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Introduction

Les jeux de hasard et d’argent (JHA) sont une industrie importante au Canada et procurent des revenus significatifs au gouvernement des provinces ainsi qu’aux organismes de charité (Korn et coll., 2003). Depuis 1990, une augmentation importante de l’offre de jeu a été observée au pays (Azmier, 2005; Huang et Boyer, 2007; Korn, 2000) et elle sera appelée à croître davantage puisque certaines sociétés d’État, dont Loto-Québec, ont manifesté leur intention de développer l’offre de jeu par Internet (Cameron et Gobeil, 2010). Ceci s’avère inquiétant puisque plusieurs chercheurs croient qu’il existe potentiellement des liens entre la disponibilité de l’offre de jeu et le développement des problèmes de jeu (Côté et coll., 2003; Welte et coll., 2004; Winters et coll., 2002). Les dernières années ont aussi vu l’émergence de différentes initiatives de traitement pour venir en aide aux personnes présentant un problème de jeu. Les principaux traitements s’inspirent notamment des grands courants en psychologie et des modèles développés dans le domaine de la dépendance à l’alcool et aux autres drogues. Afin d’y voir plus clair, cet article présentera d’abord quelques éléments étiologiques et conceptuels et il fera état des données épidémiologiques en lien avec la problématique du jeu. Seront ensuite présentées les principales approches de traitement actuellement utilisées auprès des personnes présentant un problème de jeu pathologique.

Définition du jeu et prévalence

Avant de commencer l’exploration des stratégies permettant d’aider les joueurs en difficulté, il est important de définir les concepts du jeu pathologique et du jeu problématique. Le jeu pathologique se définit comme un syndrome regroupant une envie incontrôlable et des comportements répétitifs de jeu en dépit des conséquences négatives reliées à cette pratique (Walker et coll., 2006). Parmi les répercussions observées chez certains joueurs se trouvent des problèmes de santé physique, financiers, familiaux et conjugaux, des problèmes sur le plan de l’emploi, et parfois des problèmes légaux. On observe également une prévalence élevée de comorbidité chez les joueurs (dépression, anxiété, consommation problématique de substances, troubles de personnalité) bien qu’il soit impossible de statuer clairement sur l’origine de la pathologie primaire (Cunnigham-Williams et coll., 2000; Crockford et el-Guebaly, 1998; Getty, Watson et Frisch, 2000; Kairouz, Nadeau et Siou, 2005). Malgré les modifications diagnostiques et conceptuelles qui auront probablement lieu dans la prochaine version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) prévue en 2012, le jeu pathologique est présentement considéré comme étant un trouble du contrôle des impulsions (APA, 2000). À partir des critères diagnostiques (voir encadré), il est possible d’évaluer les joueurs quant à la sévérité de leur problème de jeu, les joueurs à risque présentent au moins deux critères et les joueurs pathologiques rencontrent cinq critères ou plus. Dans la littérature, le concept de jeu problématique est aussi largement utilisé. Cette conceptualisation réfère habituellement à la mise en commun des joueurs à risque et pathologiques dans une même catégorie.

La participation des Canadiens aux JHA est plutôt élevée. On estime en effet que 76 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont participé au moins une fois à des JHA en 2002 (Cox et coll., 2005; Marshall et Wynne, 2003). Au Québec, dans une enquête sur la prévalence des habitudes de JHA réalisée aussi en 2002, 81 % des adultes québécois avaient révélé avoir joué au moins une fois durant l’année précédant l’étude (Ladouceur et coll., 2004a). Une grande majorité de ces joueurs ont toutefois une pratique de jeu qualifiée de responsable (Ladouceur et coll., 2004a). La prévalence du trouble chez les adultes canadiens serait estimée à 0,5 %, alors que 1,5 % seraient des joueurs à risque (Marshall et Wynne, 2003). Les travaux de Ladouceur et collaborateurs (2004a) conduits en 2002 avaient révélé une prévalence du trouble au Québec de 0,8 %. Le phénomène est aussi présent chez les adolescents pour qui la prévalence du trouble est plus élevée comparativement à celle des adultes. Selon différentes études canadiennes, chez les adolescents âgés de 12 à 18 ans, il y aurait de 3,8 % à 8 % des jeunes joueurs qui seraient « à risque » et de 2,1 % à 5 % de jeunes qui seraient des joueurs pathologiques probables (Chevalier et coll., 2005; Jacobs, 2004; Lussier et coll., 2007; Martin et coll., 2007).

Étiologie et conceptualisation

Le champ d’études des JHA est relativement récent et notre compréhension de la problématique est encore à ses débuts. Différents auteurs s’étant intéressés à l’étiologie de cette problématique se sont notamment inspirés des modèles en addiction. Jusqu’à présent, différents modèles explicatifs ont vu le jour, mais aucun ne fait encore consensus. De fait, Petry (2005c) recense plusieurs modèles étiologiques soulignant la complexité du développement de cette problématique. Certains soulignent le rôle des caractéristiques du type de jeu (Griffiths, 2003), d’autres mettent l’accent sur des corrélats sociodémographiques (Petry, 2005) alors que d’autres s’attardent sur des caractéristiques psychologiques du joueur telles ses croyances erronées (Ladouceur et coll., 2000a). Pour d’autres auteurs dont Stanton Peele (2009), le problème de jeu pathologique, tout comme pour les autres dépendances, va bien au-delà de la simple « substance ». De fait, la personne serait dépendante de sa relation avec la substance, de l’expérience subjective que lui procure cette activité. Selon Peele (2009, p.6) :

Cela se produit, quand un investissement ou une expérience puissante, préoccupante ou accaparante (a) fournit des gratifications psychiques essentielles, tel un sentiment de confort, de contrôle, d’excitation, ou de sa valeur personnelle; néanmoins (b) l’engagement dans l’activité à des effets de plus en plus néfastes sur l’existence.

