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Une recherche doctorale a été afin de mettre en lumière les pratiques transnationales de réfugiés colombiens établis au Québec, tel était le but de ma recherche doctorale menée entre 2002 et 2005[1]. Il était question, d’une part, d’identifier la nature et la portée des pratiques transnationales de ces derniers dans les dimensions familiale, économique et sociopolitique de leur vie ; et d’autre part, d’identifier les signes de la création ou de la non-création d’une communauté transnationale chez les ressortissants colombiens. Cet article rend compte de l’une des dimensions étudiées, soit le développement de relations familiales transnationales.

Des Colombiens sur la route

L’intérêt que présentent les réfugiés colombiens établis au Québec pour l’étude du transnationalisme ne fait guère de doute, et ce, pour plusieurs raisons. La Colombie est aujourd’hui aux prises avec une grave crise politique et sociale qui provoque le départ d’un grand nombre de ses citoyens. Selon la Consultoría para los Derechos Humanos y el Desarrollo[2], il y aurait présentement environ 10 % de la population née en Colombie vivant à l’extérieur du pays. Devant un exode aussi massif – et une sortie de la crise bien improbable à court ou à moyen terme –, les derniers gouvernements colombiens ont mis sur pied une série de mesures et de programmes ayant pour fin de maintenir la loyauté et l’attachement des émigrés envers leur pays d’origine. Le droit à la double citoyenneté inclus dans la nouvelle constitution de 1991 en est un exemple. Un tel intérêt de la part des gouvernements colombiens est compréhensible alors que l’envoi d’argent des expatriés vers leurs proches en Colombie devenait, en 2003, la première source de devises du pays, dépassant même les revenus générés par l’or noir (Guarnizo 2003).

Parallèlement à cette réalité, le Canada et le Québec poursuivent des objectifs grandissants quant à l’accueil d’immigrants. En 2005, un nombre record de nouveaux arrivants était admis au pays, soit 262 236 (dont 35 768 réfugiés) (Citoyenneté et immigration Canada 2006). Cette même année, 6 031 ressortissants colombiens s’installaient au Canada, ce qui plaçait la Colombie parmi les 15 principaux pays pour la provenance des nouveaux arrivants. Sur cette liste, seuls les États-Unis et la Colombie n’appartenaient pas aux continents asiatique et européen. Ainsi, depuis la fin des années 1990, les personnes en provenance de Colombie sont de plus en plus nombreuses à s’installer au Canada.

Pratiques et familles transnationales

Les études consultées réfèrent presque toujours à Glick Schiller, Basch et Szanton Blanc comme étant les auteures ayant appliqué pour la première fois, au début des années 1990, une définition du transnationalisme au domaine de la migration. Pour elles, la migration transnationale est un processus par lequel les migrants forgent et soutiennent, simultanément, des relations sociales multidirectionnelles qui relient la société d’origine à la société d’accueil (Glick Schiller, Basch et Szanton Blanc 1999). Donc, dans un contexte de migration transnationale, les personnes vivent à travers les frontières internationales plutôt que de se déconnecter complètement de leur communauté et de leur lieu d’origine (Besserer 1999). Cette définition s’est, avec le temps, davantage précisée et développée dans les écrits de différents auteurs. On parle notamment « d’espace social transnational » en désignant les combinaisons de liens à l’intérieur de réseaux et d’organisations ou de réseaux d’organisations qui traversent les frontières étatiques (Faist 2000). On affirme également que les actions transnationales constituent des réalités construites à l’intérieur de réseaux transnationaux formés par les personnes qui y transitent par-delà les frontières nationales (Guarnizo et Smith 1999).

Pour ce qui est de la famille transnationale comme telle, il semble difficile d’en cerner les contours. Le Gall (2005) constate que la littérature disponible ne permet pas de définir ce concept avec précision. Il n’est pas clair si la famille transnationale se définit par le nombre de ses membres vivant à l’étranger, par la fréquence des contacts entre ses membres ou par la force et l’efficacité de ses liens. Il s’avère prématuré de préciser quelles sont les familles pouvant se réclamer de cette réalité ou encore pour combien de temps ou sous quelles conditions elles peuvent se définir comme telle. Les deux seuls éléments qui font l’unanimité sur cette question dans la littérature résident dans la nécessité d’observer une dispersion géographique entre plusieurs territoires nationaux ainsi que le maintien de contacts étroits entre certains membres d’une même famille sur deux ou plusieurs territoires.

