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1. Introduction et problématique

Les travaux récents en éducation suggèrent que l’évaluation de l’efficacité des systèmes scolaires constitue un enjeu qui prend de plus en plus d’importance dans plusieurs pays (Dumay, 2004 ; Lee, 2000 ; Reynolds, Teddlie, Creemers, Scheerens et Townsend, 2000 ; Rowe, 2003 ; Rutter et Maugham, 2002). Ainsi, plusieurs chercheurs se préoccupent maintenant de caractériser ce que pourrait être l’école efficace (Lee, 2000 ; Teddlie et Reynolds, 2000). Un problème méthodologique se pose toutefois au moment de comparer entre eux les divers établissements scolaires : ceux-ci se distinguent sur un ensemble de facteurs, externes à l’école, ayant un impact direct sur le rendement de leurs élèves (force initiale des élèves, niveau d’éducation de leurs parents, niveau socioéconomique, etc.). Or, pour isoler la part attribuable à l’école dans la réussite des élèves, il faut contrôler l’impact de ces facteurs. Ainsi, il importe de déterminer la part des variations observées dans les attitudes, les comportements et le rendement des élèves attribuable à cet ensemble de facteurs et celle due plus spécifiquement aux caractéristiques propres aux écoles. Les recherches sur le sujet ont montré que des facteurs de nature sociale influencent la motivation des élèves ainsi que leurs chances de réussir à l’école. Certains de ces facteurs, comme les pratiques éducatives, appartiennent à la famille et au milieu social (Bourdieu, 1973 ; Swartz, 1997) ; d’autres relèvent de l’école (Alexander, Entwisle et Thompson, 1987 ; Goddard, Tschannen-Moran et Hoy, 2001 ; Kuklinski et Weinstein, 2001). Parmi ces derniers facteurs, l’influence de différents agents sociaux serait à prendre en considération : directions d’école, professionnels du milieu scolaire et pairs.

Une étude de Vallerand, Fortier et Guay (1997) fait ressortir le rôle des attitudes et des pratiques des enseignants sur la motivation des élèves. Leur soutien, par exemple, agirait sur les perceptions de compétence des élèves, les conduisant à s’engager et à persévérer dans leurs travaux scolaires. Selon d’autres auteurs, le soutien des enseignants est en lien direct avec la perception de la valeur des matières scolaires (Bouffard, Vezeau et Simard, 2006 ; Eccles, Wigfield, Harold et Blumenfeld, 1993) et avec le rendement (Adams et Singh, 1998). Pour leur part, Eccles et Jacobs (1986) ainsi que Wigfield et Eccles (1992) ont obtenu des résultats indiquant que le niveau de motivation des adolescents envers les apprentissages scolaires serait grandement influencé par les attitudes de leurs enseignants. Selon tous ces auteurs, les attitudes et les pratiques pédagogiques des enseignants auraient même une importance plus grande que le rendement scolaire lorsqu’il s’agit d’expliquer l’engagement et la persévérance des élèves.

Toutefois, à ce jour, très peu d’études ont permis de véritablement quantifier l’impact de ces facteurs liés à l’environnement scolaire, qu’ils soient liés aux pratiques de l’enseignant ou, plus généralement, à l’établissement scolaire. C’est l’objectif de la présente étude, qui vise spécifiquement à estimer l’ampleur de l’effet de l’environnement scolaire sur la motivation et le rendement des élèves du secondaire du Québec.

Dans le contexte théorique, nous présenterons les principes de l’analyse multiniveau, suivis des résultats empiriques des études qui ont estimé l’effet-école et l’effet-classe sur le rendement et quelques variables affectives. Après la description de la méthodologie utilisée, les résultats seront distingués et discutés selon qu’ils concernent l’école en général, l’apprentissage des mathématiques ou celui du français.

2. Contexte théorique

2.1 Principes de l’analyse multiniveau

L’objectif des études qui portent sur l’efficacité des écoles est d’identifier la contribution directe et indirecte de l’école sur un ensemble de variables allant du rendement scolaire à l’adaptation psychosociale des élèves, en tenant compte de leurs caractéristiques individuelles et de l’influence de leur environnement social (pairs, famille) et économique (Bressoux, 2006 ; Rutter et Maughan 2002 ; Teddlie et Reynolds, 2000). Certaines recherches sur l’efficacité des écoles portent sur l’impact de l’établissement scolaire (l’effet-école), d’autres, sur l’impact de la classe (l’effet-classe), alors que d’autres tiennent compte à la fois de l’école et de la classe. Toutes ces études tentent de déterminer à quel point la fréquentation d’un établissement particulier ou d’une classe particulière fait une différence dans la réussite scolaire des élèves, au-delà de leurs caractéristiques personnelles et sociales (Bressoux, 1994). Pour ce faire, les chercheurs utilisent des procédures statistiques qui permettent d’isoler l’effet spécifiquement attribuable à l’école ou à la classe. Ces procédures, appelées modèles multiniveaux, isolent les différents niveaux de l’analyse (l’élève, la classe, l’école) et permettent d’estimer ce qui relève de chacun dans l’explication des variations observées dans les mesures. Elles consistent généralement en une extension de modèles de régression linéaire, appliqués à des données qui sont structurées hiérarchiquement (les élèves dans des classes, les classes dans des écoles, les écoles dans des quartiers, etc.). De plus, ces modèles d’analyse ne transgressent pas le principe d’indépendance des observations pour les données nichées. La procédure permet de décomposer la variance observée dans la mesure d’une variable dépendante en autant de parties distinctes qu’il y a de niveaux d’analyse ; par exemple, on distinguera la proportion de la variance observée attribuable à la variabilité des scores entre les élèves, celle attribuable à la variabilité des scores entre chacune des classes examinées et, finalement, celle attribuable à la variabilité des scores entre chacune des écoles. Les effets ainsi obtenus s’énoncent souvent en part de variance expliquée : on estime le pourcentage de la variance expliquée par le fait que les élèves appartiennent à un établissement donné ou à une classe donnée. Cette détermination de la proportion de la variance totale qui s’explique par les variations entre les écoles ou entre les classes (appelée corrélation intraclasse) constitue la première étape d’une analyse multiniveau.

