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Introduction

La tradition de l’économie sociale dans les Iles Lamèque et Miscou remonte au milieu des années 1930. L’économie sociale, tant l’ancienne que la nouvelle, s’inscrit dans la mouvance d’un courant d’économistes et sociologues du 19e siècle et d’utopistes autogestionnaires des années 1960 (Favreau, 2006). Cependant, c’est dans la foulée du service d’extension de la St. Francis Xavier University[2] sous la direction de Père Moses M. Coady (clerc catholique) et du service d’extension à Shippagan sous la direction de Mgr Livain Chiasson, originaire de Lamèque, que l’éducation coopérative a pris forme dans l’Acadie des Maritimes et particulièrement en Acadie du Nouveau-Brunswick.

L’objectif de ce texte se situe à deux niveaux : premièrement, faire voir l’étonnante résilience des coopératives traditionnelles dans un milieu insulaire périphérique; puis montrer la contribution de ces coopératives traditionnelles au développement d’autres entreprises collectives et à l’économie sociale.

Après avoir introduit les concepts théoriques de l’économie sociale dans un premier temps, nous présenterons des aspects du territoire d’analyse essentiels à la présente étude. Ensuite, nous exposerons le cas des anciennes entreprises collectives d’économie sociale dans les Îles Lamèque-Miscou et leur impact en tant que piliers du développement local et régional. Ces piliers sont l’Association coopérative des pêcheurs de l’Île dans le secteur des pêches, l’Association coopérative de Lamèque dans le secteur du commerce de détail, ainsi que la Caisse Populaire des Îles dans le secteur des services financiers. En discussion, nous verrons l’importance que revêt l’intraprenariat, c’est-à-dire « la mise en oeuvre d’une innovation par un employé, un groupe d’employés ou tout individu travaillant sous le contrôle de l’entreprise » (Carrier, 1997 : 64), peu importe sa nature. Cet intraprenariat joue un rôle dans la mise en place de nouvelles entreprises d’économie sociale (maison des pionniers) ou de services collectifs (aréna) ainsi que dans la création d’économie mixte coopérative et privée (ferme d’éoliennes) ou encore d’entreprises privées (culture de canneberge). Nous traiterons également des défis à la coopération qui sont devenus apparents au fil de nos entretiens. En conclusion nous reviendrons sur les facteurs de réussite de l’économie sociale et sur l’impact qu’elle peut avoir sur le développement territorial d’un milieu.

1. Éléments théoriques

Selon de nombreux auteurs (Doré et Doucet, 2007; Favreau, 2003, 2008; Jeantet, 2008; Lévesque, 2007a, 2007b; MacPherson, 2007), l’économie sociale comprend les coopératives, les associations et les mutuelles basées sur les valeurs des activités économiques avec des buts sociaux, le développement durable, l’égalité des chances, l’inclusion des catégories les plus démunies et la société civile. Également, les organisations d’économie sociale comprennent des volets associatif et entreprise (Laville et Sainsaulieu, 1997; Vienney, 1994) qui visent l’humanisation de l’économie (Maréchal, 2000).

Dans le territoire à l’étude, le concept d’économie sociale nous paraît davantage ancré dans la pratique que dans le discours puisque lors des entrevues semi-dirigées et discussions peu d’intervenants, sinon aucun, font appel à ce concept, lui substituant celui de coopération. Même si le concept ou le terme économie sociale sont peu utilisés dans la communauté, nous devons pour les fins de cet article, cerner la littérature en ce domaine. Les perspectives de l’économie sociale, solidaire ainsi que coopérative étant selon nous complémentaires, nous n’hésitons alors aucunement à dire que ces approches visent la promotion collective et plus particulièrement un développement local solidaire, tout en s’inscrivant dans le développement économique communautaire (Savoie, 2000).

Dans les projets d’économie sociale, solidaire et coopérative « la manière dont les acteurs locaux se connectent et se coordonnent, le système de projet qui vise l’intérêt collectif, voire l’intérêt général (…) favorisent des alliances entre économie sociale et développement local » (Lévesque, 2007b : 27). Et ce dernier de poursuivre : « l’économie sociale et solidaire met en valeur des principes propices à créer de la coopération, de la solidarité générationnelle et intergénérationnelle (propriété durable), de la cohésion, de la confiance, sans oublier l’éducation coopérative » (…) apprentissage qui s’inscrit « dans les divers processus qu’exige une gouvernance locale » (ibid : 27). Ceci fait dire à certains auteurs que l’économie sociale peut contribuer « à l’émergence d’un nouveau modèle de développement » (Colletis, Gianfaldoni et Richez-Battesti, 2005 : 18).

Étant donné les interventions cloisonnées et verticales des actions étatiques (Eme, 2005 : 54), « les acteurs de l’économie sociale, solidaire (et coopérative) redonnent cohérence pratique, mais aussi politique, aux cloisonnements verticaux et à la parcellisation territoriale des problèmes ». Ainsi l’économie sociale, solidaire et coopérative négocie sa façon de faire et ses projets avec les pouvoirs publics et privés et « réalise une cohérence territorialisée spécifique par un travail politique du local sur lui-même » (Eme, 2005 : 45-46). Dans cette perspective, l’économie sociale, solidaire et coopérative « construit collectivement des besoins sociaux, mobilise des ressources locales, y compris financières, offre des services de proximité et crée des emplois avec le souci de l’insertion et de la professionnalisation » (Demoustier, 2006).

Les activités de l’économie sociale, solidaire et coopérative se doivent aussi de répondre de plus en plus aux prérogatives du développement durable qui « permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre les possibilités des générations futures de satisfaire les leurs » (CMED-Brundtland, 1988 : 10). Pour les fins de cet article, nous voulons montrer que « le développement durable et l’économie sociale, quoique deux entités distinctes, se rejoignent à plusieurs égards et peuvent se résumer par la reconnaissance d’une dimension sociale, le souci de l’intérêt général et l’idée d’un développement autrement porteur d’objectifs sociétaux » (Gendron, 2004). Ainsi, l’économie sociale contribue au développement durable par ses visées de démocratie, d’inclusion et de justice sociale. Par son ancrage et sa place dans le développement durable, elle permet aussi de répondre aux quatre sphères du développement durable : la sphère sociale qui implique la mise en valeur du tissu social et des cultures locales; la sphère environnementale par la sensibilisation à des pratiques environnementales responsables; la sphère économique au moyen de la création des services et d’emplois demandés par les citoyens; la sphère institutionnelle par la participation au rapprochement institutions/citoyens (Kostrzewa et al., 2008).

Ce texte tente de créer un pont entre cette économie sociale et le concept de développement territorial. S’inspirant de Deffontaines (2001), Guillemot, Plante et Boisjoly (2008 : 522) soutiennent que « le développement territorial reflète la capacité des acteurs à mettre en valeur les ressources locales, en exploitant leurs dimensions historiques, naturelles, économiques et sociales ». Ce processus de développement local ancré sur un territoire spécifique correspond bien à celui que nous voulons décrire dans cette recherche. En effet comme le soulignent Guillemot, Plante et Boisjoly (2008 : 522), pour réussir leur stratégie de développement territorial, « les acteurs doivent s’organiser et se fédérer autour de projets communs, ce qui suppose que le milieu a la possibilité de gérer les conflits relatifs à l’usage des ressources ».