Il semble que la réalité des pratiques transnationales familiales, jusqu’à présent, ait fait l’objet de beaucoup moins d’études que les dimensions politiques et économiques du phénomène. Pour cette raison, peu de connaissances ont été systématisées en ce qui concerne les incidences du processus transnational sur la dynamique et les interactions au sein des familles migrantes. Il a cependant été observé que les séparations des membres d’une famille entre plusieurs lieux géographiques pouvaient parfois devenir des outils positifs dans la recherche d’une bonne cohésion familiale. Ainsi, « [s]elon leurs besoins spécifiques, ils [les immigrants] poursuivent activement, négligent passivement des liens du sang, ou inventent des liens de parenté [...] liens [qui] sont mobilisés en fonction des circonstances et étapes du cycle de vie » (Le Gall 2005 : 36).

Afin de s’approcher d’une définition plus précise du phénomène et d’en faciliter l’étude, Le Gall propose notamment l’utilisation des concepts de parentalité transnationale (entre les parents et leurs enfants) et de parenté transnationale (entre les membres d’une même famille, incluant les oncles, les tantes, les grands-parents, les frères et soeurs, les cousins et cousines). Quoiqu’il en soit, il faut garder à l’esprit que la conceptualisation d’un tel phénomène n’est pas chose facile, alors que, d’une part, dans un ensemble familial large, les parents ou grands-parents des uns sont les fils, les frères ou les cousins des autres et que, d’autre part, la signification de ce que sont un noyau familial et une famille élargie varie considérablement d’une famille et d’une culture à l’autre.

Études du transnationalisme au Canada

L’étude du transnationalisme au Canada n’a pas atteint le niveau de popularité qu’elle connaît aux États-Unis et en Europe. La littérature disponible présente tout de même une certaine richesse et plusieurs groupes y ont fait l’objet de recherches dans une perspective transnationale.

Les Birmans qui résident au Canada ont montré qu’ils maintiennent de forts liens avec les Birmans à l’extérieur du pays. Pour les chercheurs, la situation précaire dans laquelle vivent les personnes déplacées à l’intérieur de la Birmanie ainsi que les réfugiés birmans en Thaïlande mène à la création de réseaux de solidarité entre les Birmans vivant à l’étranger et les Birmans vivant dans le pays d’origine ou encore se trouvant réfugiés dans les pays voisins (Hyndman et Walton-Roberts 1998).

La réalité des Haïtiens vivant au Canada permet quant à elle d’observer l’importance fondamentale des politiques gouvernementales de la société d’accueil dans la structuration de la communauté immigrante et de ses pratiques transnationales. Cette importance est rendue visible notamment par la différence de traitement et de politiques d’accueil accordés par les États-Unis et le Canada à l’égard de cette population. L’ouverture observée au Québec envers cette population faciliterait la mobilisation de la frange intellectuelle à l’intérieur de la population haïtienne exilée dans la province, chose inexistante aux États-Unis. L’importance des pratiques transnationales exercées par les Haïtiens au Québec, et en particulier le volume qu’a atteint l’envoi d’argent à Haïti, permet de visualiser un processus de redéfinition de la relation entre citoyenneté et nationalité (Labelle et Midy 1999).

Les lois qui régulent les migrations peuvent elles aussi orienter les phénomènes transnationaux. En effet, le transnationalisme peut devenir une stratégie économique et ethnique qui met en relation deux pays et qui est rendue possible grâce à la loi d’immigration qui sélectionne ces immigrants en fonction de son pouvoir d’investissement au Canada. Ainsi, le programme de sélection des immigrants investisseurs (qui doivent investir 400 000 dollars dans l’économie canadienne) est une façon directe de favoriser l’accumulation de capitaux transnationaux par le moyen des migrations. Pour Wong et Ng (2002), l’aspect distinctif des entrepreneurs transnationaux est que, en étant à la fois dans deux sociétés, ils trouvent très difficile de s’identifier et de s’engager dans chacune d’elles.

Aussi, l’exemple de la mobilisation politique des Grecs au Canada contre la création d’un État de Macédoine démontre comment la politique canadienne de multiculturalisme est interprétée par ceux-ci comme le droit, en tant que citoyens canadiens, non seulement d’améliorer leurs droits dans le pays d’accueil, mais aussi d’influencer la politique extérieure du pays d’accueil à l’endroit du pays d’origine (Panagakos 1998).

