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Introduction

Les risques de récidive constituent un critère explicite d’évaluation de la réussite ou de l’échec d’une politique de réhabilitation des détenus. Des efforts considérables ont été consacrés afin d’établir les facteurs statiques et dynamiques susceptibles de prédire adéquatement le potentiel de récidive des détenus et de moduler les aménagements de la peine envisagés en conséquence (pour un bilan sur l’évolution du courant « actuariel », voir Andrews et al., 1990 ; Gendreau et al., 1996 ; Harcourt, 2007). Le critère de récidive le plus commode pour des fins évaluatives est sans doute l’occurrence d’une nouvelle arrestation ou d’une nouvelle condamnation. Mais comme le soulignait Landreville (1982), la fréquence inscrite à la feuille de route des « arrestations » ou des « condamnations » – la récidive pénale connue – ne nous renseigne qu’indirectement sur les risques effectifs de récidive criminelle[1]. Ces risques n’ont rien de trivial. Horney et ses collègues (1995) ont procédé à une enquête rétrospective de délinquance révélée auprès d’un échantillon de plus de 600 détenus étatsuniens de l’État du Nebraska qu’ils ont interrogé sur les 36 mois précédant leur incarcération. Ils ont identifié les épisodes durant lesquels les délinquants ont travaillé, sont retournés aux études, étaient mariés ou durant lesquels ils consommaient beaucoup d’alcool ou prenaient des drogues dures. Alors que les épisodes de vie maritale ou de retour aux études s’accompagnent d’une baisse relative de 41 % et 52 % de leurs chances de commettre un crime, les épisodes durant lesquels ils ont des aventures amoureuses ou consomment beaucoup d’alcool augmentent leurs chances relatives de commettre un délit de 64 % et de 48 %. Les mois durant lesquels ils se trouvent un travail conventionnel s’accompagnent non pas d’une baisse, mais d’une augmentation de 28 % de leurs chances de commettre un délit contre la propriété. Quant aux épisodes pendant lesquels ils sont en probation ou en libération conditionnelle, on observe une baisse très modeste de 19 % de la cadence de l’ensemble de leurs délits et aucun effet sur la fréquence de leurs délits de violence. Dans une étude analogue, mais prospective auprès d’un échantillon de 126 délinquants moins actifs qui avaient peu ou pas d’antécédents d’incarcération, Mackenzie et ses collègues (1999) obtiennent à première vue des résultats plus encourageants : les deux tiers des délinquants en probation disent avoir cessé leurs activités délictuelles durant leur période de probation et ceux qui persistent le font à une cadence moindre. Ces résultats doivent cependant être accueillis avec prudence : le pourcentage de délinquants arrêtés à nouveau durant les 12 premiers mois de leur probation a été de 29 % (1,8 arrestation par sujet arrêté), alors que ce pourcentage est de 39 % durant les 12 mois précédant leur condamnation. Autrement dit, la fréquence de leurs arrestations a diminué de 26 % seulement – une baisse relative qui n’est pas très différente de celle qu’observent Horney et ses collègues (1995). En outre, les problèmes de validité des données dans cette étude ne sont pas négligeables : le formulaire de consentement demandait aux délinquants la permission de consulter leur dossier criminel ; le taux de participation à l’enquête est inférieur à 50 % (126 sur 297 sujets approchés) et le taux d’attrition est de 15 %.

Une enquête rétrospective réalisée auprès d’un échantillon de 200 détenus fédéraux québécois (Charest, 2008) s’est intéressée, elle aussi, à leurs épisodes d’activités criminelles (durant les 36 mois précédant leur incarcération), à leurs épisodes d’abstinence (mois durant lesquels ils étaient en liberté et sans surveillance), à leurs épisodes de détention et, finalement, aux épisodes où ils étaient libres mais sous surveillance (probation, libération conditionnelle et séjour en maison de transition). Les résultats indiquent que le taux de conformité, c’est-à-dire la proportion de mois en liberté où les sujets se sont abstenus de commettre des délits avait été de 44 % durant leurs épisodes de probation (d’une durée de 16 mois en moyenne), de 51 % durant leurs épisodes de libération conditionnelle (d’une durée moyenne de 11 mois) et de 73 % durant leur séjour en maison de transition (d’une durée moyenne de 5 mois). Parmi les délinquants qui n’avaient connu aucun épisode de surveillance, le taux de conformité est de 22 % (et le taux de récidive criminelle de 78 %). On peut en conclure que leurs activités criminelles ont chuté de 29 % ((1-44 %)/78 %) durant leurs épisodes de probation, de 38 % durant leurs épisodes de libération conditionnelle ((1-51 %)/78 %) et de 65 % durant leurs séjours, généralement brefs, en maison de transition (1-73 %/78 %).

