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Titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires à l’Université Laval, Louis Massicotte est spécialiste du parlementarisme. Son ouvrage, Le Parlement de Québec de 1867 à aujourd’hui, est tiré en majeure partie de sa thèse de doctorat soutenue à l’Université Carleton, à Ottawa (1992) et de divers articles publiés par l’auteur. L’étude tient compte aussi – le recul en moins – des crises et des réformes qui ont modulé la pratique parlementaire jusqu’en 2009. Livre au style académique et fruit d’une réflexion universitaire, il s’adresse autant aux spécialistes d’histoire politique, de sciences politiques qu’à quiconque cherche à connaître en profondeur les rouages et l’évolution du parlementarisme au Québec.

Les idées maîtresses de l’ouvrage sont claires. L’auteur soutient que depuis 1867 jusqu’au milieu du XXe siècle, les simples députés ont eu voix au chapitre dans l’exercice du pouvoir législatif. Il montre que l’accroissement des responsabilités de l’État québécois depuis la Révolution tranquille a généré des réformes parlementaires ayant eu pour conséquence de raffermir les pouvoirs de l’Exécutif sur les travaux de l’Assemblée. Il termine en expliquant que, même si le Québec a investi une dimension identitaire à ces réformes, la « modernisation » du Parlement de Québec se compare bien des fois à celle mise en marche à Ottawa. La démonstration est convaincante. Si l’approche tend vers la neutralité (l’objectivité) vis-à-vis l’objet étudié, rien n’empêche l’auteur d’y aller – exceptionnellement, faut-il le préciser – d’interprétations plus personnelles ou, qui mieux est, de souligner sur un ton pince-sans-rire quelques singularités puisées dans nos annales parlementaires.

L’année 1936 est présentée comme une date charnière. Le premier ministre Maurice Duplessis est révélé comme un homme politique qui, mieux que ses prédécesseurs, a su resserrer la discipline de parti, marquant ainsi le début d’une mutation profonde et à long terme. Pour mieux démontrer les changements qui surviennent sous l’Union nationale, Massicotte a naturellement pris soin de dresser d’abord le portrait type du législateur québécois du XIXe siècle et du premier tiers du XXe siècle. La différence est saisissante. Les décennies qui suivent la Révolution tranquille, s’inscrivent également comme un nouveau tournant en ce qui concerne le rapport de force entre le Législatif et l’Exécutif. Au grand dam des députés d’arrière-banc, les réformes des années 1960 (et celles des décennies suivantes) ont eu pour effet de les marginaliser davantage dans leur rôle de législateur; pendant que se multipliaient les interventions de l’État québécois, explique Massicotte, la ligne de parti se raffermit plus que jamais, ne valorisant en rien la fonction de député. C’est le gouvernement qui mène le jeu – sauf lorsqu’il est minoritaire en Chambre, ce qui est exceptionnel au Québec. En même temps, l’auteur passe en revue les éléments de l’histoire parlementaire qui ont évolué, se sont adaptés ou qui ont disparu du décor politique. Que ce soit le règlement, la liturgie parlementaire, les commissions permanentes, le lieutenant-gouverneur ou le Conseil législatif aboli en 1968.

Méticuleux lorsque vient le temps d’expliquer ses méthodes d’analyse, Massicotte expose ses résultats en les appuyant par des tableaux et par des graphiques détaillés. Des exemples viennent parfois illustrer son propos (dans la première partie notamment), mais la description et l’analyse prennent le pas sur la dimension contextuelle. L’ouvrage de Massicotte présente avec rigueur les transitions opérées au sein de l’institution parlementaire québécoise depuis la Confédération. Ce livre demeurera longtemps un outil de travail pour qui veut recenser les cas de figure ou situer dans le temps les nombreuses réformes parlementaires du Québec. Plus encore, il ouvre des pistes de recherche et amorce des réflexions utiles sur un vaste chantier qui nous amènera sans doute à mieux comprendre le Parlement de Québec depuis sa genèse au XVIIIe siècle. Une erreur à signaler cependant : l’auteur recense le dernier vote perdu par le premier ministre en Chambre à la session de 1933 (p.151 et p. 169). Il aurait fallu écrire 1934. L’ouvrage comprend une bibliographie mais il manque un index. La table des matières est tout de même assez détaillée pour pallier en partie cette lacune.