L’expérience gratifiante s’intègre dans l’écologie de l’individu en répondant à un besoin prédominant et paradoxalement, cette même expérience diminue la capacité de l’individu à répondre à ses besoins d’une manière stable et efficace (Peele, 2009). Selon le modèle de Peele, c’est ainsi que l’individu entre dans la spirale de la dépendance et, s’il est pratiqué de manière compulsive, le jeu peut conduire à des conséquences négatives. Ce modèle, bien que devant encore faire l’objet d’une validation empirique, s’avère fort intéressant puisqu’il permet de décrire de façon dynamique l’ensemble des symptômes mentionnés dans le DSM-IV.

Traiter un problème de jeu

D’abord, il convient de faire le constat que peu de joueurs pathologiques se rendent en traitement (Gupta et coll., 2008; Ladouceur et coll., 2004b; Suurvali et coll., 2008; Tavares et coll., 2002). En fait, certains auteurs estiment que seulement de 7 % à 12 % des joueurs pathologiques vont en traitement ou participent aux groupes d’entraide (Slutske, 2006) et que ceux qui consultent présentent généralement un problème de jeu plus sévère (Gupta et coll., 2008; Hodgins et El-Guebaly, 2000; Petry, 2005b; Suurvali et coll., 2008). Quelques hypothèses ont été proposées pour expliquer le faible recours à un processus thérapeutique visant la diminution ou l’arrêt du jeu. Selon une étude de Pulford et collaborateurs (2009), les barrières les plus fréquemment mentionnées par les joueurs sont la fierté, la honte et le déni quant à l’ampleur du problème de jeu. Pour leur part, Hodgins et el-Guebaly (2000) indiquent que 80 % des joueurs adultes ne recherchent pas de traitement parce qu’ils veulent régler leur problème de jeu par eux-mêmes. De fait, la rémission spontanée semble assez fréquente chez les joueurs (Slutske et coll., 2003; Slutske, 2006). Enfin, d’autres craignent le stigmate social associé au jeu pathologique (Gupta et Derevensky, 2004; Hodgins et el-Guebaly, 2000; Petry, 2005b), étiquette qui peut avoir l’effet pervers de confirmer au joueur qu’il est atteint d’un trouble à connotation permanente (Suissa et coll., 2008). Néanmoins, pour ceux qui choisissent de faire une démarche, il existe des traitements majoritairement construits sur des paradigmes qui sont puisés de différentes approches en psychologie (Gupta et coll., 2008). Bien que les traitements présentent des résultats encourageants, aucun n’a encore démontré son efficacité selon les critères robustes de validation retenus par l’APA, critères d’ailleurs discutés lors du Consensus de Banff (Gupta et coll., 2008; Toneatto, 2008; Toneatto et Ladouceur, 2003; Walker et coll., 2006). Pour répondre à ces critères, le protocole d’évaluation du traitement doit inclure un groupe de contrôle et un essai aléatoire. De plus, il doit démontrer qu’il a été efficace dans au moins deux études différentes conduites par des équipes de chercheurs différentes. Enfin, le traitement doit avoir des balises claires, décrites dans un manuel pour en faciliter la reproduction de la technique (Toneatto et Ladouceur, 2003). Jusqu’à présent, aucune étude ne semble avoir un devis assez robuste permettant de statuer sur la réelle efficacité des différentes thérapies présentées. En effet, les études sur les différents traitements comportent plusieurs lacunes : absence de groupe de contrôle, absence d’études répliquant les résultats ou absence d’une méthode où un manuel de traitement est disponible (Toneatto et Ladouceur, 2003). Ces études permettent tout de même de dégager des tendances communes quant à l’efficacité apparente des approches dans le traitement des joueurs pathologiques adultes.

Les prochaines sections feront état de ces pratiques appliquées. Un volet spécifique traitera d’un programme d’intervention québécois conçu pour des adolescents présentant un problème de jeu. Mais avant de présenter chacune des approches de façon distincte, il est important de comprendre que cette recension des écrits s’est basée sur les études scientifiques ayant appliqué le plus strictement possible les modèles thérapeutiques, et ce, afin d’en dégager les ingrédients actifs. Ce champ d’études étant très récent, aucune recherche n’a encore étudié conjointement deux ou trois modalités de façon concomitante comme c’est souvent le cas pour les cliniciens. D’autres études utilisant des échantillons plus importants devront prendre place avant de pouvoir décrire les différents effets de l’utilisation de plusieurs stratégies de traitement auprès d’un même patient.

