Corps de l’article

Ouvrage au titre évocateur, Québec, Champlain, le monde s’inscrit dans la trame des nombreuses publications commémorant le 400e anniversaire de la ville de Québec. Il s’agit d’une collaboration étroite d’un groupe de chercheurs du Département d’histoire de l’Université Laval, contribution officielle de cette institution québécoise aux célébrations de la ville capitale. Comme le souligne Denis Brière, recteur de l’Université Laval, dans la préface qu’il signe, l’ouvrage se destine à un large public et offre un dialogue entre les diverses disciplines scientifiques qui oeuvrent à la diffusion de connaissances portant sur le passé, dans un livre qui « illustre bien la multidisciplinarité qui est devenue de plus en plus la marque de commerce de l’enseignement supérieur et de la recherche aujourd’hui » (p. 13). La place de l’Université Laval dans le contexte particulier du 400e, tout comme dans l’histoire de la ville de Québec, est d’ailleurs explicitée dans l’introduction de l’ouvrage qui nous plonge dans un voyage d’introspection à l’égard des contributions lavaloises depuis sa fondation.

Québec, Champlain, le monde a comme objectif de replacer la fondation de Québec dans un contexte mondial en faisant appel à l’expertise variée de professeurs du Département d’histoire de l’Université Laval. Archéologie, histoire et ethnologie sont de la partie pour faire de cet ouvrage un tour d’horizon utile, bien que parfois sommaire, du monde à l’époque de Champlain et du rôle de Québec dans ce monde. L’ouvrage recueille des textes signés par Réginald Auger, Allison Bain, Carl Déry, Michel De Waele, Claire Dolan, Paul-André Dubois, Donald Fyson, Muriel Gomez-Perez, Lucille Guilbert, Alain Laberge, Marie Lapointe, Shenwen Li, Jacques Mathieu, Jocelyne Mathieu, Marcel Moussette, Martin Pâquet, Didier Prioul et Marc Vallières, tous professeurs ou, dans le cas de Déry, doctorant de l’Université Laval.

Les deux parties de l’ouvrage ont comme fils conducteurs « l’époque de Champlain » ou la ville de Québec présentée dans différents contextes, de la préhistoire jusqu’à nos jours. La première partie explore l’histoire de « l’Amérique du Nord avant Champlain » (Marcel Moussette) en passant par un survol d’études divergentes portant sur les contacts potentiels des populations du continent avec celles d’autres continents. Le chapitre de Marie Lapointe « Les colonies espagnoles d’Amérique au XVIIe siècle », permet de mieux saisir les relations complexes de la population en Amérique du Sud. « L’Afrique au sud du Sahara aux XVIe et XVIIe siècles » (Muriel Gomez-Perez), contribution qui semble parfois dense pour la néophyte, réussit néanmoins à présenter à sa juste valeur le rôle complexe que joue le trafic négrier dans l’histoire atlantique, en particulier en ce qui a trait au rôle des Africains. Le chapitre portant sur l’Empire du Milieu (Shenwen Li et Carl Déry) offre, entre autres, certaines pistes d’explication à l’endroit des explorations océaniques des Chinois, somme toute peu nombreuses, alors que celui portant sur l’Europe (Claire Dolan) amorce en douceur le passage du « monde » à « Québec ». « Le Roi et le marin » (Michel De Waele) sert de chapitre pivot qui pourrait se trouver dans l’une ou l’autre des deux parties du livre. Bien que l’objet ne soit ni Champlain, ni Québec, ce chapitre offre une mise en contexte plus directe de la fondation de cette ville portuaire et de la relation du roi Henri IV avec la navigation et l’exploration.

La seconde partie de l’ouvrage permet d’explorer avec plus de profondeur certains aspects de l’histoire de Québec avec des chapitres qui portent sur le rôle de la ville dans l’essaimage continental (Alain Laberge), les mouvements migratoires (Martin Pâquet), la vie politique (Donald Fyson) et économique (Marc Vallières) à titre de ville coloniale, capitale impériale, et porte d’entrée du Canada actuel. C’est aussi dans cette section que l’on retrouve l’intéressant chapitre portant sur les résultats de fouilles archéologiques à l’Îlot Hunt (Allison Bain, Réginald Auger et Marc Vallières), de même qu’un chapitre sur l’évolution québécoise de l’art et de la culture visuelle (Didier Prioul), les immigrantes et réfugiées de Québec et d’autres régions (Lucille Guilbert), le christianisme à l’époque de Champlain, notamment les relations entre catholiques et huguenots (Paul-André Dubois) et une comparaison des modes vestimentaires en Amérique et en Europe au cours des derniers siècles (Jocelyne Mathieu). La seconde partie se termine par la postface de Jacques Mathieu qui revient sur quelques éléments clés de l’ouvrage et qui souligne la pertinence de cette contribution universitaire à l’oeuvre commémorative.

Dans son ensemble, l’ouvrage est une contribution notable à la production historique entourant le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec. Il s’inscrit dans de multiples courants historiographiques, en raison des thèmes abordés, tout en se rattachant, bien évidemment, à ce courant que sont la commémoration historique et la mémoire. Si Jacques Mathieu parle de « Carrefours historiques » dans la postface, on pourrait aussi parler de carrefour entre la vulgarisation scientifique et l’ouvrage universitaire. On se sent tour à tour expert, amateur, critique et néophyte, passant d’un chapitre à l’autre avec intérêt et engouement pour la riche histoire de cette ville. La matière est présentée de façon innovatrice, ayant recours à divers experts dans des domaines d’expertise variés. Les sections « Qu’en pensent les chercheurs/historiens/archéologues », en guise de conclusion de chaque chapitre, donnent un bref aperçu des questions historiographiques et des interprétations divergentes du sujet traité, ce qui confère une richesse pédagogique à l’ouvrage. De plus, chaque chapitre est doté d’encadrés qui donnent des exemples de sources permettant au lecteur de toucher le matériel brut du chercheur et de sentir la proximité de ce passé exploré. Le mode de présentation de ces sources les rend accessibles et la richesse de certaines d’entre elles, notamment dans le cas du chapitre de M. Gomez-Perez portant sur la traite négrière, est un ajout important à l’expérience du lecteur.

Bien que l’introduction offre une certaine mise en garde à l’égard de la première partie, en précisant que « [l]es auteurs n’ont pas la prétention de dresser un portrait global de la situation de ces différentes aires géographiques » (p. 16), il faut quand même souligner qu’il y a ici un certain manque de cohésion avec le reste de l’ouvrage. Finalement, la force du livre en fait aussi une faiblesse en ce sens qu’il a recours à l’expertise de divers chercheurs qui nous proposent des chapitres qui se tiennent individuellement et dont la variété est d’une richesse indéniable, alors qu’en contrepartie, on sent un manque de cohésion. Ainsi, l’idée selon laquelle Québec s’insère dans une histoire planétaire est traitée de façon superficielle. La planète existe autour de Québec, certes, mais la question de « contexte » échappe au lecteur et les liens directs entre Québec et le monde qui l’entoure ne sont pas suffisamment explicités alors que les occasions de le faire sont nombreuses.

De l’ethnologie à l’histoire de l’art, des mouvements migratoires aux modes vestimentaires, Québec, Champlain, le monde est un bel exemple de l’enchevêtrement de la publication grand public et universitaire. C’est un ouvrage qui saura plaire aux lecteurs de diverses disciplines, historiques ou autres, présentant l’histoire de Québec de façon innovatrice par sa composition, et qui a su tirer profit des ressources professorales et estudiantines du Département d’histoire de l’Université Laval et de la variété de spécialisations qu’il regroupe.