Même si les services correctionnels se fient à la fréquence des nouvelles condamnations pour apprécier les risques de récidive qu’ils jugent acceptables, il n’en reste pas moins que les chances réelles de récidive (probabilité qu’un nouveau délit soit commis) seront toujours plus élevées que les chances connues ou avérées de récidive (probabilité d’une nouvelle condamnation ou d’une nouvelle arrestation). Il est donc important de distinguer les risques de récidive pénale (qui sont connus) des risques de récidive criminelle (qui ne le sont pas). On peut qualifier de risque « assumé » ou « assumable » le chiffre noir de la récidive criminelle. Cette dernière expression a fait son apparition dans les médias, en 1989, dans un article de La Presse qui mentionnait que le « risque assumable » pour la société était un critère clef de la grille de décision des commissaires de libération conditionnelle (Taillefer, 1989). L’expression refait les manchettes en 1996 lorsque la Commission nationale des libérations conditionnelles accorde à Marcel Blanchette une libération conditionnelle totale en affirmant que ce dernier représentait un risque assumable pour la société. Dans les faits, ce risque « assumable » s’est soldé par le meurtre de la jeune Isabelle Bolduc. L’expression de « risque assumable » a été adoptée par les praticiens (avocats, commissaires, etc.). Depuis la publication du livre d’Yves Thériault en 2005 Tout le monde dehors : enquête sur les libérations conditionnelles, on peut dire que cette notion fait partie intégrante du vocabulaire pénal commun.

Il nous a donc semblé intéressant d’interroger un échantillon d’étudiants sur les chances de récidive qu’ils jugeraient acceptables ou « assumables » dans une décision de libération conditionnelle. La perspective générale de l’étude s’inspire des travaux de Hogarth (1971), qui a été le premier à supposer qu’il valait la peine de scruter avec attention les intentions des acteurs judiciaires pour comprendre leurs décisions. Nous utilisons cette approche pour comprendre les décisions d’aménagements de la peine. Après tout, les décisions de libération conditionnelle ne sont pas extrinsèques aux décisions de détermination pénale[2] puisqu’elles déterminent en dernière analyse la durée des sentences carcérales purgées intra-muros. Nous tenons également pour acquis que les décisions d’aménagement des peines sont prises, comme la grande majorité des décisions, dans un contexte d’incertitude quant aux résultats attendus ou espérés.

Dans cet article, nous avons procédé par étude de cas ou vignette. Nous avons soumis une cause détaillée aux personnes interrogées en les incitant à analyser les éléments de cette cause de manière systématique avant de leur demander de prendre une décision : accorder la libération conditionnelle ou non. En procédant de la sorte, on augmente la qualité des décisions rendues et on s’assure également que ces décisions ont été prises en toute connaissance de cause. L’utilité de la méthode des vignettes détaillées n’est plus à démontrer. Il existe au Canada et ailleurs une riche tradition d’enquêtes qui procèdent par mise en situation (pour un bilan voir par exemple Tremblay, 1994 ou Roberts et Stalans, 1997), qu’il s’agisse de vignettes de sentencing (Doob et Roberts, 1988 ; Roberts et Doob, 1989 ; Zamble et Kalm, 1990) ou de vignettes de libération conditionnelle (Roberts, 1988 ; Cumberland et Zamble, 1992 ; Samra-Grewal et al., 2000). Cette méthode a notamment permis d’affirmer que les sondages d’opinion publique, qui habituellement ne mettent pas en contexte les opinions qu’ils sollicitent, surestiment le degré de « punitivité » des répondants ou leur degré de « méfiance » à l’endroit des tribunaux criminels et des institutions pénales.

L’étude de Cumberland et Zamble (1992) est particulièrement pertinente pour notre propos. Elle présente les résultats d’une enquête auprès d’un échantillon de 166 personnes recrutées au hasard dans un centre d’achats de la ville de Kingston en Ontario. La proportion de répondants qui accordent une libération anticipée au détenu varie de 86 % dans les cas les plus favorables (absence d’antécédents criminels, délit contre la propriété, participation enthousiaste aux programmes de réhabilitation) à 28 % dans les cas les moins prometteurs (antécédents, délit de violence et refus de participation aux programmes correctionnels). Comme prévu, les décisions de libérer ou non le détenu sont influencées par la gravité du crime, les antécédents et la participation institutionnelle à des programmes. Par contre, la gravité a davantage d’impact sur la décision que les antécédents et les programmes qui ont environ le même poids décisionnel. À gravité constante, le refus de participer aux programmes et la présence d’antécédents criminels font diminuer les chances de libération anticipée de 13 points et, à antécédents et participation aux programmes de réadaptation constants, la gravité du délit fait diminuer les chances de libération anticipée de 26 points. Si l’on se fie à cette étude, la participation aux programmes correctionnels disponibles serait un élément de pronostic aussi important que le risque de récidive. Alors que Cumberland et Zamble (1992) cherchent à expliquer les facteurs qui influencent l’octroi ou le refus de diverses modalités de libération conditionnelle, nous nous intéressons à une dimension latente qui n’a jusqu’ici jamais été examinée : les risques de récidive criminelle que les décideurs sont prêts à accepter lorsqu’ils optent pour la libération, ou les risques de récidive criminelle qu’ils refusent d’accepter lorsqu’ils optent pour le maintien en détention. C’est précisément cette dimension qui est la plus susceptible d’inquiéter l’opinion publique.