2.2 Résultats des études sur l’effet-école et l’effet-classe

À ce jour, cette procédure a surtout été appliquée en éducation dans des études portant sur le rendement des élèves. De manière générale, celles-ci ont permis de confirmer un effet lié à l’école dans la réussite des élèves. Dans leur méta-analyse portant sur plus de 150 recherches menées en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et dans certains pays du Tiers-Monde, Scheerens et Bosker (1997) ont montré que les variations entre les établissements scolaires expliquent environ 20 % de la variance dans le rendement des élèves (pour une taille d’effet d’environ 0,48, ce qui est considéré comme un effet substantiel). Cependant, lorsque l’effet lié aux différences initiales dans la force des élèves est pris en compte, l’effet propre associé à l’école n’est que de 8 % environ (pour une taille d’effet de 0,30). Une recension des études sur l’ampleur de l’effet-école montre que celui-ci varie d’un pays à l’autre (des variations allant de 1 % à 20 % de variance expliquée), principalement à cause des différences dans les systèmes d’éducation (Bressoux, 2006 ; Duru-Bellat, Le Bastard-Landier, Piquée et Suchaut, 2004 ; Scheerens et Bosker, 1997). À cet égard, il n’existe que très peu d’études canadiennes ou québécoises sur le sujet (Teddlie et Reynolds 2000 ; Tremblay, Ross et Berthelot, 2001 ; Willms 2004). À notre connaissance, il n’y a à ce jour que Blais (2003) qui ait étudié cette question en contexte québécois. Celui-ci conclut que 17 % de la variance expliquée dans les notes aux épreuves de français de 5e secondaire serait attribuable à des variations entre les écoles.

En France, des recherches menées dans des lycées et des collèges montrent que si l’effet‑école est généralement très faible (entre 2 et 5 % de la variance), l’effet-classe est beaucoup plus important : de 12 % de la variance du rendement en langue d’enseignement à près de 15 % en mathématiques (Attali et Bressoux, 2002). À l’ordre primaire, les études montrent un effet-classe atteignant près de 10 % des variations dans les scores des acquis des élèves en lecture et un peu moins de 20 % de celles en mathématiques (Bressoux, 1995, 1996 ; Mingat, 1991). Il ressort de ces recherches que l’effet de la classe serait plus important que celui de l’école pour expliquer le rendement des élèves (voir aussi Scheerens et Bosker, 1997 ; Teddlie et Reynolds, 2000). Toutefois, Luyten (2003) souligne que, lorsque la comparaison entre les classes porte sur plusieurs niveaux scolaires ou sur plusieurs matières, il y a confusion avec un effet lié à l’âge des élèves ou encore avec les contenus liés aux différentes matières scolaires. L’impact de ces facteurs confondant serait largement contrôlé si l’on comparait des classes parallèles, c’est-à-dire portant sur la même matière et sur le même niveau scolaire.

Quoi qu’il en soit, les études portant sur l’impact de l’école sur l’adaptation psychosociale des élèves (niveau d’attention, comportements délinquants, décrochage, absentéisme) ou sur les variables motivationnelles (estime de soi, intérêts, buts, etc.) sont beaucoup moins nombreuses que celles qui portent sur le rendement des élèves. Les quelques études disponibles à cet égard montrent que, chez les élèves plus jeunes du moins, les effets liés à l’école seraient moins importants sur ces variables que sur le rendement (Rutter et Maughan, 2002). Par exemple, dans une vaste étude menée en Irlande, Smyth (1999) a montré que l’effet-école est responsable de 20 % de la variance observée dans le rendement, mais de seulement 4 à 6 % de la variance dans les mesures de stress et de 3 % dans celles de lieu de contrôle (locus of control). Dans le même sens, une étude de Grisay (1997), effectuée dans le système scolaire français, suggère que l’école aurait très peu d’effet (autour de 2 %) sur certains aspects du développement socioaffectif des élèves (motivation, image de soi scolaire, sentiment de maîtrise). Finalement, selon une équipe de chercheurs (Verhoeven, Vandengerghe, Van Damme, Clement, Maetens et Vergauwen, 1992 ; cités par Opdenakker et Van Damme, 2000), si une très grande part des variations des scores des élèves belges dans le rendement en mathématiques et en langue d’enseignement est attribuable à l’école (respectivement 29 % et 34 %), seulement 3 % de la variance d’une mesure de bien-être des élèves est relié à l’école.