2. Milieu d’étude : gouvernance locale et démographie

Le territoire des Îles Lamèque et Miscou (Tableau 1) s’étend à l’extrémité nord-est de la Péninsule acadienne du Nouveau-Brunswick. La région compte près de 7 000 habitants. Comme les autres régions rurales et périphériques, elle subit une baisse démographique (- 6,8 % de 2001 à 2006 (Statistique Canada, recensement de 2006). On attribue cette faible vitalité démographique à la rationalisation des activités économiques du territoire d’une part, aussi bien qu’à la baisse de natalité et l’exode des jeunes (Entreprise Péninsule, s.d.).

Au plan de la gouvernance locale, on y retrouve deux municipalités, la ville de Lamèque et le village de Sainte-Marie-Saint-Raphaël, lesquelles regroupent 35 % environ de la population. C’est donc dire que le village de Lamèque a été fondé en 1966 pour devenir la Ville de Lamèque en 1982. Pour ce qui est du village de Sainte-Marie-Saint-Raphaël, il est né en 1986 de la fusion des communautés de Sainte-Marie-sur-Mer et de Saint-Raphaël-sur-Mer.

Le Tableau 1 présente la répartition de la population dans les municipalités et Districts de services locaux de la région. Un aspect singulier du territoire est le fait qu’environ 35 % de la population vit au sein de municipalités, tandis que 65 % des effectifs insulaires résident au sein d’espaces non incorporés représentés par un comité local de volontaires, que l’on nomme Districts de services locaux. Près des deux tiers de la population vit ainsi dans des collectivités qui n’ont pas de représentation élue, ce qui pose un déficit de représentation démocratique pour la majeure partie du territoire.

Tableau 1

Distribution de la population entre les districts de services locaux (DSL) et les municipalités des Îles Lamèque et Miscou, 2001-2006

Distribution de la population entre les districts de services locaux (DSL) et les municipalités des Îles Lamèque et Miscou, 2001-2006
Source : Statistique Canada, recensements de 2001 et 2006

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3. Méthode

Afin de comprendre la capacité des acteurs d’élaborer des projets collectifs, d’économie sociale dans le territoire des Îles Lamèque et Miscou, nous avons réalisé une étude de cas (Yin, 2003 et Roy, 2009). De plus, nous avons procédé par observation participante. Pour ce faire nous sommes allés à plusieurs reprises nous imprégner du dynamisme coopératif propre à cette région durant l’année 2008. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer et de discuter amplement avec les principaux partenaires de l’économie sociale, solidaire et coopérative, dans leur champ et lieu d’intervention. Comme il est apparu clairement lors de nos observations que trois coopératives de trois secteurs d’activités (pêches, consommation et services financiers) forment le coeur de l’économie sociale de la région, celles-ci ont été retenues pour une analyse plus approfondie de leur contribution au développement socio-économique de leurs communautés. Au total, 11 entrevues semi-dirigées ont été réalisées en juin 2008 auprès de différentes leaders du secteur coopératif et du secteur municipal. De plus, 6 autres entrevues semi-dirigées avec des membres de la coopérative des pêcheurs de l’île âgés de 46 à 68 ans ont été tenues en décembre 2008.

Finalement, des activités de validation des données des entrevues ont été réalisées lors d’un forum de concertation sur la coopération tenu le 25 avril 2009 avec environ 50 personnes de ce territoire. Les données recueillies lors des observations participantes et des entrevues ont fait l’objet d’une analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2008; Sabourin, 2009). Des rapports annuels ainsi que des monographies se rapportant aux industries ou aux communautés ont également été dépouillés.

4. Les piliers de l’économie sociale

4.1. La coopérative des pêcheurs

L’un des piliers majeurs de l’économie sociale sur les Îles Lamèque-Miscou est sans contredit l’Association coopérative des pêcheurs de l’Île. Sa fondation, en 1943, visait avant tout à donner aux pêcheurs un accès aux marchés (Gauvin et Seguin, 1988). La morue sera la principale espèce transformée durant de longues années. En 1968, cette coopérative de pêcheurs commence la transformation du crabe des neiges. De nouvelles unités adjacentes de production seront construites en 1974 et 1982 pour combler les besoins dans la transformation de différentes espèces. Aujourd’hui, l’entreprise coopérative se spécialise dans la transformation de la crevette, du crabe des neiges, du crabe commun et du hareng.

Des changements importants ont été apportés à la structure du sociétariat suite à la crise du poisson de fond au milieu des années 1990. La coopérative regroupait alors plus de 1400 membres. Le sociétariat était très diversifié : employés syndiqués, pêcheurs ayant ou non des relations d’affaires avec la coopérative et employés non syndiqués. Vu l’état financier critique de la coopérative, le conseil d’administration a alors décidé de rationaliser le sociétariat en offrant à certains membres le rachat de leurs parts sociales. La réduction progressive du nombre d’employés, suite à l’attrition et aux mises à pied, a entraîné une baisse importante du nombre de sociétaires. En 2007, la coopérative ne compte plus que 162 membres (figure 1), bien que le sociétariat demeure relativement diversifié. De 30 à 40 travailleurs syndiqués ont conservé leurs parts sociales. Certains gestionnaires sont également membres. On observe aussi une diversité du côté des pêcheurs en fonction de leur secteur de pêche : crevette, crabe, homard et hareng. Certains pêcheurs sont membres de la coopérative par l’intermédiaire d’une personne morale, i.e. une compagnie. La quasi-totalité du membership vient des Îles Lamèque et Miscou. En fait, les seuls cinq membres provenant de l’extérieur des Îles sont des crevettiers de Caraquet.

Figure 1

Répartition du membership de la coopérative des pêcheurs de l’Île

Répartition du membership de la coopérative des pêcheurs de l’Île

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La position dominante et le leadership exercé par la coopérative dans son secteur lui permettent d’offrir actuellement les meilleurs prix, ce qui a pour effet de sécuriser les approvisionnements et la fidélité des membres-pêcheurs. Elle mise aussi sur la qualité des services aux membres. La coopérative a ainsi mis en place une unité spéciale de services dédiée spécifiquement aux besoins de tous les pêcheurs. Elle a également mis sur pied un plan d’aide financier pour la pêche à la crevette. Il s’agit d’une pêche dont la rentabilité demeure difficile en raison des coûts d’exploitation particulièrement élevés et du prix instable de la crevette nordique. C’est la raison pour laquelle ce groupe de pêcheurs a tendance à être plus endetté. Ils ont négocié des emprunts auprès du gouvernement provincial, prêts qui sont actuellement gérés par Entreprise Nouveau-Brunswick. Cet arrangement financier favorise la transformation locale de la ressource puisque les crevettiers doivent obtenir l’autorisation de la province pour vendre leurs captures à un transformateur d’une autre province. Cela n’empêche pas les autres transformateurs du Nouveau-Brunswick de faire du maraudage auprès des crevettiers membres de la coopérative.

