Corps de l’article

L’originalité du livre de M. Bélanger est qu’il associe le droit humanitaire classique, c’est-à-dire le droit de Genève et le droit de La Haye à ce qu’il appelle le droit international humanitaire moderne, ou droit de New York. Le livre (court, 150 p.) est publié dans la série des « Mémentos » à destination des étudiants de licence et de maîtrise en droit. Il est divisé en trois parties, précédées d’une introduction.

L’introduction définit l’humanitaire comme la prise en considération de la personne humaine en vue de sa protection en tant qu’être humain, indépendamment de toute considération d’un autre ordre (politique, économique, social, religieux, militaire…). Dans sa définition classique, le droit international humanitaire, ou dih, est lié au droit des conflits armés (qualifié autrefois de droit de la guerre). L’auteur lui préfère une définition large : l’ensemble des règles juridiques qui concernent, au plan international, la protection de la personne humaine en situation de crise. Après un historique du dih, l’auteur inscrit ce droit comme l’une des branches du droit international public (dip). Il soulève la question de l’introduction de la morale dans le dip. Il estime que le dih est le fer de lance du droit international des peuples.

La 1ère partie décrit le développement du dih marqué par la coexistence entre le dih « originaire » et le dih « nouveau ». Le 1er chapitre énonce les caractères d’un dih général. Il note une tendance à l’unification du droit humanitaire classique et du droit humanitaire moderne, qui sont complémentaires. Le dih est un droit d’exception. Il inclut le droit des conflits armés, le droit international médical. Le droit international des droits de la personne humaine (droit de protection en temps de paix et en temps de guerre ou de crise) est complémentaire au dih, qui inclut le crime de génocide et la lutte contre la torture. Il précise le lien du dih avec le droit international pénal, avec le droit international des réfugiés et des minorités. Le chapitre 2 décrit le droit à l’humanitaire : les droits fondamentaux à protéger sont le droit à la vie, le droit à la santé, le droit à la paix. Trois concepts principaux servent de fondement aux applications juridiques de la notion d’humanitaire : l’action humanitaire internationale et l’assistance humanitaire internationale, dont la mise en oeuvre requiert le consentement de l’État, et la coopération internationale pour le développement humanitaire. Il rappelle que l’exercice de la légitime défense est soumise à deux conditions principales : la nécessité et la proportionnalité.

La 2e partie concerne le dih dit « classique ». Les sources du droit humanitaire classique sont rappelées au chapitre 3 : les Conventions de La Haye et les traités complémentaires, les Conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 1979, complétés par les sources coutumières. Le chapitre 4 présente les caractères et les institutions de ce droit : un droit de persuasion, sous l’égide du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Le chapitre 5 décrit l’applicabilité de ce droit, ses destinataires, ses contrôleurs, la sanction de ses violations et les limites de sa mise en oeuvre.

La 3e partie est consacrée au dih dit « moderne ». Le chapitre 6 pose la question de l’ingérence humanitaire, exception au principe du droit international public de non-intervention (art. 2.7 de la Charte de l’onu). Il distingue l’ingérence humanitaire de l’intervention armée d’humanité. La théorie de l’ingérence humanitaire est en voie d’élaboration, en distinguant l’ingérence démocratique, considérée comme néo-colonialisme par le tiers-monde, l’ingérence préventive, l’ingérence écologique. Le chapitre 7 décrit les sources du dih moderne : les textes des Nations Unies et d’organisations intergouvernementales régionales, les textes d’ong, les arrêts et avis de la Cour internationale de justice et les jugements des Tribunaux pénaux internationaux. Les institutions du dih moderne sont évoquées au chapitre 8, soit l’onu et ses agences humanitaires, l’Union européenne et les ong. Quel est le contenu du dih moderne (chapitre 9) : la question non résolue du statut des missions internationales humanitaires et de la protection juridique internationale de leurs personnels, les zones de sécurité humanitaire, les couloirs humanitaires, les gardes bleus, – les moyens de la coordination administrative de l’action humanitaire internationale, et le problème de l’emploi de la force militaire pour la réalisation de cette action.

Enfin, le chapitre 10 décrit les sanctions du non-respect du dih moderne, par l’émergence d’un droit d’ingérence judiciaire internationale en matière humanitaire. Ce droit comporte les sanctions politico-économiques et les incriminations à objectif humanitaire, le mécanisme de la compétence universelle (les lois belges de 1993 et 1999), les Tribunaux pénaux d’États vainqueurs – Nuremberg, Tokyo et Khabarovsk – les Tribunaux pénaux ad hoc – ex-Yougoslavie et Rwanda. Il évoque la « longue marche » vers un tribunal pénal international permanent, la création de la Cour pénale internationale, son organisation et sa compétence, les questions procédurales, la coopération des États avec la Cour, les peines et les limites de la Cour quant à l’exercice de sa juridiction et sur le plan de la compétence. Suivent une bibliographie sélective, les adresses et sites internet utiles et un index (une conclusion aurait été utile).

La compétence du professeur Bélanger dans le domaine du droit de la santé est reflétée dans le présent ouvrage, par l’inclusion du droit international médical dans un dih général et sa référence au droit à la santé (qui serait plutôt le droit à la protection de la santé). La structure du livre est méthodique, ses références aux conventions internationales, aux résolutions et décisions de l’onu et autres oig, au rôle de ces institutions dans le développement du dih et dans l’action humanitaire, ainsi qu’à la jurisprudence nationale et internationale, sont précises et précieuses, non seulement pour des étudiants mais pour les responsables, les acteurs, chercheurs et observateurs dans le domaine humanitaire. L’ auteur innove en désignant comme « droit de New York » le dih moderne, en complément du droit de Genève et de La Haye. Il souligne à juste titre l’importance du régime des droits de la personne humaine, créé par l’onu, en complément du dih. Alternativement, le dih, un droit spécialisé, pourrait faire partie du régime général des droits de la personne humaine.

Enfin, dans le domaine des sanctions, il faudrait souligner que la création d’un droit pénal international, à partir de Nuremberg et jusqu’à la récente création de la Cour pénale internationale, a principalement substitué la responsabilité individuelle des responsables politiques et militaires à la responsabilité trop générale et sans effet dissuasif des États : le droit de Nuremberg s’est joint aux droits de Genève et de La Haye. Par ailleurs, le droit pénal international a institué des tribunaux pénaux internationaux en complément ou en remplacement de tribunaux pénaux nationaux. En bref, la morale et la justice ont donné des armes au droit international public et au dih.

Le format « Mémento » ne permet évidemment pas une réflexion critique des données factuelles exposées : il faut espérer que le professeur Bélanger nous offrira prochainement une nouvelle version détaillée et critique des thèses qu’il a défendues dans son livre. L’intervention armée en Irak (ingérence préventive, humanitaire et/ou démocratique ?) et les problèmes qu’elle a posés en droit international donnent un intérêt particulier aux références identifiées par cet ouvrage.