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Ne comprenant que cinq pages d’introduction pour présenter ensuite 112 projets d’architecture, cet ouvrage constitue avant tout un portrait de la production architecturale à Québec depuis 1990, date déterminée par la publication de Québec monumental, 1890-1990 (Noppen, Jobidon, Trépanier, 1990) qui couvrait la période antérieure. À ce titre, il a le mérite de constituer un important travail de cueillette d’informations dans lequel chaque oeuvre, accompagnée de photographies, plus rarement de dessins, fait l’objet d’une courte description. Des étudiants en architecture ont participé à la recherche et à la rédaction dans le cadre d’un cours, ce qui représentait sans doute, pour eux, un exercice de synthèse formateur. De par son caractère systématique et sa minutie, le livre constitue un ouvrage de référence actuel et futur pour tous ceux intéressés par l’architecture récente et actuelle.

Toutefois, présenté comme étant un guide, le livre souffre de certaines contradictions. « Rafraîchissant » pour l’ancien maire Jean-Paul L’Allier, ni « ouvrage d’histoire », ni « oeuvre de critique » comme le précise le directeur de l’École d’architecture, il doit, selon l’auteur, permettre la découverte d’une architecture qui serait « franchement contemporaine ». Or, un guide peut-il se restreindre à la description et à la neutralité ? Peut-il échapper à une visée didactique et ainsi conduire à une meilleure compréhension des oeuvres et à leur appréciation ? Au risque de la complaisance, peut-il évacuer l’utilité de l’analyse critique ? Les textes ont beau être spécifiques aux oeuvres, le contenu, en effet, est générique. En fait, un tel ouvrage amène, de façon générale à se demander : comment faut-il écrire sur la production actuelle ? Quelle rhétorique et quel système analytique peuvent constituer un métalangage de l’architecture ? Comment rendre justice à l’effort de création et aux intentions des architectes ? Et finalement, pourquoi est-on si frileux, au Québec, d’aborder l’architecture sous un angle critique ?

Le parti choisi relève donc de la description, ce qui dédouble les observa- tions possibles que l’on peut faire sur place ou sur les photos. Même dans cette perspective, un guide ne peut pas mettre sur un pied d’égalité des oeuvres médiocres et d’autres excellentes. Il fallait choisir ou discriminer au risque d’un effet de nivellement. En effet, il est notable que ce recueil présente de manière aimable l’ensemble des oeuvres. Il y a bien quelques remarques un peu acérées à l’égard de certains projets, mais elles renvoient à la réception de l’oeuvre, évitant ainsi d’engager l’auteur. L’exemple de l’Hôtel de Ville de Sainte-Foy est patent. Il devient un cas remarquable d’architecture postmoderne qui a suscité un débat qui, à son tour, a éveillé la « conscience du public en matière d’architecture ». Curieux piédestal. À l’inverse, pour ne nommer qu’un seul cas, le laboratoire Aeterna de Pierre Thibault, qui est une oeuvre bien supérieure à la moyenne, ne ressort pas de l’ensemble. Faut-il deviner dans le mot « réussite » en parlant de ce bâtiment une appréciation plus soutenue ? C’est peu. Ajoutons qu’il arrive parfois que le texte soit plus inspiré que l’oeuvre qui est présentée. Ne pas rendre justice à la qualité ne rend pas service à la cause de l’architecture.

Au-delà des notices, une explication plus soutenue des enjeux actuels aurait donc contribué à fournir des paramètres généraux de l’appréciation. À moins de la réduire à une question de style, la contemporanéité n’est pas, en soi, un enjeu. À ce propos, il faut noter la remarque en introduction qui oppose architecture contemporaine et patrimoine, et qui rejoint un cliché actuel, fort répandu, qui laisse poindre une lassitude patrimoniale. C’est pourtant un faux débat. Entre la conservation et la création, ce qui importe et qu’il aurait été bien utile d’aborder dans un guide qui procède par découpage géographique, c’est de rendre compte de l’imaginaire des architectes et des qualités des oeuvres qui contribuent positivement à l’acte d’édifier la ville d’aujourd’hui.