Le Tableau 2 présente les actifs de la coopérative de pêcheurs entre 2003 et 2007. Ces fluctuent de manière importante. Cette fluctuation s’explique, entre autres, par la rationalisation des installations. Du côté des ventes, on observe une augmentation de près de 10 M$ de 2003 à 2006 et une légère diminution en 2007. Durant les quatre années pour lesquelles nous disposons de données, nous obtenons une croissance annuelle moyenne de 7,4 p. cent. Le trop-perçu avant impôt demeure élevé tout au long de la période, mais une diminution de la marge bénéficiaire est enregistrée à partir de 2005. Cette situation s’explique par les dépenses d’investissement mais aussi par l’augmentation importante des dépenses salariales tout au long de la période. La coopérative essaie dans la mesure du possible de prolonger les heures de travail. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle l’entreprise a toujours cherché à diversifier sa production. Le tableau 3 fournit l’information à ce sujet pour l’année 2007.

Tableau 2

Profil statistique de l’Association coopérative des pêcheurs de L’Île (2003-2007)

Profil statistique de l’Association coopérative des pêcheurs de L’Île (2003-2007)
Source : Rapports annuels

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Tableau 3

Production et emplois, Association coopérative des pêcheurs de l’Île, 2007

Production et emplois, Association coopérative des pêcheurs de l’Île, 2007
1

32 employés travaillent dans toutes les espèces (débarquement, lavage…). Si on additionne ce chiffre aux 284 autres employés, on obtient un grand total de 316 emplois.

2

Employés partagés avec la transformation du hareng.

Source : Paul-Orel Chiasson, directeur-général de l’Association coopérative des pêcheurs de l’Île, décembre 2008

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La transformation de la crevette est devenue la principale production de la coopérative. En 2007, elle représente 67 p. cent du volume et 58 p. cent des ventes. Le crabe des neiges compte pour 7 p. cent du volume et 28 p. cent des ventes de la coopérative. En volume, la rave de hareng représente la deuxième espèce en importance avec 15 p. cent du volume, mais occupe la dernière place au classement des ventes par espèce avec seulement 9 p. cent des recettes.

Du côté des heures travaillées, en excluant le travail de manutention et de préparation pour le travail de transformation, la crevette absorbe 46 p. cent de l’ensemble des heures. La transformation du crabe commun est la deuxième production en importance. Elle compte en effet pour 31 p. cent des 214, 000 heures de travail. Puisque cette production s’effectue sur une plus courte période, c’est elle qui génère le plus d’emplois en usine, avec 49 p. cent des 316 emplois au total. La transformation de la crevette offre pour sa part du travail à 78 personnes (i.e. 25 p. cent) en 2007.

La réalité de la coopérative de pêche est très différente des autres types de coopératives. Il s’agit d’une coopérative de conditionnement et de transformation des produits de la pêche dont le volume d’activités dépend directement des débarquements des pêcheurs membres et de ceux du bateau-usine appartenant en copropriété à la coopérative. La fidélité des pêcheurs constitue à cet égard un enjeu crucial. Soulignons que de 20 à 25 membres de la coopérative en constituent le noyau central. Les membres du conseil d’administration sont recrutés dans ce noyau.

En 1995, la coopérative a entrepris une réorganisation majeure. La crise du poisson de fond ouvrait une occasion à long terme dans le domaine de la crevette, une pêche qui, jusque-là, avait connu des hauts et des bas. Aujourd’hui, la transformation de la crevette génère 50 % des activités de la coopérative. En plus du crabe des neiges et du hareng, chair et rave, la coopérative a innové en développant une production relativement importante de crabe commun. Pour contrer la chute de la demande en produits de la mer après septembre 2001, un partenariat avec des transformateurs américains a permis de mettre en valeur cette ressource. Aujourd’hui, la production de chair de crabe commun ne suffit plus à la demande. En 2008, le volume de production se chiffrait à 2,1 millions de kilogrammes. Des produits à base de rave de hareng sont également à l’essai. Cette stratégie de diversification est une caractéristique du style de gestion de la coopérative. Bien que parfois peu rentable, une ligne de production permet de maintenir une relation à long terme avec les pêcheurs tout en profitant des bonnes périodes que les cycles de production amènent. Elle permet aussi d’allonger la période de travail en usine, un objectif d’actualité à la coopérative des pêcheurs de l’Île.

Le sens de l’innovation, au sein de la coopérative des pêcheurs, se manifeste à d’autres niveaux. D’abord, en matière de production, l’entreprise cherche à se maintenir à la fine pointe de la technologie. Par exemple, au printemps 2008, elle a été l’une des premières entreprises dans le domaine à adopter une technologie de cuisson de la crevette par convection, modifiant ainsi complètement la ligne de production. Cet investissement substantiel, environ 1 M$, permet d’augmenter la productivité de l’usine et de partager avec les pêcheurs et les travailleurs les rendements additionnels.

La coopérative a aussi innové dans le domaine de la protection de l’environnement. Le déversement des eaux usées dans la baie sans traitement approprié polluait l’eau et diffusait des odeurs désagréables autour de l’usine. La coopérative, suite aux pressions populaires, a décidé de mettre en place un système de traitement des eaux usées au coût de 3,5 M$. Ce système DAF, pour Dissolved Air Flotation System, permet d’agglomérer les solides en suspension. Une fois récupérées, ces protéines peuvent être utilisées dans la production de farine et d’autres produits dérivés. La coopérative dépense annuellement 250 000 de dollars pour ce traitement des eaux usées, mais tire des revenus des produits issus de la récupération des déchets. Il s’agit d’une initiative unique dans l’industrie de transformation des produits de la mer de la Péninsule acadienne et même du Golfe du Saint-Laurent. Par ailleurs, la coopérative exploite cette initiative au plan marketing en faisant valoir ses bonnes pratiques environnementales, tentant ainsi de se démarquer de la compétition.

Pour ce qui est des produits dérivés discutés ci-avant, ils nécessitent des investissements en recherche et développement (R&D). La coopérative a alors décidé d’établir un partenariat de recherche avec l’Institut de recherche sur les zones côtières (IRZC) associé au campus de Shippagan de l’Université de Moncton. Ce partenariat public-privé, ou plutôt public-coopératif, est rare dans l’industrie des pêches du Golfe.

La coopérative des pêcheurs se démarque également par ses efforts au niveau du contrôle des coûts, notamment du côté de la facture d’énergie et des pratiques de gestion. L’embauche de deux gestionnaires, un ingénieur électrique et un comptable en management accrédité, a permis de revoir les processus tant du côté de l’optimisation des dépenses énergétiques que des systèmes de contrôle. La rentabilisation de ces deux nouveaux postes s’est faite rapidement pour la coopérative.

Un autre aspect particulier de la coopérative des pêcheurs est sa façon de traiter avec ses pêcheurs-membres. Elle entretient de saines relations d’affaires avec ses fournisseurs de matière première en tenant fermement à ses engagements et en s’occupant promptement des factures. Cette façon d’opérer lui a valu la confiance des fournisseurs, tout en ayant pour effet d’enraciner la coopérative dans son milieu. On le voit dans la fidélité des membres-pêcheurs et des employés pour l’organisation. Cela se voit également dans l’équipe de gestion où de jeunes professionnels, quoique peu nombreux, assurent le transfert de la culture de l’organisation d’une génération à l’autre. L’équipe de gestion accorde une grande importance à l’information des membres. Ces derniers, il en va de leur responsabilisation, doivent pouvoir suivre et comprendre les enjeux pour prendre une part active aux décisions. En bout de ligne, quatre valeurs centrales définissent selon les répondants, le style de gestion de la coopérative : loyauté, franchise, honnêteté et partage; quatre valeurs que l’on s’efforce non seulement d’inculquer aux membres, mais que l’on tente d’appliquer dans le quotidien.

