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Malgré la diversité thématique des questions sociales traitées, les auteurs des textes de ce volumineux numéro partagent des interrogations similaires en ce qui a trait à la fonction médiatrice que peuvent assurer l’intervenant et l’intervenante. Si le dossier thématique de ce numéro porte particulièrement sur les pratiques de médiation, l’entrevue, ainsi que les articles des rubriques Perspectives posent un regard sur l’intervention sociale justement en tant que pratiques médiatrices entre un mandataire et des personnes auprès desquelles on « livre un message ». J’emprunte ici la distinction commode que font Chouinard, Couturier et Lenoir (2009) dans le dossier thématique du présent numéro entre « pratiques médiatrices » et « pratiques de médiation ». Ces dernières se réclamant formellement d’un travail de médiation entre des parties impliquées, tandis que les pratiques médiatrices seraient, selon ces auteurs, le coeur même de la position du travail social, non seulement par le fait que l’intervenant se constitue en intermédiaire, mais aussi parce qu’il viserait d’une certaine manière des transformations (individuelles, sociales, culturelles, symboliques, économiques, structurelles, etc.) du rapport de l’individu à la société que la situation soit conflictuelle ou non. Ainsi, la médiation constituerait :

[…] une composante essentielle de toute intervention sociale. Plutôt que d’être comprise comme l’une des pratiques du travail social, nous proposons de lui donner le statut de fondement pour toute pratique à la frontière de l’espace privé et de l’espace social et ayant une finalité sociale de transformation. Ainsi conçue, la médiation constitue le coeur de toute intervention sociale et fait de tout travailleur social un médiateur.

Chouinard, Couturier et Lenoir, 2009 : 33

Ce point de vue nous renvoie à d’autres auteurs tels que Keller et Goguel d’Allondans (2002) ainsi qu’Herreros (2001) qui font écho, par leurs références mythologiques, à ce type de rationalisation des fondements du travail social. Au lieu de recourir aux racines judéo-chrétiennes du travail social, ceux-ci évoquent certains personnages de la mythologie grecque pour rendre compte du sens investi dans l’intervention sociale aujourd’hui. Dans cet avant-propos, je me permets donc de présenter quelques éléments de réflexions en ce sens.

C’est surtout la figure d’Hermès qui est convoquée pour représenter la spécificité du rôle de l’intervenant social et de ses ambivalences. Dans le récit mythique des divinités olympiennes, on présente Hermès comme le messager des Dieux personnifiant l’intelligence rusée, l’ingéniosité (métis), l’audace et la chance, mais aussi la tromperie[1]. Il ne naît pas dieu, il le devient à la suite d’une lutte pour la reconnaissance de ses qualités auprès de Zeus. Hermès devient le dieu du commerce, des voyageurs, et des voleurs, des pasteurs et de leurs troupeaux tout autant que des orateurs ou des prostituées. On dit de lui qu’il est le plus bienveillant des dieux grecs à l’égard des hommes. Il est à la fois médiateur (mariage), passeur (entre le haut et le bas, la mort) et ambigu et rusé (menaçant). Non seulement il leur offre l’écriture, la danse, les poids et mesures, la flûte, etc., mais surtout :

Sa mission consistera à sillonner les chemins, à borner les parcours, à guider les déplacements, à veiller aux portes des maisons en défendant leur intégrité mais en actionnant aussi les gonds qui en assurent l’ouverture. Il ouvre les routes, c’est un aventurier. Les chemins qu’il emprunte, il ne les recommande à personne, se contentant de les baliser, de les donner à voir. Il ne dicte pas la voie à prendre, il se contente d’éclairer[2].

Herreros, 2001 : 286

L’auteur ajoute un élément important de la structure mythique de ce personnage qui peut aussi être ambigu et menaçant : l’ambivalence.

Bien sûr, les bergers qui se regroupent pour le suivre devront se méfier car s’il les guide, il peut parfois, usant de la ruse dont il est coutumier, les tromper et les trahir. Sachant manier toutes les mises en circulation, de biens, de mots, de rôles, il patronnera les échanges. […] Hermès est de toutes les médiations entre les hommes d’une part, entre les Dieux et les hommes d’autre part. Mais toujours et à tous moments il laisse l’incertitude s’installer : comment et quand jouera-t-il de ruse avec les parties en présence ? De tels récits font du personnage d’Hermès, médiateur, passeur, traducteur, tiers par excellence, une figure fascinante, à la fois sympathique mais aussi inquiétante : « bon et mauvais à la fois » (Serres, 1992, 172).