Par contre, d’autres études montrent que l’école jouerait un rôle plus important dans le développement de certaines variables liées à la motivation des élèves dans certains contextes. Ainsi, lors d’une étude menée dans des écoles primaires accueillant des enfants de milieux défavorisés, Battistich, Solomon, Kim, Watson et Schaps (1995) ont mesuré plusieurs variables affectives et motivationnelles. Leurs résultats indiquent un effet-école inférieur à 5 % pour un certain nombre de variables (plaisir ressenti dans la classe, orientation de la motivation vers la tâche [task orientation], orientation de la motivation vers soi [self ou ego orientation], buts d’évitement du travail, motivation intrinsèque, plaisir à aider les autres élèves, autonomie, sentiment d’efficacité personnelle, estime de soi générale). Par contre, cet effet varie entre 6 et 10 % pour les mesures d’appréciation générale de l’école, de recherche des tâches qui représentent des défis, de l’estime de soi relative à l’école, des attentes face à l’école et du souci pour les autres élèves, et il est supérieur à 10 % pour les mesures de confiance et de respect envers les enseignants, d’aspirations scolaires et d’adhésion à des valeurs démocratiques. Dans une étude menées sur les facteurs scolaires liés à la motivation et aux problèmes de violence à l’école chez des élèves de 12 à 21 ans, Galand, Philippot et Frenay (2006) rapportent que les proportions de la variance entre les classes sont de 12 % pour les buts de maîtrise, de 6 % pour les buts de performance, de 4 % pour les buts d’évitement et de 11 % pour le sentiment d’appartenance.

En somme, les études qui concernent l’effet de l’école et de la classe sur des variables autres que le rendement scolaire restent rares, et nous n’en avons trouvé aucune où les chercheurs ont tenté de mesurer ces effets sur la motivation à apprendre des élèves québécois. Étant donné l’importance de la valeur prédictive de la motivation dans la réussite scolaire, particulièrement à l’adolescence, et au vu des différences observées d’un pays à l’autre, il nous paraît important d’examiner dans le contexte scolaire québécois l’ampleur de l’effet-école et de l’effet-classe sur la motivation des élèves.

2.3 Variables du profil motivationnel

Plusieurs facteurs ont été proposés jusqu’à ce jour pour expliquer la réussite et l’échec scolaires. Parmi ceux-ci, la motivation serait cruciale, parce qu’elle expliquerait en grande partie l’engagement et la persévérance à l’école. Au cours des dernières années, les chercheurs ont proposé plusieurs approches théoriques afin de conceptualiser la motivation à apprendre. Parmi ces approches, la théorie sociocognitive nous paraît particulièrement intéressante, parce qu’elle considère non seulement les variables appartenant à l’individu, mais également celles associées au contexte dans lequel les apprentissages s’effectuent. Selon la théorie sociocognitive de Bandura (1986), la motivation à apprendre n’est pas un construit unitaire caractérisé par des pôles opposés, mais plutôt un construit multidimensionnel. En accord avec cette conception, il nous apparaît approprié de parler de profil motivationnel pour bien rendre compte de la variété des facteurs impliqués dans l’engagement dans les études (Bouffard et Couture, 2003). Les perceptions de compétence de l’élève, les buts qu’il poursuit, la valeur qu’il accorde à l’apprentissage et à l’école en général sont parmi les dimensions reconnues comme les plus cruciales de ce profil motivationnel.

Les perceptions de compétence sont généralement considérées comme un des éléments qui a le plus d’impact sur la qualité du fonctionnement et du rendement scolaires des élèves (Bouffard, Boisvert et Vezeau, 2003 ; Chouinard, Karsenti et Roy, 2007 ; Harter, 1999 ; Schunk et Pajares, 2005). Les perceptions de compétence, aussi nommées sentiment d’efficacité personnelle (ou d’auto-efficacité), font référence au jugement que la personne porte sur sa capacité d’agir efficacement sur son environnement, en particulier sur sa capacité de réussir les tâches auxquelles elle est confrontée (Bandura, 1986). Si, au début de ses travaux, Bandura utilisait le terme d’auto-efficacité (self efficacy) pour indiquer le jugement porté par une personne sur sa capacité d’accomplir avec succès une tâche spécifique, il a depuis élargi son construit à des ensembles de tâches relevant d’une même matière scolaire comme, par exemple, la compréhension de texte, la rédaction, la maîtrise de la grammaire, toutes des tâches comprises dans l’apprentissage du français. À l’inverse, les perceptions de compétence ont d’abord été définies par Harter (1978 ; 1985) comme une mesure générale portant sur un grand domaine d’activités, tel le fonctionnement cognitif, pour en arriver aujourd’hui à parler de perceptions de compétence plus spécifiques, comme celles portant sur des matières scolaires données. Cela fait qu’actuellement les deux construits sont souvent utilisés de manière interchangeable dans de nombreux travaux. Dans la présente étude, la formulation perception de compétence est adoptée pour éviter toute confusion. Ces perceptions réfèrent donc à l’évaluation, par l’élève, de ses habiletés et de sa capacité de réussir ou non ses travaux scolaires. L’impact de ces perceptions sur l’acquisition et sur l’utilisation efficace des ressources cognitives a été souligné à maintes reprises (Berry et West, 1993 ; Bouffard, Bouchard, Denoncourt et Goulet, 2005 ; Bouffard et Couture, 2003 ; Pajares et Graham, 1999 ; Schunk, 1995 ; Wigfield, Eccles, MacIver, Reuman et Midgley, 1991 ; Zimmerman, Bandura et Martinez-Pons, 1992). Selon ces auteurs, l’élève qui a des perceptions de compétence positives aborde les tâches scolaires avec plus de confiance, manifeste plus d’intérêt, travaille plus fort, recourt davantage aux stratégies cognitives et métacognitives, persévère plus longtemps et, en cas d’obstacle, accroît ses efforts pour résoudre les difficultés qu’il rencontre.