La coopérative a par ailleurs innové dans ses stratégies de mise en marché : par le développement de marques et produits de qualité et la mise en place de partenariats. Du côté des marques, soulignons les labels Port Royal et Luxury Brine. Au niveau des produits, mentionnons l’exemple des crevettes sans ajout chimique. Cette stratégie a surtout porté fruit sur le marché européen, lequel est souvent à l’avant-garde des préoccupations environnementales en matière de production alimentaire Notons que le marché européen absorbe entre 60 et 70 % de la production de crevette de la coopérative, alors que le marché asiatique, surtout le Japon et la Chine, achète 80 % et plus de la production de crabe des neiges.

Du côté des partenariats de commercialisation, la coopérative a contribué à la fondation de plusieurs entreprises. À titre d’exemples on peut mentionner l’Atlantic Quality Seafood (AQS), organisation dans laquelle il ne reste que deux partenaires, et la Whitecap International Seafood Exporter (WISE), dans laquelle la coopérative détient 5 % du capital.

Un autre axe d’innovation se trouve dans le soutien accordé à la relève en matière d’approvisionnement. À cet égard, la clé semble être le suivi auprès des membres-pêcheurs. C’est le membre lui-même qui, en bonne partie, assure la fidélité de son successeur envers la coopérative, pour qui le défi est d’assurer des approvisionnements stables à long terme. Fidéliser les membres-pêcheurs s’avère un aspect hautement stratégique qui peut faire une nette différence dans la rentabilité de l’ensemble des opérations de la coopérative. Il faut néanmoins être prêt à investir dans la relève, le transfert d’une entreprise de pêche impliquant parfois des montants substantiels.[3] La coopérative peut intervenir en offrant une garantie de prêts aux jeunes pêcheurs pour leur permettre d’entrer dans l’industrie. En contrepartie, ces derniers signent un contrat d’approvisionnement avec la coopérative. Cette garantie représente un risque calculé pour la coopérative.

Les inquiétudes ont été soulevées à propos de la relève. Malgré les efforts et appuis de la coopérative, le recrutement de nouveaux membres-pêcheurs reste un défi de taille. Principalement, les coûts de démarrage d’une entreprise de pêche sont trop élevés pour permettre aux jeunes d’intégrer le secteur. La fidélité des membres à leur coopérative ressort des entrevues réalisées. Les services offerts, l’esprit d’innovation, l’équité dans le partage des profits, le respect dans le traitement financier, la participation à la prise de décisions, ainsi que les retombées en emploi pour la communauté et la famille sont des aspects, croit-on, qui aident à fidéliser les membres : «ici tout le monde est traité pareil et on est toujours payé selon les engagements et à temps, ce n’était pas pareil avant que je sois dans la coop ». L’appui à la coopérative qui en résulte fait que malgré les sollicitations du secteur privé pour l’accès à leurs prises, les pêcheurs demeurent fidèles.

Un point a retenu l’attention des chercheurs lors des entrevues; il s’agit de l’importance accordée à la quantité de produits débarqués plutôt qu’à la qualité et à la durabilité de la ressource. Presque tous ont mis l’emphase sur l’importance de la capacité du bateau et de l’efficacité des agrès. Cela nous amène à poser la question à savoir quel est le rôle de la coopérative des pêcheurs envers l’éducation et la sensibilisation de ses membres sur la conservation de la ressource?

En guise de conclusion sur la coopérative des pêcheurs, disons simplement que cette entreprise oeuvre au sein d’une industrie complexe aux prises à de fréquents rebondissements (Beaudin, 1998; Ferguson et Hébert, 1991). Qu’il s’agisse des aléas de la ressource, ou des critiques face à la gestion des stocks, de la surcapacité et de la concurrence pour l’approvisionnement primaire, de la réglementation montante, ou encore, des difficultés de fidélisation des travailleurs, la coopérative ne saurait opérer en vase clos. Elle doit collaborer avec les autres entreprises de l’industrie, les groupes de pêcheurs et leurs associations, les travailleurs, de même qu’avec la communauté (cas du problème environnemental dans la baie de Lamèque) afin de tirer profit d’un secteur plutôt instable mais qui demeure sa raison d’être. Elle a dû ajuster sa gestion aux impératifs de l’économie de marché, tout en conservant ses principes de collaboration et d’entraide.

4.2. Les coopératives de consommation

Dans le secteur de la consommation, on retrouve deux coopératives dans les Îles : la Société coopérative de Lamèque et la Coopérative de Saint-Raphaël. La Société coopérative de Lamèque opère dans le domaine du commerce de détail : épicerie et quincaillerie. Créée en 1940 en réponse à la crise économique, elle regroupait au départ 21 ménages (Cormier, 1987 : 55). De son côté, la Coopérative de Saint-Raphaël se spécialise dans les produits d’épicerie. Aujourd’hui, ces deux coopératives sont membres de Coop Atlantique, qui joue le rôle de grossiste, et de la Fédération acadienne des coopératives de consommation. Le tableau 4 présente quelques données sur la situation de ces coopératives pour la période 2003-2007.

Tableau 4

Profil statistique des coopératives de consommation (2003-2007)

Profil statistique des coopératives de consommation (2003-2007)
Source : Rapports annuels

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Malgré la décroissance démographique aux Îles Lamèque et Miscou, le nombre de sociétaires continue d’augmenter de façon significative. Il en va de même du côté des ventes. La croissance annuelle moyenne du nombre de sociétaires se chiffre à 5,6 p. cent et celle des ventes, à 3,8 p. cent pour les quatre dernières années (tableau 3). L’instabilité dans le trop-perçu, les besoins financiers pour le financement des projets d’investissement et les efforts à consacrer du côté de l’augmentation des réserves ont amené les coopératives à cesser le versement de ristournes aux membres. Pour les mêmes raisons, des efforts ont été faits dans le but de limiter la croissance des dépenses salariales.

Le territoire desservi par les coopératives de consommation s’étend bien au-delà de leurs municipalités immédiates. Par exemple, en 2007, dans le cas de la coopérative de Lamèque, seulement 17,7 p. cent du sociétariat provient de la ville. La zone d’influence de la coopérative déborde les Îles puisque 27,8 p. cent des membres résident dans les communautés de Shippagan et des environs.

4.3. La caisse populaire

Un autre pilier du mouvement coopératif sur les Îles Lamèque-Miscou est sans contredit la Caisse populaire des Îles. Elle est le résultat de la fusion, en 2003, de la Caisse populaire de Lamèque et de la Caisse populaire de Saint-Raphaël-sur-Mer, toutes deux fondées en 1937.[4] Membre de la Fédération des caisses populaires acadiennes, la Caisse populaire des Îles offre une gamme étendue de services bancaires à ses membres. Le tableau 5 présente quelques informations sur la caisse pour les cinq dernières années.

