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Introduction

L’impuissance est un état dans lequel la personne est objet et non sujet de sa réalité (Keiffer, 1984). L’acte criminel peut entraîner anxiété, dépression, dépendance à l’alcool ou à la drogue, et même le syndrome de choc post-traumatique (Carlson et Dutton, 2003), des facteurs susceptibles de contribuer à un sentiment d’impuissance chez les victimes. Plusieurs victimes sont également affectées dans d’autres sphères de leur vie. Par exemple, l’étude de Norris, Kaniasty et Thompson (1997), montre que l’estime de soi, la sécurité et la confiance accordée aux autres sont affectées chez les victimes de violence, et que le sentiment de sécurité est affecté chez les victimes de crimes contre les biens. Il y a ainsi lieu de s’interroger sur la manière dont les victimes parviennent à surmonter l’impuissance ressentie à la suite d’un acte criminel, et de chercher à comprendre si le recours au système de justice pénale favorise ou non l’empowerment des victimes.

Impuissance et victimisation

Le changement dans la perception de soi, du monde et des autres vécu par les victimes serait lié à l’altération de leurs croyances centrales, aux attributions causales qu’elles effectuent et à l’impuissance apprise qui en découle. Trois catégories de croyances sont associées à la perception d’invulnérabilité relative : la croyance que le monde est bon, la croyance que le monde a un sens, et la croyance que notre propre personne a de la valeur (Janoff-Bulman, 1982, 1992). Ces croyances contribuent au sentiment d’invulnérabilité en permettant de sous-estimer les probabilités qu’un événement négatif survienne. Par contre, lors d’une victimisation, la plupart des gens se sentent extrêmement vulnérables (Horowitz, 1982 ; Janoff-Bulman et Freize, 1983), ce qui les pousse à changer ces croyances ; c’est de cette façon que non seulement leur perception du monde est affectée, mais aussi leur perception d’eux-mêmes, qui sera moins positive (Janoff-Bulman, 1992). La personne qui réussit à restaurer ces trois croyances parviendra à s’adapter psychologiquement à son environnement à la suite de l’événement traumatisant.

Denkers (1996) a mesuré les croyances quant au fait que le monde est bon, juste et sensé, avant et après la victimisation. La croyance que le monde a un sens a été altérée chez toutes les victimes, peu importe leurs croyances positives, alors que cette croyance est demeurée inchangée chez les non-victimes. Les gens qui avaient préalablement des croyances négatives développent des croyances encore plus négatives à la suite d’une victimisation criminelle. L’altération des croyances positives et les croyances négatives face à soi et au monde peuvent mener certaines personnes à croire que la situation est sans espoir, et à se considérer impuissantes face aux possibles événements négatifs pouvant survenir. Elles apprennent que quoi qu’elles fassent, rien ne pourra changer leur sort et elles s’attendent à ce que quelque chose de négatif survienne. Ce phénomène est désigné comme l’impuissance apprise.

La théorie de l’impuissance apprise se base sur l’idée que la passivité et le sentiment de ne pas pouvoir agir pour contrôler son environnement et sa propre vie sont acquis à force de multiples épisodes d’événements négatifs et de traumatismes que l’individu a tenté de contrôler, mais sans succès. Cela le mène à un sentiment d’impuissance quant au contrôle de sa vie, puisque ce sentiment d’impuissance tend à se généraliser et à influencer son rendement de façon négative, même dans des situations stressantes qui pourraient être contrôlées. Seligman (1975) propose que l’impuissance ou la résignation apprise représenterait une forme de dépression réactive, c’est-à-dire vécue à la suite d’un événement négatif. L’existence d’événements négatifs dans la vie d’une personne fonctionne comme déclencheur des sentiments de désespoir par les conclusions que tire celle-ci au sujet des événements. Ces conclusions ou attributions causales sont de trois types (Abramson et al.,1989) : 1) l’individu attribue des événements négatifs importants de sa vie à des causes stables et globales ; 2) la personne perçoit les conséquences négatives d’un événement comme importantes, irréversibles, inchangeables, et ayant de l’influence sur de nombreuses sphères de sa vie ; et 3) l’événement négatif a une grande influence sur les conclusions que tire la personne sur ses propres caractéristiques, comme sa valeur personnelle, ses capacités, sa personnalité, etc. C’est de cette manière que l’estime de soi et la perception de compétence ou d’efficacité seraient affectées.

Par ailleurs, des chercheurs provenant de différents domaines ont noté que bon nombre de personnes ayant fait l’expérience d’événements particulièrement aversifs rapportent avoir changé de manière positive à la suite de cette expérience. Des modèles, incluant l’empowerment, ont été élaborés dans le but d’expliquer de quelle manière les gens résistent à l’effet d’événements aversifs. Parmi les changements positifs repérés dans les recherches, on note des changements de priorité dans la vie de ces personnes, une augmentation du sentiment d’efficacité personnelle, une plus grande sensibilité ou empathie envers les autres, une plus grande qualité des relations personnelles et une plus grande spiritualité (Collins et al., 1990 ; Thompson, 1991 ; Curbow et al., 1993 ; Lehman et al., 1993 ; Frazier et Burnett, 1994 ; McMillen et al., 1995, 1997 ; Aldwin et al., 1996 ; Beach, 1997 ; Fontana et Rosenheck, 1998). Le facteur le plus important lié à la résilience serait le sentiment d’efficacité personnelle, soit le fait de se sentir compétent pour agir efficacement sur son environnement (Norman, 2000). Selon la recherche de Dufour et Nadeau (2001) sur les victimes d’abus sexuel, le point déterminant de leur résilience est le fait de choisir de ne plus être une victime. Cela leur permet de se tourner vers l’avenir et entraîne un changement de perspective ; elles se considèrent alors responsables de leur propre rétablissement. Les personnes résilientes réussiraient donc à se rétablir en réorganisant leurs cognitions face à l’événement, ce qui implique un renvoi de la responsabilité (et non réellement un blâme) à l’agresseur, tout en s’attribuant la responsabilité de leur propre rétablissement.

Qu’est-ce que l’empowerment ?

L’empowerment est une expression largement utilisée dans divers domaines, mais demeure un terme dont la définition et la conceptualisation ne font toujours pas l’unanimité (Trickett, 1994 ; Shields, 1995 ; Le Bossé, 2004). En effet, les écrits indiquent que l’on fait référence à la notion d’empowerment à la fois comme théorie, comme cadre de référence (Rappaport, 1981), comme but, comme idéologie, comme un processus, comme un résultat (McWhirter, 1991) ou encore comme une conséquence (Gibson, 1991). Nous utiliserons la définition de Rappaport (1987 : 122) qui demeure aujourd’hui une des définitions les plus fréquemment utilisées : « a process, the mechanism by which people, organizations, and communities gain mastery over their affairs ». La plupart des auteurs s’entendent sur cette définition, mais l’opérationnalisation de l’empowerment varie toujours considérablement selon l’auteur, le contexte de l’étude et les méthodes employées. On pourrait dire ainsi que l’empowerment est un processus par lequel les individus en viennent à exercer un plus grand contrôle sur les événements qui affectent leur vie, ce qui n’implique pas nécessairement un plus grand pouvoir sur les autres, mais bien une plus grande maîtrise de leur environnement.