Données et méthodologie

Un questionnaire a été administré à un échantillon de 274 étudiants universitaires[3]. La plupart d’entre eux (77 %) sont des femmes et la variance des classes d’âge est évidemment restreinte étant donné leur statut d’étudiant (moyenne : 22 ans ; σ : 2,53). Dans cette étude, les caractéristiques démographiques des sujets (âge et sexe) sont introduites à titre de variables contrôles. Nous avons aussi tenu compte du cursus universitaire des étudiants (49 % étaient inscrits à l’École de criminologie alors que 51 % provenaient d’autres départements) parce qu’il nous semblait être un bon indicateur de leur proximité « professionnelle » à l’endroit des praticiens responsables de l’aménagement des peines carcérales (agents de probation et de libération conditionnelle). Il se trouve que les étudiants en criminologie présentent des opinions parfaitement congruentes à celles des praticiens actuels qui travaillent dans le domaine[4]. À la question : « En général, diriez-vous que les décisions prises en matière de libération conditionnelle sont : 1) Trop sévères ; 2) Juste assez sévères ; 3) Pas assez sévères », 58 % des étudiants de criminologie et des praticiens professionnels qui travaillent dans le domaine estiment que les tribunaux sont « juste assez sévères » et 72 % des répondants dans ces deux groupes estiment que les commissions de libération conditionnelle sont « juste assez sévères ». À l’inverse, les opinions des étudiants provenant d’autres départements sont très proches de celles que l’on retrouve dans les sondages canadiens d’opinion publique : 67 % de ces étudiants jugent que les tribunaux ne sont pas assez sévères et 62 % sont d’avis que les commissions de libération conditionnelle ne le sont pas non plus ; dans les sondages canadiens d’opinion publique, les proportions sont respectivement de 69 % et 65 % (Stein, 2001). Pour les fins de cette étude, seule l’opinion concernant la sévérité des décisions prises en matière de libération conditionnelle sera prise en considération. Comme peu de gens ont trouvé que les décisions de libération conditionnelle étaient trop sévères (0,4 % des répondants), nous opposerons les gens qui considèrent ces décisions « juste assez sévères » à ceux qui ne les trouvent « pas assez sévères ».

Comme les opinions ne se forgent pas dans le vide, nous nous sommes intéressés aux expériences directes ou indirectes de victimisation des participants. Nous leur avons demandé si un membre de leur famille proche (conjoint, parents, fratrie ou enfants) ou eux-mêmes avaient été victimes de chaque délit présenté dans les vignettes ou les causes qu’ils devaient juger. Il en ressort que pour 13 % des individus de notre échantillon, un membre de leur famille proche ou eux-mêmes ont été victimes d’au moins un délit, mais cette proportion varie beaucoup selon le délit en question (autour de 5 % pour le vol qualifié ou la conduite avec facultés affaiblies, 14 % pour le trafic de drogues et 18 % pour la violence conjugale). La prévalence des expériences de victimisation est presque identique dans les deux groupes d’étudiants (12 % et 14 %).

Les vignettes et la stratégie d’analyse

Les vignettes s’inspirent d’audiences de libération conditionnelle auxquelles les auteurs de l’article ont assisté durant l’été 2005. Quatre audiences de libération conditionnelle dont deux de juridiction provinciale et deux de juridiction fédérale ont été retenues. Ces audiences concernent des délinquants condamnés à des peines d’incarcération de sévérité intermédiaire (18 mois à 4 ans) pour des délits différents. Les faits importants de ces audiences ont été transmis aux étudiants (pour un exemple, consulter l’annexe I) par voie de questionnaire auto-administré d’une durée de 45 minutes. L’audience de Thran condamné pour vol qualifié (accompagné d’un vol de voiture) a été présentée à l’ensemble des répondants. Trois audiences, celle de Costa condamné pour trafic de drogues dures, celle de Marc condamné pour conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort et celle d’Hervé condamné pour violence conjugale ont été soumises aléatoirement au tiers des répondants (principalement pour des contraintes de temps). Au total, nous analyserons 474 décisions (238 pour la cause commune et 77, 78 et 81 pour chaque cause rotative) prises par 242 répondants[5].

