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Cet ouvrage – admirablement structuré et documenté – met en évidence la nécessité de refonder la formation des enseignants, et plus spécifiquement des enseignants de sciences, sur un projet éducatif de nature politico-pédagogique soucieux d’enrichir la pertinence des apprentissages scolaires en les situant dans une dynamique de débats autour de questions socialement vives marquées par des enjeux technoscientifiques. Les controverses scientifiques à propos de la validité du savoir, imbriquées dans des controverses sociales relatives à la prise de décision (comme celles liées à l’énergie, à la santé ou à l’alimentation), sont en effet d’importants creusets de construction et de discussion du savoir, de l’éthique et de l’agir social. Virginie Albe montre que l’enseignement des controverses peut devenir à son tour un creuset fécond de formation des jeunes, favorisant une meilleure compréhension des processus sociaux de construction et d’usage du savoir, le développement d’une pensée critique et l’exercice démocratique d’une citoyenneté éclairée.

L’éducation aux sciences est ici interpellée de façon particulière, en raison des défis que pose une nouvelle posture épistémologique qui reconnaît l’insertion sociale de l’activité scientifique, de même que le caractère incertain, incomplet, parfois contradictoire et mouvant, d’un savoir en train de se faire, qui remet en question les notions de faits, de consensus et de preuve, et met en lumière les rapports étroits entre savoir, éthique et pouvoir. Dans la perspective d’enrichir à cet effet la formation des enseignants et de favoriser une éducation aux sciences citoyenne, Virginie Albe s’appuie sur une remarquable recension d’écrits pour déployer un argumentaire en faveur du développement de la recherche sur l’enseignement des questions socioscientifiques à l’école. Au premier chapitre, l’auteure situe l’émergence de ce champ de recherche et d’action éducative dans une perspective socio-historique, répondant aux transformations politiques et sociales majeures de nos sociétés contemporaines, relatives entres autres aux rapports entre science, technologie et société. Dans un deuxième chapitre est dressé un bilan de la recherche francophone et anglosaxonne sur la prise en compte des controverses socioscientifiques en milieu scolaire, bilan qui met en lumière les apports et limites de ces contributions. Au troisième chapitre, l’auteure présente une synthèse de ses propres recherches sur le sujet : celles-ci s’appuient sur des fondements épistémologiques et un cadre théorique explicites – celui du constructivisme critique – qu’elles contribuent à valider et à enrichir. L’ensemble des travaux de Virginie Albe permet de mieux documenter la problématique de la prise en compte des controverses dans l’éducation aux sciences en milieu scolaire. Enfin, le quatrième chapitre ouvre la voie à la poursuite de la recherche sur l’enseignement des controverses. L’auteure propose à cet effet un modèle d’analyse et de construction itérative de situations pédagogiques axées sur une écologie du savoir et prenant en compte l’ensemble des éléments du contexte scolaire. Le programme de recherche annoncé est de nature à fournir des sources d’inspiration concrètes pour les enseignants, qui viennent s’ajouter aux apports de cet ouvrage destiné davantage aux didacticiens des sciences.