L’approche cognitivo-comportementale

L’approche cognitivo-comportementale est la plus dominante lorsqu’il est question d’intervention dans le domaine du jeu pathologique (Ledgerwood et Petry, 2005; Peele, 2009; Toneatto et Ladouceur, 2003). Principalement, les thérapies cognitives et comportementales comprennent plusieurs volets intégrant le soutien motivationnel, le développement de compétences et l’approche de renforcement. L’application de ce modèle repose habituellement sur un postulat de thérapie brève visant à travailler les croyances erronées reliées au jeu et à favoriser l’acquisition d’habiletés personnelles (Ladouceur et coll., 2000b). En début de processus thérapeutique, l’accent est surtout mis sur le volet cognitif. Selon Ladouceur et collaborateurs (2000b), l’observation d’une séance de jeu est une étape charnière au début du traitement, puisqu’elle permet au joueur, en se référant à son expérience de jeu la plus récente, de décrire ses motivations à jouer et ses croyances erronées par rapport au jeu (négation de l’indépendance des tours, illusion de contrôle, mémoire sélective quant aux pertes et aux gains). L’accent doit donc être mis sur le caractère erroné des pensées et sur la possibilité de les modifier (Ladouceur et coll., 2000b). Le second volet de la thérapie cognitivo-comportementale vise l’identification et la modification des stratégies d’adaptation inadéquates, ainsi que le développement de nouvelles habiletés afin de faire face aux situations à risque (Petry et coll., 2007). Par exemple, le joueur est appelé à développer des habiletés reliées à la gestion de l’argent, à l’évitement des occasions de jeu et à la communication interpersonnelle. Le renforcement des comportements de « non-jeu » est central dans cette approche (Petry, 2005a). Enfin, un volet visant la prévention des rechutes est intégré au processus (Ladouceur et coll., 2000b; Petry, 2005a).

Les différentes études expérimentales (utilisant des devis parfois avec et sans groupe de contrôle) concluent que le traitement cognitivo-comportemental est une approche prometteuse dans le traitement du jeu pathologique (Hodgins et coll., 2004; Ladouceur et coll., 2003; Ladouceur et coll., 2001). Des lacunes méthodologiques, telles que le manque d’études longitudinales avec un suivi post-traitement au-delà de 18 mois et l’attribution des participants dans des groupes randomisés, ne permettent pas de conclure avec certitude sur l’efficacité absolue de cette approche. Toutefois, ce traitement a le mérite d’être de courte durée tout en démontrant des résultats positifs quant au maintien de l’abstinence ou de la diminution de la fréquence du jeu. Sachant qu’environ le tiers des joueurs qui entrent en traitement ne complètent pas le processus (Bertrand et coll., 2008; Hodgins et el-Guebaly, 2000; Ladouceur, 2005; Ladouceur et coll., 2001; Leblond et coll., 2003), le fait que le programme d’intervention soit structuré et circonscrit dans une période de temps déterminée est un facteur favorisant l’assiduité du joueur à la thérapie. Cette approche vise également à travailler sur les distorsions cognitives entretenues à propos du jeu (Savoie et Ladouceur, 1995) et les stratégies d’adaptation inadéquates (Getty et coll., 2000), deux facteurs de risque reliés au jeu pathologique (Johansson et coll., 2009). Il est donc essentiel, dans un plan d’intervention, que ces deux objectifs soient travaillés de concert. Bien que comportant plusieurs avantages, l’application stricte d’un modèle cognitivo-comportemental a aussi des limites. En fait, cette thérapie demeure généralement très centrée sur la problématique ciblée, ce qui peut exclure (dans certains centres de traitement) la prise en charge de problématiques autres que celles reliées au jeu (psychiatriques, conjugales, professionnelles, etc.). En fait, les objectifs thérapeutiques poursuivis cadrent plus difficilement dans une perspective multimodale. Le joueur, après avoir complété le traitement, peut présenter encore certaines vulnérabilités qui le rendent à risque de retourner au jeu. Une évaluation psychosociale complète serait donc souhaitable pour les joueurs qui entrent en traitement afin de les orienter vers des ressources complémentaires si nécessaire, pendant ou après le traitement.

Les Gamblers Anonymes (GA)[1]

À l’instar des Alcooliques Anonymes traditionnellement appelés « AA », un regroupement de joueurs anonymes « GA » a été créé en 1957. Ces groupes de soutien sont très connus, c’est pourquoi ils représentent souvent la première porte à être franchie par les joueurs désirant prendre en charge leurs problèmes de jeu (Petry, 2005b). Les principes véhiculés par les GA reposent sur le postulat que le jeu est une maladie incurable qui ne peut être contrôlée que par l’arrêt complet des activités, soit l’abstinence (Oei et Gordon, 2008). Les fondements du groupe sont basés sur l’acceptation et le non-jugement des autres membres, et demandent de l’honnêteté de la part de l’individu ainsi qu’un sens des responsabilités (Petry, 2005b). Le joueur est appelé à cheminer à travers un parcours réparti en 12 étapes où le temps d’abstinence est souligné par la remise de jetons.

