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Le Vieux-Montréal, arrondissement historique de Montréal depuis 1964, a fait l’objet de discussions au sujet de son avenir en 2008. Une journée d’étude a été organisée le 25 avril 2008 pour amorcer une réflexion sur la possibilité de le thématiser comme « Quartier de l’Histoire ». L’ouvrage Le Vieux-Montréal, « Quartier de l’Histoire » ? témoigne de cette journée qui s’est divisée en trois séances en rassemblant trois séries de textes. Ce sont les spécialistes qui ont participé à l’événement qui nous livrent leur texte afin de nous exposer les enjeux et les conclusions de la journée. Ainsi, plusieurs professeurs des départements d’histoire, d’études urbaines ou encore de géographie de l’Université du Québec à Montréal y ont pris part, mais également plusieurs professionnels du milieu : archéologue, historienne, directrice de musée, ainsi qu’un professeur du Centre d’urbanisation, culture et société de l’Institut national de la recherche scientifique.

La première séance a porté sur « L’histoire et l’archéologie au service de la compréhension du patrimoine montréalais ». On y montre surtout le Vieux-Montréal comme objet d’étude depuis plusieurs années et on insiste beaucoup sur le changement survenu dans les années 1960, moment où l’on a en quelque sorte redécouvert le quartier. Le premier texte, écrit par Joanne Burgess, professeure au département d’histoire de l’UQAM et directrice de l’Institut du patrimoine de l’UQAM, nous explique comment la recherche à propos de Montréal a évolué au fil de deux grandes périodes, soit les années 1970 et les années 1990. C’est toutefois au cours de la deuxième qu’on s’intéresse le plus au Vieux-Montréal. C’est aussi dans ce texte que l’on nous informe de l’Entente MAC-Ville, prise au début des années 1990 entre le Ministère des Affaires culturelles de l’époque et la Ville de Montréal pour encourager diverses initiatives pour le développement du Vieux-Montréal, particulièrement dans le domaine de l’archéologie. Le deuxième texte, rédigé par Pierre Bibeau, archéologue, fait un état des lieux de l’archéologie dans le Vieux-Montréal, où de nombreux sites ont été fouillés, puis valorisés. Parfois des tracés sur le sol témoignent de vestiges trouvés à certains endroits lors de fouilles antérieures. Cette méthode de recherche aide d’ailleurs à identifier et documenter les différents lieux. Le dernier texte de cette séance est l’oeuvre de Jean-Claude Robert, professeur du département d’histoire de l’UQAM et membre de l’Institut du patrimoine de l’UQAM. Il fait ici le bilan de l’histoire de Montréal et de l’histoire à Montréal, où les lieux d’histoire sont nombreux au point que l’on puisse difficilement trouver une mémoire unique pour cette ville diversifiée. L’auteur note également que, de nos jours, la connaissance de l’histoire n’est plus seulement un savoir réservé aux intellectuels, elle est en quelque sorte accessible à tous.

La deuxième séance traite de la mise en valeur du Vieux-Montréal. On y voit assez bien le rapport avec le tourisme actuel qui cherche à faire vivre une expérience urbaine. Le premier texte, écrit par Sylvie Dufresne, qui a une vaste expérience du domaine muséal, surtout dans le Vieux-Montréal, fait le point sur les musées, dont la présence dans le quartier ne date pas d’hier. De manière générale, la quinzaine d’entre eux que l’on y trouve traitent de la ville de Montréal dans son ensemble plutôt que du quartier dans lequel ils se trouvent. L’auteure nous montre d’ailleurs qu’elle n’approuve pas l’idée de thématiser le quartier, car cela présenterait « un danger d’asphyxie » (76). Le deuxième texte de la séance a été composé par Martin Drouin, coordonnateur et professeur à l’Institut du patrimoine de l’UQAM. Ce texte porte sur l’offre touristique du Vieux-Montréal. Ainsi, on passe par l’historique des premiers circuits et moyens d’interprétations visibles dans le quartier aux diverses cartes, circuits, expositions, visites à pied ou en calèche que l’on trouve de nos jours. Il s’intéresse au renouvellement de l’interprétation par l’expérience du quartier au quotidien, mais également par la patrimonialisation des lieux. Le troisième argumentaire vient de Claire Poitras, professeure au Centre urbanisation, culture et société de l’INRS, à propos du développement immobilier. On nous expose dans le texte la transformation des différents bâtiments présents dans le quartier en logements de luxe. On comprend qu’à côté de l’effort de mise en valeur du patrimoine, il y a également une volonté de repeupler le Vieux-Montréal, et ce, depuis les années 1980. L’expérience touristique moderne faisant appel à l’expérience du quotidien, il s’agit donc, comme l’indique l’auteure, de trouver un équilibre entre les espaces résidentiel et touristique.

Le troisième volet portait sur la thématisation des quartiers, telle qu’on a déjà pu l’observer avec le Quartier des spectacles, toujours à Montréal. Dans cette séance, on peut noter un peu plus de subjectivité, les auteurs ne cachant pas leur opinion. Le premier texte de Sylvain Lefebvre porte sur la notion de signatures territoriales. L’image créée par de telles signatures est forte et soumise aux notions de marketing et de mise en marché. où le quartier n’est plus qu’une marchandise. C’est ainsi que se positionnent les grandes villes dans la concurrence qui les oppose toutes. L’auteur nous fait part des avantages et des inconvénients de la thématisation, mais nous avertit d’un danger de dérive en ce sens. Le texte d’Anouk Bélanger, à propos des leviers que sont la culture et l’histoire pour le développement de la ville, poursuit cette idée. En décrivant les caractéristiques de la mobilisation du spectacle dans la ville, comme elle l’explique (spectacularisation des espaces urbains), elle attribue des bons et des mauvais points à une telle opération. Entre autres, elle souligne le danger d’une homogénéisation des différents quartiers de la ville. Puis elle conclut que la thématisation du quartier du Vieux-Montréal n’est pas nécessaire, car son image est déjà bien forte et bien ancrée. Il s’agit seulement de la fortifier et d’en prendre soin.

Le dernier texte, qui conclut l’ouvrage, a été composé par Luc Noppen et Lucie K. Morisset, tous deux professeurs au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM. Ceux-ci sont d’avis que le Quartier de l’histoire comme on l’entend n’a absolument rien à voir avec le quartier tel qu’on le connaît dans les autres quartiers de la ville. La trop grande concurrence internationale entre les villes obligerait Montréal à se donner une seule image forte, qui ne correspond pas réellement à la réalité. Les auteurs terminent sur le fait que l’expérience touristique cherche avant tout la différence, plutôt que l’homogénéisation des grandes villes du monde.

Ce recueil est donc le résultat d’une réflexion sur la thématisation du Vieux-Montréal en tant que Quartier de l’Histoire. Or, à la lecture des différents textes, il semble que les auteurs s’entendent sur l’inconvénient qu’il y aurait à dénaturaliser un quartier qui se débrouille déjà très bien sans ce titre commercial. Toutefois, il semble que les auteurs se soient tous entendus sur le fait que le Quartier de l’Histoire n’était pas la meilleure solution. Il est d’ailleurs fort intéressant d’avoir accès aux débats sur le sujet. Les textes étant tous pertinents, les sujets bien expliqués et les notions claires, ce recueil permet de s’instruire et de comprendre les enjeux réels du débat.