Trois paradigmes (technocratique, écologique et structurel) conduisent à des conceptions différentes de l’empowerment (Damant et al., 2001) ; nous privilégions le paradigme écologique, tel que proposé par Rappaport :

Rappaport (1987, 1994) has suggested that because empowerment is a process tied to local conditions, its meaning will of necessity vary across culture and context ; that is, empowerment is ecological in spirit.

Trickett, 1994 : 587

En termes simples, nous pouvons affirmer que la perspective écologique voit l’être humain comme un être qui évolue et s’adapte continuellement à son environnement (Germain, 1979). Les caractéristiques de l’environnement peuvent aider ou faire obstacle au développement du potentiel humain. Le paradigme écologique permet ainsi la considération de l’individu et le contexte dans lequel il évolue (Le Bossé, 1995 ; Zimmerman, 1995), et vise l’identification et la modification des conditions incapacitantes auxquelles les individus font face en augmentant leur accès aux ressources.

Les composantes de l’empowerment

Caractéristiques individuelles

Le sentiment de compétence personnelle (i. e. self-efficacy) a été utilisé dans plusieurs recherches sur l’empowerment (Conger et Kanungo, 1988 ; Ozer et Bandura, 1990 ; Zimmerman, 1990 ; Spreitzer, 1995a) ; l’idée de prise de conscience ou de conscientisation est également fréquente (Keiffer, 1984 ; Brown et Ziefert, 1988 ; Breton, 1989), et l’estime de soi est une notion souvent associée à l’empowerment (Keiffer, 1984 ; Zimmerman, 1995 ; Gagnon, 2001). La difficulté qui persiste quant aux notions individuelles associées à l’empowerment est que ces caractéristiques sont parfois présentées comme une condition préalable au processus d’empowerment, comme une composante de l’empowerment, comme le résultat du processus d’empowerment ou encore comme étant tant une composante qu’un résultat (Le Bossé et Lavallée, 1993).

L’action concrète

Plusieurs auteurs affirment qu’un processus d’empowerment implique une action concrète (Rappaport, 1987 ; Breton, 1989 ; Florin et Wandersman, 1990). Le développement d’une conscience critique serait en lien avec des actions entreprises qui permettent de prendre conscience des liens qui existent entre son environnement et son vécu personnel (Le Bossé et Lavallée, 1993). Cependant, certains auteurs entrevoient également la possibilité que l’action sociale soit le résultat de l’empowerment (Zimmerman, 2000), ou considèrent ces comportements d’action comme une composante de l’empowerment (Keiffer, 1984 ; Zimmerman, 1995). Notons que l’action prendra des formes très différentes selon les contextes étudiés (Le Bossé et Lavallée, 1993).

Relation avec l’environnement

La majorité des auteurs soulignent l’importance de définir l’empowerment en lien spécifique avec le contexte (Serrano-Garcia, 1984 ; Rappaport, 1987 ; Perkins et Zimmerman, 1995 ; Zimmerman, 1990, 1995). Les conditions environnementales qui permettent le développement de l’empowerment ou y faisant obstacle dans le contexte du système judiciaire devront ainsi être considérées. Selon Spreitzer (1995b), une organisation favorable à l’empowerment favorise l’engagement et l’autodétermination de ses membres, vise les mêmes objectifs ou valeurs que les gens y faisant appel (fait sens pour l’individu), et a un impact pour les personnes impliquées. Compte tenu de l’importance du contexte de la démarche d’empowerment, il y a lieu de s’interroger si le système de justice pénale est un environnement favorable ou au contraire qui entrave l’empowerment des victimes.

Un processus dynamique

L’empowerment n’est pas un état fixe, il s’agit d’un processus qui peut différer selon les contextes. L’empowerment varie pour une même personne selon les contextes environnementaux, et il n’y a pas d’état final d’empowerment. Ces considérations ont amené certains auteurs à considérer une perspective développementale de l’empowerment (Serrano-Garcia, 1984 ; Conger et Kanungo, 1988 ; McWhirter, 1991), et suggèrent l’étude du phénomène à travers le temps. Selon Serrano-Garcia (1984), le processus s’effectue grâce à l’identification d’une relation entre le vécu individuel et les conditions environnementales en cause, ce qui engendre une prise de conscience des forces sociales en jeu (Serrano-Garcia, 1984). Keiffer (1984) souligne l’importance d’une crise, d’un conflit, de tensions ou d’une atteinte à l’intégrité personnelle de l’individu pour qu’un processus d’empowerment soit amorcé. L’individu, à force d’actions, en vient à une prise de conscience ; les actions entraînent de nouveaux apprentissages qui vont à leur tour favoriser une prise de conscience et de nouvelles opportunités d’actions. L’empowerment peut ainsi être un processus assez long, s’étendant sur plusieurs années et ne comprenant pas d’état « final ». Swift et Levin (1987) proposent trois phases de développement de l’empowerment psychologique : 1) une prise de conscience de ses propres intérêts, de sa position et de son savoir par rapport aux mécanismes dominants de distribution du pouvoir dans le système social, ainsi que de la position des autres par rapport à soi dans le système ; 2) des sentiments affectifs vis-à-vis de cette conscientisation et des sentiments par rapport à ses relations avec les autres (loyauté ou désaffiliation) ; 3) un désir de changer la distribution sociale du pouvoir afin d’améliorer ses conditions sociales et faire avancer ses intérêts personnels. Selon les auteurs, ces phases de développement représentent une approche cumulative dans laquelle chaque stade est un prédéterminant nécessaire au stade qui le succède (Swift et Levin, 1987).

Les écrits révèlent que l’empowerment est associé à plusieurs caractéristiques individuelles, qu’il se développe par l’action concrète, qu’il diffère selon le contexte à l’étude et qu’il est un processus dynamique qui se construit avec le temps. Généré par une crise, il se développe graduellement et différemment selon l’individu et le contexte à travers les actions qu’il entreprend. Des facteurs contextuels et structurels du système de justice sont ainsi susceptibles d’influencer l’empowerment des victimes.

Facteurs qui influencent l’empowerment

Selon Spreitzer (1995b), quatre facteurs structurels sont corrélés avec l’empowerment : l’ambiguïté du rôle, le soutien sociopolitique, l’accès à l’information stratégique, et la culture du système de justice pénale.

L’ambiguïté du rôle

L’ambiguïté du rôle se produit lorsqu’un individu est incertain de ce qui est attendu de lui par les autres (Spreitzer, 1995b). Lorsque les gens ignorent leur niveau d’autorité décisionnel, ce qui est attendu d’eux et de quelle manière ils seront jugés, ils hésitent à agir et se sentent impuissants (Sawyer, 1992).

Le soutien sociopolitique

Selon Spreitzer (1995b), le fait de percevoir du soutien sociopolitique serait favorable à l’empowerment.

L’accès à l’information stratégique

L’information doit être immédiate, par communication directe en temps réel afin que les gens sachent ce qu’ils ont besoin de savoir pour agir (Spreitzer, 1995b). Nous savons que les victimes d’actes criminels éprouvent un besoin d’information (Baril, 1985 ; Parent, 2008) et qu’elles déplorent de ne pas être informées adéquatement du suivi de leur cas et d’être tenues à l’écart du processus de justice pénale (Shapland et al., 1985 ; Resick, 1987 ; Wemmers, 1996). Damant et al. (2001) ont aussi trouvé que le manque d’information était un obstacle à l’empowerment des victimes.