Cependant, même si les perceptions de compétence semblent constituer un élément crucial de l’engagement de l’élève, certains auteurs estiment que l’impact de ces perceptions ne serait pas direct, mais plutôt médiatisé par le type de buts d’accomplissement qu’il poursuit (Ames et Archer, 1988 ; Chouinard et collab., 2007 ; Dweck, 1989 ; Dweck et Leggett, 1988 ; Elliot, 2005 ; Elliot et Dweck, 1988 ; Nicholls, 1989). Fondamentalement, les buts d’accomplissement renvoient aux différentes raisons pour lesquelles l’élève s’engage dans les activités d’apprentissage. Bien qu’ils aient reçu des appellations diverses, les chercheurs ont surtout examiné deux grands types de buts : les buts d’orientation vers la tâche (task-oriented goals), aussi appelés buts de maîtrise (mastery goals) ou buts d’apprentissage (learning goals), et les buts d’orientation vers soi (ego-oriented goals), aussi appelés buts de performance (performance goals) (Ames et Archer, 1988 ; Bouffard, Vezeau, Romano, Chouinard, Bordeleau et Filion, 1998 ; Dweck, 1989 ; Nicholls, 1984 ; Ntamakiliro, Monnard et Gurtmer, 2000 ; Pintrich et Garcia, 1991). Les buts d’orientation vers la tâche reflètent une préoccupation importante, chez un individu, pour l’acquisition et le développement de nouvelles habiletés et l’amélioration de sa compétence. Le rôle de l’effort est valorisé en ce qu’il est vu comme un moyen efficace pour s’améliorer. Les buts d’orientation vers soi reflètent quant à eux une préoccupation pour l’obtention de performances élevées, qui surpassent celles des autres, et ce, de façon à prouver sa compétence. Ici, l’effort est perçu négativement, car la compétence est considérée comme d’autant plus élevée que la performance optimale est obtenue facilement.

À l’instar des buts d’apprentissage, la valeur accordée à l’école ou à la matière scolaire est un thème central dans divers modèles de la motivation en milieu scolaire, en particulier dans ceux d’Eccles (Eccles, Wigfield, Flanagan, Miller, Reuman et Yee, 1989 ; Eccles, Wigfield, Harold et Blumenfeld, 1993), de Pintrich (Pintrich et De Groot, 1990 ; Pintrich et Garcia, 1991 ; Pintrich et Schrauben, 1992), ou encore de Winne (Winne, 2001 ; Winne et Hadwin, 1998). Ce construit reflète la perception de l’élève selon laquelle les connaissances générales acquises à l’école, ou celles plus spécifiques à une matière scolaire, sont pertinentes, intéressantes et lui seront utiles à plus ou moins long terme. Des chercheurs ont montré 1) que la valeur accordée à l’école ou à la matière scolaire varie en fonction des matières scolaires (Eccles, Adler, Futterman, Goff, Kaczala, Meece et Midgley, 1983) ; 2) que celle accordée par les garçons et les filles diffère selon le caractère stéréotypé de la matière (Bouffard, Vezeau et Simard, 2006) ; et 3) que, plus ils sont jeunes, plus les élèves valorisent l’ensemble des matières scolaires (Bouffard, Marcoux, Vezeau et Bordeleau, 2003 ; Wigfield, Eccles, Suk Yoon, Harold, Arbreton, Freedman-Doan et Blumenfeld, 1997). Dans la présente étude, la valeur sera mesurée par deux variables distinctes : l’intérêt manifesté par l’élève envers l’école et les travaux scolaires ainsi que le jugement qu’il porte sur l’utilité de l’école en général et de deux matières de base (le français et les mathématiques).

Comme nous l’avons déjà mentionné, les chercheurs ayant eu recours aux approches multiniveaux afin de quantifier l’effet de l’école ou de la classe se sont surtout intéressés, jusqu’à maintenant, à l’impact de l’environnement scolaire sur le rendement. À ce jour, peu d’études ont permis de documenter ces effets sur la motivation et l’engagement. En conséquence, l’objectif de la présente recherche est de documenter l’ampleur de l’effet-école et de l’effet-classe sur le profil motivationnel et sur l’engagement scolaire d’élèves québécois de niveau secondaire. Les variables du profil motivationnel examinées comprennent les perceptions de compétence en français et en mathématiques, le niveau d’orientation vers soi et vers la tâche, ainsi que le niveau d’utilité et d’intérêt envers l’école ; les variables d’engagement et de rendement examinées seront les suivantes : la quantité d’efforts que l’élève est prêt à consacrer à ses travaux scolaires, sa perception des avantages qu’il aurait à décrocher ainsi que ses notes en français et en mathématiques.

3. Méthodologie

3.1 Sujets

La présente étude porte sur des données recueillies dans le cadre de l’évaluation de la Stratégie d’interventionAgir autrement (SIAA), une initiative d’aide aux écoles secondaires de milieux défavorisés du gouvernement du Québec, et sur d’autres données obtenues dans le cadre d’un projet mené par des chercheurs de notre groupe de recherche (Chouinard, Karsenti et Roy, 2007). Grâce à l’échantillon de la SIAA, nous avions déjà accès aux données recueillies auprès d’élèves du secondaire provenant d’écoles de milieux défavorisés. Le second projet a permis de diversifier cet échantillon par le recrutement de groupes d’élèves du secondaire issus de milieux plus favorisés.