Herreros, 2001 : 286-287.

Ajoutons que, selon Platon, le nom d’Hermès proviendrait de herméneus qui signifie « celui qui interprète » (herméneutique), mais aussi paradoxalement « hermétique » (difficile à comprendre, secret, obscur). C’est pourquoi des chercheurs du domaine de la traduction littéraire vont aussi se référer à cette figure mythique ambivalente pour tenter de comprendre les problèmes de traduction et de médiation associés à la position d’intermédiaire.

Hermès, l’intermédiaire, assure la transmission du message en provenance d’une culture autre, quoique l’on se trouve à nouveau devant un texte coupé de sa mémoire. Le messager effectue un acte tripartite : il reçoit le texte à traduire (de Zeus), le traduit, le donne au client (les humains). Tout comme Hermès dut assurer la communication entre le dieu Zeus et les Grecs trop humains, ce traducteur intermédiaire doit composer avec une frontière étanche qui sépare deux cultures, deux langues, deux ethnicités et qui empêche la moindre infiltration de la différence transformatrice.

Merkle, 2007 : 304

Ce passage nous permet de jeter un regard critique sur la fonction politique de l’intervenant social qui peut à la fois faciliter et bloquer des rapports en s’interposant de la sorte entre un mandataire et le public auquel on veut s’adresser. Si nous sortons un peu de l’imagerie mythique, le mandataire serait moins une personne qu’une idéologie circulant dans les institutions et qui tend à s’imposer comme cadre interprétatif des situations singulières des personnes, bref qui ferait autorité auprès d’intervenants sociaux. Pensons à l’idéologie de la prévention, à celle de l’écologie sociale, de l’économie sociale, de la nouvelle gestion publique, de la coconstruction des savoirs, des meilleures pratiques, du pouvoir d’agir, du développement global de l’enfant, des saines habitudes de vie, de la mobilisation communautaire, de l’intervention de proximité, pour ne nommer que les visions du monde de l’intervention les plus populaires. Gambier (2002 : 216) formule le paradoxe de cette position marquée par l’ambivalence de la façon suivante : « Est-il toujours conscient de sa duplicité, de son rôle paradoxal, qui le contraignent d’être en même temps Hermès, voyageur, passeur, et Cerbère, gardien de sa tribu ? »

Herreros (2001 : 287) ajoute que cette ambivalence est inhérente à toute pratique d’intervention, aux personnes occupant une position de tiers, malgré les prétentions diverses à son dépassement :

Se mettre entre, se placer sur le chemin d’autrui avec l’intention d’aider, de guider, condamne à l’ambivalence. Vouloir la nier en se prétendant comme la personnification du bien ou de la science – formes différentes d’un même désir d’échapper à la contestation – c’est se condamner à la naïveté ou à la supercherie. […] Nul besoin d’ériger la science en garantie ultime contre l’ambivalence ; rien ne peut gommer « l’effet Hermès ».

Ce petit détour par la filière mythique peut nous permettre de mieux saisir non pas de façon logique les enjeux politiques de l’intervention sociale en tant que pratiques médiatrices, mais de façon symbolique. Il s’agit d’une autre manière de comprendre les difficultés associées aux pratiques de renouvellement démocratique des pratiques d’intervention sociale dans ses soubassements plus anthropologiques que sociologiques. En effet, en tant qu’intervenant, est-il possible de cesser de « prendre en charge la prise en compte » dans nos rapports avec les personnes impliquées dans l’action ? Autrement dit, est-il possible de ne pas s’immiscer dans la définition du problème tout en étant mandaté par une instance sociale quelconque ? Reconnaître ce paradoxe est aujourd’hui de plus en plus difficile tant la pression est forte pour penser de façon binaire : ou l’intervenant favorise la prise en charge des problèmes de l’autre en contrôlant le cadre et les types de pratiques ; ou l’intervenant favorise l’empowerment ou l’autonomie des personnes non pas en contrôlant le processus, mais en l’accompagnant, dira-t-on, sans interférence.