La culture du système de justice pénale

Les cultures associées à l’empowerment sont celles qui valorisent la création, la liberté et le respect, alors que celles associées au manque de pouvoir valorisent le contrôle, l’ordre et le prévisible (Evered et Selman, 1989). En ce sens, la culture organisationnelle du système de justice pénale ne serait pas favorable à l’empowerment. Swift et Levin (1987) expliquent que le degré d’équité et l’ouverture au changement d’un système seraient des variables structurelles susceptibles de prédire si un sous-groupe pourra effectivement atteindre l’empowerment. Un système basé sur une philosophie qui permet l’inégalité et l’exploitation de certains fera obstacle à l’empowerment, car les personnes lésées auront de la difficulté à engendrer une remise en question de l’héritage qui a institutionnalisé cette inégalité ou de la bureaucratie qui l’a maintenue (Swift et Levin, 1987). Les gens auront plus de difficulté à obtenir des ressources, des services, et une voix dans les processus de décisions dans un système qui comprend des inégalités structurelles élevées (Swift et Levin, 1987). Il faut ainsi s’interroger sur l’équité des procédures pénales. Les gens évaluent l’équité des procédures sur la base de certains critères : possibilité de participation, neutralité des autorités, confiance dans les motifs des autorités, et procédure qui traite les personnes avec dignité et respect (Tyler, 2000). On comprend ainsi pourquoi le traitement des acteurs judiciaires envers les victimes semble primordial pour leur empowerment (Damant et al., 2001).

Objectif

L’objectif de notre étude était de comprendre l’expérience des victimes d’actes criminels ayant fait appel au système de justice. Spécifiquement, nous avons tenté de comprendre de quelle manière les victimes arrivent à reprendre le dessus à la suite de leur victimisation, et de voir si le recours au système de justice est un facteur favorable à cet effet.

Méthodologie

L’empowerment est un construit ouvert (Zimmerman, 1995), accessible par la compréhension des perceptions des acteurs dans leur propre contexte (Rappaport, 1995). Puisque l’empowerment est étroitement lié aux actions et à la signification que les acteurs donnent à leurs actions (Spreitzer, 1995b), il est essentiel de saisir directement le point de vue des victimes. Afin de laisser libre cours aux informateurs et de favoriser l’émergence de nouvelles informations, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs en élaborant une consigne de départ très large, et en relançant nos informateurs lorsque certaines dimensions n’étaient pas abordées. La consigne de départ était : « Pourriez-vous me raconter le délit dont vous avez été la cible ; comment l’expérience d’être victime de X a affecté votre vie et comment vous avez réussi ou non à composer avec cela ? » Les entrevues étaient d’une durée variant entre 55 minutes et 3 heures, selon le participant.

Participants

Vingt victimes ayant fait partie d’une autre étude (voir Wemmers et Cyr, 2006) ont été invitées à effectuer un entretien semi-directif. Douze ont accepté d’y participer, les autres victimes ayant refusé par manque de temps (6) ou par désir de « passer à autre chose » (2). Trois autres victimes ont été recrutées par annonce dans les médias. Dans le but d’obtenir une diversité interne de l’échantillon, des victimes des deux sexes, de tous âges, provenant de divers milieux socioéconomiques et ayant été la cible de différents délits ont été approchées pour l’étude.

L’échantillon était composé de neuf femmes et six hommes. La majorité (6) était âgée entre 50 et 58 ans. Tous les hommes ayant participé à l’entrevue qualitative étaient âgés de 40 ans ou plus alors que quatre femmes étaient dans la trentaine ou moins.

Les victimisations des participants (tableau 1) sont diversifiées. Trois victimes ont été la cible de voies de fait, deux ont été victimes de violence de la part de leur conjoint(e), et quatre victimes ont été menacées ou harcelées. Quatre répondants n’ont pas été la cible de crimes contre la personne (vol, fraude et conduite avec facultés affaiblies).

Tableau 1

Type de victimisation et sexe des répondants

Type de victimisation et sexe des répondants

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Représentativité de l’échantillon

L’échantillon n’est pas représentatif de l’ensemble des victimes de crimes commis au Québec ni de l’ensemble des victimes dont la cause a été retenue par le substitut du procureur général. Nous nous intéressions aux sentiments et à l’expérience directement vécue par les victimes dans le système judiciaire et, conséquemment, l’analyse est le reflet de leur propre point de vue. Bien que nous ayons tenté de respecter une certaine diversité interne dans la sélection de l’échantillon, il s’agit d’une procédure intuitive et d’un échantillon par boule de neige ; et il est donc possible que le point de vue des informateurs ne reflète pas celui de l’ensemble des victimes de crimes.

Résultats

L’empowerment dans l’environnement du système judiciaire

En interrogeant les victimes sur les facteurs qui ont favorisé une reprise de contrôle sur leur vie, une seule a mentionné d’emblée un facteur en lien avec les procédures judiciaires (le travail des policiers). Toutes les autres victimes n’ont tout simplement rien mentionné au sujet du système judiciaire (que ce soit positif ou négatif), comme si celui-ci n’avait aucun lien avec leur empowerment. Nous avons dû relancer les victimes afin que celles-ci élaborent sur les facteurs du système de justice qui ont eu un impact sur la reprise de contrôle de leur vie.

À la suite des relances, les victimes ont identifié deux facteurs favorables liés au système judiciaire. Il s’agit du travail ou du traitement des policiers et du sentiment de protection engendré par les poursuites. Les victimes apprécient un traitement chaleureux, des policiers compréhensifs qui valident ce qu’elles vivent, ce qui rend évidente l’importance d’une culture organisationnelle qui valorise le respect (Spreitzer, 1995b). Quatre victimes ont expliqué que, sans le signalement aux autorités, la victimisation dont elles ont fait l’objet aurait perduré et elles ont souligné l’importance du sentiment de protection pour reprendre le dessus. Pour ces victimes, le système judiciaire est perçu comme un soutien sociopolitique, un autre antécédent structurel qui favorise l’empowerment (Spreitzer, 1995b). Par contre, les victimes ont mentionné plusieurs facteurs du système de justice comme des obstacles à l’empowerment. Le fait que les victimes aient surtout mentionné des facteurs qui entravent l’empowerment suggère que le système pénal est davantage lié à l’impuissance des victimes. Nous présentons ces facteurs pour ensuite présenter les stratégies employées par les victimes à l’extérieur du système de justice afin de reprendre le dessus.

Le manque d’accès à l’information stratégique

Quatorze informateurs ont mentionné le manque d’information, non seulement comme un facteur nuisible à une reprise de contrôle sur leur vie, mais comme un facteur qui reflète le manque d’intérêt du système et des autorités judiciaires envers les victimes, ce qui souligne une fois de plus l’importance du soutien sociopolitique. Notons que l’informateur qui n’a pas mentionné spécifiquement le manque d’information a aussi expliqué se sentir à l’écart des procédures criminelles.