Provenant d’un total de 54 écoles publiques, l’échantillon total est constitué de 7 433 élèves de niveau secondaire (1e sec. : 1 989 ; 2e : 1 969 ; 3e : 1 779 ; 4: 1 101 ; 5e : 595), âgés de 12 à 18 ans (âge moyen = 14,46 ; écart-type : 1,40), répartis presque également entre garçons (49,59 %) et filles (51,20 %) (les indications sur le genre sont manquantes pour 16 sujets). Certains élèves ont répondu au questionnaire pour deux matières de base (français et mathématiques), alors que d’autres n’y ont répondu que pour l’une de ces deux matières. Pour les variables liées aux mathématiques, les élèves (n = 3 320) se répartissent dans 198 classes (provenant de 39 écoles), alors que pour celles liées au français, ils (n = 5 173) sont regroupés dans 311 classes (provenant de 49 écoles). Chacun des groupes-classes considérés dans l’échantillon comporte un minimum de cinq élèves, et chaque école sélectionnée inclut au moins deux groupes-classes. Réparties sur l’ensemble du territoire scolaire québécois, ces écoles desservent toutes des populations francophones et proviennent de milieux urbain, semi-urbain ou rural. Elles varient également selon le niveau socioéconomique tel que défini par l’Indice de milieu socioéconomique (IMSE) du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. Cet indice, qui s’exprime en rang décile, s’appuie sur la proportion de mères sous-scolarisées (sans diplôme d’études secondaires) (2/3 de l’indice), et la proportion de parents inactifs sur le plan de l’emploi (1/3 de l’indice). Ainsi, 34 écoles sont identifiées comme provenant de milieux socioéconomiques défavorisés (indice IMSE de 8 à 10), 10 écoles proviennent de milieux socioéconomiques moyennement favorisés (indice IMSE de 4 à 7), et 10 écoles sont de milieux socioéconomiques favorisés (indice IMSE de 1 à 3).

3.2 Instrumentation et déroulement

Les données sont recueillies à l’aide d’un questionnaire à réponses autorévélées, administré durant les heures de classe. À l’exception des deux échelles qui concernent la volonté d’apprendre et les avantages qu’il y aurait à décrocher, l’élève doit indiquer, pour chacun des énoncés, le chiffre correspondant à son degré d’accord ou de désaccord sur une échelle de type Lickert allant de 1 (Tout à fait en désaccord) à 7 (Tout à fait d’accord).

Les échelles qui portent sur les perceptions de compétence en français et en mathématiques et sur la volonté d’apprendre dans ces deux matières ont été produites et validées par Ntamakiliro, Monnard et Gurtnet (2000). Les versions de ces échelles sont identiques pour le français et les mathématiques, sauf que la formulation des énoncés tient compte du contexte spécifique de chaque matière. Ainsi, les échelles de perception de compétence en français (α = 0,91) et en mathématiques (α = 0,93) contiennent chacune cinq énoncés (par exemple, J’ai des difficultés en français [ou en mathématiques]). La volonté d’apprendre dans chacune des matières est mesurée séparément par trois énoncés (α en mathématique = 0,84 et en français = 0,92). Ces échelles réfèrent spécifiquement à la quantité d’effort que l’élève est prêt à consacrer pour réussir dans chacune de ces matières (par exemple, Combien de temps es-tu prêt à consacrer aux mathématiques [ou au français]). Pour cette dernière variable, les sept choix de réponses vont de Très peu à Beaucoup.

Les échelles élaborées par Ntamakiliro et ses collaborateurs (2000) ont également été utilisées pour mesurer, en général, les buts d’accomplissement des élèves ainsi que leur attrait pour l’école et leur perception de son utilité. Quatre énoncés se rapportent à l’orientation vers soi (a = 0,88) (par exemple, Je suis fier(e) de moi quand j’obtiens une meilleure note que mes amis) et trois à l’orientation vers la tâche (α = 0,64) (par exemple, Je suis très content(e) quand j’apprends quelque chose de nouveau qui a du sens). L’échelle d’attrait pour l’école comprend quatre énoncés (α = 0,86) (par exemple, Ce qu’on fait à l’école me plaît). L’utilité perçue comporte quatre énoncés elle aussi (α = 0,71), dont deux concernent l’importance des mathématiques (par exemple, Pour trouver un emploi, il est important de bien réussir en mathématiques) et du français (par exemple, Ceux qui sont bons en français trouvent plus facilement un emploi) et deux qui réfèrent à l’utilité de l’école en général (par exemple, Pour avoir une place dans la société, il est important de réussir à l’école).

L’avantage que l’élève perçoit au fait de décrocher est évalué par une échelle élaborée et validée par Janosz (2004) (α = 0,89). Pour chacun des 11 énoncés, le participant devait indiquer son niveau d’accord à l’aide d’une échelle en quatre points allant de Totalement en désaccord à Totalement d’accord (par exemple, Je pourrais enfin faire ce que je veux si j’abandonnais l’école). Pour cette mesure, plus le score est élevé, plus l’élève voit d’avantages à décrocher.

Finalement, une mesure du rendement scolaire des élèves est obtenue en demandant à ces derniers d’indiquer leur note moyenne en français et en mathématiques à l’aide de l’échelle suivante : Moins de 35 %, Entre 36 et 40 %, Entre 41 et 45 %, etc. Pour les analyses, l’élève s’est vu attribuer le score qui figurait au milieu de la catégorie désignée pour chacune des deux matières (score médian).