Bien que les regroupements GA n’offrent pas de services professionnels au sens strict du terme, la référence au groupe de soutien GA est souvent utilisée comme alternative ou stratégie complémentaire au traitement cognitivo-comportemental (Petry et coll., 2007). Il est aussi observé que ces regroupements ont un effet positif sur le maintien de l’abstinence à court terme pour les joueurs qui choisissent d’y participer (Petry et coll., 2007). Cependant, les résultats des études qui ont mesuré le maintien à long terme de l’abstinence des membres sont plutôt mitigés. Alors que des études montrent que les joueurs étant impliqués et assidus dans le regroupement des GA sont moins à risque que les autres joueurs de briser l’abstinence (Oei et Gordon, 2008; Petry, 2003), une autre étude rapporte que seulement 8 % des joueurs d’une cohorte de 232 participants sont toujours abstinents un an après l’entrée dans le regroupement (Stewart et Brown, 1988). Parmi cette cohorte, environ 70 % des joueurs avaient abandonné le regroupement avant la dixième rencontre. Les auteurs ajoutent toutefois que ceux qui ont abandonné disent avoir bénéficié du regroupement et avoir diminué leurs activités de jeu. Les principales raisons rapportées par les participants justifiant l’abandon sont le sentiment d’être guéri, la volonté de pratiquer le jeu contrôlé et de ne pas s’identifier à la sévérité du problème présenté par les autres membres du groupe (Stewart et Brown, 1988). Le manque d’assiduité des membres impliqués pourrait être un point faible expliquant en partie l’abandon du regroupement. Tout processus de groupe, pour être efficace, doit viser à obtenir une cohésion au sein des membres qui entretiendra les liens et la motivation à persévérer (Joyce et coll., 2007; Lorentzen, 2008). Néanmoins, pour ceux qui persistent, le regroupement semble avoir un effet positif sur le maintien de l’abstinence. Une étude récente menée par Toneatto et Dragonetti (2008) a permis de comparer deux groupes non randomisés de joueurs pathologiques. Chaque groupe a participé à huit rencontres, le premier groupe selon une approche basée sur les principes des GA, l’autre, selon une approche de traitement cognitivo-comportemental. Le suivi 12 mois après le traitement ne démontre aucune différence entre les deux groupes quant aux variables reliées au jeu (fréquence du jeu, montants misés et taux d’abstinence). Aucune des deux approches ne semble donc se démarquer selon cette étude.

Les groupes de soutien de type GA comporteraient plusieurs avantages. Selon Stewart et Brown (1988), ces regroupements sont possiblement plus efficaces pour les joueurs présentant une pathologie sévère, pour qui l’abstinence est la seule issue possible dans l’intention de viser un rétablissement. Toneatto et Dragonetti (2008) soulignent que les joueurs ayant initialement choisi l’abstinence au jeu en tant qu’objectif thérapeutique sont ceux qui, un an plus tard, affichent un meilleur rétablissement, peu importe les modalités thérapeutiques. Il est probable que l’idéologie véhiculée par les GA - voulant que le jeu pathologique soit une maladie incurable - aide le joueur dans son processus de reconnaissance du problème. De plus, le regroupement peut être très aidant pour les joueurs qui reçoivent peu de soutien de leur entourage. Petry (2005b) rapporte que le fait de pouvoir partager et échanger avec d’autres joueurs qui ont « vaincu » le jeu peut encourager, soulager et même combler le vide laissé par le jeu. Enfin, le groupe peut aussi être une façon d’assurer un suivi aux joueurs qui ont complété un traitement.

La principale lacune de cette approche est qu’il n’y a pas de volet « traitement individualisé » adapté aux besoins spécifiques de l’individu. Le joueur est appelé à développer, par le partage d’expériences, des stratégies d’évitement des situations de jeu. Aucune intervention formelle n’est réalisée dans ce groupe afin de travailler les croyances erronées entretenues à l’égard du jeu, ce qui laisse le joueur avec une vulnérabilité certaine. Les regroupements de GA auraient donc tout avantage à être associés à un autre processus de traitement. Les joueurs qui entrent dans le regroupement doivent choisir l’abstinence et le rétablissement repose sur le maintien de cette abstinence. Il serait pertinent que le regroupement se penche sur la nécessité absolue de maintenir l’abstinence totale de tous les JHA. Puisque certains jeux sont probablement plus « pathogènes » (les appareils de loteries vidéo ou les courses de chevaux) (Chevalier et Papineau, 2007) que d’autres, l’achat d’un billet de loterie ne devrait pas nécessairement être considéré comme une rechute. Il faut admettre que l’abstinence n’est peut-être pas la meilleure solution pour tous (Suissa et coll, 2008). Toutefois, les études sur le jeu contrôlé ne sont pas encore concluantes et d’autres études devront documenter les services orientés vers la réduction des méfaits.

Le modèle transthéorique du changement

Très utilisé dans les centres de traitement de la toxicomanie, le modèle transthéorique du changement (MTC) a été appliqué plus récemment à la problématique du jeu pathologique (DiClemente et coll., 2005). La pierre angulaire de ce modèle de traitement repose sur le processus de changement par lequel l’individu modifie ses comportements, l’accent est donc mis sur la trajectoire du joueur. Le modèle propose cinq stades de changement dans lesquels l’accomplissement de tâches permet d’atteindre le stade suivant (DiClemente, 2003). Il ne s’agit pas d’un modèle purement linéaire, des aller-retour à chacun des stades pouvant être observés (Prochaska et coll., 1992).

