a été effectuée pour chacun des items et pour chacune des stratégies observées, et ce, en deux temps. D’abord, afin de vérifier l’effet de l’intervention entre le premier post-test et le second post-test pour tous les élèves, le test non paramétrique de comparaison de deux échantillons liés (test de Wilcoxon) a été utilisé. Ensuite, afin de comparer les stratégies mentionnées selon le sous-groupe d’élèves, recours ou non au facilitateur procédural, le test non paramétrique de comparaison de deux échantillons indépendants (test de Mann-Whitney) a été utilisé.

3.5.2 Analyses visant à déterminer l’effet à court et à moyen termes de l’intervention sur les connaissances acquises en sciences

L’évaluation de l’effet de l’intervention sur les connaissances acquises par les élèves en sciences a consisté à vérifier s’il existait un écart entre leurs connaissances avant et après l’intervention. Pour ce faire, différentes analyses ont été réalisées. Les premières analyses sont les mêmes que celles qui ont été effectuées pour les stratégies : 1) vérification des effets à court terme (prétest et premier post-test) et à moyen terme (premier post-test et deuxième post-test) des connaissances en utilisant le test non paramétrique de comparaison de deux échantillons liés (test de Wilcoxon), et 2) comparaison des résultats par sous-groupes d’élèves selon que ceux-ci aient eu recours ou non au facilitateur procédural quant aux effets à court terme (prétest et premier post-test) et à moyen terme (premier post-test et deuxième post-test) à l’aide de tests non paramétriques de comparaison de deux échantillons indépendants (test de Mann-Whitney).

Deux analyses complémentaires ont été effectuées. La première a servi à identifier le type de connaissances acquises. Le test non paramétrique de comparaison de deux échantillons liés (test de Wilcoxon) a été utilisé pour les deux temps : prétest et premier post-test ainsi que premier post-test et second post-test. La deuxième analyse a permis de déterminer la présence ou non de différences dans les connaissances acquises entre les deux sous-groupes d’élèves. Dans ce cas, le test non paramétrique de comparaison de deux échantillons indépendants (test de Mann-Whitney) a été retenu.

4. Résultats

Les principaux résultats obtenus montrent un effet à court et à moyen termes du modelage seul sur les stratégies cognitives de l’organisateur graphique lors de l’apprentissage par la lecture pour tous les élèves ; une légère tendance à l’amélioration à court terme des connaissances des élèves ayant bénéficié du facilitateur procédural à la suite de l’intervention a également été observée.

4.1 Effet à court et à moyen termes du modelage et du facilitateur procédural sur les stratégies cognitives

Les réponses au questionnaire (voir tableau 3), à l’entrevue et les traces laissées sur les feuilles de notes montrent que les élèves ayant bénéficié du facilitateur procédural ont utilisé trois des stratégies ciblées par l’intervention permettant de réaliser l’organisateur graphique. Cet effet s’est par ailleurs maintenu dans le temps pour deux de ces stratégies, mais avait tendance à diminuer avec le temps pour la troisième stratégie.

Tableau 3

Comparaison aux trois temps de mesure des réponses au questionnaire sur les stratégies du sous-groupe avec FP

Comparaison aux trois temps de mesure des réponses au questionnaire sur les stratégies du sous-groupe avec FP

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Quant aux stratégies d’organisation que les élèves ont mentionné utiliser dans le questionnaire, les résultats obtenus sur la stratégie Regrouper les informations par sujet ou par thème montrent que les élèves ont tendance à en faire une utilisation plus fréquente à la suite de l’intervention (T = 0, Z = -1,63, p = 0,10). Cette tendance se maintient à moyen terme, puisqu’il n’y a pas de changement entre les deux post-tests (T = 2, Z = 0,00, p = 1,00). Les observations des produits permanents vont dans le même sens : une augmentation de la fréquence après l’intervention (T = 2, Z = -2,24, p = 0,03) et un maintien de la stratégie à moyen terme (T = 0, Z = -1,41, p = 0,16).

Pour ce qui est des stratégies d’élaboration que ces élèves ont mentionné utiliser, les résultats obtenus au moyen du questionnaire montrent une tendance à l’augmentation, après l’intervention, de la fréquence de l’utilisation de la stratégie Résumer ce que je viens de lire (T = 0, Z = -1,84, p = 0,07). Ce résultat a cependant tendance à diminuer à moyen terme, puisqu’on observe une légère diminution de l’utilisation de la stratégie entre les deux post-tests (T = 0, Z = -1,63, p = 0,10). Les observations des produits permanents montrent, pour leur part, un changement dans le recours à cette stratégie après l’intervention (prétest : T = 0, Z = -2,24, p = 0,03), et une tendance à la diminution de la fréquence de son utilisation à moyen terme (T = 0, Z = -1,73, p = 0,08).