3.3 Méthode d’analyse des données

Les données ont été analysées à l’aide de la procédure MIXED de la version 14 du logiciel SPSS, qui permet de modéliser la dépendance entre les observations issues d’un même regroupement et, donc, de traiter des données dont la structure est hiérarchique (par exemple, des classes nichées dans des écoles). Signalons que le terme niché est un terme technique pour l’analyse multiniveau qui signifie que les classes constituent des sous-groupes qui sont compris (ou emboîtés ou imbriqués) dans un groupe plus large (l’école).

Ce type de modèle permet notamment de partitionner les résidus selon les différents niveaux d’unités de mesure utilisées (ici, les élèves, leur classe et leur école) et de modéliser l’influence de variables indépendantes non seulement auprès de leur propre unité de mesure, mais aussi de variables indépendantes issues d’unités de mesure supérieures sur des variables rattachées à des unités de mesure inférieures. Pour les analyses, la matrice de variance-covariance des résidus choisie est non structurée (unstructured) et la méthode d’estimation est celle du maximum de vraisemblance restreinte (restricted maximum likelihood).

3.4 Considérations éthiques

Les analyses dont il est question ici sont des analyses secondaires : nous n’avons procédé à aucune collecte de données nouvelles pour cette étude. Néanmoins, la procédure pour la collecte des données avait reçu l’aval du comité d’éthique de l’Université de Montréal. Les questionnaires avaient été remplis de manière volontaire, et les résultats, traités en respectant les règles de confidentialité habituelles. Dans tous les cas, le consentement parental avait été obtenu pour la participation des sujets mineurs.

4. Résultats

La première série d’analyses portera sur le profil motivationnel général, et non spécifique à une matière. Il sera alors question de déterminer l’ampleur de l’effet-école et de l’effet-classe sur l’attrait et l’utilité perçus de l’école, sur les buts d’accomplissement (orientés vers soi ou vers la tâche), ainsi que sur les avantages perçus à décrocher. La seconde série d’analyses portera sur le profil motivationnel (perception de compétence et volonté d’apprendre) et le rendement en regard de l’apprentissage des mathématiques, alors que la troisième série portera sur le français.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la première étape de l’analyse multiniveau permet de déterminer la part de variance relative à chacun des niveaux considérés. Elle consiste à produire un modèle inconditionnel (ou modèle vide), c’est-à-dire sans aucune variable explicative (voir la formule 1 en annexe). Ce modèle permet de calculer la corrélation intraclasse qui correspond au pourcentage de la variance de la variable dépendante attribuable à chacun des niveaux d’unités d’analyses, ici l’élève, la classe et l’école (voir respectivement les formules 2, 3 et 4, en annexe).

Puisque plusieurs études ont montré une diminution de la motivation au cours du secondaire (Chouinard et Roy, 2008 ; Gurtner, Gulfi, Monnard et Schumacher, 2006 ; Jacobs, Lanza, Osgood, Eccles et Wigfield, 2002), et étant donné que notre échantillon comportait des classes de première à cinquième secondaire, il nous a semblé important d’extraire de la part de la variance expliquée par la classe celle liée plus spécifiquement aux différences entre les niveaux scolaires. Nous avons donc introduit la variable niveau scolaire dans une seconde étape de l’analyse (Modèle 1) à titre d’effet fixe (voir la formule 5, en annexe).

4.1 Ampleur de l’effet-école et de l’effet-classe sur le profil motivationnel général

Le tableau 1 rapporte les résultats de l’analyse sur les données liées à la motivation générale des élèves. Pour chacune des variables, on retrouve dans la colonne de gauche (modèle vide), la valeur de l’ordonnée à l’origine (intercept) indiquant la moyenne de la variable dépendante pour l’ensemble de l’échantillon (ici 3,94 pour la mesure d’attrait de l’école) lorsque toutes les variables indépendantes prennent la valeur de 0. Dans cette colonne, on retrouve aussi la variance des effets aléatoires (résidus) relative aux trois niveaux considérés (élève, classe, école). La corrélation intraclasse pour les niveaux classe et école, exprimée en pourcentage, est ensuite indiquée. Ainsi, l’appartenance à une classe plutôt qu’à une autre explique 6,6 % de la variance des scores d’attrait pour l’école, alors que l’école explique 1,2 % de la variance. Par ailleurs, pour chacune des variables, la colonne de droite (Modèle 1) présente les coefficients associés à chacun des niveaux scolaires. La valeur de l’ordonnée à l’origine indique la moyenne de la variable dépendante pour les élèves de première secondaire, moyenne de base à laquelle celle de chacun des autres niveaux est comparée (ici 4,03 pour la mesure d’attrait pour l’école). L’ajustement par rapport à la moyenne des participants de première secondaire est ensuite indiqué pour chacun des autres niveaux du secondaire, le signe négatif exprimant une diminution par rapport à la moyenne de ce niveau.