Dans le cas des Cambodgiens étudiés par McLellan (2004), les liens entre membres d’une famille et entre amis, ainsi que des liens de nature religieuse sont les seuls liens transnationaux ayant été jugés significatifs. Les activités reliées à des organisations à caractère transnational sont en réalité très rares dans cette population. Dans ce groupe, les liens transnationaux les plus forts se maintiennent avec la deuxième génération, particulièrement en ce qui concerne les pratiques maritales dans le groupe. Pour les auteurs de cette étude, le fait de maintenir des liens religieux et affectifs avec d’autres Cambodgiens dans le pays d’origine a un effet positif sur la transition, l’adaptation et l’intégration vécus par les immigrants au Canada.

Les Ghanéens qui vivent dans la région de Toronto démontrent que les raisons qui ont motivé leur migration et leur désir de retourner vivre au Ghana à moyen terme et d’y être propriétaire d’une maison influencent grandement le fait de ne pas vouloir acquérir une maison au Canada. Les ressortissants ghanéens préfèreraient limiter les liens contraignants et garder une certaine flexibilité et une liberté de mouvement afin de faciliter leurs déplacements et un éventuel retour au pays. De la même façon, leurs projets à long terme les portent à conserver un engagement plus actif envers leur pays d’origine (Owusu 1998).

Les femmes ghanéennes étudiées dans cette même ville laissent entendre que le manque de possibilités économiques et la précarité matérielle dans laquelle elles vivent les poussent à maintenir des liens étroits avec la communauté d’origine (Wong 2000). De plus, le travail que réalisent ces femmes et l’argent qu’elles gagnent sont essentiels au développement de leur famille tant au Canada qu’au Ghana, raisons pour lesquelles elles continuent de jouer un rôle dans la vie de leur parenté dans le pays d’origine. Ainsi, le fait d’avoir encore des enfants dans le pays d’origine influence beaucoup le développement de pratiques transnationales chez les femmes ghanéennes au Canada.

La recherche de Spitzer et al. (2003) avec des femmes sud-asiatiques et chinoises conclut que les rôles attribués aux femmes mères de famille – veiller sur la santé, sur l’alimentation et sur le bien-être général des jeunes et des personnes âgées – ne se modifient pas dans un contexte de vie en communauté transnationale dans le pays d’accueil. Dans ce groupe, les femmes responsables des soins à la famille ont peu de possibilités et ne manifestent que peu d’intérêt pour une remise en question de la division sexuelle du travail domestique. De plus, l’exécution des tâches domestiques à l’extérieur du pays d’origine se fait avec une plus grande difficulté en raison de la nécessité de travailler à l’extérieur du domicile et de la perte du réseau d’aide étendu dont elles disposaient dans leur pays d’origine. Spitzer et ses collègues concluent même que cette réalité confirme l’observation selon laquelle l’identité et la structure de genre sont plus fortes encore que l’idée de classe sociale dans la définition du fonctionnement familial et communautaire.

La côte ouest canadienne est marquée par la venue de nombreux immigrants de Hong Kong et de Taiwan, en grande partie des investisseurs. En raison de leur mode d’immigration et de leurs allées et venues très fréquentes entre le Canada et leur pays d’origine, on les a désignés comme étant des « familles astronautes », la figure la plus intégrée d’un mode de vie transnational. On a également affirmé que leur intérêt envers l’obtention de la citoyenneté canadienne était purement instrumental, qu’elle serait essentiellement une sécurité devant l’éventualité de problèmes politiques dans leur pays d’origine.

L’étude de Waters (2003) montre de quelle façon la trajectoire de l’élite chinoise qui immigre au Canada et retourne vivre en Chine, de façon permanente ou temporaire, n’est pas le symptôme d’un échec économique au Canada mais bien plutôt une stratégie de vie calculée et établie avant même la migration. Cependant, l’auteur affirme que les enfants de ces familles montrent de forts signes d’intégration à la société canadienne, ce qui viendrait infirmer, en quelque sorte, le caractère soi-disant purement instrumental de l’acquisition de la citoyenneté canadienne par ces « familles astronautes ».

Une étude portant sur des Croates et des Tamouls a permis de montrer jusqu’à quel point les différences peuvent être importantes à l’intérieur de chaque groupe d’origine, entre autres, selon la période d’arrivée, selon les conditions dans lesquelles s’est produite la sortie du pays et selon le degré d’identification ethno-nationale des individus (Wayland 2003). Ces conclusions inviteraient à une certaine prudence au moment de catégoriser systématiquement les immigrants par pays ou région d’origine.