Pour ce qui est de la stratégie d’élaboration qui consiste à Prendre en note les idées importantes, les élèves ayant bénéficié du facilitateur procédural ne mentionnent pas utiliser davantage cette stratégie à la suite de l’intervention, ni à court terme (T = 1, Z = -0,58, p = 0,56) ni à moyen terme (T = 1, Z = 0,00, p = 1,00), alors que cette stratégie a été observée dans les produits permanents. Dans ces derniers, l’utilisation de cette stratégie s’est significativement améliorée à court terme (T = 0, Z = -2,24, p = 0,03) et cette amélioration s’est maintenue à moyen terme (T = 0, Z = -1,00, p = 0,32) entre les deux post-tests. Il semble donc y avoir un écart entre ce que les élèves font et ce qu’ils rapportent faire. Cela pourrait s’expliquer, entre autres, par le fait que, dans le facilitateur procédural, on proposait aux élèves de noter des mots-clés dans la marge, plutôt que de prendre en note les idées importantes. Il se peut donc que les élèves aient mal saisi la terminologie employée.

Pour ce qui est du recours à la stratégie Trouver des liens entre les informations, selon les réponses au questionnaire et les traces observées, il n’y a pas de changement à court et à moyen termes chez les élèves.

Lorsqu’on compare les effets de l’intervention chez les élèves ayant bénéficié ou non du facilitateur procédural, les résultats du questionnaire montrent qu’il y a peu de différence en terme de performance entre ceux qui ont utilisé le facilitateur et ceux qui ne l’ont pas utilisé. Pour trois des stratégies, il n’y a pas de différence. Pour la stratégie Trouver des liens entre les informations, une différence entre les deux sous-groupes apparaît seulement au prétest (prétest : U = 3,00, Z = -2,35, p =,02, premier post-test : U = 10,00, Z = -0,48, p = ,63 et second post-test : U = 9,50, Z = -0,14, p = ,89). Ici, il semble que les élèves qui bénéficiaient du facilitateur procédural ne se soient pas améliorés autant que les autres élèves, si on en croit ce qu’ils ont répondu au questionnaire portant sur les stratégies. Cette stratégie n’était pas observable dans les produits permanents. De plus, les élèves qui n’avaient pas bénéficié du facilitateur procédural semblent avoir eu recours dans une moindre mesure à la stratégie Trouver des liens entre les informations à la fin de l’intervention que les autres élèves.

Tableau 4

Comparaison au questionnaire des deux groupes aux trois temps de mesure

Comparaison au questionnaire des deux groupes aux trois temps de mesure

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Lors des entrevues, les élèves qui avaient bénéficié ou non du facilitateur procédural ont mentionné avoir utilisé les stratégies apprises, mais pas toutes à chaque fois, soit parce qu’ils n’en ressentaient pas toujours le besoin, soit parce que les conditions en classe n’étaient parfois pas favorables à cela. Par exemple, l’enseignant ne leur laissait pas assez de temps pour les utiliser.

4.2 Effet à court et à moyen termes du modelage et du facilitateur procédural sur les performances lors de l’apprentissage par la lecture

Les résultats montrent une légère tendance à l’amélioration à court terme des connaissances des élèves ayant bénéficié du facilitateur procédural à la suite de l’intervention (T = 0, Z = -1,84, p = 0,07). Cette acquisition de connaissances a été maintenue dans le temps, puisqu’il n’y a pas de différence entre les deux post-tests (T = 2, Z = -0,37, p = 0,72).

De façon plus particulière, les résultats des élèves montrent une tendance à l’amélioration à court terme de leurs performances quant à l’acquisition de concepts (par exemple, les résultats à la question 8 Qu’est-ce qu’un habitat ? T = 0, Z = -1,73, p = 0,08) et son maintien à moyen terme (T = 1, Z = -0,45, p = 0,66, r = -,16). Nous avons aussi constaté une tendance à l’amélioration à court terme de leur compréhension des concepts (par exemple, les résultats à la question 5 Les animaux ont des adaptations physiques (becs, pattes ou dents) à leur milieu. Explique l’utilité de ces adaptations pour les animaux. T = 0, Z = -1,63, p = 0,10), ainsi que son maintien à moyen terme (T = 0, Z = -1,00, p = 0,32).

