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« La guerre civile a éclaté dans les provinces britanniques. » C’est avec ces mots que débute le journal d’Amédée Papineau. Maintenant accessible dans sa deuxième édition, l’ouvrage établi et annoté par Georges Aubin est considérable (pas loin de 1050 pages) et s’avère un document essentiel pour quiconque s’intéresse à la famille Papineau et bien sûr à l’époque des insurrections républicaines et de l’Acte d’Union. Le journal comprend sept livres rédigés entre 1838 et 1855, et chaque texte est suivi de nombreuses notes qui permettent de brosser les portraits de divers notables et de saisir le sens de termes devenus caducs. De plus, les entrées étant datées, le lecteur peut aisément retrouver dans les textes les observations de Papineau sur plusieurs moments marquants de notre histoire.

Le premier recueil est le moins anecdotique. Retraçant en abrégé l’histoire du pays, Amédée Papineau termine son texte sur la période tant controversée des Rébellions. En mêlant à la fois l’analyse et l’anecdote journalière, le fils aîné de Papineau, foncièrement engagé, décrit presque jour par jour la lente organisation de la révolte, de son implication personnelle dans les Fils de la Liberté à la prise des armes de ses compatriotes. À la manière d’un Thucydide, il relate avec minutie les positions et les tactiques, les victoires et les défaites.

Puis, on le suit dans son exil avec son père et d’autres expatriés à Saratoga aux États-Unis. Son troisième livre relate l’intégralité de la seconde insurrection de 1838, un récit qu’il raconte grâce à une lecture extensive de la presse écrite anglophone. En effet, forcé de demeurer en exil, Amédée Papineau, toujours intrigué par ces deux rébellions, lut une pléthore de journaux allant du Kingston Chronicle au Watertown Jeffersonian en passant par la Gazette de Mackenzie. S’enquérant également auprès de quelques proches au sujet des événements au Bas-Canada, il apprend alors que les rumeurs ont plus d’éclat que ces événements en tant que tels.

En s’appuyant sur les journaux, Amédée Papineau procéda également à l’inventaire des patriotes blessés et morts ainsi que de ceux exilés en Nouvelle-Hollande. On découvre aussi au fil des pages des statistiques de 1839 qu’il juge bon de noter à propos de l’état de l’Église catholique aux États-Unis. Côtoyant plusieurs intellectuels, ses nombreuses correspondances s’avèrent un intéressant matériel sociohistorique. Aussi, sa réflexion sur l’Acte d’Union, les élections et les différents gouvernements s’étend du quatrième au septième livre et fournit une perspective intéressante sur l’évolution politique et sociale des acteurs en présence. Témoin de l’avènement du rougisme et du journalisme de combat, il décrit les moments forts tant étudiés dans notre historiographie. Un peu à la manière de Tocqueville, on peut dire qu’Amédée Papineau a fait l’étude de sa propre société et des étapes cruciales qui l’ont constituée.