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Dans le milieu de l’éducation, l’enfant roi constitue un sujet de conversation très fréquent. Nombreux sont les auteurs qui se sont attardés à en décrire les caractéristiques, aussi bien dans son statut d’enfant à la maison que dans celui d’élève à l’école. Luc Lewis propose une façon différente d’observer le phénomène en interpellant les parents, premiers éducateurs, ainsi que les différents intervenants en éducation.

Les intentions de l’auteur ne visent pas à dresser un portrait de la situation des enfants rois, mais plutôt à faire réfléchir les lecteurs en proposant une démarche en plusieurs étapes, à partir de l’identification des comportements qui se manifestent dès le jeune âge, jusqu’aux questionnements que soulèvent les interventions éducatives adoptées par les parents et les enseignants.

Plusieurs thèmes sont abordés sous forme de chapitres courts, comme autant d’angles de vision : l’émergence de l’enfant roi en lien avec l’évolution des mentalités ; le devenir de l’enfant roi en lien avec ses forces et ses faiblesses ; les responsabilités complémentaires de tous les acteurs de l’éducation des enfants.

La démarche ne suit pas un protocole scientifique, bien que l’approche freudienne serve de cadre de référence. L’auteur cherche plutôt à susciter une réflexion sérieuse inspirée par son expérience personnelle de clinicien, de pédagogue, de psychologue, ayant pratiqué dans les écoles à plusieurs ordres d’enseignement.

Les propos sont nuancés, et il évite de tomber dans le piège des descriptions de la psychologie populaire, où il importe avant tout de trouver un responsable de cette situation.

En fait, toute la démarche réflexive tend à ouvrir des pistes que le lecteur peut adapter à son propre rôle. Ainsi, par exemple,

  • un enseignant pourra s’approprier ces phrases : […] les enseignants s’attendent à ce que les parents les épaulent dans leurs objectifs qu’ils estiment d’emblée communs ; si les parents autrefois donnaient presque toujours raison aux enseignants, il n’en est plus de même aujourd’hui (p. 98) ;

  • un parent se demandera si cette sentence s’applique : Le parent contemporain, à cause de la pression qu’il ressent de par sa volonté d’être le meilleur des parents, faute de faire la distinction obligée entre besoin et caprice, […], ressent une culpabilité paralysante face à la peine ressentie par l’enfant, surtout quand l’interdiction ou le refus provoque une crise (p. 109).

Le contexte québécois est toujours en toile de fond avec des références aux politiques et aux lois, comme celles qui gèrent les droits de l’enfant. Il devient facile de poursuivre une réflexion personnelle sur les situations fournies en exemple. Témoignant d’une belle culture avec des associations d’idées dans le temps et l’espace, cet ouvrage se lit comme un roman.

Bien entendu, aucun livre ne peut se targuer de couvrir tous les aspects ; en tant que critique, il est toujours possible de dire que tel ou tel aspect pourrait être ajouté. Il revient aux éducateurs d’écrire pour eux-mêmes les chapitres qu’ils jugeraient opportun d’ajouter afin de mieux circonscrire les particularités du monde de l’enfant roi de leur entourage.