Plusieurs victimes déplorent par ailleurs le fait de ne pas être tenues informées à la suite du dépôt de leur plainte. Des 15 victimes interrogées, 6 n’avaient aucune idée de ce qui était advenu de leur dossier plus d’un an et demi après le crime, ce qui leur a donné l’impression d’être complètement exclues des procédures, certaines s’imaginant que quelque chose avait « sûrement été fait depuis le temps » (informateur 2) ou encore que la cause était « passée dans les mailles du filet » (informateur 7). Cette absence de rôle, engendrée par la structure du système judiciaire, apparaît ainsi comme un obstacle à l’empowerment des victimes, celles-ci étant mises à l’écart des procédures qui les concernent.

Un informateur nous a expliqué qu’il n’avait pas été informé de quoi que ce soit depuis le dépôt de la plainte, et affirme en avoir appris beaucoup plus sur le crime en regardant les nouvelles, qu’en sa qualité de personne ayant rapporté le crime au départ, ce qu’il trouvait déplorable. Il semble ainsi que c’est une absence de rôle plus qu’une ambiguïté de rôle qui entrave l’empowerment. Un autre interviewé résume bien ce que vivent les victimes :

Je ne suis pas informé de quoi que ce soit, on ne porte aucune attention aux victimes… J’ai donné plein d’informations aux policiers, mais eux ne me donnent aucun feed-back. On demande aux victimes leur collaboration, mais on fait juste les utiliser. Le système est pas capable de gérer tout ce qui se passe.

Informateur 8

Les victimes ont l’impression d’être lésées par le système judiciaire parce qu’elles sont tenues à l’écart, ce qu’elles perçoivent souvent comme une injustice puisque le crime n’aurait pas été connu des autorités sans leur signalement. Puisqu’on ne les informe pas, elles perçoivent rapidement un manque de soutien sociopolitique de la part des autorités. Les victimes ont mentionné que les décisions dans le dossier sont prises sans qu’elles soient consultées, ni même informées. Non seulement la structure du système de justice ne leur permet pas de s’autodéterminer, mais elles sont incertaines de ce à quoi elles peuvent s’attendre et de ce qui est attendu de leur part, ce qui se traduit par une ambiguïté de rôle. Ces résultats indiquent qu’en omettant de fournir aux victimes de l’information relative à leur rôle et aux développements de leur cause criminelle, elles en viennent rapidement à la conclusion qu’elles n’ont pas de soutien sociopolitique. Puisqu’elles ne sont pas informées, les victimes vivent dans l’incertitude et l’attente. Au début, elles sont patientes ; la majorité ont affirmé savoir que les procédures sont longues et s’attendaient à recevoir des informations. Comme le temps passe et qu’elles ne sont toujours pas informées, elles commencent à prendre conscience qu’elles ne le seront peut-être jamais. Dix de nos informateurs ont mentionné la longueur des procédures comme un facteur nuisible à leur rétablissement. Cette ambiguïté de rôle est liée au manque d’information, comme l’explique cette informatrice :

Je le sais que c’est long les procédures criminelles, mais même s’il se passe rien en ce moment, ils pourraient nous le dire, au moins tu sais que les procédures suivent leur cours, t’as moins l’impression que rien se passe, pis tu te demanderais pas si le dossier est tombé.

Informatrice 6

Les victimes attendent, ignorent ce qui se passe, et se posent des questions. Cette attente semble être une entrave à leur rétablissement, celles-ci voulant « passer à autre chose » (informatrice 1) ou que « ça se règle au plus vite » (informateur 4). Nos entretiens montrent que pour les victimes interrogées, l’absence d’information pendant l’attente constitue un problème plus important que la durée des procédures en soi, puisqu’elle témoignerait d’un manque d’intérêt des autorités à leur égard. Certaines victimes associent d’ailleurs les remises et la lenteur des procédures judiciaires à l’inégalité des droits entre les victimes et les criminels, ou à la culture inégalitaire du système.

L’inégalité de la culture organisationnelle

Nos informateurs sont outrés de la différence qu’ils perçoivent entre les droits des criminels et ceux des victimes, soulignant que « le système est fait pour les accusés » (informateur 11), que les « victimes ont pas d’affaire là-dedans » (informateur 2), et que le système veut « se débarrasser de nous autres » (informateur 7). Nos répondants expliquent qu’on ne les informe pas des dates d’audiences, alors que le contrevenant est toujours présent lors des procédures, puisqu’il s’agit de son droit. Cela leur donne l’impression que les contrevenants ont accès à toutes les informations, incluant la déclaration de la victime, alors que les victimes doivent « se battre pour avoir une graine d’information » (informatrice 6). Un informateur nous a aussi expliqué que les procédures judiciaires se sont déroulées en anglais, à la demande de l’accusé qui a le droit de comprendre les procédures en cour contre lui, alors que le fait que la victime ne comprenne pas l’anglais est sans importance. Les victimes ont également l’impression que les contrevenants sont mieux protégés et représentés, puisqu’ils ont le choix de leur avocat alors que les victimes ne sont pas représentées :

Les accusés, eux autres, ont droit à l’avocat de leur choix, des vieux de la vieille, alors que les victimes, on est avec les procureurs, des jeunes sans expérience et même si on a les moyens, on n’a pas le droit de payer un avocat qui a de l’allure.

Informateur 7

Certaines victimes ont également l’impression que ce sont elles qui doivent modifier leur comportement, ou se protéger elles-mêmes, pendant que les contrevenants « ont tous les droits » (informatrice 9). Les policiers ont suggéré à deux informateurs victimisés par des voisins de déménager. Une autre victime nous a expliqué avoir compris que les interdictions de contacts entre l’accusé et la victime obligent la victime, et non le contrevenant, à modifier ses habitudes de vie :

L’autre fois, au restaurant, elle est rentrée, pis s’est assise à la table drette à côté, elle a fait exprès, je suis sûre. Pis là, elle faisait des commentaires sur moi pis ma fille, ça gâche notre soirée. Mais si je veux la paix, c’est moi qui doit m’en aller, on est dans un lieu public, elle a le droit d’être là, la police peut rien faire, y disent que c’est à moi d’aller manger ailleurs. Tu sais, la ville est pas grande, y’a pas grand place que je peux aller sans me faire écoeurer par elle, sa famille ou sa gang, faque je fais pu grand-chose.

Informatrice 12

La culture organisationnelle du système judiciaire favorise ainsi les inégalités entre les droits des contrevenants, qui sont assortis d’une garantie juridique, et ceux des victimes, qui n’ont aucune force exécutoire. En ce sens, les inégalités présentes dans la culture organisationnelle sont liées au manque de soutien sociopolitique. En effet, seuls des changements législatifs garantissant les mêmes recours aux victimes qu’aux contrevenants en cas de non-respect de leurs droits pourraient assurer un traitement équitable pour toutes les parties impliquées dans les procédures pénales.

Le manque d’autodétermination

Seulement deux informatrices ont affirmé avoir partiellement atteint l’objectif qu’elles s’étaient fixé en signalant le crime aux autorités. Les autres informateurs ont expliqué que le système ne tente pas de réparer les torts causés à la victime (les victimes de fraude étant particulièrement outrées par l’absence de réparation) ou de régler la racine du problème, le but étant simplement la rétribution, et non pas un changement de comportement du contrevenant ou la réparation. Les victimes sont conscientes que les accusés ont souvent des problèmes qui sont à l’origine de leur comportement délictueux, par exemple de consommation d’alcool, de drogue, d’itinérance ou de santé mentale, et reprochent au système de ne pas imposer un traitement à ces individus.

