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Les ouvrages de théorie de la traduction ne sont pas légion. Ceux qui traitent de traduction juridique, encore moins. Aussi, lorsque paraît un ouvrage portant sur les théories de la traduction juridique, un tel titre ne saurait échapper à l’attention des personnes que le langage du droit et la traduction de ses textes intéressent. Qu’il soit rédigé dans la langue de Dante ne devrait toutefois pas les étonner. Si, dans ce domaine, le Canada s’est illustré de longue date – au point de servir d’exemple et de référence à de nombreux États, en Europe et dans d’autres parties du monde –, l’Italie est aussi très active en la matière. Membre d’une Union européenne (UE) qui, avec ses 27 États et ses 23 langues, est en voie de reconstituer la Babel mythique, elle compte nombre de juristes comparatistes éminents. Or, dès que l’on aborde le droit comparé, ses enjeux et ses méthodes, on ne peut éviter la traduction. Ces deux activités sont étroitement liées, ce que souligne le sous-titre de l’ouvrage recensé. Aussi n’est-il guère étonnant que, parmi les comparatistes, on trouve des spécialistes avertis de la traduction juridique. Comme souvent, dans la plupart des domaines où s’exerce l’activité humaine, la pratique finit par déboucher sur une réflexion théorique. Au fil des ans, un corpus prend forme et s’édifie, voire, à l’instar des juristes, une doctrine se dégage. De même pour la traductologie, qui est le nom savant donné aux travaux des spécialistes de la traduction que sont les traductologues. Son équivalent anglais Translation Sciences indique nettement, par ce pluriel, la diversité et le nombre potentiel de ses ramifications. Ce fleuve comprend, en effet, de nombreux affluents, de multiples sources le nourrissent, comme le montre l’ouvrage de Fabrizio Megale.

Théorie et théories

Le jeune corpus de théories de la traduction juridique compte désormais un nouvel ouvrage qui témoigne de l’activité dynamique des comparatistes, des juristes-linguistes et des traducteurs italiens. Fabrizio Megale est un traducteur juridique d’expérience. Il présente un panorama des divers courants et pratiques constituant l’activité actuelle de traduction juridique, en Europe particulièrement, mais en exposant les principes théoriques qui les sous-tendent et leurs sources principales. Son exposé s’enrichit de la comparaison qu’il fait des principaux systèmes et méthodes en usage dans les pays et organisations (dont l’Union européenne, en particulier) où plusieurs langues sont en concurrence sur un même territoire ou au sein d’un même système. Lorsque ces langues sont soumises à l’épreuve de la traduction de textes juridiques (notion qui demanderait de longs développements, hors de propos ici), on peut constater les effets parfois étonnants auxquels donne lieu l’opération traduisante et les difficultés qu’elle présente pour le traducteur. Aussi le regard averti que jettent les juristes comparatistes sur ces difficultés, notionnelles et terminologiques, est-il éclairant pour le traducteur, car traduire des textes de nature ou de portée juridique revient à accomplir un acte de droit comparé, mais arrimé à une opération traduisante. Telle est, en somme, la tâche redoutable du traducteur, qu’il soit juriste ou non.

Teorie della traduzione giuridica comprend six chapitres, de longueur, teneur et importance inégales, précédés d’une courte introduction. Le premier chapitre (p. 13-35) traite des rapports incontournables que le droit comparé entretient avec la traduction juridique ; le deuxième (p. 37-72), du plurilinguisme dans les lois, les traités et les contrats, chapitre où le Canada occupe une place éminente. Dans le troisième chapitre (p. 73-84), l’auteur aborde le langage juridique comme langue de spécialité (settoriale) ; dans le quatrième (p. 85-113), peut-être le plus intéressant pour le praticien, ce sont les procédés – plus que les méthodes – de traduction, appliqués à la traduction juridique, qui sont passés au crible, avec, au coeur de la problématique, l’équivalence et ses nombreux avatars. Dans le cinquième chapitre (p. 115-142), le plus théorique, les apports de la pragmatique et de la traductologie à la traduction juridique sont passés en revue. Dans le sixième et dernier chapitre, le plus bref (p. 143-147), l’auteur revient, en conclusion, sur les fonctions de la traduction juridique, dans le cadre de l’inévitable Skopostheorie. Suivent une bibliographie sélective (p. 149-161) et un index (p. 163-165) des noms propres – et non des thèmes, sujets et matières qui faciliterait la consultation.

