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La seconde édition de l’ouvrage Les systèmes juridiques dans le monde s’ouvre sur l’avant-propos de la première édition parue il y a 8 ans, qui rappelle au lecteur que ce volume a été élaboré essentiellement à partir des données du site Web Les systèmes juridiques dans le monde (www.uottawa.ca/world-legal-systems) diffusé sur la Toile en 1999 et remanié depuis à l’adresse suivante : www.juriglobe.ca. Ce premier ouvrage d’information et de statistiques se voulait avant tout utile aux juristes et aux gens d’affaires qui, dans le contexte de la mondialisation, pratiquent le commerce international en « leur permettant d’avoir une première indication du système juridique en vigueur dans les divers pays où ils sont susceptibles de mener leurs entreprises et de conclure des contrats commerciaux internationaux ». La seconde édition est non seulement revue et augmentée, mais aussi grandement restructurée. Alors que la première édition posait le défi de la détermination des critères de classification des différents systèmes juridiques devant le très grand nombre de systèmes mixtes ou en pleine mutation politique et géographique, l’originalité de cette nouvelle édition repose sur l’ajout d’éléments structuraux pour reclasser les différents systèmes juridiques dans le monde. Les auteurs y tiennent compte notamment du poids économique respectif des systèmes juridiques dans le contexte de la mondialisation et des échanges économiques. Y sont exposées de plus les langues officielles des entités politiques composant les systèmes juridiques, et ce, pour montrer leur répartition dans le monde contemporain.

Sur le plan matériel, l’ouvrage comprend un grand nombre de références bibliographiques et un index. Le texte compte 221 pages en français et le même nombre en anglais, tête-bêche. Un cédérom en plusieurs langues, qui est l’oeuvre de chercheurs internationaux ayant réalisé les versions espagnole, arabe, chinoise et russe, accompagne l’ouvrage largement agrémenté de tableaux statistiques, de cartes et de graphiques.

Déjà en 2000, les auteurs avaient fait preuve d’audace en publiant dans la collection « Bleue » de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa la première édition sur les systèmes juridiques dans le monde, dont les deux principaux, droit civil et common law, sont enseignés à cette université. Les auteurs de la première édition, Me Nicola Mariani, avocat internationaliste, et Mme Graciela Fuentes, titulaire d’une maîtrise en droit de l’Université McGill et d’un doctorat en droit de l’Université d’Ottawa, voulaient faire connaître aux diplômés des facultés de droit non seulement l’importance respective de ces deux systèmes dans le monde, mais également les possibilités d’emplois, presque sans limites, qui s’offrent à ceux qui possèdent la double formation juridique en droit civil et en common law. Leur ouvrage permettait de découvrir que les monosystèmes et les systèmes mixtes de droit civil ou de common law s’appliquent en effet à 99,07 p. 100 de la population mondiale. Leur objectif était principalement de répertorier territorialement et démographiquement les systèmes juridiques en vigueur dans le monde à la fin du xxe siècle. La seconde édition a été l’occasion pour les auteurs de raffiner leurs grilles d’analyse et de tenir compte de l’évolution rapide de certaines entités politiques. C’est ainsi que la composition des systèmes juridiques d’Afrique et d’Orient a été remaniée à la lumière de nouvelles sources documentaires ou de nouveaux informateurs. La seconde édition a été réalisée par deux auteurs, M. Jabeur Fathally, chercheur principal et professeur à temps partiel à l’Université d’Ottawa, et Me Nicola Mariani, sous la direction du professeur émérite Louis Perret, ancien doyen de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa (section de droit civil) et du professeur émérite Alain-François Bisson de la même faculté.

Les auteurs ont retenu cinq catégories pour classifier les systèmes juridiques contemporains : droit civil, common law, droit coutumier incluant les droits autochtones, droit musulman et droit mixte. Cette dernière catégorie renvoie à une pluralité de systèmes : à noter que la catégorie des droits socialistes a été écartée à bon escient.

Les territoires étudiés ont été désignés par « l’expression “entités politiques” [qui] comprend les États membres des Nations Unies, ainsi que les rares territoires indépendants qui n’en font pas partie, mais aussi parfois des divisions politiques de ces États » (p. 7). Les auteurs ont su établir les distinctions subtiles qui s’imposent pour circonscrire la situation juridique d’un certain nombre de territoires, non indépendants, liés par leur situation géographique à des pays éloignés. C’est le cas, par exemple, des territoires français du Pacifique, de l’Océan indien ou des Antilles. Ou encore ils ont su distinguer d’autres territoires, comme le Québec, ayant acquis ou conservé à l’intérieur d’ensembles politiques du type fédéral ou autre des caractéristiques propres. C’est aussi le cas pour le droit juif propre au système de droit mixte israélien.

Les choix méthodologiques pour la classification des systèmes juridiques sont judicieux. Seul le droit musulman a été retenu dans la catégorie des droits religieux en raison de sa permanence et de sa large expansion dans le monde. Les critères qui ont prévalu au choix des catégories de classification sont les aspects méthodologiques et techniques des systèmes, les concepts juridiques ainsi que les modes d’élaboration et d’expression du droit. C’est ce qui explique notamment la disparition de la catégorie des droits socialistes s’opposant aux droits occidentaux. Le critère matériel du marxisme-léninisme sur lequel s’est construite cette catégorie est maintenant considéré comme désuet.

Le chapitre intitulé « Classification des systèmes juridiques et entités politiques correspondantes » met en lumière le fait que, malgré leur appartenance à la même famille juridique, il existe des différences, parfois importantes, entre les droits positifs des entités politiques qui composent une famille de droits.

Cet ouvrage de référence bien documenté sur le plan géographique et statistique s’avère facile à consulter, même pour les non-juristes. Il serait fort intéressant d’y voir, peut-être dans une édition subséquente, une description plus détaillée des caractéristiques des familles de droits, sinon des catégories qui servent à la classification des différents systèmes juridiques. Nous serions alors en présence d’un ouvrage monumental de droit comparé.