Le premier, stade de précontemplation, représente celui où le joueur se sent plus ou moins concerné par la problématique et ne démontre que peu ou pas d’intérêt au changement. Le second, stade de la contemplation, est celui où l’individu devient motivé à s’investir plus sérieusement dans ses réflexions quant à son désir de changement. Il est clair ici que la motivation au changement doit émaner du joueur, et non de sources extrinsèques. La principale tâche de ce stade est la balance décisionnelle. L’individu sera amené à réfléchir à tous les « pour » et « contre » pouvant résulter du changement, que ce soit en lien avec le désir de maintenir, diminuer ou d’arrêter le jeu. Ceux qui développeront une attitude positive face au jeu continueront de jouer et retourneront au stade précédent (DiClemente et coll., 2005). Ceux, qui au contraire développeront une attitude négative face au jeu, chemineront vers le stade de la préparation où la principale tâche est de planifier le changement. Ainsi, le joueur s’ouvrira aux différentes possibilités de traitement et planifiera des stratégies « anti-jeu ». Il sera question d’outiller le joueur par l’apprentissage d’habiletés qui le soutiendront dans sa démarche. Enfin, le stade de l’action est celui où le joueur mettra tout en oeuvre pour réaliser le changement qui sera suivi par le stade du maintien où le nouveau comportement sera intégré dans le style de vie de l’individu.

Du point de vue de l’intervention, le rôle de la motivation dans l’atteinte des objectifs thérapeutiques est indéniable. De fait, lorsque le joueur prend la décision de rechercher un traitement, il a déjà amorcé un processus de changement. L’entrée en traitement n’est donc pas toujours nécessaire pour observer une modification des comportements. D’ailleurs, il est souvent observé que les joueurs qui ne sont pas intégrés à un traitement formel s’améliorent aussi (Toneatto et coll., 2008), ce qui soutient l’idée d’une rémission naturelle possible. De plus, certaines études soulignent que l’intervention brève ou autoadministrée, centrée sur la motivation, semble être efficace avec les joueurs et plus particulièrement avec ceux qui ont un problème moins sévère (Hodgins, 2001; Hodgins et coll., 2004).

Il est encore tôt pour statuer sur l’efficacité du MTC dans le traitement du jeu pathologique. Ce modèle paraît toutefois intéressant pour le traitement des adultes et particulièrement pour les adolescents qui présentent des problèmes de jeu. Sachant qu’ils ont tendance à ne pas reconnaître que leurs comportements de jeu puissent être problématiques (Gupta et Derevensky, 2004), l’application de ce modèle pourrait certainement améliorer la conscientisation du problème ou, du moins, enclencher l’amorce d’un processus de réflexion. Cette méthode d’intervention pourrait d’ailleurs se greffer à toute autre modalité de traitement. Étant flexible, elle n’exige pas un objectif d’abstinence de la part de l’individu qui entre en traitement. Il serait souhaitable que les recherches futures à propos de l’efficacité de ce modèle d’intervention dans le traitement du jeu se centrent sur les ressources personnelles des individus. Beaucoup de place est laissée à l’« empowerment », ce qui nécessite une capacité de l’individu à mobiliser ses ressources personnelles. Enfin, il faut aussi considérer que les individus présentant des troubles psychiatriques comorbides, tels que des troubles affectifs ou des troubles cognitifs par exemple, peuvent éprouver certaines difficultés à réaliser efficacement le processus de réflexion nécessaire au cheminement dans les différents stades. Cette limite est toutefois applicable à tout autre processus thérapeutique. La présence de troubles comorbides est un défi certain pour l’intervention.

L’approche pharmacologique

La recherche dans le domaine de la neurobiologie afin de comprendre le jeu pathologique en est à ses débuts (Toneatto et Millar, 2004). Il convient de souligner ici que le modèle médical dans la compréhension du jeu pathologique ne fait pas l’unanimité (Peele, 2009). Néanmoins, quelques études ont permis d’identifier des pistes intéressantes qui s’avèrent prometteuses dans le traitement du jeu pathologique (Westphal et coll., 2008). Les plus récentes percées dans ce domaine rapportent qu’une dysfonction au niveau de la libération de la sérotonine (Hollander et coll., 2000) ainsi qu’une dysfonction du circuit dopaminergique (Zald et coll., 2004) a été observée chez des joueurs pathologiques. Rappelons que ces mécanismes jouent un rôle dans le contrôle des impulsions et dans la régulation de l’humeur, dimensions neurocognitives associées au jeu pathologique (Ladouceur et coll., 1999; Potenza, 2008; Vitaro et coll., 1997). D’autres travaux réalisés par imagerie cérébrale ont permis d’observer chez des joueurs pathologiques une activité cérébrale plus faible au cortex frontal et orbito-frontal comparativement aux joueurs non problématiques lors de l’observation d’une vidéo présentant une situation de jeu (Potenza et coll., 2003). Selon les auteurs, ceci pourrait expliquer en partie la difficulté des joueurs à inhiber l’envie de jouer. De plus, selon Potenza et ses collaborateurs (2003), une activité différente a été observée dans le cortex préfrontal chez des joueurs pathologiques, zone cérébrale impliquée dans la prise de décision et le processus de récompense. Une méta-analyse réalisée par Pallesen et coll. (2007) permet aussi de croire qu’un traitement pharmacologique serait une forme de traitement intéressante pour le jeu pathologique. En effet, leur analyse de 16 études permet de constater des améliorations significatives post-traitement chez les joueurs sous traitement pharmacologique. Aucune différence n’a toutefois été relevée en fonction du type de traitement pharmacologique (anti-dépresseurs, antagonistes des opiacés et stabilisateurs d’humeur) administré aux joueurs (Pallesen et coll., 2007). Les travaux de Dannon et coll. (2005) ont quant à eux montré des différences selon les molécules utilisées dans le traitement. L’étude consistait à comparer des joueurs pathologiques répartis aléatoirement à l’aveugle dans deux groupes, l’un recevant des régulateurs de l’humeur et l’autre des anti-dépresseurs. Les résultats montrent que les deux groupes ont un taux de rémission du jeu pathologique semblable après 12 semaines de traitement. On note par contre que les joueurs traités avec des régulateurs de l’humeur présentaient une amélioration significative en regard de l’impression clinique globale contrairement à ceux traités avec des anti-dépresseurs qui sont plutôt demeurés stables dans l’ensemble (Dannon et coll., 2005). Enfin, une recension récente conduite par Brewer et coll. (2008) rapporte aussi que l’utilisation d’anti-dépresseurs dans le traitement du jeu pathologique offre des résultats mitigés en termes d’efficacité. En fait, les meilleurs résultats sont obtenus avec des protocoles utilisant des antagonistes des opiacés (Naltrexone), molécules utilisées dans le traitement des dépendances avec substances (Brewer et coll., 2008).