L’« effet Hermès » semble nous enseigner que cette binarité de la pensée réduit énormément la complexité des rapports sociaux et que les intervenants auraient intérêt à rendre compte du tiers présent dans leurs pratiques pour mieux penser celles-ci. Quel est ce tiers ? Ce tiers aspect des rapports d’intervention serait précisément le « Mandataire » avec un grand M pour indiquer l’autorité qu’il représente dans « le choix contraint » ou l’adhésion à une vision du monde chez l’intervenant. Plus que les rapports de pouvoir, les rapports d’autorité sont très souvent évacués de l’analyse des pratiques. Faire comme s’ils n’existaient pas limite considérablement le développement d’une perspective démocratique dont l’un des principaux noeuds consiste à débattre de la définition du problème qui engage nécessairement une discussion sur les différentes visions du monde. C’est alors qu’Hermès devient hermétique plutôt qu’herméneute.

Abordons brièvement notre dossier thématique, car une présentation plus étoffée des articles est offerte par deux collègues spécialistes de la question.

Le dossier thématique

En quoi les pratiques visant formellement la médiation sociale participent-elles au renouvellement démocratique des pratiques d’intervention ? C’est autour de cette question qu’Alexandre Balmer (Haute École de travail social – Genève) et Jacques Hébert (École de travail social de l’UQAM) ont piloté le dossier thématique de ce numéro. Six articles composent ce dossier riche en diversité d’approches et de thèmes abordés. De cette association entre collègues suisse et québécois résultent quatre articles du Québec, un de France et un autre de Suisse.

L’entrevue

Réalisée par Josée-Anne Lapierre, travailleuse sociale au CSSS Ahuntsic – Montréal-Nord, l’entrevue de ce numéro donne la parole à Marie-Claude Giroux, responsable du volet familial au Comité social Centre-Sud. Dans la foulée des débats soulevés par la standardisation des programmes de prévention précoce de la santé publique et du partenariat public-privé impliquant la Fondation Chagnon, il importe de connaître la façon dont les intervenants et intervenantes comprennent ces enjeux et agissent dans le quotidien de leur travail. C’est exactement ce que cette entrevue nous offre à travers le regard critique d’une intervenante impliquée de près dans le programme SIPPE[3], mais au sein d’un organisme communautaire.

Rares sont les intervenants qui acceptent d’exprimer publiquement leur point de vue critique eu égard à cet emballement pour la prévention précoce. La passion bienveillante et quasi religieuse du mieux-être de l’enfant, ou l’utopie de la pacification comportementale des jeunes, occupe beaucoup plus de place que la raison critique en ce qui regarde les visions du monde au fondement de ces idéaux. En fait, elles font autorité, c’est-à-dire qu’elles font croire en leur vérité (Cléro, 2007). Des campagnes publicitaires de promotion sont d’ailleurs mises en place depuis l’automne 2009 pour en favoriser une diffusion de masse.

Il est pour le moins symptomatique de constater que les débats relatifs aux approches anglo-saxonnes dominantes de prévention précoce aient davantage eu lieu en France depuis 2006 qu’ici[4]. D’ailleurs, dans le dossier du mois d’octobre de la revue Sciences humaines, on expose les grandes lignes de ce débat sur les visions du développement de l’enfant et du travail préventif[5]. À propos des programmes canadiens de prévention précoce, les acteurs du Collectif Pasde0deconduite pour les enfants de 3 ans, composés de plusieurs corps professionnels de la petite enfance, considèrent qu’il s’agit d’une « simplification abusive des problèmes complexes » (Marmion, 2009 : 38). Ils qualifient les promoteurs de cette approche de la façon suivante :

Ce sont généralement des visionnaires convaincus, de grands rêveurs et idéalistes, des croyants de la prévention totalitaire, mécanique. La science leur fournirait des outils infaillibles grâce à trois mots-clés : épidémiologie, statistique et informatique. Ils voudraient user de procédures standardisées et informatisées, rapides et peu coûteuses, applicables par un personnel non spécialisé pour un dépistage de masse.

