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Comme son titre l’indique, The Ethics of Global Governance représente une contribution à la compréhension de la notion de la gouvernance globale en approfondissant un aspect particulier, quelque peu négligé, soit les enjeux moraux et éthiques de cette gouvernance globale. Dans son chapitre introductif, le directeur de l’ouvrage souligne le fait que les courants de la pensée dominante ont longtemps ignoré la dimension éthique des politiques internationales, attribuant le comportement politique déterminant et significatif uniquement aux entités abstraites : les États. Le livre remédie à ces points faibles de la pensée dominante en plaçant la question éthique de la gouvernance globale au centre de l’analyse des comportements des acteurs non étatiques dans les politiques internationales.

Pour répondre à ces préoccupations, les contributions à l’ouvrage clarifient essentiellement deux questions. La première concerne l’interaction entre les acteurs et institutions principaux de la gouvernance globale d’un côté et les valeurs éthiques de l’autre côté ainsi que les contradictions persistantes (chapitre de Samuel Makinda au sujet de la souveraineté, celui de Cecelia Lynch concernant la société civile globale ainsi que la contribution de Daniele Archibugi et Raffaele Marchetti se penchant sur l’Organisation des Nations Unies). La deuxième question touche la nature profonde et véritable des préoccupations éthiques des acteurs de la gouvernance globale dans quelques contextes particuliers (la promotion de la démocratie par Tom Keating, l’intervention humanitaire par Catherine Lu, la sécurité globale par Fiona Robinson, la gestion de l’économie politique globale par Jacqueline Best et l’environnement global par Richard A. Matthew, Heather Goldsworthy et Bryan McDonald). Comme le directeur de l’ouvrage le souligne à juste titre dans son chapitre introductif, ces auteurs analysent « les éthiques de l’éthique » de la gouvernance globale.

Les contributions qui sont consacrées aux acteurs de la gouvernance globale sont unies par l’idée de l’ambivalence de la relation entre les sujets traditionnels de la gouvernance globale (les États) et les sujets en voix de reconnaissance (société civile, organisations non gouvernementales, etc.). Tous soulignent également l’ambiguïté et la complexité des aspects éthiques des rôles que ces derniers peuvent jouer. Par exemple, Samuel M. Makinda démontre dans son chapitre consacré à l’analyse de la souveraineté que même cette souveraineté, l’attribut principal d’État, peut avoir des influences et des significations éthiques multiples dans le contexte de la gouvernance globale selon sa réinterprétation et sa reconstruction par les acteurs au niveau global, tels que les ong, les sociétés multinationales, les individus. Cette observation trouve un écho et un développement intéressants dans la contribution de Cecelia Lynch, qui met en évidence les tensions émergentes à l’intérieur des paradigmes moraux des acteurs de la société civile, notamment entre leurs positions éthiques théoriques et les implications éthiques réelles de leurs actions dans les domaines de la justice économique ainsi que de la paix et de la sécurité. La conclusion est bien résumée par Craig N. Murphy dans le chapitre final : « Le pouvoir et la responsabilité pour le bien-être global ne s’arrêtent pas à la frontière entre les acteurs formels et informels. »

La préoccupation principale qui traverse les contributions consacrées aux « éthiques de l’éthique » de la gouvernance globale concerne la tension constante entre l’appel moral de l’universalité et la demande opposée de respecter la différence. On peut dire que les auteurs prouvent l’affirmation faite par Craig N. Murphy selon laquelle la question éthique fondamentale à laquelle doit faire face la gouvernance globale consiste à savoir comment les communautés humaines qui ne partagent pas des valeurs fondamentales devraient interagir entre elles.

Une autre importante conclusion qui s’impose à la lecture de ces contributions est la suivante : malgré toutes les motivations éthiques qui peuvent être avancées par les différents acteurs, la gouvernance globale reste une lutte pour le contrôle et le pouvoir. Ainsi, Tom Keating est très convaincant dans son analyse de la pratique assez populaire de la promotion de la démocratie vue comme l’imposition des valeurs externes avec une attention insuffisante accordée aux besoins et aux intérêts locaux. À la suite de la lecture de son chapitre, nous n’avons pas de difficulté à nous demander avec lui si les promoteurs occidentaux de la démocratie seraient aussi enthousiastes et altruistes si cette promotion signifiait finalement une perte de contrôle et du pouvoir.

Il convient de souligner que les diverses contributions nous indiquent que cette tension entre l’universalité et le respect pour la différence ne doit pas se concevoir uniquement en termes de tensions potentielles notoires entre différentes cultures, différentes régions du monde, mais aussi au regard des tensions possibles entre hommes et femmes (chapitre de Fiona Robinson), entre les besoins des riches et des pauvres (chapitre de Jacqueline Best), entre la civilisation moderne et la nature (chapitre de Richard M. Matthew, Heather Goldsworthy et Bryan McDonald).

Les contributions réunies dans cet ouvrage nous éclairent sur plusieurs aspects fondamentaux mais mal connus de la gouvernance globale. Le livre constitue ainsi un apport significatif à la compréhension plus complète du phénomène de la gouvernance globale et peut être utile non seulement aux spécialistes des relations internationales, mais à toute personne désireuse de comprendre les enjeux plus profonds des politiques internationales contemporaines.