Bien que ces travaux semblent donner des résultats intéressants, il y a lieu ici de s’interroger en vue de savoir si le résultat obtenu est bien en lien avec la médication administrée ou s’il est plutôt relié à la motivation du joueur à réduire le jeu. Différentes études ont en effet observé un taux élevé de réponse au placebo dans les essais cliniques visant le traitement du jeu pathologique (Hollander et coll., 2004). On sait que le joueur qui décide de se rendre en traitement a déjà amorcé un certain processus de rétablissement. Des études longitudinales seront aussi nécessaires pour évaluer la durabilité des effets du traitement dans une perspective à plus long terme. Par contre, l’administration d’un traitement pharmacologique serait particulièrement recommandé lorsqu’il y a présence d’un trouble comorbide relié à l’abus de substances (Hollander et coll., 2004). Les joueurs présentant un effet de « sevrage » peuvent bénéficier d’une telle médication afin de diminuer les symptômes désagréables qui pourraient suivre l’arrêt des activités de jeu. Le fait de réduire l’envie de jouer peut être déterminant, que ce soit dans l’intention de diminuer ou d’arrêter le jeu. Toutefois, en traitant le jeu uniquement dans un cadre médical, il peut y avoir un risque de déresponsabilisation de l’individu face à son rétablissement. Les études en tabagisme ont montré que la tendance à l’auto-guérison (rémission naturelle) tend à décliner depuis le succès actuel de la médicalisation de l’arrêt. Selon Chapman (2009), l’effet principal de cette approche de traitement en tabagisme interfère dans la confiance des fumeurs quant à leur capacité de s’approprier ce processus. Il est donc probable que ce même effet opère lorsqu’il s’agit de traiter le jeu ou toute autre dépendance. Ainsi, il serait préférable de jumeler une psychothérapie à l’administration simple d’une médication afin d’améliorer le rétablissement dans une perspective à plus long terme. Il faut également étudier les avantages à long terme des traitements pharmacologiques puisqu’ils n’ont pas été adéquatement évalués (Grant et Potenza, 2007). L’approche pharmacologique est une approche prometteuse, cependant, beaucoup d’études restent à faire pour améliorer les résultats obtenus dans le traitement du jeu.

L’intégration du conjoint dans le processus thérapeutique

Le conjoint du joueur est souvent l’un des premiers à subir les conséquences reliées au jeu pathologique (Hodgins et coll., 2007; Kalischuk et coll., 2006). Il est observé que les joueurs qui recherchent un traitement vivent habituellement une situation de crise ou considèrent qu’ils ont « atteint le fond » (Evans et Delfabbro, 2005). Les principales difficultés rapportées pour décrire la situation de crise réfèrent souvent à des difficultés financières et familiales sévères (Evans et Delfabbro, 2005; Hodgins et el-Guebaly, 2000). Or, les difficultés économiques sont identifiées comme étant l’une des sources de tension les plus nocives pour la santé du couple (Allan et coll., 2006; Kinnunen et Feldt, 2004; Williams, 1995). Pourtant, l’approche de thérapie de couple est très peu intégrée dans le traitement du jeu pathologique (Ciarrocchi, 2002). Des études réalisées dans le domaine de la toxicomanie, une autre dépendance, ont pourtant démontré que l’implication du conjoint dans le traitement joue un rôle majeur dans la démarche de rémission du toxicomane (Ciarrocchi, 2002; McCrady et coll., 2002; Tremblay et coll., 2005). Notamment, l’implication du conjoint dans la thérapie améliore la rétention du joueur dans le traitement (Bertrand et coll., 2008). Mais aussi, il est important d’impliquer le conjoint afin que sa propre détresse personnelle et conjugale soit prise en charge (Bertrand et coll., 2008).