Marmion, 2009 : 39

Jugements démagogiques diriez-vous ? Pas sûr, à lire le contenu de l’entrevue de Marie-Claude Giroux, qui affirme que cette approche d’expert brouille les cartes de l’autonomie professionnelle et comporte le « risque probant » de stigmatiser des enfants et des parents.

Ici aussi, l’ombre d’Hermès plane sur le travail social comme l’illustrent Giampino et Vidal (2009 : 11, 253-254) dans leur livre intitulé Nos enfants sous surveillance. Évaluations, dépistages, médicaments :

Élever ses enfants, s’occuper des enfants des autres nous confronte à osciller entre deux désirs. Le désir qu’ils sachent s’adapter aux attentes de la collectivité, et en même temps celui de les en protéger de peur qu’ils soient formatés et n’y perdent leur « je suis » en devenir. L’enfance est le temps d’une identité à constituer, et nous sommes les garants de ce parcours. […] Ne laissons pas la passion des normes empêcher les enfances de nos enfants. Les parents et les professionnels ne doivent jamais perdre de vue qu’ils sont les passeurs entre l’infiniment unique de chaque enfant naissant et le progressivement social de chaque personne grandissante. […] Le formatage précoce est justement la zone de non-intelligence de l’éducation, tout comme le contrôle social et le fichage des familles sont la zone de non-intelligence de la protection de l’enfance.

À suivre…

Articles en perspectives

Dans ce numéro, nous avons retenu quatre articles qui se répartissent également dans les deux premières rubriques des « Perspectives » : perspectives étatiques et perspectives communautaires. Dans la rubrique « Perspectives étatiques », abordons le premier texte, celui d’Alain Thalineau, intitulé « L’intimité et l’injonction à l’autonomie dans le travail de proximité », qui nous présente une analyse des pratiques des techniciennes de l’intervention sociale et familiale françaises (TISF) oeuvrant dans ce que l’on appelle en France le « care ». Il s’agit d’une pratique de soutien à domicile des familles en difficulté et où les relations de proximité, dont l’intimité des rapports, peuvent représenter autant un avantage qu’un obstacle au travail d’intervention. L’auteur met en évidence les enjeux relatifs au passage historique d’un travail social axé sur la question ouvrière et la bienveillance auprès des pauvres à un travail social « plaçant l’individu face à ses responsabilités » où celui-ci n’est plus situé dans une classe sociale, mais désocialisé face à ses problèmes par la figure du « client ». En illustrant ce rapport par des résultats d’entretiens auprès des TISF en France, il montre que la dimension genrée est souvent évacuée des considérations cliniques de l’intervention, et que les TISF sont souvent placées dans un conflit de loyauté. Ce conflit surviendrait du fait qu’elles doivent souvent entrer dans les secrets intimes des familles avec une forte implication personnelle et que cette position d’intimité se transformerait en secret professionnel échappant à la famille et pouvant être transmis à d’autres travailleurs sociaux dans la perspective de changement de comportements possibles de certains membres de la famille. Selon l’auteur, si des violences peuvent être évitées et des soutiens apportés, il demeure que ce type de travail participerait aussi à la normalisation sociale par l’injonction au devoir-être que rappellent les intervenantes familiales.

Le second texte associé à la rubrique « Perspectives étatiques » est signé par un collectif d’auteurs (Ducharme et al.) oeuvrant dans le domaine de la gériatrie sociale. Il s’intitule La pratique dans un contexte pluriethnique : démarche en vue de la création d’une approche de négociation entre le personnel des services de soutien à domicile et les proches aidantes d’un parent âgé. À partir de résultats d’entrevues auprès d’aidantes d’origine haïtienne et auprès d’intervenants des services de soutien à domicile de CLSC, les auteurs nous amènent à reconnaître l’existence de deux cultures entre les intervenants et les proches-aidantes et à considérer les modes de relations qui s’établissent entre elles. À la suite d’entrevues auprès des deux groupes sur leurs attentes mutuelles envers la qualité des services offerts aux proches-aidantes, 19 recommandations sont faites entre autres pour considérer les proches aidantes comme des clientes des services et non seulement comme des ressources à utiliser pour maintenir les personnes âgées à domicile. Les auteurs concluent sur la nécessité de la négociation culturelle (comme l’a permis la recherche) afin de rendre visibles les cadres de référence respectifs des acteurs, soit ceux qui guident leurs manières de penser et de faire.