Chaque cause a reçu le même poids statistique de manière à ce que la cause commune (pondérée à la baisse par un facteur de 0,6) ne domine pas indûment les causes rotatives (qui elles ont été pondérées à la hausse par un facteur de 1,8). Chaque répondant devait évaluer deux causes de libération conditionnelle. Ces deux décisions ne sont pas indépendantes : elles risquent d’être plus semblables qu’elles ne le seraient si elles avaient été prises par deux répondants différents. Intégrer ces évaluations dans une même régression violerait le postulat d’indépendance des termes d’erreurs (les résidus) exigée par l’analyse conventionnelle de régression. On a donc procédé à une analyse de régression hiérarchique ou multiniveau (Hox et Kreft, 1992 ; Snijders et Bosker, 1999 ; Hox, 2002). Cette méthode a l’avantage de départager la variance attribuable aux particularités des diverses causes jugées de celle produite par les caractéristiques des sujets qui les jugent.

Les jugements d’aménagement des peines

Après la lecture du cas, les répondants devaient indiquer à quel point ils considéraient qu’une série de facteurs ou de circonstances « sont des éléments aggravants ou atténuants dans l’évaluation du cas [en vue d’une libération conditionnelle] ». Les répondants devaient utiliser une échelle de -5 à +5 (où +5 représente une circonstance aggravante extrêmement importante ; 0 une circonstance qui ne change rien à l’évaluation ; -5 une circonstance atténuante extrêmement importante). Dans cette étude, nous nous limitons à l’impact de quatre circonstances de base[6] que l’on retrouve dans chacune des audiences : présence ou absence d’antécédents (arrestations ou condamnations antérieures) ; temps déjà purgé en détention ; nature ou gravité du délit pour lequel le délinquant est actuellement incarcéré ; participation ou non à des programmes de réhabilitation ou des groupes de soutien[7]. De façon générale, les étudiants accordent beaucoup d’importance à la présence ou l’absence d’antécédents (3,9 en moyenne sur un maximum de 5) et à la gravité du crime commis (3,3), mais aussi à la participation ou non au programme (2,7). Cet ordonnancement des critères d’évaluation suit de très près celui qu’ont observé Cumberland et Zamble (1992). Finalement, la majorité des répondants sont plutôt indifférents au temps déjà purgé en milieu carcéral (1,1)[8].

Après s’être prononcés sur l’importance accordée à toutes ces circonstances, les étudiants ont dû décider s’ils accordaient ou non la libération conditionnelle à l’individu qui en faisait la demande. Cette décision a été présentée sous forme de dilemme :

Maintenant deux choix s’offrent à la Commission des libérations conditionnelles pour le cas de Costa qui est âgé de 34 ans et qui a déjà passé 8 mois derrière les barreaux.
Premier choix : autoriser sa libération conditionnelle, mais en lui imposant des conditions spéciales à respecter pendant une période de temps PLUS LONGUE, c’est-à-dire les 16 prochains mois, et en prévoyant une pénalité en cas de manquement aux conditions.
Deuxième choix : refuser sa demande et le garder en prison pendant une période de temps PLUS COURTE, c’est-à-dire les 8 prochains mois, à la suite de quoi il pourra sortir de prison, sans condition spéciale à respecter.

Puisqu’il s’agit d’une libération « conditionnelle », nous leur avons offert un menu de 20 conditions parmi lesquelles ils pouvaient en choisir un maximum de 10 (consulter l’annexe II pour le détail des conditions offertes). Les répondants qui ont opté pour la libération conditionnelle dans l’une ou l’autre des causes ont imposé près de neuf conditions en moyenne et les conditions touchaient le plus souvent à la problématique de l’individu qui peut être considérée comme un important facteur de risque de récidive (par exemple ne pas consommer s’il y a un problème d’alcool). Parmi les répondants, 53 % jugent que les conditions qu’ils ont imposées sont moins contraignantes que la détention, un quart sont d’avis qu’elles sont aussi contraignantes et un cinquième qu’elles le sont davantage. Ces conditions ont été offertes pour rendre la prise de décision plus réelle, or elles ne seront pas analysées dans le présent article parce qu’elles ne sont présentes que dans les cas d’octrois.

À la suite de la prise de décision, nous avons posé certaines questions aux étudiants pour mieux comprendre leur évaluation du cas. Comme nous tenons pour acquis que les décisions de justice se prennent dans un contexte d’incertitude, nous avons demandé aux sujets d’évaluer eux-mêmes jusqu’à quel point ils étaient certains d’avoir fait le bon choix, en leur posant la question suivante : « Sur une échelle de 0 à 100 (0 à 20 % : pas certain du tout ; 50 à 60 % : raisonnablement certain ; 70 à 80 % : fort certain ; 90 à 100 % : certain au-delà de tout doute raisonnable), jusqu’à quel point êtes-vous certains d’avoir pris la bonne décision ? » De manière générale, les répondants sont assez convaincus d’avoir pris la bonne décision : leur score moyen de certitude est de 69 % et il varie peu selon les cas (entre 67 et 71 %). Il est intéressant de noter que les étudiants de criminologie ne sont pas plus certains de leurs décisions (moyenne de 70 contre 68 % ; p = 0,072) que les autres étudiants et que le fait de refuser ou d’accepter la libération conditionnelle n’influence pas vraiment le niveau de certitude (moyenne de 71 contre 68 % ; p = 0,053).