L’ensemble constitue un tout cohérent, quoique inégal dans son traitement. Il s’inscrit dans une logique traductionnelle inspirée par la pratique, car ce n’est pas un ouvrage de théorie de la traduction. L’auteur ne propose d’ailleurs ni théorie ni système de traduction de son cru ; il présente et expose les procédés (cf. Vinay et Darbelnet), les voies et moyens que suit et emprunte la pratique, mais en déroulant une analyse, souvent fine et serrée, de ces techniques et démarches. Il s’appuie sur de nombreux auteurs, juristes, linguistes et traductologues – qu’il cite généreusement –, en assortissant le propos d’exemples concrets tirés de divers contextes de traduction (régionaux, nationaux et internationaux, publics et privés). Le but que vise l’auteur est clair : informer et enseigner, contribuer au dialogue entre linguistes (au sens large) et juristes en présentant les contributions théoriques des uns aux autres, et vice versa (p. 9). Si le juriste ne peut éviter les questions sémantiques, le linguiste ne saurait éluder la composante juridique.

Traductologie et droit comparé

L’auteur fonde son analyse sur les deux grands courants de pensée, les deux écoles que sont pour lui, d’une part, le droit comparé (dont Rodolfo Sacco est une des figures de proue, en Italie et dans le monde) et, d’autre part, la traductologie, qui, pour Megale, est représentée par Hans Vermeer, le père de la théorie du skopos. Le fonctionnalisme occupe une grande place dans cet ouvrage. Non seulement les juristes comparatistes ne sous-estiment pas l’importance de la traduction juridique, mais encore Sacco va jusqu’à proposer la création d’une chaire de traductologie (p. 11). Il pense aussi que les problèmes de traduction sont appelés à devenir, dans les vingt prochaines années, le sujet le plus prometteur du droit comparé (p. 13). C’est que l’interprétation du droit et la traduction ont beaucoup en commun (p. 21-24). Le comparatiste et le traducteur interprètent tous deux des textes, quoique à des fins et selon des méthodes différentes. Pour Sacco, l’interprétation des termes linguistiques exprimant des concepts juridiques est un des problèmes majeurs du droit comparé (p. 16). Un traducteur ne saurait mieux dire qui, partant de la signification des termes (et des mots) du texte, doit arriver, à l’issue de son interprétation, à dégager le sens du message avant de le réexprimer dans son texte d’arrivée, d’où, pour les juristes d’UNIDROIT (dont le siège est à Rome), avec ses conventions de droit privé « portant loi uniforme », la quête cicéronienne (e pluribus unum) obstinée d’une norme juridique internationale uniforme (p. 18).