Les victimes n’ont pas toutes les mêmes motivations en rapportant le crime ; certaines recherchent un sentiment que justice a été faite, d’autres veulent réparation pour les torts subis, désirent que le contrevenant prenne conscience des torts qu’il a faits et qu’on empêche celui-ci de récidiver. Pourtant, les victimes ont l’impression que le système ne cherche qu’à punir le contrevenant ou à se « débarrasser du dossier au plus vite » (informateur 4). Trois victimes ont parlé de la prison comme étant « l’école du crime » (terme directement employé par l’informateur 7), expliquant que cela ne règle rien et mène même à la récidive assurée. Pour deux autres victimes, une sentence d’emprisonnement aurait été nécessaire afin que le contrevenant comprenne que son acte était inacceptable, et qu’il prenne conscience de la sévérité du crime commis. Il ressort du discours de nos informateurs que les victimes n’ont pas toutes les mêmes attentes envers le système judiciaire et leur exclusion du processus fait en sorte que leurs attentes ne sont pas prises en considération.

Compte tenu que les victimes n’ont pas d’impact sur les procédures une fois leur plainte déposée, elles font face à des conditions incapacitantes dans le contexte du système de justice pénale. Nous avons constaté qu’elles sont incertaines de leur rôle, qu’elles reçoivent peu d’information, et qu’elles ont l’impression que la culture organisationnelle du système de justice est inéquitable. Tous ces facteurs sont des entraves à l’empowerment (Spreitzer, 1995b) et sont le reflet d’un manque de soutien sociopolitique envers les victimes d’actes criminels. Puisque les victimes ne peuvent réaliser une démarche d’empowerment dans le contexte organisationnel du système judiciaire, elles se distancient des procédures et cherchent à réduire leur sentiment d’impuissance par d’autres moyens.

Stratégies employées par les victimes à l’extérieur du processus judiciaire

Les victimes ont recours à leurs ressources et à diverses stratégies afin de reprendre le dessus à la suite de leur victimisation. Les ressources les plus souvent mentionnées sont le soutien social, les actions concrètes effectuées par les victimes afin de surmonter le délit, ainsi que leur engagement dans des activités valorisantes.

Le soutien social

Parmi nos 15 informateurs, 10 ont expliqué que leur entourage les avait soutenus et aidés à surmonter les séquelles de leur victimisation. Que ce soit leur conjoint, leur famille, un employeur, ou un ami, les victimes ont mentionné une personne qui les a soutenues. Parfois, ce soutien peut prendre la forme d’un dépannage financier, comme l’a indiqué une informatrice que son père a aidée à la suite du vol survenu dans son entreprise (la victime n’était pas assurée et faisait face à une possible fermeture de l’entreprise). Une victime a mentionné avoir bénéficié de son réseau social pour faire garder ses enfants à la suite du crime, ce qui lui a donné le temps de « reprendre le dessus ». Une autre a expliqué avoir téléphoné à un ami afin de ne pas rester seule immédiatement après le délit. La plupart des victimes ont mentionné l’importance de leur réseau simplement pour contrer l’isolement. Ce témoignage résume bien de quelle manière le réseau social peut favoriser une démarche d’empowerment :

Je me morfondais à la maison, j’avais le goût de rien, je répondais plus au téléphone, j’avais pas le goût de parler, je me sentais stupide. Mais ma fille, tu te débarrasses pas d’elle de même. Elle est venue à la maison quand elle a vu que je répondais pas, elle m’a forcée à sortir, à faire des activités. Juste de jaser, elle m’a fait comprendre que je pouvais pas me laisser aller de même, m’a rappelé des épreuves ben pires que j’ai traversées, pis surtout, elle m’a aidée à réaliser que ça aurait pu arriver à n’importe qui, que j’étais pas plus niaiseuse qu’une autre, pis que la vie doit continuer. Il me fallait ça pour m’en sortir.

Informatrice 12

Il semble ainsi que le soutien social peut amener la victime à relativiser et à réévaluer l’importance du crime dans sa vie, et ainsi favoriser son empowerment. En effet, les personnes résilientes réorganisent leurs cognitions face à l’événement et choisissent de ne plus être une victime (Dufour et Nadeau, 2001). Le soutien social peut également aider à minimiser les conséquences directes et indirectes du crime en augmentant l’accessibilité à certaines ressources (sur le plan social et psychologique, certes, mais aussi en dépannant la victime temporairement après le délit, ce dépannage pouvant prendre diverses formes selon les besoins des victimes).

Entreprendre des actions concrètes

Sept victimes ont indiqué que les actions qu’elles ont entreprises ont constitué l’élément le plus important dans leur reprise de contrôle sur leur vie, ce qui confirme l’importance de l’action concrète dans le processus d’empowerment. Certaines victimes ont effectué des actions concrètes auprès des instances judiciaires pour recevoir des informations sur leur cause, que ce soit en téléphonant à l’enquêteur, au procureur, au greffe de la cour, et même à l’avocat de la défense. Une victime avocate, connaissant les procédures de la cour, a même demandé une copie du plumitif pour savoir ce qui advenait de sa cause et a indiqué qu’elle n’aurait rien su autrement.

D’autres victimes entreprennent des actions dans le but de favoriser des changements pour d’autres victimes. Une victime de fraude a souligné les efforts qu’elle a effectués pour prévenir la victimisation d’autres personnes par le même fraudeur : elle a téléphoné à l’Office de la protection du consommateur, à la Régie des bâtiments, au journal où le contrevenant publiait toujours ses annonces, et a retrouvé d’autres victimes du même individu en passant du temps près du kiosque où le fraudeur l’avait « recrutée ». Elle est même allée jusqu’à contacter les médias afin d’informer la population du risque de faire affaire avec cette compagnie. Cette victime a expliqué que le fait de rechercher des preuves elle-même lui a été bénéfique :

Ça me donnait l’impression de reprendre un peu de contrôle ; chaque fois que je trouvais une nouvelle preuve, je me sentais un peu mieux.

Informatrice 6

Dans d’autres cas, les actions ne visent pas nécessairement une action sociale plus large, mais permettent aux victimes de retrouver un certain sentiment de contrôle face au crime subi. Une victime a expliqué de quelle manière elle avait entrepris des actions pour retrouver les effets qu’on lui avait volés. Celle-ci n’était pas assurée contre le vol et sa priorité était de retrouver les objets volés. Puisque les policiers ont affirmé qu’ils ne croyaient pas pouvoir retrouver le contrevenant et les objets, celle-ci, accompagnée de son conjoint, a fait le tour du quartier, et a demandé aux gens dans la rue et aux prostituées s’ils étaient au courant d’une vente d’objets. Leur recherche a porté fruit. La victime a alors avisé les policiers et a récupéré ses effets, ce qui lui a évité une faillite et la perte de son entreprise, ce qui aurait, selon elle, grandement affecté sa reprise de contrôle à la suite de l’événement criminel.