Tableau 1

Résultats des analyses sur les variables motivationnelles liées à l’école en général

Résultats des analyses sur les variables motivationnelles liées à l’école en général

*** p < 0,001 ** p < 0,005 * p < 0,01

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Les résultats montrent que la variance des scores des variables motivationnelles générales s’explique principalement par les variations entre les élèves. Le pourcentage de variance expliquée par les différences entre les établissements scolaires est toujours très limité (moins de 3 %), l’utilité perçue étant la variable où l’on retrouve la plus grande proportion de variance expliquée par le niveau école. Les différences entre les classes contribuent à expliquer un plus grand pourcentage de la variance. Il faut souligner que, même si les différences entre les niveaux scolaires sont significatives à plusieurs endroits, la part de la variance liée aux différences entre les niveaux scolaires est relativement limitée, sauf pour la mesure de l’utilité perçue, où la diminution des scores pour les niveaux scolaires plus avancés contribue à expliquer 60,9 % de l’effet lié à la classe. Ce pourcentage est obtenu en divisant la différence entre la variance des résidus de la classe du modèle vide de celle du modèle 1 par la variance des résidus de la classe du modèle vide (Raudenbush et Bryk, 2002). Pour les autres variables, ce pourcentage est de 10,2 % pour la mesure de l’attrait de l’école, de 8 % pour la perception des avantages qu’il y aurait à décrocher et respectivement de 27,5 % et 22,9 % pour l’orientation vers soi et pour l’orientation vers la tâche.

4.2 Ampleur de l’effet-école et de l’effet-classe sur le profil motivationnel lié aux matières scolaires

L’analyse des variables spécifiques liées aux mathématiques montre également que la plus grande part de la variance des scores s’explique par des différences individuelles (Tableau 2). La proportion de la variance expliquée par les différences entre les classes est ici aussi plus importante que celle expliquée par l’école. Les variations entre les différents niveaux scolaires ne contribuent que très peu à expliquer la variance reliée à l’effet-classe pour les mesures de perception de compétence (2,6 %) et de volonté d’apprendre (6,8 %). L’impact des différences entre les classes se retrouve surtout sur la mesure de rendement en mathématiques, alors que le niveau classe explique près de 20 % de la variance observée. L’inclusion du niveau scolaire dans l’analyse permet de montrer que celui-ci a peu d’impact sur ce pourcentage de variance expliquée par la classe, car seulement 5,7 % de cette proportion est attribuable aux différences entre les niveaux scolaires.

Tableau 2

Résultats des analyses sur les variables spécifiques aux mathématiques

Résultats des analyses sur les variables spécifiques aux mathématiques

*** p < 0,001 ** p < 0,005 * p < 0,01

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L’analyse conduit à un portrait similaire pour les mesures liées à la discipline du français (Tableau 3). Ici aussi, les variations dans les scores individuels expliquent plus de 90 % de la variance dans les scores des deux variables motivationnelles. Encore une fois, la proportion de la variance expliquée par le fait d’appartenir à une classe ou à une autre est plus importante que celle expliquée par le fait de fréquenter telle ou telle école. Pour la mesure de perception de compétence, les différences entre les niveaux scolaires expliquent très peu du pourcentage de variance expliquée par la classe (moins de 6,6 %). Par contre, pour la volonté d’apprendre, 26 % de la variance liée à l’effet-classe est attribuable aux différences entre les niveaux scolaires. Finalement, le niveau classe explique plus de 20 % de la variance observée dans la mesure de rendement en français, mais il n’y a pas de différence attribuable au niveau scolaire à cet égard.

Tableau 3

Résultats des analyses sur les variables spécifiques au français

Résultats des analyses sur les variables spécifiques au français

*** p < 0,001 ** p < 0,005 * p < 0,0

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5. Discussion des résultats

Cette étude visait à mesurer l’ampleur des effets liés à la classe et des effets liés à l’école sur un ensemble de variables relatives à la motivation, à l’engagement et au rendement d’élèves québécois de niveau secondaire. Devant la popularité croissante de ce type d’études, conséquence du récent développement des analyses multiniveaux, il nous a semblé important de mieux documenter l’importance de ces effets en milieu scolaire québécois.

Comme nous l’avons vu, sur le plan des variables motivationnelles, la part de variance expliquée respectivement par les niveaux classe et école va de modérée à faible. Des pourcentages de variance expliquée de moins de 5 % peuvent, à première vue, sembler négligeables ; cependant, comme le soulignent Galand et ses collaborateurs (2006), il faut noter qu’il s’agit d’effets qui s’appliquent à des écoles ou à des classes entières, et que ces effets peuvent tout de même avoir une certaine pertinence. Les efforts que l’on doit consacrer à l’identification de variables n’expliquant qu’un pourcentage relativement minime de la variance des scores est une question délicate, car il n’existe actuellement pas de consensus dans les écrits de recherche sur un seuil critique à partir duquel il convient de pousser plus loin les analyses. Selon certains auteurs, comme Lee (2000), la valeur de la corrélation intraclasse doit être supérieure à 10 % pour que l’on considère l’utilisation d’analyses multiniveaux plus poussées. D’autres, plus exigeants encore, avancent la valeur de 20 % (Dumay et Dupriez, 2004), jugeant ainsi peu pertinent de décomposer une variance représentant elle-même une variation mineure des scores analysés. Cependant, certains auteurs soulignent que l’analyse de tous les niveaux impliqués est nécessaire et que le calcul coût-bénéfice permet souvent de justifier pleinement les efforts que l’on consacre à identifier des variables contextuelles susceptibles d’agir sur le rendement, les comportements ou les attitudes des élèves, même si ces variables n’expliquent chacune qu’un pourcentage limité de la variance (Teddlie et Reynolds, 2000).