En ce qui concerne les connaissances des élèves, lorsque l’on compare les deux sous-groupes avant l’intervention, on observe une tendance voulant que les élèves n’ayant pas bénéficié du facilitateur procédural possèdent davantage de connaissances que ceux qui en ont bénéficié (prétest : U = 5,00, Z = -1,85, p = ,06). Cette différence n’apparaît plus à la suite de l’intervention (premier post-test : U = 5,50, Z = -1,39, p = ,17 et second post-test : U = 4,50, Z = -1,35, p = ,18).

Il semble donc que l’intervention ait pu profiter aux élèves qui avaient pu bénéficier du facilitateur procédural, car ceux-ci ont récupéré l’écart sur le plan des connaissances sur le sujet traité avec les élèves de l’autre sous-groupe.

5. Discussion

En lien avec l’objectif de recherche, qui consistait à explorer l’effet d’une intervention sur les stratégies cognitives d’élèves en difficulté d’apprentissage lors de l’apprentissage par la lecture, la discussion portera sur les deux principaux constats tirés des résultats.

5.1 Effet du modelage à court et à moyen termes sur le recours aux stratégies cognitives et sur les performances de tous les élèves en difficulté d’apprentissage

Le modelage a eu un effet tant sur le recours aux stratégies cognitives associées à la réalisation d’un organisateur graphique que sur la performance des élèves.

En ce qui concerne les stratégies cognitives, une amélioration du recours à l’organisateur graphique à la suite de l’intervention est apparue principalement pour deux des quatre stratégies évaluées, soit celles qui consistent à Regrouper les informations par sujet ou par thème et à Prendre en note les idées importantes. Ces deux stratégies portent respectivement sur l’organisation et l’élaboration des connaissances, deux processus reconnus essentiels pour réaliser une version personnalisée des informations. Par ailleurs, ces stratégies sont au coeur de la réalisation d’une carte sémantique, l’organisateur graphique retenu dans l’étude. Ces résultats vont dans le même sens que ceux qu’ont obtenus Gersten et al. (2001), résultats qui montrent que le modelage permet d’intervenir efficacement sur plus d’une stratégie à la fois.

En ce qui concerne le maintien dans le temps des effets d’une intervention sur les stratégies cognitives, bien qu’il y ait certaines incohérences dans les réponses des élèves aux différents outils de l’étude, dans l’ensemble les résultats vont dans le même sens que ceux d’autres étudesqui ont montré un maintien des effets de l’intervention à moyen terme (Boon et al., 2005 ; Wilder et Williams, 2001).

Quant à la performance, elle s’est améliorée à la suite de l’intervention, comme cela a été le cas dans d’autres recherches portant sur l’enseignement de stratégies d’apprentissage auprès d’élèves en difficulté d’apprentissage dans un contexte d’apprentissage par la lecture (Boon et al., 2005 ; Ellis et Lenz, 1990 ; Gersten et al., 2001 ; Kim et al., 2004 ; Rinehart, S. D., Barksdale-Ladd, M. A., Welker, W. A., 1991 ; Scalon et al., 1996). Ces résultats peuvent s’expliquer au regard des quatre pratiques qui constituent l’approche par modelage, lesquelles sont reconnues efficaces pour soutenir les élèves dans le développement de leurs stratégies cognitives. D’abord, les élèves ont eu à réaliser par eux-mêmes l’organisateur graphique, et ce, à plusieurs reprises. Cet aspect renforce l’idée, tout comme Kim et al. (Ibid.) l’ont observé, que les élèves améliorent leur apprentissage s’ils réalisent eux-mêmes l’organisateur graphique. Ils expérimentent alors par eux-mêmes la procédure proposée (Cartier, 2007).

Par ailleurs, la pratique guidée, partie intégrante de la modélisation contribue également à améliorer l’efficacité d’une intervention portant sur les stratégies d’apprentissage (Conley, 2008). Ce type de guidance est défini comme étant de l’étayage (Butler, 2002).Dans l’intervention mise en place, les élèves ont reçu l’aide des deux enseignantes tout au long de leurs pratiques guidées. La guidance permet d’offrir de l’aide à l’élève au moment opportun et en quantité suffisante.

Un autre aspect important de l’intervention était le recours à la discussion entre l’intervenante et les élèves pendant l’intervention. Au cours de ces discussions, les élèves réfléchissaient sur leur façon de faire en lien avec le facilitateur procédural (Butler, 2002). Lors de la pratique guidée, les élèves étaient aussi amenés à discuter de leur façon de travailler.

