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Lavoie et Vaugeois, tous deux historiens, présentent ici trois rapports gouvernementaux qui constituent les fondements de la Loi sur les Indiens, élaborée en 1876. Il s’agit des rapports des commissions Darling, déposé en 1828, Bagot en 1844 et finalement Pennefather, en 1858. Ces commissions furent mises sur pied principalement pour remédier à la dépendance économique des autochtones ainsi que pour solutionner leurs problèmes sociaux, ce qui révèle la pérennité de leur situation.

Pour Lavoie et Vaugeois ces rapports sont à « l’origine d’une politique de tutelle et d’assimilation » ; on constate toutefois, à la lecture de leur ouvrage, la présence déjà importante, durant la seconde moitié du 19e siècle, de ces éléments dans nombre de communautés autochtones, tandis que les rapports, principalement ceux de Bagot et Pennefather, recommanderont la généralisation de cette politique qui deviendra la Loi sur les Indiens. Bien qu’il semble entendu aujourd’hui que l’assimilation et la tutelle participent à une logique de domination, elles étaient à l’époque envisagées plutôt en tant qu’intégration et protection des autochtones, devant la difficulté que représentait la conservation de leur mode de vie face à l’avancée des immigrants d’origine européenne. En ce qui a trait à l’intégration, on recommande donc la multiplication des « écoles industrielles » qui deviendront les tristement célèbres pensionnats autochtones, tandis que la protection prendra la forme d’une gestion gouvernementale des villages autochtones et de l’aménagement des « terres réservées aux Indiens », dans le but d’écarter la menace que représentent certains individus non autochtones comme les trafiquants ou encore les cultivateurs-squatteurs. Ces trois rapports entérineront de la sorte un certain paternalisme envers les autochtones, destiné éventuellement et de façon paradoxale à favoriser leur autonomie. Ces documents, ironiquement, semblent donc réhabiliter les intentions des commissaires et, plus tard, des législateurs, en remettant en perspective les vues qui sous-tendent les politiques contenues dans la Loi sur les Indiens, tandis que la forme désastreuse que prirent ces politiques sur les plans culturel, social, économique et politique est, en contrepartie, soulignée de façon non équivoque dans l’analyse de Lavoie et Vaugeois.

D’un grand intérêt historique, la démarche des auteurs est principalement appuyée sur les sources primaires que sont ces rapports. À ce sujet, nous avancerions toutefois que cet ouvrage aurait gagné à accorder moins de place aux rapports, présentés intégralement. Si leurs objectifs et recommandations sont de la première importance et méritent d’être soumis tels quels, certaines statistiques extrêmement détaillées concernant les villages autochtones, en revanche, écartent l’attention de l’explication de « l’impasse amérindienne ». L’apport des auteurs se situe dans la préface, l’introduction, la conclusion et l’épilogue, où se retrouve un véritable travail de synthèse, mais aussi dans les encadrés qui ponctuent les rapports en les remettant en contexte et en précisant certaines notions ou personnages historiques étrangers au profane.