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Dans cet ouvrage, l’auteur, professeur retraité de philosophie au Cégep de Joliette, fait revivre une page peu connue de l’histoire culturelle et religieuse du Québec. Il s’agit du différend qui opposa de 1907 à 1913 le docteur Albert Laurendeau, médecin pratiquant à Saint-Gabriel-de-Brandon, dans la région de Lanaudière, et Mgr Joseph-Alfred Archambault, qui fut évêque de Joliette de 1904 à 1913. Tout commença par une conférence prononcée par le Dr Laurendeau au mois de mars 1907, devant les membres de l’Association médico-chirurgicale du district de Joliette, et dans laquelle il s’attaquait à la vision créationniste de l’univers et de l’être humain qui avait encore cours dans bien des milieux catholiques et cléricaux, quelque cinquante ans après la publication de l’Origine des espèces de Charles Darwin. La prestation du Dr Laurendeau suscita, quelques mois plus tard, la réaction inquiète de l’évêque. De conférences en articles divers, de lettres en avertissements et condamnations, le conflit entre le médecin et l’évêque enfla et s’envenima à un point tel que ce dernier menaça le Dr Laurendeau d’excommunication, jusqu’à ce que celui-ci accepte de « se soumettre » à l’autorité ecclésiastique par une lettre datée du 5 mars 1913, quelques semaines seulement avant la mort de Mgr Archambault. Quant au Dr Laurendeau, il est décédé en 1920.

Marcel Sylvestre a eu le grand mérite d’exhumer cet épisode d’histoire régionale et de le reconstruire sur la base d’une documentation riche et, pour une très grande partie, inédite. Comme en témoigne la bibliographie, il a abondamment puisé aux collections archivistiques, notamment celles de l’Évêché de Joliette pour ce qui concerne les échanges entre le médecin et l’évêque. Il a également dépouillé les journaux locaux de l’époque et retracé nombre de publications d’associations ou de revues professionnelles dans lesquelles le Dr Laurendeau, conférencier et auteur prolifique, s’était exprimé sur une variété surprenante de sujets, dont le fil d’Ariane demeurait toutefois l’idée de progrès et la lutte contre l’obscurantisme dans les domaines de la religion et de l’éducation comme de la médecine et de l’hygiène publique. Les sources exploitées par Sylvestre sont d’ailleurs largement citées dans l’ouvrage, ce qui permet au lecteur de suivre pas à pas l’évolution de la querelle qui opposa les deux protagonistes.

Sur le plan de son organisation, le livre comporte deux grandes parties. La première, intitulée « L’échange épistolaire entre Mgr Archambault et le Dr Laurendeau », retrace chronologiquement les péripéties de la crise depuis la « conférence suspecte » de mars 1907 jusqu’à la condamnation de La vie – Considérations biologiques du Dr Laurendeau, qu’il avait fait paraître en 1911. La seconde partie de l’ouvrage, qui arbore le titre de « Science et religion : des voies parallèles ? », n’a guère à voir avec l’« affaire Laurendeau ». Il s’agit plutôt d’un pamphlet dans lequel l’auteur s’efforce, à coup de clichés et de lieux communs, de montrer que l’obscurantisme et la méfiance vis-à-vis la science qui régnaient dans certains quartiers de l’Église catholique au début du XXe siècle n’a jamais vraiment disparu. On y trouve de tout, depuis les déclarations du cardinal Paul-Émile Léger jusqu’aux encycliques du pape Jean-Paul II, sans oublier les fondamentalistes américains, le New Age et l’Église de scientologie, avec, en prime, des considérations assez naïves sur l’historicité des Évangiles.

Le conflit Laurendeau-Archambault constitue à coup sûr un épisode intéressant de l’histoire du Québec, qui valait d’être raconté, ce qui a été fort bien fait par M. Sylvestre. Celui-ci a malheureusement bien mal servi un si beau sujet en le transformant en un règlement de compte avec la religion. L’« affaire Laurendeau » mériterait donc d’être reprise dans une perspective historique et sociologique mieux assurée. Car bien des questions surgissent à la lecture de ce dossier, comme celle de l’attitude de l’épiscopat envers les idées défendues par le Dr Laurendeau à l’époque où le conflit entre celui-ci et son évêque faisait rage. Cela dit, on lira avec intérêt et profit le livre de M. Sylvestre, dont la valeur documentaire ne fait pas de doute.