Le plurilinguisme des lois, traités et contrats

Chaque État bilingue ou multilingue, chaque organisation internationale ont adopté sa méthode de production de ses textes juridiques dans d’autres langues, notamment de ses textes législatifs. Certains, la majorité, les traduisent ; d’autres, encore en minorité, préfèrent les rédiger. D’autres, enfin, recourent à la rédaction pour certains de leurs textes (voir typologie des textes de l’UE, p. 32) afin de mieux en garantir l’égalité linguistique (parfois décrétée par le législateur, comme en Belgique), et à la traduction des autres textes (p. 32, 37-38). Le Canada, quant à lui, s’est distingué par la corédaction de ses lois et fait figure de modèle en l’espèce. L’auteur en analyse longuement les méthodes, les difficultés et les réussites (p. 42-48, 52-55). L’interprétation juridique de ces textes donne alors lieu à d’intéressantes considérations pour le traducteur, mais tout autant pour le sociologue et l’anthropologue. Prenant exemple sur l’interprétation judiciaire de textes de droit (foncier pour la Finlande, civil pour la Louisiane), Megale, citant Gambarro, à propos des liens unissant une langue et une culture juridique donnée, fait observer que « the cultural choice of the interpreter often prevails over the linguistic choice of the legislator » (p. 50). Faut-il souligner l’importance de la culture, en droit comme en traduction ? L’exemple de l’interprétation des législations plurilingues va plus loin encore, jusqu’à la disparition même, sur le plan matériel, du texte, qui est en réalité un métatexte constitué de toutes les versions linguistiques successives, ce qui a pour curieux effet, s’agissant de textes législatifs bilingues et bijuridiques (cas du Canada), de pousser une démarche herméneutique vers des critères téléologiques fort étrangers à la méthode d’interprétation traditionnelle de ce droit – la common law, en l’occurrence (p. 51). La corédaction de ces textes ne simplifie pas pour autant leur interprétation. Megale cite Sarcevic (p. 57) à propos des effets de la corédaction pour montrer jusqu’à quel point cette technique peut conduire à briser des règles sacrées en traduction juridique, mais tolérées en corédaction, quand une disposition anglaise de dix-huit mots (The Minister may revoke the approval of security rules, either at the request of the operator or otherwise), à l’article 10(9) de la Loi sur la sûreté du transport maritime (1994, ch. 40), n’en fait que quatre dans la version française, jugée équivalente : L’approbation est révocable. En l’occurrence, le droit fédéral canadien s’accommode des contraintes de la rédaction idiomatique de ses lois. Ce n’est pas le cas de tous les pays placés dans la même situation, comme le montre l’exemple de la Suisse (p. 59).

La traduction des traités est une branche de la traduction juridique, mais qui possède ses règles, méthodes et contraintes propres en ce sens qu’un traité, étant un texte issu de négociations représentant les intérêts des parties, est un compromis souvent difficilement obtenu à coups de concessions mutuelles. D’où un texte souvent obscur, ambigu et lourd, dont la clarté a été sacrifiée sur l’autel du consensus exprimé en langue de bois et présentant un certain flou artistique (p. 70). Le traducteur avance, ici, en terrain miné, sur un parcours semé d’obstacles qui lui laisse peu de marge de manoeuvre et d’interprétation.

Quant à l’interprétation du contrat et de ses clauses, le problème ne se pose pas dans les mêmes termes puisque, en règle générale, une clause prévoit la langue et le droit régissant l’acte ; par exemple : « This contract shall be written both in Chinese and English. Authentic text, in case of controversies, shall be the English text » (p. 71). Dont acte.

Le langage du droit, langue de spécialité

La question des langues de spécialité(s) reste controversée. Pour certains linguistes, cette notion ne correspond qu’à une application technique à tel domaine de mots appartenant à la langue générale. Pour d’autres, ces langues, dites de spécialité, reposent sur une terminologie, une nomenclature propre à elles seules. Voir, en droit : ab intestat, chirographaire, mise en examen, synallagmatique, tacite reconduction. Pourtant, assure Megale, certains pensent qu’il n’existe pas de langage du droit en dehors de la langue ordinaire (p. 78). Quelle que soit l’opinion des uns et des autres, nul ne peut nier que certains domaines se distinguent des autres, de la langue générale et de la structure normale de ses textes par la manière dont leurs spécialistes rédigent certains de leurs textes, en droit par exemple : loi, contrat, jugement, testament. Ce que montre Megale pour le texte juridique italien (p. 77), mais qui vaut tout autant pour la plupart des langues romanes, l’anglais, l’allemand, etc., et qui a déjà été amplement démontré (Sourioux et Lerat, Le langage du droit, 1975). On n’apprendra rien de nouveau au traducteur en lui répétant que le style de rédaction des juristes de common law est différent de celui des droits de tradition civiliste. Par contre, la typologie des textes juridiques que cite Megale n’est pas sans intérêt et peut guider le traducteur dans sa stratégie. On connaît la distinction classique, attribuée à Christiane Nord, entre texte document et texte instrument (p. 143), également celle que font les juristes entre les textes principaux qu’ils produisent (loi, acte, jugement, doctrine). Mais, en poussant plus loin la réflexion, on peut aussi comparer la typologie tripartite, plus approfondie, de Sabatini (p. 84) et celle, tripartite également, de Reiss (p. 130). Pour Sabatini, les textes se subdivisent en trois catégories fondamentales de textes très, moyennement et peu contraignants (testi molto / mediamente / poco vincolanti). La première comprend trois sous-catégories (textes scientifiques, normatifs, technico-opératifs), la deuxième, deux (textes explicatifs-argumentatifs, informatifs) et la troisième, une seule (testi d’arte : textes littéraires / esthétiques). Le texte juridique porteur de règle, tels la loi, le jugement et le contrat, entre clairement dans la sous-catégorie des textes normatifs. On retrouve, sous-jacente, l’influence de Jakobson dans ces fonctions attribuées au texte. Il n’en faut pas moins se garder de voir dans le langage du droit une unité, qui n’est que de façade. À cet égard, il faudrait plutôt parler des langages du droit, selon que l’auteur du texte sera le législateur, le juge, l’homme de loi ou le notaire, outre les subdivisions que l’on peut faire dans chacune de ces catégories de texte juridique. À chaque grande fonction (exécutif, législatif, judiciaire) que la langue de Thémis doit exprimer correspondent un style et une manière de dire. Aussi ces catégories restent-elles le plus souvent abstraites, un texte, juridique y compris, pouvant réunir plusieurs fonctions en même temps (normatif, informatif, technico-opératif, argumentatif, etc.), voire, en traduction, assurer des fonctions différentes entre le texte de départ et celui d’arrivée, comme certains auteurs (Nord) de la Skopostheorie l’ont montré, même s’ils n’ont fait que mettre en évidence ce que tout traducteur juridique sait d’expérience.