La politique canadienne de multiculturalisme définit les communautés diasporiques installées au Canada sur une base nationale ou de citoyenneté antérieure et non pas en fonction de sous-groupes nationaux, d’ethnies ou de religions. Cette façon de différencier lesdites communautés culturelles induit le risque de sous-évaluer d’autres éléments importants et significatifs chez les immigrants de différents pays, comme c’est le cas pour les Éthiopiens notamment (Gibb 1998). L’étude réalisée auprès d’un groupe de Hararis à Toronto, une diaspora née de l’élite musulmane de la ville de Harar, à l’est de l’Éthiopie, révèle effectivement les pièges que peut cacher la catégorisation des groupes selon la nation d’origine. En réalité, plutôt que de s’identifier à d’autres immigrants ou réfugiés éthiopiens et de développer au Canada des liens significatifs avec eux, les Hararis optent pour se rapprocher et s’identifier à la population musulmane du Canada. L’élément déterminant de l’identité des Hararis n’est donc pas relié comme tel au pays d’origine, mais bien davantage à la foi islamique. Cette réalité s’explique en bonne partie par les tensions politiques, économiques et historiques entre les musulmans et les chrétiens de ce pays, tensions qui se poursuivent en exil. Ainsi, selon Gibb (1998), classifier les Hararis sur la base de leur origine nationale en tant qu’Éthiopiens ne traduit pas la réalité observée sur le terrain, où la religion partagée est la clé et, surtout, où l’identité nationale partagée évoque plutôt le souvenir d’une persécution historique.

Les Ukrainiens illustrent une autre facette de la complexité que représente le fait d’identifier les individus sur la base de leur origine nationale, qu’il s’agisse d’une identification imposée de l’extérieur ou encore d’une auto-identification de la part des individus eux-mêmes (Shostak 2003). Le cas des Ukrainiens permet de faire ressortir certaines différences qui peuvent apparaître entre les générations d’immigrants arrivés au Canada depuis 1890. Il semble en effet que le bagage politique et culturel de ces différentes générations suppose des façons différentes de vivre et de concevoir leur identité ukrainienne.

D’autres facteurs compliquent la consolidation d’une identité unitaire chez les Ukrainiens de l’Ouest canadien. Il s’agit, d’une part, de l’absence, jusqu’au début des années 1990, d’un État ukrainien légalement constitué et, d’autre part, de la diversité des pays de provenance des Ukrainiens qui sont arrivés au Canada et qui ne partagent pas, par conséquent, le même bagage politique, économique et culturel (Shostak 2003).

Pratiques transnationales chez les émigrés colombiens

Peu de recherches dans une perspective transnationale ont été réalisées jusqu’à présent auprès d’immigrants ou de réfugiés colombiens. Cependant, celles répertoriées, toutes réalisées aux États-Unis, sont d’un grand intérêt. Selon Guarnizo, Sanchez et Roach (1999), la société colombienne, depuis le début des années 1990, est devenue l’une des sociétés les plus transnationales qui soit. Selon Guarnizo (2003), l’émigration massive de Colombiens, surtout ces dernières années, aurait transformé la Colombie en une formation sociale transnationale, ce qui signifie que tant la société civile que l’exercice du pouvoir par l’État traverseraient aujourd’hui les frontières de cette nation.

Or, malgré les mesures existantes faisant la promotion de liens et de relations entre les expatriés et la Colombie, les migrants colombiens installés aux États-Unis ont en réalité montré des pratiques transnationales très limitées, généralement beaucoup plus limitées que celles observées dans la plupart des autres groupes étudiés. Pour ce qui est des connexions économiques transnationales, elles semblent se limiter à l’envoi de petites quantités d’argent aux proches et à l’investissement dans de petites entreprises de commerce informel (Guarnizo, Sánchez et Roach 1999). Les Colombiens aux États-Unis seraient également moins engagés dans des pratiques politiques et socioculturelles transnationales que les ressortissants salvadoriens et dominicains (Portes 2003).

Le droit à la double citoyenneté aurait quant à lui un effet palpable (Escobar 2005). Le nombre de Colombiens à réclamer la citoyenneté étasunienne aurait grimpé en flèche depuis 1991, date de l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution incluant le droit à la double citoyenneté. La décision d’adopter la citoyenneté étasunienne reposerait souvent sur le désir de faire venir des membres de la famille de Colombie ou encore sur celui de passer plus de temps dans leur pays d’origine. L’adoption de la citoyenneté étasunienne ne correspondrait donc pas à un détachement face au pays d’origine, bien au contraire.