En effet, le conjoint du joueur peut aussi avoir besoin d’une prise en charge, que ce soit dans le cadre d’une démarche impliquant le couple ou non. Bertrand et collaborateurs (2008) proposent qu’une thérapie conjugale adaptée au contexte du jeu soit intégrée en complément des autres approches utilisées dans le traitement du jeu. Quelques initiatives en ce sens ont actuellement cours. Par exemple, les GA « Gamblers Anonymes » ont un regroupement de soutien pour les proches du joueur pathologique, les « GamANON ». Une étude rapporte que les joueurs membres « GA » dont le conjoint est membre « GamANON » vont s’impliquer plus longtemps dans le regroupement des GA, et maintiennent l’abstinence au jeu pour une plus longue période que les autres membres (Brown, 1987). D’autres centres de traitement, notamment les centres de réadaptation publics au Québec, offrent des services pour les proches. Malheureusement, peu de conjoints participent à ces rencontres puisqu’ils ont l’impression que le problème de jeu appartient uniquement au joueur. Dans un objectif d’atteindre le niveau des meilleures pratiques, il serait souhaitable d’intégrer la famille et le réseau social dans le plan de traitement (Suissa et coll., 2008).

Le traitement du jeu pour adolescents

Le développement de traitements pour les jeunes joueurs pathologiques est encore embryonnaire. Si peu d’adultes se présentent en traitement, encore moins d’adolescents le font. Nos travaux réalisés auprès d’une clientèle de jeunes initiés au jeu par Internet nous ont permis de constater que ceux présentant des problèmes de jeu selon les critères du DSM-IV-MR-J (Fisher, 2000) sont d’abord et avant tout référés en traitement pour une problématique de consommation de substances (Brunelle et coll., 2009). Généralement, c’est lorsque ces jeunes entrent en traitement pour un problème de toxicomanie que celui de jeu est détecté dans les établissements qui évaluent cette dimension (Brunelle et coll., 2009). Considérant les taux de prévalence élevés à propos du jeu pathologique chez les jeunes (Jacobs, 2004; Lussier et coll., 2007; Martin et coll., 2007), il est étonnant de constater qu’il y a peu de demandes de services, mais aussi peu de possibilités de traitement offertes.

L’un des services a été développé par l’équipe de l’Université McGill. Il s’agit d’un programme d’intervention cognitivo-comportementale spécifiquement conçu pour les adolescents (Gupta et coll., 2008; Gupta et Derevensky, 2000). Un des postulats soutient que l’abstinence au jeu est nécessaire, notamment dans une perspective de prévention des rechutes (Gupta et Derevensky, 2004). L’objectif est donc la cessation complète des activités de jeu. Le programme vise aussi l’amélioration de l’état psychologique et emprunte la philosophie du modèle transactionnel de Prochaska et DiClemente (1992) voulant que l’approche soit multimodale. Une évaluation psychosociale complète est réalisée en début de traitement afin d’orienter les jeunes vers des ressources pour la prise en charge des autres problématiques si nécessaire (Gupta et coll., 2008). Le plan de traitement prévoit dix rencontres qui visent à comprendre les motivations à jouer, les circonstances qui agissent en tant que déclencheurs de l’envie de jouer et les dissonances (ou distorsions) cognitives ou rationalisations qui justifient les activités de jeu. L’adolescent est aussi appelé à modifier son emploi du temps de sorte à réduire les temps libres pouvant faire place au jeu et il est encouragé à se recréer un réseau social excluant les partenaires de jeu.

Bien qu’aucune étude n’ait encore évalué l’efficacité du programme selon les critères retenus de l’APA, les auteurs rapportent que l’approche a montré de bons résultats (Gupta et coll., 2008). Un suivi réalisé auprès de la cinquantaine de jeunes ayant complété le programme montre qu’ils sont demeurés abstinents au moins six mois après le traitement. La plupart ont aussi amélioré leur situation psychosociale en réintégrant l’école ou le milieu de travail, par exemple, et ont amélioré leurs relations interpersonnelles (Gupta et coll., 2008). Ce traitement pour les jeunes joueurs pathologiques semble, selon les auteurs du programme, très prometteur. Cependant, exiger l’abstinence totale du jeu, chez des adolescents, semble ici illusoire. Prendre la décision de ne plus faire de mises nécessite une réflexion mature qui n’est peut-être pas réaliste à moyen terme pour les adolescents. Est-ce que l’abstinence doit absolument être l’objectif visé par le programme de thérapie? Au contraire, un travail visant la prévention de la rechute ne devrait-il pas inclure un volet d’apprentissage au jeu responsable de sorte à rendre les individus plus en contrôle? Il est probable que la trajectoire du jeu chez les jeunes soit similaire à leur trajectoire de consommation d’alcool et d’autres drogues (Winters et coll., 2005). Il est connu que les trajectoires de consommation de substances et de délinquance changent généralement de forme et d’intensité lors de la transition de l’adolescence vers l’âge adulte (Brunelle et coll., 2005). Ainsi, la transition vers l’âge adulte provoquerait de toute façon une diminution des activités de jeu pour la majorité de ces jeunes. Des études longitudinales sont donc nécessaires afin d’approfondir notre compréhension de leur trajectoire de jeu.