D’autres victimes vont plutôt entreprendre des actions concrètes simplement pour retrouver un sentiment de valorisation et d’efficacité personnelle, ce qui leur permet de se distancer du délit. Une de nos informatrices explique :

Moi, je suis bien trop occupée : je suis des cours de piano, je fais partie d’une troupe de théâtre, je viens juste de commencer des cours de chant, je fais du bénévolat le jour, je suis jamais à la maison à rien faire. Au début, j’y pensais ben gros, mais j’ai décidé de continuer mes activités, pis j’y pense quasiment plus, je vais pas m’arrêter à ça certain.

Informatrice 6

L’action concrète permet aux victimes de vivre des expériences valorisantes, ce qui est essentiel à leur empowerment. Quatre informateurs ont affirmé être engagés dans des organisations communautaires, sportives ou culturelles qui leur apportent un sentiment de compétence. Pour un informateur, le fait de commencer des cours de tennis a été bénéfique pour sa santé physique et mentale, et lui a permis de cesser de se sentir « bon à rien ». Un autre informateur nous a d’ailleurs expliqué comment il ne pouvait pas « se laisser aller » parce qu’il avait affaire au quotidien à des gens qui avaient plus de difficultés que lui dans l’organisme de bénévolat pour lequel il oeuvrait. Les victimes semblent ainsi en venir à la conclusion, à un moment ou un autre, qu’elles doivent passer à autre chose, et que la vie continue. En recommençant à vaquer à leurs activités habituelles, en s’occupant et en effectuant des activités valorisantes, parfois sans lien avec leur victimisation, elles finissent par cesser de se sentir abattues, retrouvent un sentiment de valorisation, et sont résilientes face à l’événement aversif qui a affecté leur vie. Nos résultats indiquent qu’un engagement quelconque dans des activités valorisantes pour l’individu semble bénéfique, possiblement parce qu’il fournit la possibilité de rétablir une image positive de soi, ou parce qu’il donne accès à un plus grand réseau social, ou encore parce qu’il procure un sentiment de compétence et démontre que les efforts et l’engagement entraînent des résultats (sentiment contraire à l’impuissance).

En somme, les victimes mettent l’accent sur les actions qu’elles ont entreprises elles-mêmes, soit pour simplement reprendre le contrôle sur leur propre vie, soit parce que cela leur donne un sentiment de valorisation personnelle dont elles ont besoin pour reprendre le dessus, et qu’elles appliquent dans d’autres sphères de leur vie. Dans tous les cas, les victimes ont entrepris une action parce qu’elles devaient faire face à des obstacles qu’il était important pour elles de franchir.

Le processus d’empowerment des victimes : un processus dynamique

À force d’attendre, incertaines de leur rôle et sans obtenir d’information, les victimes en viennent à réduire leurs attentes envers les procédures criminelles. Elles ressentent le besoin de se distancier et de passer à autre chose, et prennent conscience que le système ne pourra les aider à reprendre le dessus (absence de soutien sociopolitique). Pour certaines victimes, que l’on pourrait qualifier de résilientes, le fait de prendre conscience que le système ne pourra leur venir en aide favorise une prise en charge personnelle ; elles se distancient ainsi des procédures, elles cessent d’y voir un intérêt, préférant se concentrer sur leur propre rétablissement. En ce sens, trois victimes ont expliqué s’être senties mobilisées par le manque de considération des autorités judiciaires à leur égard, affirmant : « Non mais je vaux plus que ça ! » (informateur 8), ou encore : « Je suis pas habituée de me faire traiter de même » (informatrice 6). Une avocate nous a expliqué qu’elle avait laissé plusieurs messages au procureur dans son dossier en s’identifiant comme la victime du crime. En constatant qu’on ne l’avait pas rappelée, elle a laissé un message en s’identifiant comme avocate plutôt que comme victime et a été rappelée par le procureur presque immédiatement. Cette informatrice a expliqué que le traitement des autorités à son égard lui a donné l’impression de vivre un changement de statut et elle a ainsi décidé de prendre part à l’étude. Cette victime semble avoir traversé les trois phases proposées par Swift et Levin (1987) en prenant conscience de sa position par rapport aux mécanismes de distribution du pouvoir au sein du système de justice, ce qui a engendré une prise de conscience et un désir de changer les choses.

Douze victimes ont pris conscience que leur situation n’était pas unique, et que les victimes de manière générale étaient traitées de la même manière par les autorités judiciaires ; les trois autres victimes semblaient croire que c’était leur personnalité, ou leur statut, qui faisait en sorte que les autorités n’avaient aucune considération à leur égard. Il semble qu’il y ait dissonance cognitive lorsque les victimes ont une bonne estime d’elles-mêmes : l’impression d’être diminué ou mis à l’écart, ou simplement le statut de victime crée une dissonance, ou un sentiment d’injustice que les victimes tentent de contrebalancer. Elles choisissent alors leur « bataille » et confrontent les obstacles afin de restaurer leur sentiment de valorisation ou d’efficacité personnelle. En ce sens, entreprendre une action et réussir à franchir des obstacles pourrait favoriser un sentiment d’efficacité personnelle qui amènerait les victimes à se sentir plus confiantes de pouvoir franchir d’autres obstacles, comme si ce processus leur permettait de prendre conscience de l’ampleur de leur capacité de résilience. Par ailleurs, lorsque le système judiciaire confirme une croyance négative que les victimes ont déjà sur elles-mêmes, cela entraîne une perte de confiance envers les autorités et les institutions, parfois même envers le fonctionnement de la société en général :

Tu sais, à force de te faire traiter comme de la merde, pis de voir leur attitude, comme si tu leur faisait perdre leur temps, ben tu finis par te demander si tu n’es pas de la merde ; en tous cas, ça t’arrête l’envie de les appeler, ça c’est sûr… Dans le fond, c’est peut-être pour ça qu’ils agissent de même.

Informatrice 1

On dirait que j’étais plus le même en général, avec le monde surtout, c’est comme si j’ai compris que le monde fait dur, j’ai pu confiance au genre humain comme avant.

Informateur 2

Ces victimes éprouvent de la frustration et de la colère, se sentent exclues et tendent à s’isoler et à demeurer dans leur état d’impuissance. Les victimes résilientes restaurent leur sentiment de valorisation personnelle en premier lieu, car sans ce sentiment, il serait ardu de se convaincre qu’elles pourront changer quoi que ce soit à leur situation actuelle.

Pour les victimes résilientes, ce sentiment de valorisation se restaure dans l’action, à travers des activités quotidiennes à l’extérieur du système judiciaire. À travers des accomplissements dans d’autres sphères de leur vie, les victimes sont en mesure de restaurer le sentiment d’avoir une certaine valeur ou utilité dans la société. Une fois ce sentiment de valorisation restauré, les victimes se sentent déjà mieux, prennent conscience qu’elles peuvent à tout le moins avoir une influence sur certains événements de leur vie et sur leur propre rétablissement psychologique. Leur discours devient plus optimiste, elles relativisent l’événement criminel ou son importance : « Ça aurait pu être pire… » (informatrice 10), « J’ai été chanceux dans ma malchance » (informateur 2). D’autres victimes trouvent un sens positif à l’événement : « Ça m’a rendue plus forte » (informatrice 14), « Ça m’a rapprochée de ma fille » (informatrice 12).