Tableau 5

Profil statistique de la Caisse Populaire des Îles (2003-2007)

Profil statistique de la Caisse Populaire des Îles (2003-2007)
Source : Rapports annuels

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Le nombre de sociétaires continue d’augmenter à la Caisse populaire des Îles. Cette hausse s’explique pour deux raisons : d’abord, dans le secteur de l’épargne et du crédit, le service intercaisse permet d’utiliser les services de la caisse populaire même si on réside à l’extérieur des Îles. Aussi, l’instabilité et la restructuration récente de la Caisse populaire de Shippagan, une concurrente depuis un certain temps, a incité nombre de personnes à devenir membre de la coopérative de services financiers des Îles. L’évolution du nombre de sociétaires se répercute bien entendu du côté de l’actif dont la composante principale repose sur les prêts. De 2004 à 2007, la croissance annuelle moyenne de l’actif a été de 9,1 p. cent et celle des prêts de 10,8 p. cent. L’augmentation est aussi importante dans les dépenses salariales. Durant ces années, la caisse a élargi la gamme offerte de services financiers : tels que la marge à tout avec garantie hypothécaire et la marge de crédit étudiant

5. Discussion

5.1. Les répercussions de l’économie sociale au plan du développement territorial

Notre analyse fait ressortir les liens étroits entre les entreprises coopératives du territoire des Îles Lamèque-Miscou et la vie associative de la région. Cela se reflète dans la collaboration, voire même l’implication directe des acteurs de la coopération à divers niveaux de la société civile, mais également par un soutien financier à diverses causes. Qu’il s’agisse de festivals, de spectacles, d’évènements sportifs, de bourses d’études, ou encore de partenariats dans des projets économique de nature communautaire ou collective, le soutien du mouvement coopératif est varié et génère indiscutablement un ensemble de retombées positives. La section suivante veut montrer comment le secteur coopératif traditionnel s’insère dans les différents secteurs d’activités.

5.1.1 Contribution du secteur coopératif conventionnel à la jeunesse

Dans le réseau coopératif de l’Île Lamèque, on assiste présentement à un renouvellement du personnel de gestion. Pour les jeunes de la région, cela démontre que des emplois stables et de qualité sont disponibles dans les coopératives. Les jeunes recrutés au sein des organismes coopératifs sont désormais mieux formés, arrivent avec un sens de l’innovation et possèdent un intérêt marqué pour leurs communautés. Il apparaît que la promotion de l’intérêt collectif passe avant la promotion individuelle. On le voit dans le type de relations de solidarité que les directeurs généraux et les gérants entretiennent avec les employés des coopératives. Ces derniers sont aussi conscients que la propriété collective de l’organisation mène à un nombre divergent d’opinions de la part des membres que l’on se doit d’écouter. Il s’agit en quelque sorte d’une forme d’influence sociale sur la coopérative. Cela dit, certains membres coopérateurs ayant une expérience du secteur privé insistent pour dire que la coopérative a besoin d’une relative autonomie dans la prise de décision. Il importe, selon eux, de responsabiliser les ressources humaines des coopératives et placer la gérance au centre du processus décisionnel.

5.1.2 Contribution au niveau d’investissements d’affaires

Toutes les coopératives à l’étude continuent d’investir dans l’innovation et la modernisation de leur stock de capital, notamment par l’ajout d’espaces et la rénovation d’espaces existants. Par exemple, la coopérative de pêche a investi dans le remplacement des équipements de traitement de la crevette. La caisse populaire a aménagé un centre de services aux entreprises. La Société coopérative de Lamèque vient de compléter une importante rénovation à son magasin d’alimentation et de quincaillerie. On a même intégré une pharmacie, pour le bénéfice des clients. La Coopérative de Sainte-Marie-Saint-Raphael est en voie de réaliser un important projet de rénovation et vient de mettre en place un poste d’essence, le seul dans cette municipalité. Pour ce dernier projet, on a établi un partenariat avec la Coopérative de Caraquet. Les dirigeants veulent ainsi demeurer compétitifs mais aussi donner à la communauté un signal positif quant à la pérennité des organisations.

Bref, en dépit de la baisse démographique, on observe une croissance dans l’activité des coopératives. Une forte croissance pourrait les déconnecter de leurs membres.[5] Pour éviter ce problème, certaines coopératives ont innové en créant, comme nous le verrons plus loin, un poste de responsable des relations avec les sociétaires.

5.1.3 Éducation et formation

Selon les informations recueillies la coopérative est un lieu d’éducation et de formation. Le parcours personnel d’un répondant en dit long à ce sujet. Initié à la coopération par ses grands-parents, il s’implique très jeune dans l’action communautaire. Il entre en relation avec des entreprises coopératives de deux façons : d’abord, comme employé de la coopérative de consommation; ensuite, comme membre du conseil d’administration de la caisse populaire. Cette dernière expérience s’avère une véritable école d’éducation populaire en le sensibilisant à l’intérêt des membres et au fonctionnement d’une entreprise.

L’autre facette de la formation est le mentorat offert par les employés expérimentés des coopératives. Plusieurs personnes ont identifié des acteurs clés qui ont grandement contribué à la réussite de leur carrière dans le réseau coopératif. Ces guides et mentors les ont confortés dans leurs pratiques de gestion. Ils ont su éveiller leur passion pour l’organisation et la communauté, en leur inculquant des qualités de leader communautaire. On souligne que les efforts personnels consacrés à la réussite de la coopérative ne sont pas toujours récompensés d’un point de vue monétaire, mais que la reconnaissance de la communauté valorise ce travail.

L’éducation est vue comme une condition essentielle au succès des coopératives. Les personnes consultées à ce sujet soulignent deux sources : les programmes courts offerts par l’Université de Moncton en collaboration avec le Mouvement coopératif acadien et la formation en entreprise offerte par les fédérations de coopératives. En dépit de ces programmes, on souligne le manque de connaissance générale de la jeunesse à l’égard des coopératives. On s’interroge sur le lien possible avec le curriculum scolaire.

Il faut aussi souligner que certains leaders ont été sensibilisés à l’engagement communautaire grâce à des composantes non coopératives de l’économie sociale (comités scolaires, associations de loisirs, association étudiante et universitaire, etc.). Il s’agit en quelque sorte d’un apprentissage de la démocratie qui peut, par la suite, se transposer dans une expérience de coopération.

5.1.4 Capacité d’adaptation aux besoins des membres

Les besoins changeants des membres et les pressions du marché obligent les coopératives à revoir régulièrement leurs pratiques de gestion. La question des relations avec les sociétaires est au coeur de cette réflexion stratégique. En témoigne la décision de l’Association coopérative de Lamèque de créer un poste spécifique pour gérer les relations avec les sociétaires. D’abord créé sur une base à temps partiel (10 heures par semaine), ce poste s’est vite avéré un travail à temps complet. La personne en charge a pour mandat d’analyser les habitudes de consommation des membres et d’identifier les nouveaux besoins à satisfaire. Plusieurs initiatives ont facilité la cueillette d’informations (boîte à suggestions, analyse des dépenses des sociétaires, etc.) Cette initiative a d’ailleurs été imitée par plusieurs autres coopératives de consommation.

Donner une réponse adéquate aux nouveaux besoins des membres oblige parfois les coopératives à chercher de nouveaux partenaires. Par exemple, la Société coopérative de Lamèque a signé avec la Coop Fédérée du Québec une entente d’approvisionnement en produits de quincaillerie. Pour mieux aménager le magasin, la coopérative a cessé la vente de vêtements.