Méthodes ou procédés de traduction ?

Dans le quatrième chapitre, d’emblée Megale s’interroge, comme de nombreux juristes et certains traductologues, sur la possibilité de traduire le droit. Vieux et éternel débat. Il est vrai que si l’on s’en tient aux notions que recouvrent les termes principaux des vocabulaires du droit des principaux systèmes et que l’on en fasse l’analyse comparée terme à terme, on aboutit la plupart du temps, faute d’équivalence parfaite, à l’impossibilité de traduire. Le contract de la common law n’est pas le contrat du droit français ou italien (p. 86-87) ; les biens meubles du Code civil ne sont pas l’équivalent de l’allemand bewegliche Sachen – terme dont la notion, contrairement au français, ne porte que sur des objets corporels. Certes. Mais, nous dit Sacco, la règle est la même, ce sont les concepts qui diffèrent, et l’interprétation « est faite sur la base dont l’interprète évalue les possibles solutions, et non sur la base du lexique » (p. 87). Plus loin, Megale cite Cao pour qui, quand il s’agit de traduire le droit, il est vain de chercher une équivalence parfaite. Traduire est non seulement possible, mais encore souhaitable et « highly productive » (p. 89). Pour Sandrini (p. 90), la forme linguistique du concept est d’une importance secondaire. Ce qui compte, c’est non pas l’équivalence des concepts, mais celle des textes. Voilà le but à atteindre. C’est une affaire de degrés, mais aussi d’ordre pragmatique puisque l’équivalence peut être complète, quasi complète ou partielle. Dans ces deux derniers cas, pour Gambaro, il faut en mesurer la perte, et, comme dans le cas du Canada, entre autres au Nouveau-Brunswick, l’accepter (p. 91). Comme dit Eco, qui prône la stratégie de la negoziazione (la négociation), s’agit-il d’une souris ou d’un rat : mouse or rat ? Après tout, ces deux animaux appartiennent à la même espèce : les rongeurs (Rodentia). Tout repose sur le choix que fera le traducteur entre une traduction orientée vers le texte d’arrivée ou celui de départ, d’où les enjeux de l’équivalence.

Le principe de l’équivalence, appliqué au droit, paraît relativement simple : on assume que, quel que soit le système juridique, des problèmes identiques se présentent partout qui appellent des solutions identiques, mais sont résolus par des moyens différents. Le hic ? L’absence de contrepartie dans un autre système : Equity, trust, quasi-contrat, quasi-délit. Voir aussi le contract anglais et sa célèbre consideration, notion inconnue en droit romano-germanique. L’ennui, nous dit le comparatiste Moréteau, « est que l’on ne trouve pas toujours une institution ou une technique équivalente » (p. 99).