Globalement, le fait que la variabilité dans les scores de motivation révèle peu de différences entre les écoles et les classes ne signifie pas que ces dernières n’ont pas d’impact sur le niveau d’engagement de leurs élèves. Ainsi, les résultats d’une étude québécoise récente confirment que les pratiques pédagogiques des enseignants se distinguent peu en fonction du milieu socioéconomique ou de la matière enseignée (Chouinard, 2007). Comme le soulignent Scheerens et Bosker (1997), les effets liés à la qualité de l’école seraient plus évidents si on ne tenait compte que des groupes extrêmes ; autrement dit, si on ne tenait compte que des écoles qui s’avèrent les plus efficaces et de celles qui le sont le moins. Toujours selon ces mêmes auteurs, les tailles d’effets des variations entre les écoles se situant parmi les 10 % des plus performantes et celles se situant dans les 10 % des moins performantes sont généralement le double de celles obtenues lorsque l’on considère l’ensemble des écoles (voir aussi Teddlie et Reynolds, 2000). Nos résultats suggèrent que les pratiques utilisées par les enseignants d’une classe à l’autre pour soutenir la motivation des élèves sont, pour l’essentiel, relativement semblables et qu’au total, les caractéristiques individuelles des élèves sont le facteur le plus déterminant pour expliquer les variations de leur profil motivationnel. Encore une fois, ces résultats n’indiquent cependant pas que l’environnement ou les pratiques scolaires n’ont pas d’effet sur la motivation scolaire, mais que cet effet est relativement semblable, en moyenne, d’une classe à l’autre ou d’une école à l’autre.

Lorsque l’on compare l’effet lié à l’école à celui lié à la classe, on note que ce dernier est, conformément à ce qui est généralement rapporté par d’autres chercheurs, toujours plus important que le premier (Attali et Bressoux, 2002 ; Bressoux et Bianco, 2004 ; Kyriakides, Campbell et Gagatsis, 2000 ; Rowe, 2003). Même si une part de l’effet-classe est expliquée par les différences entre les niveaux scolaires, les variations entre ces derniers sont loin d’épuiser l’ampleur des effets liés à la classe. Selon nos résultats, une bonne part des variations dans les scores de rendement, d’attitudes et de perception des élèves est attribuable à la classe dans laquelle ceux-ci sont scolarisés. Même si nous n’avions dans notre échantillon que des classes dites ordinaires (aucune classe spéciale), il n’en demeure pas moins que le regroupement des élèves selon leur rendement scolaire pourrait contribuer à expliquer les pourcentages assez élevés de la variance liée à l’effet-classe pour le rendement en français et en mathématiques (20,5 % et 19,8 %). Par contre, nous pensions que les variables motivationnelles seraient moins affectées par un classement fondé sur le rendement des élèves. Or, même si les pourcentages de variance expliquée sont effectivement moins élevés, ils demeurent quand même assez importants.

6. Conclusion

La présente étude a le mérite d’être la première à avoir documenté l’ampleur des effets liés à l’école et à la classe sur le profil motivationnel des élèves avec un vaste échantillon québécois. Elle constitue le premier jalon d’un programme de recherche sur l’impact de l’environnement scolaire et des pratiques pédagogiques sur le rendement et la motivation des élèves québécois. De meilleures connaissances à ce sujet pourraient s’avérer essentielles pour la compréhension des facteurs en cause dans la réussite scolaire et de ceux qui sont responsables de l’abandon scolaire. En soulignant la portée plus grande de l’environnement de la classe par rapport à l’environnement de l’école, les résultats de la présente étude nous indiquent la direction pour des recherches ultérieures. Par ailleurs, les effets relativement modestes décelés dans notre étude pourraient indiquer que les enseignants adaptent relativement peu leurs pratiques aux besoins et aux caractéristiques des élèves, ce qui mériterait une investigation plus poussée de la part des chercheurs. Quoi qu’il en soit, la présente étude s’avère pertinente à la fois sur le plan scientifique et sur le plan du transfert dans les milieux de pratique.

Une des forces de cette étude réside dans le fait que les variables motivationnelles ont été mesurées avec des instruments validés, couvrant un ensemble de construits jugés importants dans les études actuelles sur la motivation scolaire. Cela dit, il est certain que le caractère transversal de l’étude limite la portée des résultats obtenus. Il serait intéressant de disposer de mesures de changement des attitudes des élèves (par exemple avec des mesures en début et en fin d’année) pour estimer, au-delà de l’influence des variables individuelles, d’éventuels effet-école et effet-classe sur ces mesures de changement. Une autre limite importante de notre étude touche la mesure du rendement dont nous disposions. Il aurait été préférable d’avoir des évaluations objectives, communes à l’ensemble des élèves, mais elles n’étaient malheureusement pas disponibles à tous les niveaux scolaires examinés. Nous avons dû nous contenter de la moyenne générale du bulletin (auto-rapportée par les élèves), et il importe de rester conscient que les évaluations des divers établissements ne sont pas toujours comparables entre elles. Par ailleurs, comme les pourcentages de variance expliquée par l’effet-classe sont appréciables, il conviendrait d’analyser, dans de futures recherches, ce qui, dans les pratiques des enseignants (par exemple, la diversité des pratiques évaluatives, le style éducatif, le degré d’expérience de l’enseignant, etc.) et dans les caractéristiques des groupes (par exemple, le climat de la classe, la taille du groupe, le ratio garçons-filles, le degré d’hétérogénéité du groupe, etc.), permet d’expliquer les différences attribuables au fait d’appartenir à telle ou telle classe.