Nous avons aussi demandé aux répondants d’évaluer le potentiel de réhabilitation des délinquants (« Sur une échelle de 0 à 100, quel est, selon vous, le potentiel de réhabilitation ou de réinsertion sociale du délinquant ? ») et leur potentiel de récidive (« Sur une échelle de 0 à 100, quels sont, selon vous, les risques de récidive de ce délinquant – que l’individu commette à nouveau un délit similaire – durant sa libération sous conditions ? »). Les participants ont jugé que les délinquants avaient en moyenne un potentiel de réhabilitation de 58 % (σ : 21 %) et un potentiel de récidive de 52 % (σ : 17). Il est évident que les potentiels de récidive ou de réhabilitation varient selon le cas qui est jugé : ils varient en moyenne de 31 à 74 % pour le risque anticipé de récidive et de 51 à 75 % pour le potentiel espéré de réhabilitation. Il se trouve que les jugements sur les potentiels de récidive et de réhabilitation varient en sens inverse, mais qu’ils ne sont pas redondants (corrélation négative de -0,7).

Nous leur avons finalement demandé jusqu’à quel point leur jugement sur le potentiel de réhabilitation avait un impact sur leur décision d’octroyer ou non la libération conditionnelle : « Quelle importance accordez-vous au potentiel de réhabilitation ? (1- Pas très important ; 2- Plutôt important ; 3- Très important) » : 57 % d’entre eux considéraient le potentiel de réhabilitation comme étant un critère décisif dans leur prise de décision (score de 3). Dans cette étude, nous nous intéressons non pas aux raisons pour lesquelles le sujet a un potentiel de réhabilitation faible ou élevé, mais à l’impact de ce jugement sur les risques assumables de récidive dans leur décision d’octroyer la libération conditionnelle.

Les jugements sur les risques de récidive criminelle

L’ensemble des étudiants interrogés estiment que le potentiel de récidive des délinquants se situe à environ 52 %. De manière générale, les risques de récidive jugés acceptables par ceux qui optent pour l’octroi de la libération conditionnelle varient de 30 à 57 % comme le démontre le tableau 1. Pour la moyenne des causes jugées, il est de 45 %. Les risques de récidive jugés inacceptables par ceux qui optent pour le refus varient de 51 à 80 %. Pour la moyenne des causes jugées, les risques de récidive qui ne sont pas assumables sont de l’ordre de 68 %, ce qui représente un écart moyen de 23 points avec le risque assumé de récidive. Cet écart demeure assez constant d’une cause à l’autre (l’écart minimal est de 21 points et l’écart maximal de 27). Compte tenu des travaux de Horney et Marshall (1995), de Mackenzie et ses collègues (1999) et de Charest (2008), les jugements des répondants sur les probabilités de récidive criminelle à qui ils consentent, néanmoins, d’accorder la libération conditionnelle, semblent réalistes.

Tableau 1

Caractéristiques et appréciations des quatre causes de libération conditionnelle

Caractéristiques et appréciations des quatre causes de libération conditionnelle

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Si l’on considère l’ensemble des causes, la distribution des jugements sur les chances de récidive criminelle durant la période de libération conditionnelle est statistiquement normale (coefficient d’asymétrie de 0,14), même si d’une cause à l’autre la distribution est tantôt asymétrique à gauche ou à droite selon le poids de la majorité et sa direction[9].

Lorsqu’on compare les causes entre elles, la gravité du délit pour lequel le détenu est condamné ne semble pas influencer particulièrement les jugements sur les risques de récidive criminelle. Dans la cause jugée la moins grave, celle de Costa (trafic d’héroïne, un facteur aggravant coté en moyenne à 2,1), le potentiel de récidive est estimé à 47 %. Dans la cause jugée la plus sérieuse, celle de Marc (où le chef de condamnation, conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, est considéré comme un facteur d’aggravation coté à 3,3), ce potentiel est évalué à 44 %. Mais ces données sont agrégées et ne permettent pas d’évaluer jusqu’à quel point l’appréciation individuelle des préjudices causés par le délinquant influence ou non l’évaluation de ses risques de récidive dans un cas donné.

Comme on pouvait s’y attendre, plus les sujets jugent que le potentiel de récidive des délinquants est élevé, plus ils seront portés à refuser de le libérer sous conditions : dans la cause de trafic d’héroïne, les gens qui ont refusé la libération conditionnelle estimaient en moyenne que Costa avait un risque de récidive de 71 % alors que ceux qui l’ont accepté ont estimé son risque à 47 %. On observe les mêmes différences dans la cause de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort (71 % contre 44 % ; p < 0,001), dans la cause de violence conjugale (80 % contre 56 % ; p < 0,001) et dans la cause de vol qualifié (80 % contre 56 % ; p < 0,001).