Discussion

Selon une perspective d’empowerment, il est facile de comprendre comment les procédures judiciaires qui excluent les victimes ne sont pas compatibles avec ce processus. Les victimes vivent de l’impuissance à la suite d’une victimisation, et font appel au système de justice pour réduire ce sentiment d’impuissance, être protégées, protéger d’éventuelles victimes, obtenir réparation, ou pour que le contrevenant modifie son comportement (Wemmers et Cyr, 2006). Non seulement elles n’atteignent pas l’objectif escompté quand elles entreprennent cette action, mais leur exclusion au sein des procédures qu’elles ont elles-mêmes amorcées les confine dans un état d’impuissance. Le système répond rarement aux attentes des victimes, ce qui fait perdre tout son sens à l’action entreprise en signalant le crime. En effet, ces dernières ne peuvent s’exprimer et ne sont pas suffisamment informées ; elles n’ont ainsi aucun impact ou contrôle sur la suite des procédures. Le système judiciaire semble donc favoriser l’impuissance plus que l’empowerment des victimes d’actes criminels, qui s’y sentent exclues, voire infantilisées.

Paradoxalement, il apparaît que c’est parfois la prise de conscience de l’échec du système à répondre à leurs attentes qui pousse certaines victimes résilientes à s’en sortir, plus que la victimisation en soi. Cela correspond à l’état de crise engendrée par l’atteinte à leur intégrité qui est nécessaire au déclenchement de l’empowerment (Keiffer, 1984). Un certain processus d’empowerment s’effectue ainsi à l’extérieur du système judiciaire et débute par la restauration de la croyance en sa propre valeur en tant qu’individu faisant partie intégrante de la société. Cette première croyance étant infirmée par le traitement des victimes par les autorités judiciaires, les victimes se distancient des procédures, soit parce qu’elles prennent conscience qu’elles valent mieux et vont trouver d’autres moyens de rétablir leurs croyances de base, soit parce qu’elles sont convaincues qu’elles ne valent rien et que les institutions ne leur apporteront rien, ne leur ayant jamais rien apporté (impuissance apprise). La majorité des victimes se distancient ainsi cognitivement des procédures judiciaires ; certaines demeurent dans l’impuissance, mais les autres vont s’acharner à se rétablir.

Force est de constater que la situation d’impuissance des victimes d’actes criminels en tant que groupe persiste ; nos résultats se rapprochant des résultats des études précédentes sur l’expérience des victimes québécoises (Baril et al., 1983 ; Wemmers et Cyr, 2006 ; Parent, 2008). Les entretiens réalisés révèlent que le système de justice n’est pas en lien avec l’empowerment des victimes, il favorise plutôt un état d’impuissance, ce qui amène les victimes à ne plus avoir d’attentes envers le système. Les cultures qui valorisent le contrôle, l’ordre et le prévisible ne sont pas associées à l’empowerment (Evered et Selman, 1989). Un système qui permet les inégalités entrave l’empowerment, puisque les personnes lésées sont incapables de remettre en question l’héritage et la bureaucratie ayant institutionnalisé et maintenu le traitement inégalitaire (Swift et Levin, 1987). Certaines victimes ont l’impression que le système pénal favorise les contrevenants et décourage des victimes. Cette impression n’est pas uniquement partagée par les victimes de notre échantillon. Les victimes de la recherche de Damant et al. (2001) ont également mentionné l’inégalité des droits des victimes et des contrevenants comme un facteur qui entrave l’empowerment. De façon similaire, parmi les victimes de la recherche de Wemmers et Cyr (2006), 43 % croyaient que les accusés étaient mieux traités que les victimes. La culture inégalitaire, l’absence d’information stratégique et l’ambiguïté de rôle qui en découle reflètent le manque de soutien sociopolitique envers les victimes de crimes. Les victimes continuent à être les oubliées du système judiciaire, et la majorité de celles qui ont participé à notre étude en sont conscientes. Elles se tournent vers leurs propres ressources afin de prendre en charge leur rétablissement et priorisent des actions qui leur permettent de restaurer leur sentiment de valeur personnelle.

Les victimes entament ainsi un processus d’empowerment à l’extérieur du système judiciaire, qui va d’une reprise de contrôle sur sa propre vie à un désir de venir en aide à d’autres victimes, allant parfois jusqu’à l’engagement communautaire ou politique dans le but de changer la situation des victimes d’actes criminels de manière générale. Les entretiens nous permettent donc de constater que la majorité des victimes entament un processus d’empowerment. Elles se tournent vers d’autres actions afin de retrouver une impression de contrôle et d’efficacité personnelle, recherchent un sens à l’événement et acceptent l’expérience criminelle comme une épreuve qu’elles ont traversée avec succès, et ce, malgré les obstacles et l’échec du système de justice à répondre à leurs attentes.

Le modèle en trois phases de Swift et Levin (1987) semble bien refléter le processus vécu par les victimes. La première phase, une prise de conscience de ses propres intérêts, de sa position et de son savoir par rapport aux mécanismes dominants de distribution du pouvoir dans le système social paraît avoir été complétée par toutes les victimes interrogées. Les victimes ont toutes eu l’impression d’être exclues du système et ont compris qu’elles n’avaient ni pouvoir, ni place, ou rôle à jouer au sein du système judiciaire. La deuxième phase est liée aux sentiments affectifs vis-à-vis de cette conscientisation et des sentiments par rapport à ses relations avec les autres (loyauté ou désaffiliation). Les victimes que nous avons interrogées ont exprimé leur insatisfaction quant au (ou à l’absence de) traitement reçu au sein du système judiciaire, et ont perçu de l’injustice parce que les contrevenants ont plus de droits que les victimes. Le fait que plusieurs victimes se sont distanciées cognitivement du système judiciaire, en prenant conscience que celui-ci ne pouvait leur venir en aide, reflète la désaffiliation des victimes par rapport au système en place. Pourtant, plusieurs atteignent la dernière phase identifiée par Swift et Levin (1987), soit un désir de changer la distribution sociale du pouvoir afin d’améliorer ses conditions sociales et faire avancer ses intérêts personnels. Certaines victimes de notre échantillon ont affirmé avoir entrepris des actions directement vouées à améliorer la situation d’autres victimes potentielles, l’une d’entre elles ayant créé un groupe d’entraide pour les proches d’homicides, et un autre ayant l’impression d’avoir changé les préjugés des policiers. Le simple fait de participer à l’étude, et d’accepter de prendre le temps de répondre à l’entretien qualitatif reflète le désir des victimes interrogées d’investir du temps afin de modifier l’état actuel des choses pour les victimes de crimes.