Aussi l’équivalence fonctionnelle passe-t-elle, en droit comparé, pour la solution privilégiée en présence de systèmes comparables. Si l’équivalence fonctionnelle n’est pas la solution idéale, même entre systèmes proches (voir les critiques de Sarcevic, de Groot, p. 100), elle n’en constitue pas moins un pis-aller, un accommodement raisonnable que suivent les comparatistes depuis des décennies et qui, en l’absence d’une terminologie neutre (p. 108) ou d’une utopique ontologie (p. 112), est généralement préférable aux six autres procédés de traduction (calque, emprunt, traduction littérale, etc.), auxquels il est toujours possible de recourir selon les situations.

L’apport de la pragmatique et de la traductologie

Le cinquième chapitre est le plus théorique de l’ouvrage. Il s’adresse davantage au traductologue qu’au praticien en présentant un état des lieux, succinct mais complet, des théories contemporaines du xxe siècle. On part d’Austin et Searle avec les speech acts (p. 115), appliqués au langage du droit (p. 119), et on finit par les derniers développements de la traductologie, perçue comme transdiscipline. On y traverse de nombreux courants et croise nombre d’auteurs, depuis Jakobson, Nida, Holmes et Toury, jusqu’à… Derrida et son principe de déconstruction où la traduction est envisagée comme opérateur de différence (p. 127). Mais il conclut par la théorie – qu’il tient en haute estime – du skopos, ses sources et ses nombreux avatars, dont l’éthique selon Nord avec son principe de loyauté (p. 141), dans lequel Scarpa voit une version plus équilibrée de la dite théorie (p. 142). Le tout concourt à établir un cadre fonctionnaliste propre à répondre de façon optimale aux besoins de la traduction juridique.

En comparaison, le sixième et dernier chapitre fait figure d’enfant pauvre, avec ses cinq pages où l’auteur s’évertue à montrer la diversité des fonctions que peut revêtir la traduction juridique et qui se résume, en fait, au couple instrument / document. Il ne s’agit pas, non plus, d’une conclusion ou d’une esquisse de conclusion à l’ouvrage. Sans doute l’auteur n’en a-t-il pas ressenti la nécessité…

Ces quelques réserves n’enlèvent rien à la pertinence, à l’utilité et à l’intérêt de cet ouvrage. Existe-t-il d’ailleurs une méthode de traduction garantissant l’équivalence totale à recommander ? À l’évidence, non, et en traduction juridique encore moins. La meilleure théorie de la traduction n’a jamais aidé, non plus, un traducteur à produire un meilleur texte, car on ne traduit pas à coups de théorie. Le terme théorie, en traduction, est par ailleurs surfait, voire déplacé, quand on compare la traductologie, science très sociale et très molle, aux sciences exactes. Les principes théoriques avancés par les traductologues, aussi savants soient-ils, ne viennent qu’en appoint, parallèlement à une pratique qui a fait ses preuves. L’analyse des mécanismes qui entrent en jeu dans l’opération traduisante révèle néanmoins les subtilités et les difficultés de la démarche du traducteur, elle ne le guide pas dans son épreuve. Or, chaque nouveau texte à traduire est un nouveau défi, un cas d’espèce requérant une stratégie particulière du traducteur, dont le savoir-faire reste encore la meilleure garantie de succès dans son entreprise. On peut toujours élever le débat jusqu’à la philosophie, rendre ainsi le traducteur plus intelligent, plus savant, ce qui n’est pas négligeable. C’est ce que l’auteur a cherché à faire, aussi, par cette présentation synthétique et forcément limitée des théories de la traduction juridique. Peut-être caressait-il l’espoir de voir le traducteur produire cette haute (alta) traduction que Sacco attribue au savoir du comparatiste (p. 25) et de parvenir à extraire la collaboration entre juristes et linguistes de son inexistence actuelle (p. 35). Seul l’avenir le dira.