La grande majorité des sujets est attentive aux particularités de la cause qu’elle juge. Ce n’est pas parce qu’on évalue que le potentiel de récidive est élevé dans une cause donnée qu’on estimera élevés tous les risques de récidive des autres causes. La valeur moyenne des corrélations entre les quatre jugements de récidive est faible (r = 0,23 ; p = 0,08). Et ce n’est pas parce que les sujets ont opté pour la libération anticipée dans une cause qu’ils le feront dans les autres : 3 % des sujets ont refusé la libération conditionnelle dans les deux scénarios qu’on leur proposait, alors que 38 % ont accepté la libération dans les deux cas. La moitié des sujets a donc opté pour une décision différente dans les deux cas qu’on leur a soumis.

Pour rendre opératoire la notion de risque « assumable », nous avons procédé en deux étapes. La première étape a été d’examiner, au moyen d’une régression logistique, jusqu’à quel point le potentiel de récidive explique les décisions de libération conditionnelle[10]. La variance expliquée de ce modèle (r2 de Cox et Snell = 45 %) permet de conclure que l’estimation du risque de récidive explique ou prédit assez bien la décision d’octroi ou de refus. La deuxième étape a été de procéder à une analyse des « résidus », c’est-à-dire des erreurs de prédiction[11]. L’avantage de l’analyse résiduelle est d’identifier les sujets de l’échantillon qui sont prêts à accepter des risques de récidive criminelle plus élevés que le groupe dans son ensemble ou les sujets qui, au contraire, manifestent des réticences beaucoup plus marquées à accepter des risques que le groupe dans son ensemble trouvent raisonnables (cf. figure 1). Comme l’analyse enregistre le résidu de chaque individu pour les deux décisions qu’il a rendues, on est capable de repérer les individus « résiduels » pour qui l’évaluation du risque de récidive criminelle prédit mal leur décision de refuser ou d’accorder la libération conditionnelle.

Figure 1

Probabilité d’octroi d’une libération conditionnelle en fonction du potentiel anticipé de récidive

Probabilité d’octroi d’une libération conditionnelle en fonction du potentiel anticipé de récidive

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Plus le potentiel de récidive est jugé élevé, plus les probabilités d’une libération conditionnelle diminueront (la droite de la figure 1). En haut et à droite de la ligne de régression se trouve le groupe de sujets qui, malgré un potentiel de récidive élevé, vont néanmoins accorder au détenu leur confiance (groupe A). En bas et à gauche de la ligne de régression, on retrouve les répondants qui refuseront d’accorder une libération conditionnelle même s’ils estiment que les risques de récidive sont très faibles (groupe B). Aux abords immédiats de la droite de régression se trouvent les répondants dont les risques assumables sont proches ou voisins de la tendance centrale ou de la moyenne de l’ensemble de l’échantillon. La décision de libération conditionnelle peut être considérée comme une partie de poker de type Hold’em. La mise de départ représente la mise que le groupe dans son ensemble est prêt à risquer, c’est-à-dire le risque de récidive que le groupe dans son ensemble juge acceptable dans l’éventualité d’une libération anticipée. Certains joueurs autour de la table vont refuser la mise parce qu’ils la jugent trop élevée (le groupe B). D’autres joueurs, cependant, choisiront de relancer la mise (groupe A) parce qu’ils la jugent pas assez élevée.

Les facteurs qui influencent le pari des risques assumables

Le tableau 2 présente les résultats d’une analyse de régression hiérarchique des risques assumables (c’est-à-dire des « résidus » ou des erreurs de prédiction de l’équation de départ, cf. note 12 supra). L’objectif n’est pas d’expliquer ce qui incite les répondants à élever ou à abaisser leur appréciation des risques de récidive des détenus (A) ou d’expliquer ce qui les incite à accorder ou non une libération conditionnelle (B). Il s’agit plutôt d’analyser la relation entre ces deux termes, c’est-à-dire la manière dont l’appréciation du potentiel de récidive (A) influence la décision d’accepter la demande de libération (B)[12]. Puisque l’équation de départ qui sert à définir la variable dépendante du modèle incorpore dans celle-ci le potentiel de récidive (le terme A de la relation), il est tout à fait normal et même rassurant qu’un indicateur de récidive comme la présence ou l’absence d’antécédents de condamnation ou d’arrestation (modèle 2 du tableau 2) ne soit pas un facteur prédictif.