Enfin, l’explicitation des stratégies, en plus de l’expérimentation, de l’étayage et de la discussion, est un élément clé dans le succès d’une intervention sur les stratégies cognitives à l’aide de l’approche par modelage (Conley, 2008), et ce, particulièrement auprès d’élèves en difficulté (Rupley, Blair et Nichols, 2009). Le fait de pouvoir se référer à des procédures ou à des démarches précises guide l’élève dans son expérimentation de nouvelles pratiques. Ce soutien peut lui donner confiance en lui-même et l’encourager à essayer de nouvelles stratégies. Il peut aussi le motiver à maintenir ce changement à moyen et à long termes, les émotions et la motivation étant deux composantes essentielles de l’apprentissage par la lecture (Cartier, 2007). Le facilitateur procédural a pu jouer un rôle dans ce sens.

5.2 Absence d’effet du facilitateur procédural combiné au modelage

L’exploration de l’utilisation d’un facilitateur procédural comme support visuel, en plus du modelage, a été effectuée tant sur le plan du recours à l’organisateur graphique que de la performance de l’élève. Les résultats obtenus montrent qu’il n’y a pas de différence entre les deux sous-groupes d’élèves quant au recours à l’organisateur graphique. Ces résultats semblent confirmer ceux que d’autres chercheurs ont obtenus. En effet, Graham et al. (1995) avaient conclu qu’il n’y avait pas de différence entre les élèves qui bénéficiaient ou non d’un facilitateur procédural dans une situation d’écriture. Dans le cas du modelage, où des stratégies sont explicitement présentées aux élèves, discutées, expérimentées plusieurs fois et avec de l’aide, il semble que l’ajout d’une procédure écrite n’apporte rien de plus à moyen terme aux stratégies des élèves.

Aucune recherche, à notre connaissance, n’a à ce jour utilisé le facilitateur procédural en situation de lecture pour explorer les effets d’une intervention sur la performance. À court terme, les résultats de notre étude ont montré que les élèves qui en avaient bénéficié, lesquels avaient par ailleurs un peu moins de connaissances sur le sujet traité par les textes lus en science que le sous-groupe qui n’en avait pas bénéficié, ont rejoint les autres élèves sur le plan des performances à la fin de l’intervention. Dans ce cas, il est permis de penser que ce soutien peut agir non seulement sur la fréquence du recours aux stratégies, mais aussi sur l’efficacité de leur utilisation. Le facilitateur procédural a pu jouer un rôle en ce sens. Il serait important de valider cette idée dans une prochaine étude.

Conclusion

La présente étude visait à évaluer l’effet d’une intervention sur l’apprentissage par la lecture auprès d’adolescents en difficulté d’apprentissage. Les résultats tendent à montrer que le modelage de stratégies permettant de réaliser un organisateur graphique (réseau de concepts) a permis aux élèves d’améliorer leur recours aux stratégies Regrouper les informations par sujet ou par thème et Prendre en note les idées importantes, mais a aussi permis à ces élèves d’améliorer leur performance, tant en ce qui a trait à l’acquisition des concepts lus qu’à la compréhension de ces concepts. Le modelage comprenait l’explicitation et l’expérimentation des stratégies ainsi que l’étayage et la discussion.

L’ajout d’un facilitateur procédural à cette intervention a eu un effet à court terme chez les élèves y ayant eu accès, élèves qui avaient moins de connaissances sur le sujet traité dans les textes choisis que les autres élèves avant l’intervention. Ces résultats sont importants, car ils suggèrent qu’une intervention centrée sur le recours aux stratégies cognitives facilite chez les élèves en difficulté d’apprentissage l’acquisition des connaissances nécessaires à la réalisation de l’activité d’APL ; ce type d’intervention pourrait ainsi contribuer à réduire l’écart entre ces élèves et leurs pairs en ce qui concerne les connaissances sur les sujets traités dans les cours. Toutefois, il faudrait mener d’autres recherches sur l’effet du facilitateur procédural sur les élèves en difficulté d’apprentissage pour mieux comprendre son potentiel de soutien à l’apprentissage. Cette étude exploratoire ne pose que les premières balises d’une série d’études qui seraient nécessaires pour étudier, sous différents aspects et dans différentes conditions, l’efficacité d’un facilitateur procédural pour soutenir le développement de stratégies cognitives efficaces et efficientes.