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Ce livre minutieux, rédigé par un spécialiste finnois de l’Asie du Sud-Est, se divise en cinq parties : une introduction, trois parties substantives d’un à trois chapitres chacune et une conclusion. Il s’agit d’un amalgame de résultats issus de multiples projets de recherche. Par conséquent, le livre ne se raconte pas dans une séquence logique, mais plutôt par des approximations successives de la même réalité vue sous des angles distincts.

L’introduction présente un kaléidoscope d’approches théoriques à l’économie politique et porte une attention particulière aux discours académiques sur le régionalisme en Asie du Sud-Ouest, au lieu de traiter directement des événements. En même temps, elle contraste avec les discours en Asie du Sud-Est et en Europe. Alors que le néo-fonctionnalisme basé sur l’intégration économique et l’économie politique internationale comme réaction à la mondialisation ont été utilisés pour analyser le régionalisme en Europe, seule cette dernière fut créée en partie pour expliquer le régionalisme dans le Tiers monde. En même temps, le réalisme basé sur les décisions souveraines d’États est présent dans les deux régions, mais l’institutionnalisme en Asie du Sud-Est, une école fortement constructiviste, a remplacé le fédéralisme de l’Europe. Des courants de la théorie de la domination anticolonialiste, ainsi que des effets de débordement significatifs sont également présents en Asie du Sud-Est. Le chapitre couvre 32 pages, sans arriver à la moindre conclusion excepté que – comme on l’aurait bien prédit – les approches semblent se chevaucher. L’Europe a accentué le fédéralisme plus que l’institutionnalisme, cependant les intellectuels et les politiciens parlent différemment.

La partie i, Principes de relations inter États de l’asean, pose alors la question : Le régionalisme en Asie du Sud-Est « s’élargit-il » par de nouveaux membres ou « s’approfondit-il » en augmentant la coopération ? L’auteur conclut en faveur de l’élargissement : l’asean a pris une décision politique de passer de six à dix membres, conforme aux prévisions des approches institutionnaliste et réaliste à la sécurité commune. Ce besoin politique a dominé les arguments économiques en faveur de la coopération fonctionnaliste.

La partie ii, Réponses régionales aux défis mondiaux, conpare les défis économiques associés au commerce et à l’investissement originant dans la région elle-même avec les demandes idéologiques d’accroître les droits de la personne provenant d’Europe. De façon ironique, l’Europe et l’Asie du Sud-Est partagent les mêmes intérêts économiques dans leurs luttes respectives devant l’omc.

La partie iii, Le régionalisme de l’Asie du Sud-Est suite à la crise financière asiatique traite de l’impact de la crise des devises sur la stabilité politique et du degré où la crise a mené à des niveaux de gouvernance régionale plus élevée dans les domaines du commerce et de l’environnement. Malheureusement, la crise économique a surtout servi à polariser le débat entre institutionnalistes et fonctionnalistes, au lieu de mener à des actions de coopération concrètes au niveau régional.

La conclusion du livre pose une question un peu dérisoire : le régionalisme de l’Asie du Sud-Est est-il ancien ou nouveau ? Les deux bien entendu ! Les traditions de consensus et de non-intervention se sont jointes à de nouvelles idées tels l’institutionnalisme et le fonctionnalisme. L’auteur fait un appel pour inclure des écoles de pensée encore plus nombreuses… mais semble trop timide pour dire lesquelles ou comment.

La force de ce livre est qu’il est rempli de détails sur les débats politiques récents en Asie du Sud-Est et de terminologie pour décrire la coopération politique et économique croissante entre les États membres. L’auteur connaît très bien la région et les théories en économie politique. L’ouvrage génère plus de chaleur que de lumière, de savoir factuel que de sagesse interprétative utile à l’action. L’auteur est nettement plus fasciné par les intentions derrière ce que le monde dit, que par les actions et leurs conséquences elles-mêmes.

De plus, l’auteur persiste à mettre en contraste huit approches à la science politique, sans réellement les clarifier pour autant. Son but semble être de déterminer lesquelles de ces théories décrivent le mieux le discours politique et économique récent en Asie du Sud-Est, et quelles autres, le cas européen. Mais l’expérience du présent lecteur est que le postulat de départ – et la conclusion inévitable – d’une telle recherche est que toute école de pensée porte une dimension essentielle à notre compréhension de sociétés complexes en évolution dynamique. L’auteur aurait dû démontrer dans des mots, des graphiques et surtout un schéma intégrateur, les interactions et chevauchements explicites parmi ses écoles de pensée et quelles parties spécifiques de chacune s’applique à quelle partie de son schéma intégrateur. Un tel effort aurait également accru l’assimilation et l’application pratique de ses idées par les gouvernements de la région qui sont, après tout, les premiers hôtes et l’assistance cible ultime pour une telle recherche.

Je recommanderais ce livre au spécialiste en économie politique ou en études d’Asie du Sud-Est, à condition que le lecteur ait déjà une compréhension, voire une passion, pour les débats entre les diverses écoles de pensée. Néanmoins il recèle un véritable richesse d’analyses détaillées et à jour, lesquelles pourraient être utiles pour n’importe quel lecteur patient.