La stratégie d’analyse que présente le tableau 2 procède par étapes. Dans le premier modèle, nous examinons l’impact des caractéristiques personnelles des répondants (âge, sexe, affiliation scolaire, opinion sur les libérations conditionnelles, victimisation). Dans le deuxième modèle, nous introduisons l’importance que les répondants accordent aux particularités des causes jugées (antécédents du détenu, temps déjà purgé en prison, gravité du chef de condamnation et participation aux programmes de réhabilitation). Dans le troisième modèle, nous examinons comment les « informations factuelles » des causes ont été interprétées et traitées par les répondants (potentiel de réhabilitation, importance accordée à la réhabilitation, certitude d’avoir pris la bonne décision). Comme les répondants n’ont pas jugé les mêmes causes (trois causes rotatives et une cause commune), nous examinons dans le dernier modèle jusqu’à quel point nos résultats dépendent ou non des particularités propres aux causes qui leur ont été soumises. Ce dernier modèle (le modèle 4) présente un intérêt surtout méthodologique. Il nous indique qu’il n’existe aucune cause pour laquelle d’autres critères de décision que les critères spécifiés par notre modèle d’analyse auraient influencé de manière appréciable les risques de récidive que les répondants jugent acceptables[13].

Il est d’abord intéressant de noter que les caractéristiques personnelles des sujets n’ont aucune influence, à une exception près (mais de taille), sur leur penchant latent à accepter ou refuser des risques assumables de récidive criminelle plus élevés ou plus bas que leurs collègues (modèle 1 du tableau 2). Autrement dit, les hommes ne sont pas plus portés à accepter des risques assumables de récidive criminelle plus élevés que les femmes, pas plus que ne le sont les personnes plus âgées, les étudiants en criminologie ou encore ceux qui croient que le système de libération conditionnelle est trop peu sévère.

Tableau 2

Analyse de régression hiérarchique des risques assumables (N = 475 décisions, 274 répondants)

Analyse de régression hiérarchique des risques assumables (N = 475 décisions, 274 répondants)

*** < ,005 ; ** < ,01 * < ,05

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En revanche, les expériences de victimisation directe ou indirecte ont un effet appréciable : ces expériences incitent les répondants à hausser le seuil minimal des risques assumables de récidive criminelle. L’effet est robuste dans tous les modèles du tableau 2. Une précision concernant l’interprétation de ce résultat est nécessaire : celui-ci n’indique pas que les répondants qui ont connu des expériences de victimisation directe ou indirecte auront davantage tendance à surestimer les risques anticipés de récidive des détenus ou qu’ils refuseront systématiquement toute demande de libération conditionnelle. Il indique seulement que les répondants qui ont de telles expériences exigeront que les risques de récidive assumables dans l’éventualité d’une libération conditionnelle soient moins élevés que les risques jugés acceptables par ceux qui n’ont pas eu à souffrir de tels préjudices.

Dans la deuxième étape de l’analyse, nous prenons en considération l’importance que les répondants accordent à certaines circonstances entourant les causes criminelles. Seule la gravité a un effet robuste : plus le délit pour lequel le détenu a été condamné est jugé grave, plus les répondants exigent que les risques assumables de récidive criminelle soient faibles. L’effet est appréciable dans le deuxième modèle (p < 0,05) et robuste dans le troisième modèle (p < 0,01). Comme chacun des répondants n’a eu à juger que deux causes de libération conditionnelle, l’effet de la gravité du délit sur les risques assumables de récidive criminelle est probablement sous-estimé. L’impact de la gravité du crime disparaît dans le modèle 4 du tableau 2 puisque ce modèle tient constantes les particularités de chaque cause de libération conditionnelle. Or, une des caractéristiques qui définit ces particularités concerne la gravité du chef de condamnation. Les autres caractéristiques des causes n’ont pas d’effets appréciables sur les risques assumables. Si la présence d’antécédents est associée à des risques plus faibles dans le premier modèle, cet effet disparaît dès que l’on tient compte du potentiel de récidive du détenu. Si les antécédents aident les répondants à évaluer le potentiel de réhabilitation des détenus, la participation au programme ne semble pas être une variable qui a un effet important. On doit noter que le questionnaire n’offrait aucune indication sur les exigences de ces programmes ou sur la qualité de leur participation. Enfin, le temps purgé n’a pas d’influence sur les risques de récidive criminelle que les répondants sont prêts à tolérer lorsqu’ils optent pour la libération conditionnelle. Ces risques ne sont pas révisés à la baisse si le séjour en prison est bref, ou révisés à la hausse si ce séjour est prolongé.

