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L’ouvrage d’Alain Pilon se présente comme une introduction aux médias québécois et vise différents publics, dont les étudiants en sciences humaines, en communication et en journalisme, de niveaux collégial et universitaire. Il couvre une grande quantité de sujets, répartis en 12 chapitres dans un nombre relativement restreint de pages. Trois chapitres ont des contenus théoriques : « Des médias dans la société », « La communication et la société » et « Socialisation et influence des médias ». Six chapitres ont une dimension historique, portant respectivement sur l’histoire de la presse (depuis 1960), de la radio, de la télévision (2 chapitres) et de l’Internet (2 chapitres, dont un qui porte sur les enjeux d’Internet). Un autre porte sur la concentration médiatique ; le suivant, sur les médias communautaires, alternatifs et ethniques ; enfin, un chapitre touche « Le métier journalistique et son rapport à l’information ». La structure de l’ouvrage relève donc de divers thèmes et peut-être serait-il judicieux d’établir des parties pour les discriminer (histoire des médias, enjeux des médias…).

Les grands enjeux y figurent mais leur problématisation est minimale, voire parfois maladroite. Ainsi peut-on lire : « En raison de leurs rôles sur le plan publicitaire et culturel, les médias de communication font partie des industries culturelles – terme forgé par l’École de Francfort –, soit l’ensemble des secteurs produisant et diffusant la culture (littérature, théâtre, musées, musique et cinéma, etc.) » (p. 27). Son usage en milieu universitaire risque de susciter un peu de réserve chez les enseignants du fait notamment que l’auteur ne se situe pas lui-même dans un courant de recherches et qu’il suggère ainsi une approche fonctionnaliste, qui ne plaira pas à tout le monde. De ce point de vue, l’ouvrage de Rémy Rieffel, aussi intitulé Sociologie des médias, est plus intéressant et offre l’avantage de présenter des explications plus approfondies des différents enjeux ou des courants théoriques. En d’autres termes, l’ouvrage de Rieffel pourrait être cité dans des travaux universitaires (d’étudiants ou de professeurs), ce qui est moins certain pour l’ouvrage de A. Pilon, trop synthétique.

Le titre, Sociologie des médias du Québec : de la presse écrite à Internet ne rend pas très bien le contenu du livre, qui fait plutôt appel à différentes disciplines sans les nommer (économie politique des médias, sociologie politique, philosophie politique, sociologie des médias…). Le renvoi au terme sociologie semble tenir au fait que l’auteur est professeur de sociologie au cégep depuis 20 ans ou alors pour souligner que « les médias tiennent une place importante dans notre société et dans nos vies » (p.13). Le titre le plus adéquat aurait sans doute été celui de Médias et sociétéquébécoise ou encore Les médias québécois, mais il a déjà été utilisé pour l’ouvrage de Marc Raboy, dont la dernière édition remonte à 2000 mais qui est encore largement utilisé dans les programmes de communication de niveau universitaire. L’ouvrage de Pilon, qui a le mérite d’être plus à jour, peut difficilement remplacer ce dernier mais il faut reconnaître, et c’est important, que son contenu reflète en bonne partie celui des cours de premier cycle en communication portant le nom de … Sociologie des médias. In fine, on pourrait difficilement reprocher à l’auteur d’avoir choisi un titre correspondant aux cours pour lesquels il est censé servir de référence.

Les auteurs recensés le sont rapidement et ne rendent pas justice à l’histoire des idées (mais on pourra objecter avec raison que ce n’est pas l’objectif visé par Pilon). Ainsi, peut-on lire qu’ « Habermas a popularisé cette notion [l’espace public] en démontrant son développement de la Renaissance à aujourd’hui » (note de fin de chapitre, p. 38). On trouve aussi quelques formulations maladroites, qui nuisent à la lisibilité du texte. Toutefois, si l’ouvrage n’a ni la rigueur d’un dictionnaire spécialisé, comme celui sur la sociologie politique de Philippe Braud par exemple, ni celle d’un ouvrage plus critique comme celui de Rémy Rieffel, Sociologie des médias québécois est plutôt exhaustif, c’est-à-dire qu’il passe en revue les différents points de vue des auteurs et nuance le plus souvent possible les grandes assertions relatives aux médias.

Parmi les éléments intéressants du point de vue de l’enseignement, on notera que l’auteur conclut souvent ses synthèses par des questions qui peuvent être mobilisées pour la discussion en classe ; que chaque chapitre comprend un résumé et est appuyé d’un certain nombre de notes ; et enfin, qu’une liste de lectures suggérées figure à la fin de l’ouvrage.

À défaut de pouvoir constituer un ouvrage de référence au niveau universitaire, le livre de M. Pilon pourra être utile aux enseignants de niveau collégial et intéresser le grand public, auquel il se destine également. Pour ce qui est de son usage en milieu universitaire, l’enseignant qui voudrait utiliser l’ouvrage devra s’assurer de mettre au programme un chapitre dont il aura validé l’exactitude, souvent sacrifiée au profit de la synthèse et de la vulgarisation (ou alors apporter les correctifs et les précisions nécessaires en classe, ce qui n’est pas recommandé en termes pédagogiques). Par ailleurs, comme je l’ai souligné un peu plus avant, l’ouvrage est à jour sur un grand nombre d’enjeux, par exemple ceux qui se rapportent aux droits de diffusion (p. 114-115) et de ce point de vue, il pourra constituer une bonne piste documentaire.