Au niveau des avantages de la structure coopérative, on souligne aussi la connaissance intime des membres. Cette connaissance permet, par exemple, de mieux évaluer les attentes des membres ou encore leur capacité à rencontrer les exigences liées au remboursement d’un prêt. Cet élément est étudié dans Leclerc (1995) sous l’angle de l’information privilégiée sur leurs sociétaires à laquelle ont accès les caisses populaires.

D’un côté, on est conscient que la réussite des coopératives est dépendante du soutien que leur accorde la communauté. Pour entretenir cette relation, les coopératives doivent être à l’écoute des membres, répondre à leurs besoins et adopter un profil de services répondant précisément à leurs attentes.

5.1.5 Mise en oeuvre de la stratégie d’intercoopération[6]

Comme le démontre l’analyse qui précède, les trois coopératives de Lamèque ont depuis leur tout début pratiqué l’intercoopération. On peut illustrer ce fait par la cohabitation, au départ, dans un local commun. Au cours de la période contemporaine, ce partenariat s’est réaffirmé par leur collaboration respective dans l’organisation d’activités diverses, notamment lors de la Semaine de la coopération. C’est dans ce contexte que le travail en commun sur de multiples projets s’est véritablement amorcé. Voyons quelques-uns de ces projets.

Au début des années 1980, les trois coopératives de Lamèque ont collaboré à la création d’une corporation sans but lucratif de logements pour les personnes âgées autonomes. Il s’agit d’un complexe résidentiel de dix unités dont le conseil d’administration est formé de trois représentants de chacune des trois coopératives, nommés par les conseils respectifs. De même au début des années 2000, l’aréna de l’Île Lamèque était en sérieuses difficultés financières. Incorporé sous la forme d’une organisation sans but lucratif, l’aréna avait accumulé un déficit substantiel (impôt foncier et facture d’électricité). Sans intervention de la part de la communauté, l’aréna aurait fermé. Sous l’initiative d’un partenariat entre les leaders coopératifs et les gens d’affaires tels que la chambre de commerce, un plan de relance a été initié et mis en place avec succès. L’Association coopérative de Lamèque a décidé de démarrer une loterie hebdomadaire dont les bénéfices seraient consacrés à un fonds géré par les « Amis de l’aréna », une société à but non lucratif dont l’unique responsabilité est de voir à la bonne gestion de ces fonds. En 2008, une somme de près de 1,5 M$ a été accumulée.

La création de la Coopérative d’énergie renouvelable de Lamèque est également le fruit de cette stratégie d’intercoopération. Dans ce cas, le réseau de collaborateurs s’est élargi à la ville de Lamèque. Ce partenaire additionnel a d’ailleurs assuré l’accès à des fonds pour l’étude de faisabilité du projet (par exemple le Fonds municipal vert). Cette coopérative a joué en quelque sorte le rôle d’agent négociateur entre le développeur espagnol et les propriétaires de lots. Étant donné le grand morcellement des terrains, la présence d’un regroupement communautaire a permis d’en arriver à un compromis acceptable socialement et d’éviter le dérapage du projet qu’aurait pu provoquer le refus de collaborer de certains propriétaires. Dans ce contexte, le lien de confiance qui unit le mouvement coopératif et les communautés locales, et la perception positive dont jouissent les coopératives dans la communauté ont été déterminants. Éventuellement, l’ajout d’autres coopératives d’énergie renouvelable en Atlantique pourrait mener à la fondation d’une fédération dans ce secteur.

En 1995, les coopératives acadiennes de consommation étaient confrontées à deux enjeux majeurs : un conflit d’ordre linguistique dans le cadre du réseau Coop Atlantique et les difficultés financières de cette coopérative de second niveau. Il faut souligner que les coopératives acadiennes comptent pour près de 60 % des ventes de la division alimentation de Coop Atlantique. Pour assurer davantage leur position, ces coopératives ont décidé de fonder la Fédération acadienne des coopératives de consommation. La Société coopérative de Lamèque a joué un rôle de premier plan dans cette initiative. Cette fédération regroupe aujourd’hui 14 coopératives locales aux maritimes. Elle est devenue incontournable dans le réseau et apparaît comme le chien de garde des coopératives francophones. Elle a récemment joué un rôle de leader dans la négociation d’un régime collectif de fonds de pension pour les employés de ces coopératives.

La stratégie coopérative génère de nouveaux projets. Mentionnons à titre d’exemple le projet de Carrefour coopératif de l’Île Lamèque. Un nouveau partenaire, la Coopérative de développement régional Acadie, s’est greffé aux trois coopératives formant le noyau. Ce projet serait à la fois un musée, un centre d’interprétation du développement coopératif, un lieu de vente de produits artisanaux, un café, une salle de spectacles, un point de vente d’excursions touristiques et un incubateur de coopératives.

Aujourd’hui, la pratique de l’intercoopération s’envisage à une autre échelle, celle de la Péninsule acadienne. Cette nouvelle réalité s’observe dans la collaboration entre les gérants des 5 coopératives de consommation. La publicité commune est un bel exemple de cette collaboration. La rivalité entre coopératives locales dans la reconnaissance du territoire d’activités de chacune a contraint les présidents et les directions générales des coopératives de consommation à signer un protocole sur les moyens d’éviter ce type de discorde. Ce protocole prévoit quatre rencontres par année entre les membres du réseau[7]. Il devrait aussi conduire à la publication d’un bilan social commun à compter de 2009.

La pratique de l’intercoopération s’observe enfin dans la récente collaboration entre la Caisse populaire des Îles et la Caisse populaire de Shippagan au niveau de la Fondation de l’hôpital et du Centre de santé communautaire de Lamèque[8]. Enfin, elle s’observe dans le partage d’expertise entre les employés des coopératives. Cette collaboration entre les Îles et Shippagan amène certains à dire qu’il n’existe plus d’Îles[9]. Le lien physique, mais surtout les moyens de communication, défient les frontières géographiques et amènent les coopérateurs des Îles à travailler avec ceux des autres communautés de la Péninsule acadienne.[10]

5.1.6 Contribution du secteur coopératif au développement du milieu

Dans le domaine des arts, plusieurs partenaires, dont les entreprises coopératives, ont contribué à une levée de fonds de 450,000$ comme contribution locale dans la construction de la salle de spectacles Mathieu-Duguay. Moderne et multifonctionnelle, cette salle de 400 places sert aussi de cafétéria pour l’école primaire. L’endroit est pleinement utilisé, faisant la fierté des résidants de Lamèque et l’envie des communautés environnantes. Quinze années d’efforts ont été consacrées à la réalisation de ce projet. La mise de fonds a par la suite permis d’obtenir l’engagement financier des gouvernements provincial et fédéral.

À la limite, certains intervenants vont même jusqu’à affirmer que les dons et l’engagement des leaders coopératifs ont assuré la survie de plusieurs organisations du milieu et, par là-même assuré la survie de Lamèque.

La relation de la coopérative avec son milieu se nourrit aussi par l’entremise des dons et des commandites offerts par les coopérateurs à une multitude de projets et d’associations. Le nombre élevé de demandes a d’ailleurs contraint les coopératives à se doter d’une politique à cet égard. Dans certains cas, cette politique définit le territoire dans lequel les dons sont affectés. Cette implication dans la communauté est devenue un élément important de l’image de marque des coopératives. Elle symbolise leur présence active dans la communauté.