Dans le troisième modèle, nous incorporons dans l’analyse les jugements endogènes à la détermination des risques assumables de récidive criminelle : le degré de certitude relative de leur décision et les raisons ou les motifs pour lesquels ils sont portés ou non à majorer ou à resserrer ces risques anticipés. Deux résultats méritent d’être soulignés. D’abord, plus les répondants sont « incertains » du bien-fondé de leur décision, plus ils donneront le bénéfice du doute au délinquant qu’ils évaluent et plus ils seront prêts à accepter que ces risques puissent être élevés. Il serait sans doute plus juste d’intervertir la direction de la relation causale : plus les étudiants sont portés à accepter des risques élevés de récidive criminelle, moins ils sont certains d’avoir pris la bonne décision, donc plus ils éprouvent des doutes sur le bien-fondé de leur décision. Ces doutes ne les empêchent pas, néanmoins, d’opter pour la libération conditionnelle. Le deuxième résultat est que l’importance que les répondants accordent à la réhabilitation des délinquants exerce un impact aussi puissant sur les risques de récidive qu’ils jugent acceptables que le potentiel de réhabilitation du délinquant lui-même. Autrement dit : à potentiel de réhabilitation tenu constant, les répondants qui accordent davantage d’importance à cette finalité pénale seront davantage portés à majorer les risques assumables de récidive criminelle. Alors que le potentiel de réhabilitation renvoie à un jugement sur un état de fait (juger que les chances de réinsertion sociale de tel délinquant sont relativement élevées ou plus élevées que les chances de tel autre délinquant), l’importance accordée à la réhabilitation comme finalité pénale renvoie à un espoir ou à une mission : il est important qu’on offre aux délinquants toutes les occasions de se réhabiliter le plus rapidement possible. Les adeptes de la réinsertion sociale supposent implicitement que le véritable test de la réadaptation ne peut être évalué derrière les barreaux, mais à l’extérieur des prisons.

Conclusion

Les risques effectivement assumés par les institutions correctionnelles sont toujours plus élevés que les risques connus des autorités. Les informations dont disposent les agents de libération conditionnelle se limitent aux données de récidive pénale. Ils ne sont pas calibrés par les risques effectifs de récidive criminelle. Il semble qu’il n’existe aucun effort de recherche pour apprécier ces risques effectifs et pondérer à la hausse les risques de récidive pénale. Il nous a semblé intéressant de contourner la difficulté en interrogeant une cohorte de futurs criminologues sur les risques « assumables » de récidive criminelle de ceux à qui l’on accorde la libération conditionnelle et de comprendre les facteurs qui majorent ou qui réduisent la marge acceptable de ces risques.

Nos résultats indiquent que les risques de récidive criminelle anticipée de ceux à qui l’on accorde une libération conditionnelle ne sont pas triviaux (probabilité de 30 à 50 %). Ce « pari » semble assez réaliste au regard des résultats des quelques recherches qui se sont hasardées à apprécier les risques effectifs de récidive criminelle des délinquants en probation ou en libération conditionnelle. Le réalisme des étudiants interrogés est intéressant. Ils ne s’attendent pas à ce que les délinquants qui composent la « clientèle » habituelle des prisons provinciales et fédérales cessent magiquement de commettre des délits lorsqu’ils sont libérés. La règle de décision suit une logique de prépondérance des preuves : lorsque les chances de récidive sont jugées prépondérantes (70 % ou plus), on ne prend pas le risque de libérer le détenu et lorsqu’elles sont relativement faibles (50 % ou moins), on accepte de le prendre. On objectera sans doute qu’il s’agit d’une population de jeunes adultes qui ne sont pas (encore) tenus responsables de leurs décisions (et de leurs erreurs). Il est vrai aussi que les causes présentées prennent la forme de vignettes et les décisions prises sont hypothétiques et effectuées dans le cadre d’exercices intellectuels sans conséquence. On peut supposer, ou espérer, que la bureaucratisation des prises de décision, ainsi que le recours à des grilles ou à des outils d’évaluation, diminueront la proportion d’agents « déviants » qui auraient tendance à adopter des standards de risques assumables de récidive criminelle plus élastiques ou plus stricts que leurs collègues.

L’enquête nous renseigne en partie sur les balises susceptibles d’augmenter les risques de « bavure » ou d’erreur. Le point de départ de nos analyses est que le potentiel anticipé de récidive des détenus qui soumettent une demande de libération conditionnelle augmente de manière très appréciable les chances que cette demande soit refusée. On peut donc identifier la dynamique des décisions déviantes, celles qui incitent les sujets à accepter de libérer un délinquant malgré un potentiel de récidive que la plupart des autres répondants jugent trop élevé, ou de refuser de le libérer même si la plupart des autres répondants jugent qu’il présente un potentiel de récidive faible. Le profil de la décision déviante (un pronostic excessivement prudent ou excessivement imprudent) présente les caractéristiques suivantes : le sujet (ou un membre de son entourage immédiat) a déjà été victime du délit pour lequel le détenu a été condamné ; il est porté à juger ce délit comme étant beaucoup plus grave ou beaucoup moins grave que la majorité de son groupe de référence ; il éprouve davantage de doutes sur le bien-fondé de sa décision que ses collègues et il accorde davantage d’importance au résultat souhaité (ou craint) qu’aux chances effectives que ce résultat se réalise (ou ne se réalise pas).