Swift et Levin (1987) indiquent que chaque phase est un prédéterminant nécessaire à la phase suivante, puisque chacune se bâtit à partir des acquis de la phase précédente. Un individu doit d’abord prendre conscience de ses propres intérêts et compétences, et saisir l’impact des conditions sociales objectives avant de pouvoir démontrer une certaine loyauté envers les autres aux prises avec des conditions similaires, et identifier les groupes ou autres facteurs systémiques qui maintiennent ce statu quo. Les victimes paraissent avoir réalisé cette démarche, mais ont été confrontées aux conditions incapacitantes du contexte judiciaire. Face à l’impossibilité de changer activement les choses et le traitement reçu dans le système en place, les victimes se concentrent sur leur propre rétablissement et sur des changements à faire dans la communauté. Force est de constater que la situation d’impuissance des victimes au sein du système de justice pénale n’a guère changé, et ce, malgré les études en victimologie, les mouvements sociaux de groupes spécifiques de victimes, et les changements législatifs. Il est par conséquent compréhensible que les victimes aient l’impression de ne rien pouvoir faire, concrètement, pour changer le traitement qu’elles reçoivent dans le système.

Si la culture inégalitaire du système pénal entrave l’empowerment, faut-il en conclure que l’empowerment y demeurera toujours impossible ? Un des répondants a tout de même spontanément mentionné l’importance du travail des policiers dans sa démarche d’empowerment. Pour que le système de justice puisse favoriser l’empowerment des victimes, une culture qui valorise le respect, la création et la liberté (Evered et Selman, 1989) s’impose. Les plaintes des victimes quant au manque d’information, de soutien, et cetera sont déjà bien connues (voir Baril et al., 1983 ; Shapland, 1986). En 1985, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir afin d’améliorer le traitement des victimes au sein des procédures pénales. Au Québec, la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels (L.R.Q., chapitre A-13.2) donne aux victimes le droit à l’information, à la réparation, au soutien, et leur permet de participer aux procédures pénales. Cependant, ces droits sont sans force exécutoire et les victimes n’ont ainsi pas de recours si leurs droits ne sont pas respectés. Malheureusement, ces droits sont rarement respectés (Wemmers et Cyr, 2006).

Le récit des victimes révèle également qu’elles déplorent le manque d’information au sujet des développements des procédures judiciaires. Le discours de nos répondants correspond aux résultats obtenus auprès des 122 victimes interrogées par Wemmers et Cyr (2006), puisque 78 % des victimes étaient insatisfaites de l’information reçue concernant les suites des procédures dans leur dossier, et ce, plus d’un an après avoir signalé le crime. À cette étape, 47,5 % des victimes ignoraient toujours s’il y avait eu comparution de l’accusé, 46 % ignoraient s’il y avait eu enquête préliminaire, 27 % ignoraient si leur cause avait donné lieu ou entraînerait un procès, et plus d’un cinquième (20,5 %) n’avaient aucune idée des développements dans le dossier (Wemmers et Cyr, 2006). Shapland et al. (1985) ont remarqué que les victimes s’attendaient à recevoir de l’information et à être consultées dans les décisions importantes, non pas par charité, mais bien parce que cela leur était dû en échange du temps et de l’énergie qu’elles avaient investis pour signaler le crime à la police. Selon Spreitzer (1995a), l’information doit être immédiate, par communication directe, en temps réel, afin de fournir aux gens l’information dont ils ont besoin pour agir. Il faut ainsi évaluer et revoir le système d’information actuel afin de permettre aux victimes d’être renseignées systématiquement concernant les développements de leur dossier dans le système de justice.

Si les victimes ne peuvent réaliser une démarche d’empowerment dans le système pénal, est-il préférable de réfléchir aux solutions de rechange comme la justice réparatrice ? Il est possible que le paradigme de la justice réparatrice soit un contexte plus favorable à l’empowerment des victimes. Premièrement, son objectif est la réparation des torts causés par l’acte criminel, ce qui nécessite de s’enquérir des torts subis et des attentes des victimes face aux procédures. Les processus de justice réparatrice permettent aux victimes d’exprimer leur point de vue, de participer au processus, d’être informées des procédures en cours et du résultat, et de recevoir une réparation pour le tort subi (Strang, 2004), ce qui peut réduire les problèmes liés à l’absence d’autodétermination, d’impact et d’information stratégique. La médiation, par exemple, offre aux victimes plus de possibilités de participation, et leur permet d’avoir un plus grand impact sur l’entente négociée avec le contrevenant, entente qui a du sens pour elles (voir Wemmers et Cyr, 2002). Si l’on considère les antécédents socio-structurels mentionnés par Spreizter (1995a), on peut penser que la justice réparatrice pourrait effectivement permettre aux victimes de mieux comprendre ce que l’on attend de leur part (ambiguïté de rôle), d’accéder à beaucoup plus d’information sur leur cause (information stratégique), et favoriserait aussi le sentiment d’efficacité personnelle des victimes, puisqu’une telle démarche nécessite leur participation et leur permet d’entreprendre des actions qui influencent directement la situation (ou son responsable) ayant engendré un sentiment d’impuissance.

Cependant, la justice réparatrice n’est pas offerte à toutes les victimes. Au Québec, la justice réparatrice est peu utilisée, à l’exception des délits commis par des jeunes. Le fait de limiter la justice réparatrice à l’âge du contrevenant ou la sévérité du délit, alors que plusieurs victimes québécoises démontrent un intérêt pour la démarche dans ces cas (Besserer et Trainor, 2000 ; Wemmers et Cyr, 2002 ; Gannon et Mihorean, 2005), souligne la vision paternaliste du système judiciaire à l’égard des victimes qui, paradoxalement, sont ainsi confinées à l’impuissance. Les victimes de notre échantillon sont particulièrement résilientes et ne désirent pas être infantilisées ou perçues comme des personnes « endommagées », elles veulent simplement être traitées comme elles le méritent : une personne ayant de la valeur au sein de la société.

Plusieurs mesures peuvent être mises en place afin de minimiser les risques de victimisation secondaire pour les victimes qui participent aux programmes de justice réparatrice (Wemmers et Cyr, 2002 ; Strang, 2004). Le fait même de donner à la victime la liberté de choisir de façon éclairée (c’est-à-dire en lui fournissant le maximum d’information pour lui permettre de prendre les décisions concernant son cas) de prendre part ou non à une démarche de justice réparatrice pourrait en soi contribuer à lui donner le sentiment qu’elle a un rôle à jouer, qu’on l’informe et la considère, ce qui favoriserait un sentiment de reprise de contrôle. Nous recommandons ainsi d’élaborer et d’évaluer des programmes de justice réparatrice et leur impact sur les victimes, et d’offrir cette possibilité aux victimes qui le désirent, et d’évaluer les risques cas par cas, sans exclusion systématique selon le type de délit et/ou l’âge du contrevenant.

Nous avons constaté que les victimes interrogées se sentent exclues du système judiciaire, ont l’impression de n’avoir aucun statut, aucun recours, ne se sentent pas considérées et indiquent que les contrevenants ont beaucoup plus de droits que les victimes. Nous avons signalé à maintes reprises que cet état des choses reflète une absence de soutien sociopolitique pour les victimes de crimes. Il semble peu probable que des changements de pratiques surviennent sans une volonté politique et des changements législatifs. En somme, garantir le respect des droits énoncés dans la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels et élargir les recours aux victimes pourrait améliorer l’expérience des victimes au sein du système de justice, mais ces changements sont impossibles sans un réel soutien sociopolitique pour les victimes. Il s’agit pourtant du respect d’un contrat social qui unit l’État et le citoyen et non pas de charité envers les victimes.