De 2003 à 2007, la valeur totale des commandites dans la communauté se chiffrait à plus de 664,000$. Elles se répartissaient ainsi entre les trois coopératives : 52 p. cent pour la caisse populaire, 39 p. cent pour la coopérative de pêcheurs et 9 p. cent pour la coopérative de consommateurs.

5.1.7 La capacité à obtenir l’appui des municipalités

L’autre aspect des liens avec la communauté se situe du côté des relations avec les municipalités. Nous avons présenté plus haut la structure de gouvernance locale dans les Îles Lamèque et Miscou. Cette structure municipale éclatée est selon les intervenants municipaux en partie attribuable aux facteurs géographiques et historiques, la présence de tourbières et des terres humides ayant entraîné un habitat dispersé, comprenant des îlots de peuplement plus ou moins liés physiquement les uns aux autres. L’insularité aurait néanmoins favorisé le développement d’un esprit d’entraide. La construction, en 1996, du pont de Miscou pour joindre les deux îles a rapproché ces communautés.

Un maire souligne qu’il a été initié à l’approche communautaire par l’entremise d’une implication de neuf années au conseil d’administration de la coopérative de consommation. Durant ces années, il a pris part aux revendications linguistiques des coopératives francophones dans le cadre des assemblées de Coop Atlantique. Il s’agit à la fois d’une grande source de fierté d’avoir contribué à l’affirmation des francophones dans ce réseau et d’un apprentissage des modalités d’expression du leadership collectif.

En relation au projet de coopérative d’énergie renouvelable[11], certains doutaient au départ de la capacité des leaders communautaires à faire aboutir le projet. Énergie Nouveau-Brunswick ne possédait aucune expertise dans ce domaine. Il fallait s’en remettre aux expériences du côté de la Gaspésie. Après de nombreuses visites en compagnie de représentants de la société d’État dans des parcs éoliens, le projet s’est défini. Le soutien est également venu de municipalités de la Péninsule acadienne. Le modèle coopératif a permis d’innover dans le mode de répartition de la richesse en consacrant une partie des surplus à des projets communautaires.

La municipalité de Lamèque a été très active sur une autre question, celle de la pollution générée par les déchets de la coopérative de pêche. Les citoyens étaient au départ, critiques de la position d’accommodement de la municipalité face à la coopérative. Il faut comprendre qu’à certains moments, par temps chaud, on recommandait de limiter l’effort physique à l’extérieur à cause du niveau de pollution de l’air. Un moniteur d’air avait alors été installé dans la municipalité pour diagnostiquer la qualité de l’air. La municipalité a dû rapprocher les parties dans le but d’empêcher la fermeture de la coopérative et contribuer à la solution du problème. Le compromis consistait à identifier la technologie appropriée et s’assurer d’un engagement financier de la part de la coopérative et des gouvernements. Dans cette situation, la municipalité a joué un rôle de médiateur entre les citoyens, la coopérative et les ministères concernés aux deux paliers de gouvernement.

5.2. Les défis

Les coopératives traditionnelles sont aux prises avec plusieurs défis majeurs. Le premier est le déclin démographique observé aux Îles Lamèque et Miscou. De plus, il devient difficile de maintenir les ventes alors qu’il y a de moins en moins de clientèle et que la concurrence provoque une baisse des marges bénéficiaires. Ce déclin démographique et la migration provoque aussi une sortie des parts sociales et du capital dans les coopératives. Pour remédier à ce problème, certains intervenants disent qu’une nouvelle formule de capitalisation devra être imaginée.

Le déclin démographique soulève aussi le défi de l’accès à la main-d’oeuvre pour les entreprises. L’Association coopérative des pêcheurs de l’Île est celle qui est la plus touchée à cet égard. Les dirigeants présentent même cette problématique comme le plus important défi stratégique actuellement. À l’automne 2008, l’usine travaillait à 25 p. cent de sa capacité dans le secteur du hareng et à 75 p. cent de sa capacité dans le domaine du crabe commun, en raison justement de la difficulté à recruter des travailleurs saisonniers. Par rapport à la pêche aux Îles, la compétition pour sécuriser une main-d’oeuvre vient de l’industrie de la tourbe, surtout du secteur de la transformation, qui offre du travail sur une base annuelle. D’autres travailleurs potentiels sont attirés par les conditions de travail offertes par les entreprises de l’Ouest canadien. La mise en branle de grands projets énergétiques dans la région de Saint-Jean, au sud Nouveau-Brunswick, risque d’amplifier ce problème de main-d’oeuvre. Le conseil d’administration de la coopérative des pêcheurs est à la recherche de solutions. L’importation de travailleurs des pays en développement est à l’étude. Certains transformateurs de l’Île-du-Prince-Édouard ont déjà adopté cette stratégie. Ils sont en général satisfaits du résultat et observent même une croissance de la productivité. À Lamèque, cette option présente cependant certaines contraintes. D’abord, les dirigeants soulignent le manque d’infrastructures d’accueil. On fait par ailleurs état de la longueur des délais d’admission des travailleurs étrangers. Enfin, cette approche nécessite la négociation d’une entente avec les travailleurs d’usine syndiqués. Bref, la rareté relative de la main-d’oeuvre risque de perdurer et même de s’accentuer, créant dès lors des pressions à la hausse sur les coûts de main-d’oeuvre.

Le renouvellement du leadership communautaire pose aussi un défi particulier selon nos informateurs. Les efforts de sensibilisation des jeunes au modèle coopératif sont déficients. Par le passé, des leaders convaincus du modèle coopératif et désireux de s’impliquer étaient nombreux. Ce n’est plus le cas. Les leaders actuels insistent sur une stratégie d’identification et de formation de la relève. Cette stratégie doit, entre autres, miser sur le travail des comités de nomination dans l’identification de jeunes candidats prometteurs pour les conseils d’administration.

Comme partout ailleurs, la montée de l’individualisme, provoquée par les bouleversements sociaux, fait en sorte que les valeurs coopératives traditionnelles ne représentent plus un critère de choix chez les jeunes. Dans ce contexte, selon certains de nos informateurs, la promotion de la propriété locale de la coopérative représenterait la principale valeur pour accrocher les jeunes? On pourrait par la suite les former aux autres valeurs telles l’entraide, la solidarité, le partage. Qui plus est certains informateurs soulignent l’importance de la ristourne comme moyen pour attirer les jeunes, alors que d’autres mentionnent la contribution potentielle des écoles dans l’éducation coopérative. Un intervenant a expérimenté cette avenue en initiant les élèves du secondaire à la formule coopérative et à la contribution des leaders coopératifs de la Péninsule acadienne. On misait alors sur l’intérêt à l’histoire locale pour captiver ou intéresser les jeunes.

Pour certains informateurs, les guichets automatiques et les transactions en ligne ont contribué à la diminution de l’implication des jeunes dans les caisses populaires. Ces nouveautés ont affaibli les contacts humains avec le personnel de la caisse.

