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Les dictionnaires thématiques se sont multipliés au cours des quinze dernières années dans les disciplines des sciences sociales et humaines, notamment en droit (Éditions Dalloz), tout comme les dictionnaires scolaires (Éditions du Temps) et les dictionnaires thématiques universitaires (Presses universitaires de France). Parmi les maisons d’édition qui en publient, mentionnons les Éditions Ellipses, qui ont fait paraître en 2009 le Lexique de la Ve République de Christian Bigaut, professeur à l’Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE) du ministère des Finances, destiné aux instituts d’études politiques et aux universités. Ce lexique est composé de 25 encarts illustrant concrètement les notions, juridiques ou historiques, de 18 tableaux de synthèse et documents qui complètent les informations incontournables, de 486 entrées, d’une chronologie politique et institutionnelle depuis 1958, du texte de la Constitution[1], de la Charte de l’environnement de 2004[2], de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789[3] et du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946[4].

Des entrées sont parfois réservées à des pays qui ont joué un rôle important dans la création de la nouvelle république. C’est le cas de l’Algérie qui a permis le retour au pouvoir du général de Gaulle et l’adoption de la Constitution du 4 octobre 1958. Certains articles de la Constitution font l’objet d’une entrée, c’est le cas d’ambassadeur (art. 13 et 14), d’amendement et d’amnistie (art. 34). C’est ainsi que chaque article de la Constitution est repris et analysé dans ses particularités et aspects novateurs. Il en va de même de la notion d’« arbitrage » (art. 5), qui se compose de l’arbitrage passif et actif et qui est employée pour la première fois dans une constitution. Ainsi, l’arbitrage actif prend son sens en 1962 lorsque le général de Gaulle s’affirme « guide de la nation ». De nouvelles fonctions apparaissent également sous la Ve République : c’est le cas de l’assistant parlementaire mais aussi de nouvelles façons de gouverner comme le bicéphalisme, terme qui est employé pour qualifier l’exécutif à deux têtes, président de la République et premier ministre. Cependant, c’est l’entrée Cinquième République qui fait état des nouveautés par rapport aux républiques précédentes. Au-delà des concepts rattachés strictement à la Ve République et à sa constitution, le lexique permet en outre de comprendre des notions plus universelles comme la composition du cabinet ministériel. Par exemple, canton n’a rien de propre à la Ve République, puisque la division administrative en question a été créée par la loi du 22 décembre 1789. Même chose pour la Cour de discipline budgétaire et financière crée en 1948. C’est en somme le fonctionnement d’un gouvernement de la Ve République qui est ici commenté et décrit avec justesse, cohérence et érudition. Pour l’entrée conseil régional, l’auteur fait part de ses compétences.

L’auteur fait aussi état de l’actualité en droit constitutionnel français. Il commente, par exemple, la Loi constitutionnelle du 28 mars 2003[5] relatif à l’article 73 de la Constitution portant sur la classification juridique des collectivités situées outre-mer. La fameuse révision constitutionnelle du 23 juillet 2008[6] a apporté des modifications qui sont commentées, comme le fait que le Conseil supérieur de la magistrature ne soit plus présidé par le chef de l’État et le garde des Sceaux depuis cette date, mais aussi la réduction du mandat de président de sept ans à cinq ans en 2000. Concernant l’immunité parlementaire, l’auteur expose les changements intervenus en vertu de la loi du 4 août 1995[7] qui rend possible le fait de poursuivre ou d’engager une action pénale à l’encontre d’un parlementaire dans les conditions de droit commun. Cette même année avait vu dans l’actualité des poursuites contre le ministre des Communications Alain Carignan, alors remplacé par Nicolas Sarkozy qui préparait stratégiquement son accession au pouvoir (il sera nommé président de la République en mai 2007).

Le cadre légal et constitutionnel de certaines fonctions du gouvernement français est expliqué notamment aux entrées magistrat et maire. Ici la qualité d’indépendance de la magistrature qui serait garantie par le président de la République nous semble contestable, étant donné que la personnalité politique des présidents n’est pas toujours en accord avec les pouvoir de la magistrature, comme l’a montré notamment l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy à titre de ministre de l’Intérieur en 2002. Cette entrée aurait pu, comme tant d’autres, non pas tant déboucher sur la polémique, ce qui aurait enlevé le caractère neutre recherché par cet ouvrage, sinon tout au moins présenter certaines réalités concrètes de l’activité politique au-delà des éléments purement spéculatifs et rhétoriques de la doctrine. La fonction de ministre et la fonction de président de la République sont décrites avec un grand nombre de détails aux entrées du même nom. Le siège de pouvoirs publics fait aussi l’objet d’une entrée et permet d’apprendre que l’Élysée a été affectée au président de la République à partir de 1874 et l’hôtel de Matignon, au premier ministre depuis 1935.

Quelques points importants ressortent de cet ouvrage, soit le contenu des révisions constitutionnelles (1962), des lois constitutionnelles (2003), la suppression du Tribunal militaire en juillet 1982, le développement du statut administratif des régions et celui des départements d’outre-mer et des territoires d’outre-mer (DOM-TOM) (dorénavant appelés « territoires outre-mer »), sans oublier les annexes et les encarts en fin de volume.

À notre avis, Bigaut a réalisé en publiant ce lexique un travail rigoureux, passant au peigne fin de manière formelle, descriptive et exhaustive les principales caractéristiques de la Ve République, et, conséquemment, de l’évolution de sa constitution.