Intitulé Intimité, dialogue et santé : réflexion sur le travail de proximité dans les milieux de socialisation fréquentés par les hommes gais et bisexuels, ce troisième article qui s’inscrit bien dans la rubrique des perspectives communautaires pose des questions similaires au texte de Thalineau précédemment décrit. Deux des auteurs (Haig, Côté et Rousseau) oeuvrent pour l’organisme Action Séro Zéro, organisme communautaire venant en aide à des hommes gais en développant des pratiques de prévention du VIH-sida dans des contextes festifs et sexualisés notamment. Tout au long du texte, les auteurs s’interrogent sur les enjeux de normalisation pouvant découler de leur partenariat avec leur mandataire, la Direction de la santé publique, en devenant de ce fait une simple extension de l’institution étatique. De plus, ils évoquent le paradoxe rattaché au fait de s’introduire dans la vie privée des gens et de recourir aux valeurs de l’empowerment et de l’autodétermination. Les auteurs nous expliquent qu’il peut être possible d’atténuer les effets normalisateurs, faisant partie de ce paradoxe, en développant des méthodes dialogiques et participatives avec les personnes visées par l’intervention. Il s’agit en quelque sorte de remettre entre les mains de la communauté gaie la possibilité de déterminer elle-même les conditions de l’intervention préventive. Encore une fois, l’ambivalence d’Hermès est au rendez-vous.

Quant au quatrième article, il figure aussi dans cette rubrique communautaire et il s’agit d’un autre article de Le Bossé qui, cette fois, le signe avec trois autres personnes venant du monde de l’éducation. Intitulé Développer le pouvoir d’agir des personnes et des collectivités : quelques enjeux relatifs à l’identité professionnelle et à la formation des praticiens du social, cet article nous offre des repères conceptuels pour mieux saisir la notion d’empowerment extrêmement galvaudée dans l’univers de l’intervention sociale. S’objectant à la perspective d’adaptation sociale qui tend à s’imposer dans les programmes étatiques de l’intervention sociale, les auteurs souhaitent qu’avec l’idée de « développement du pouvoir d’agir » (DPA) il soit possible de développer un modèle d’accompagnement alternatif. On y traite tour à tour des principes à la base de cette idée qui se rapproche dans sa formulation à celle souvent évoquée de l’action communautaire autonome. Ici aussi Hermès fait irruption lorsque les auteurs avancent que « Ni policier, ni sauveur, c’est plutôt l’archétype du “passeur” qui semble le plus approprié au soutien du DPA ». Si la description qui suit ce passage reprend dans leur texte les mêmes caractéristiques que celles de la mission d’Hermès, la question de l’ambivalence inhérente aux rapports d’autorité avec le mandataire n’est pas retenue ni posée, dommage[6]. Les auteurs concluent leur texte en définissant le type de pouvoir au coeur du développement d’agir comme fondé sur une « pragmatique » des relations motivée par une « logique de changement et de démocratie participative ». Si « changement » et « démocratie participative » sont des expressions fourre-tout dont les repères théoriques et les dynamiques de pouvoir doivent constamment être explicités afin d’en saisir un tant soit peu la nature et la portée, la pragmatique, elle, ne contribuerait-elle pas à masquer la nature même du pouvoir dont il est question : les rapports à l’autorité ?

Échos et débats

Dans ce numéro, nous avons le plaisir d’accueillir deux militants de longue date pour débattre ensemble de l’état des mouvements sociaux aujourd’hui. Il s’agit de Pierre Beaudet, professeur à l’Université d’Ottawa, et d’Henri Lamoureux, socioéthicien et écrivain. Ils ont accepté la formule selon laquelle un premier intervenant expose son point de vue sur le sujet, en l’occurrence, Pierre Beaudet. Par la suite, Henri Lamoureux élabore des questions de débat après avoir lu le texte du premier intervenant qui rebondit à son tour sur les critiques formulées à propos de son analyse de l’état des mouvements sociaux. Il en ressort un échange de qualité sur des façons de donner un sens à l’horizon des mouvements sociaux tant sur le plan de l’analyse politique qui est faite que sur celui des interrogations posées aux mouvements sociaux.