À certains moments, la bonne performance économique d’un secteur peut inciter les membres d’une coopérative à investir sur une base individuelle comme on l’a observé dans le secteur des pêches. L’indépendance financière des membres devient alors une contrainte au développement coopératif. On a souvent présenté la coopérative comme « la fille des pauvres » en supposant que la création de nouvelles coopératives se faisait surtout dans les moments de difficultés économiques. Le Mouvement d’Antigonish en est un bon exemple. On est alors en présence d’un phénomène contracyclique. Nous pensons/spéculons que la création actuelle de la Coopérative d’énergie renouvelable se fait dans un contexte de crise énergétique, du moins en raison de la montée fulgurante des prix de l’énergie. Le coopératisme selon nous s’alimenterait non pas simplement d’une situation de pauvreté, mais plutôt de l’instabilité ou d’un état de crise. La coopération s’avère un moyen pour contrer ou, à tout le moins, atténuer les effets négatifs de l’instabilité ou de la crise.

La compétition avec l’entreprise privée locale pose aussi un défi pour les leaders coopératifs. Cela crée parfois des tensions dans la communauté. Une saine concurrence peut toutefois s’avérer un stimulant et forcer une gestion innovatrice dans les coopératives. Certains répondants soulignent aussi qu’elle est avantageuse pour les membres étant donné qu’elle ajoute à la diversité des services offerts et maintient des pressions à la baisse sur les prix. L’exemple de la coopérative de frais funéraires « La Colombe » est soulevé pour illustrer l’effet de la compétition entre la coopérative et la concurrence privée. En effet, la concurrence apportée par la création de cette coopérative funéraire dans la Péninsule Acadienne mené l’entreprise privée à offrir de meilleurs taux pour ses services.

Soulignons pour terminer que la perte du contrôle d’une coopérative locale représente pour la communauté la perte d’un patrimoine important. Dans certains cas cependant, il en va de la survie de la coopérative ou de l’accès à un service. C’est par exemple ce qui s’est produit lors de la fusion des deux caisses populaires sur l’île Lamèque. C’est aussi pour cette raison que, dans une communauté, on pourra accepter le déménagement d’une coopérative dans une autre communauté si c’est la seule façon d’assurer l’accès au service. C’est le cas de la coopérative de frais funéraire La Colombe qui sera déménagée de Sainte-Marie - Saint Raphaël à Lamèque pour stabiliser l’organisation.[12]

Conclusion

Le réseau coopératif des Îles Lamèque et Miscou représente une réussite exemplaire de l’économie sociale et du développement territorial. Son succès soulève des interrogations à certaines entreprises traditionnelles qui voient l’entrée des coopératives dans leur secteur d’activités comme de sérieuses concurrentes. On semble craindre, en effet, la trop bonne performance des entreprises collectives et d’économie sociale. Pour certains, on se demande si la réussite de l’entreprenariat collectif a pu freiner l’initiative individuelle, au point d’empêcher ou de nuire à l’éclosion de l’entreprenariat privé. Pour d’autres, la coopérative est perçue comme un moyen de défense contre l’envahissement du marché insulaire et le contrôle de l’économie locale par des entreprises de l’extérieur.

Plusieurs facteurs sont identifiés pour expliquer cette bonne performance. On fait souvent référence à la réalité insulaire qui aurait poussé les gens à faire preuve d’entraide et d’ingéniosité.[13] Mais ce phénomène ne s’est pas reproduit dans toutes les petites îles de pêcheurs. C’est pourquoi il faut regarder ailleurs.

Le leadership est selon nous un des facteurs clés. Nous devons remonter à la fondation de ces coopératives pour souligner le travail de l’équipe du Mouvement d’Antigonish, du père Livain Chiasson et de plusieurs générations de leaders coopératifs. Aujourd’hui ce leadership s’exerce différemment. Bien que les administrateurs jouent toujours un rôle central, la taille des organisations, ainsi que la complexité des opérations nécessitent une contribution importante de la part des équipes de gestion. L’évolution de la structure de gouvernance a permis aux coopératives de s’ajuster à ce nouveau contexte en précisant les responsabilités de chacun des intervenants dans la structure des organisations.

On a affaire ici à des organisations d’économie sociale et solidaire ainsi que d’entreprises collectives faisant preuve d’un réel dynamisme. Ces organisations sont continuellement en mode développement. Elles doivent réussir à convaincre les sociétaires qu’une part importante des surplus doit être consacrée à la capitalisation et aux investissements plutôt qu’aux ristournes et ce dans une perspective de durabilité et de solidarité intergénérationnelle. L’investissement en capitalisation et dans la relève expliquerait en grande partie leur réussite. Dans certaines coopératives, l’augmentation de la moyenne d’âge du sociétariat rend cette approche plus difficile à vendre, les membres étant désormais davantage préoccupés par le financement de leur retraite.

Le contexte historique des Îles est aussi un élément explicatif non négligeable (Chouinard, 1992; Cormier, 1987; Thériault, 1980). Le contrôle presqu’absolu exercé à l’époque par les marchands puis par les entreprises de transformation des produits de la pêche laissait peu de possibilités économiques aux pêcheurs individuels. L’entreprise collective s’avérait alors l’outil privilégié pour rétablir les connexions avec les marchés et, de façon plus générale, s’approprier les moyens de son développement.

L’autre gage du succès des coopératives est sans doute le support de la communauté. Ce support se doit néanmoins d’être réciproque. Il faut admettre que la générosité des coopératives envers la communauté incite à la fidélité. Ce lien tangible est d’autant plus important que les coopératives côtoient des entreprises concurrentes, et ce, dans bien des secteurs d’activité. Le soutien communautaire aux coopératives ne vient pas simplement de leurs dons. Il se manifeste par la présence d’une véritable toile de relations entre les coopératives, les municipalités et de multiples associations présentes dans plusieurs sphères d’activités (loisirs, tourisme, sports, etc.).

Que réserve l’avenir à ce réseau de partenaires? Du côté des coopératives, les décisions stratégiques et les investissements réalisés récemment montrent que les administrateurs et les équipes de direction sont conscients des défis qu’ils auront à relever. Dans l’identification de nouveaux secteurs d’intervention, ce réseau est aussi constamment en mode vigie. Quatre projets potentiels sont déjà identifiés : centre d’interprétation de la coopération et coopérative de chalets dans le secteur touristique, coopérative de transport en commun et coopérative de transformation de la canneberge. L’intraprenariat coopératif est toujours présent dans le travail de repérage et de développement de projets. Il s’agit selon nous d’une nouvelle stratégie pour le renouvellement et l’élargissement de la base d’intervention de l’économie sociale.

La nature particulière des entreprises de l’économie sociale doit être reconnue lorsqu’on veut mettre en place les outils pour encadrer et soutenir le développement. Au Nouveau-Brunswick, cela n’a pas encore été reconnu par le gouvernement provincial. On se retrouve donc dans une situation où le potentiel qu’offre ce secteur est sous-exploité.

La réussite de la stratégie d’intercoopération donne des bienfaits à l’ensemble du territoire des Îles. Son noyau se limite-t-il à Lamèque? Dans le domaine des pêches, on observe que la formule coopérative a été privilégiée sur la côte de la baie des Chaleurs et du sud du Golfe du St.-Laurent et que l’approche capitaliste l’a été sur les côtes des Maritimes. Cette question mériterait d’être étudiée plus à fond.