Conclusion

Le champ de la recherche concernant le traitement du jeu pathologique est encore peu développé. À ce jour, nous disposons de connaissances très partielles sur le sujet. Il est donc nécessaire d’insister sur l’évaluation des différentes initiatives de traitement afin d’obtenir des données probantes permettant de statuer sur l’efficacité des modèles thérapeutiques appliqués. Certaines approches semblent plus prometteuses, d’autres présentent des limites qui devront être adressées afin d’atteindre les standards des meilleures pratiques.

Les études de prévalence du jeu montrent qu’une proportion plus grande d’adolescents présente des problèmes de jeu comparativement aux adultes. Or, ce qui est paradoxal, c’est qu’il est très rare que des adolescents entrent en traitement directement pour leur problème de jeu. Ceux qui le font sont souvent dirigés par un autre service en raison de la présence d’autres problématiques telles que la consommation de substances ou la délinquance. Pour améliorer la détection des problèmes de jeu chez les adolescents, il faut mettre en évidence les facteurs reliés au jeu pathologique. De même, il faut sensibiliser les jeunes aux indices du jeu pathologique, mais aussi sensibiliser la population à cette problématique qui touche aussi les adolescents tout comme les adultes. Ce faisant, davantage de jeunes pourront peut-être reconnaître qu’ils ont un problème de jeu et demander de l’aide.

Les différentes avenues de traitement précédemment présentées considèrent tous les joueurs pathologiques comme faisant partie d’un groupe homogène. Aucun programme ne fait place aux caractéristiques divergentes (carrière du joueur, types JHA pratiqués, etc.) présentées par les joueurs qui entrent en traitement. On observe aussi dans la littérature que les joueurs en traitement qui font l’objet d’études sont, pour la plupart, des joueurs d’appareils de loterie vidéo, des parieurs aux courses de chevaux et dans quelques études, des joueurs s’adonnant aux cartes (poker, blackjack, etc.). Puisque les joueurs ne peuvent être considérés comme un groupe homogène (Abbott et coll., 2004; Dickerson, 1993; Raylu et coll., 2008), les recherches futures devront se pencher sur les distinctions propres aux différents types de joueurs afin d’offrir un traitement diversifié qui répondra aux besoins et caractéristiques propres à ces joueurs. Les récents développements dans le champ du traitement des toxicomanies ont intégré la notion d’appariement du traitement selon les caractéristiques des usagers. Il est cependant illusoire à ce stade-ci de penser que nous puissions apparier le traitement en jeu selon les caractéristiques des joueurs. Puisque nous n’en sommes qu’au début de la construction d’un modèle de traitement efficace, il sera très intéressant dans quelques années de se pencher à nouveau sur cette question.

Il sera également pertinent de considérer les caractéristiques des joueurs Internet. Leur pratique de jeu par le biais de l’ordinateur pourrait nous amener à croire faussement qu’ils souffrent d’isolement social alors qu’en réalité, ils peuvent disposer d’un réseau social composé d’internautes très développé. Par ailleurs, l’isolement social pourrait aussi être une cause de l’implication au jeu par Internet. À cet effet, des études de trajectoires sont nécessaires afin de mieux documenter les facteurs derrière une implication dans une telle pratique de jeu, de même que les conséquences de telles pratiques. Il faudra également porter attention au développement de l’offre de soutien en ligne pour venir en aide aux joueurs en difficultés. La possibilité d’obtenir de l’aide tout en demeurant sous le couvert de l’anonymat semble intéressante pour les joueurs craignant le stigmate social. Par ailleurs, le traitement devrait aussi être diversifié en fonction des troubles comorbides présentés par le joueur. Il faut développer les futurs traitements dans une perspective multimodale afin d’adresser l’ensemble des composantes reliées au jeu pathologique comme la consommation de substances, les troubles de l’humeur et l’impulsivité. Il serait souhaitable d’intégrer différents volets au traitement tel un volet pharmacologique, mais aussi un volet s’adressant à la famille ou au conjoint.

Enfin, il faudra également réfléchir sur les critères retenus pour évaluer la réussite d’un traitement. Les études longitudinales, pour la plupart, statuent sur le maintien de l’abstinence du joueur. Or, le fait de briser l’abstinence totale au jeu ne signifie pas nécessairement un retour dans la dépendance. De plus, la dépendance à un type de jeu n’entraîne pas systématiquement une généralisation à tous les autres types de JHA. Il est reconnu que certains types de jeu ont un potentiel « addictif » plus important que d’autres. Pensons aux appareils de loterie vidéo (ALV) par exemple. Considérons-nous un joueur abstinent aux ALV en rechute parce qu’il a participé à un tirage de loterie quelques mois après la fin de sa thérapie ? Il est clair qu’il existe un potentiel de risque de retour à la dépendance. À ce propos, Peele (2001) argumente que ce n’est pas parce qu’une personne échoue un traitement et retourne au jeu qu’elle est condamnée à jouer de façon compulsive pour le reste de sa vie. Dans cette éventualité, il faut se rappeler que la rechute peut être une étape vers le rétablissement (Prochaska et coll., 1992). Il faut repenser le modèle thérapeutique dans une perspective de réduction des risques et considérer que la non-abstinence peut aussi être une réussite du traitement pour certains joueurs (Peele, 2009). Enfin, la souffrance des joueurs et de leurs proches étant très importante, des études sur l’efficacité du traitement s’avèrent non seulement nécessaires, mais devrait aussi être des priorités gouvernementales.