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Cet ouvrage est le résultat d’une fructueuse collaboration entre des spécialistes québécois et français du travail réunis à l’occasion d’un colloque tenu à Trois-Rivières en 2007, qui portait sur les différentes formes contemporaines de domination au travail. L’objet du livre est de contribuer au renouvellement du regard sur cette question en s’inspirant essentiellement de la théorie des dominations ordinaires de Danilo Martuccelli, qui invite à saisir la domination comme une série d’épreuves, présentant souvent des rapports conflictuels entre elles, et relatives à diverses situations personnelles ou sociales. Ces épreuves caractérisent les grands enjeux sociaux inhérents à une période donnée et auxquels sont confrontés les acteurs sociaux à travers maints processus sélectifs – généralement non formalisés – testant leur résistance ainsi que leur capacité à les surmonter. Martuccelli propose d’octroyer une centralité analytique aux épreuves au moment de qualifier les divers états de domination ordinaires, dont les formes de domination au travail. Les différentes communications s’articulent autour de trois thèmes faisant chacun l’objet d’une partie du livre : la domination à travers les épreuves du travail, la domination dans les nouvelles formes du travail et l’évolution de la domination au travail à travers les nouvelles pratiques de gestion des entreprises.

La portion du livre qui s’intéresse à la domination à travers les épreuves du travail traite plus spécifiquement des effets négatifs de la responsabilisation des travailleurs en prenant pour exemple la dépression (Kirouac, Namian) et l’expérience subjective du travail face à l’injonction à l’autonomie et à la participation de jeunes travailleurs non qualifiés du Québec (Malenfant, Larue, Jetté et Côté). La deuxième partie, qui traite de la domination à travers les nouvelles formes du travail, aborde de nouveau la question de la responsabilisation, mais cette fois-ci à travers la figure du travailleur indépendant (d’Amours). On y touche également la question de la responsabilisation, mais cette fois-ci à travers la figure du travailleur indépendant (d’Amours). Apparaît également la question sous l’angle du modèle de haute performance dans la gestion de projets (Legault et Chasserio). Enfin, la dernière partie du livre, consacrée à l’évolution de la domination en fonction des nouvelles pratiques de gestion, traite à la fois du contrôle dans les organisations en équipe en prenant pour unité d’analyse les travailleurs du savoir (Briand et Bellemare), de l’exercice de l’autorité dans un marché interne conversationnel (Biencourt et Jolivet) ainsi que des nouvelles formes de domination qui sont à l’oeuvre à travers la finance, cela en prenant pour exemple le cas de la financiarisation de la relation de retraite au Canada (Hanin).

Fort agréable à lire et présentant un clair souci de cohérence que l’on ne retrouve pas toujours dans les ouvrages de ce type, ce livre intéressera certainement les spécialistes du travail qui accordent une relative importance à la question du pouvoir dans leurs travaux. Plus largement, il intéressera tous ceux qui sont préoccupés par le sort des travailleurs dans la nouvelle économie. À défaut de trouver matière à action dans la théorie de la domination de Martucelli, ils liront avec profit les différents articles présentés qui apportent tous un éclairage nouveau et pertinent à la question de la domination en situation de travail.