Au sein de la population colombienne aux États-Unis, des champs d’actions transnationales ont pu être observés, mais pas la création d’une communauté transnationale en soi. La confiance qui peut s’établir entre les individus d’un groupe pour construire un capital social serait cruciale. Chez les Colombiens étudiés par Soto (2005), la confiance s’est trouvée affaiblie pour trois raisons. Premièrement, on retrouve la mauvaise réputation imputée à l’ensemble du groupe à la suite de certains cas de criminalité chez des ressortissants colombiens. Deuxièmement, la situation de clandestinité dans laquelle se trouvent un grand nombre de Colombiens aux États-Unis les maintient dans un état psychologique marqué par la peur d’être identifiés, dénoncés et déportés. Troisièmement, le nombre chaque jour croissant de Colombiens qui entrent sur le marché du travail, légal ou illégal, crée un climat de compétition entre compatriotes et alimente les sentiments d’égoïsme et d’individualisme.

Ainsi, selon Guarnizo, « on peut dire, sans crainte d’exagération, que compte tenu de son volume et de sa diversité sociodémographique et régionale, la population colombienne résidant à l’extérieur du pays est un portrait fidèle du pays territorial, tant du point de vue de sa complexité sociale, politique que militaire » (Guarnizo 2003 : 22, ma traduction).

La démarche de recherche

Entre décembre 2002 et décembre 2005, 42 personnes réfugiées (23 hommes et 19 femmes) ont été rencontrées individuellement dans les villes de Montréal et ses environs (22), Québec (12), Sherbrooke (5) et Trois-Rivières (3). La vaste majorité d’entre elles, soit 31, étaient arrivées au Canada dotées d’un statut de réfugié obtenu à Bogota alors que les 11 autres étaient arrivées en tant que revendicatrices du statut de réfugié et avaient obtenu sur place le droit de s’établir au Canada. Elles provenaient de 13 départements différents de Colombie et étaient toutes au Canada depuis moins de 5 ans.

Ces personnes ont été identifiées et contactées à partir d’une dizaine de contacts initiaux établis par la fréquentation d’organismes ou d’événements s’adressant de près aux personnes colombiennes. La méthode « boule de neige » a permis de compléter l’échantillon. Trois individus non-Colombiens ont également été interviewés pour leurs connaissances et leur implication directe auprès de la population colombienne au Québec. De plus, à l’hiver 2003, 23 autres personnes ont été rencontrées en entrevues en Colombie. Parmi celles-ci, 19 appartenaient à six familles différentes de réfugiés rencontrés au Québec. Les quatre autres étaient des représentants d’organismes travaillant dans le domaine des droits humains et des personnes menacées en Colombie. Ces personnes ont été rencontrées dans trois villes, soit Bogota, Medellin et Cartagena.

Parmi les réfugiés rencontrés au Québec, 27 détenaient un diplôme universitaire (ou avaient presque complété des études universitaires avant leur départ) dans des domaines comme le droit, l’administration, la dentisterie, le journalisme, la médecine, l’ingénierie, la philosophie, la sociologie, l’architecture et la pédagogie. Sur un autre plan, 26 de ces personnes étaient mariées ou vivaient en couple, 16 étaient célibataires (dont 6 ayant vécu un divorce depuis leur arrivée) et 7 personnes n’avaient pas d’enfants.

Les témoignages ont été recueillis en espagnol (sans recours à un interprète) par le biais d’entrevues semi-dirigées. Ces entrevues ont duré de 45 minutes à 3 heures et se sont réalisées à un endroit déterminé par les participants, le plus souvent à leur domicile. Elles ont toutes été enregistrées, retranscrites intégralement et traitées sous le couvert de l’anonymat.

Transnationalisation des relations familiales

Dans l’ensemble de la recherche réalisée, où les dimensions familiales, économiques et sociopolitiques étaient étudiées, la dimension familiale s’est avérée être de loin la plus riche en contacts et relations transnationales. Dans la section qui suit, où il sera question des résultats obtenus, deux aspects seront abordés. La fréquence et la direction des relations établies ainsi que les facteurs qui limitent les possibilités de communication entre les membres de la parenté seront d’abord traités. Il sera ensuite question de l’évolution des relations familiales dans ce contexte d’éloignement géographique.

Fréquence et intensité des relations établies

La grande majorité des participants à l’étude conserve et nourrit des liens importants avec les membres de la parenté demeurés en Colombie. Presque tous les réfugiés rencontrés (37/42) ont clairement exprimé maintenir une communication allant de occasionnelle à soutenue avec les membres de leur famille restés en Colombie. Chez 16 des 42 répondants, il se développe une communication très soutenue entre les membres de la famille établis au Québec et ceux restés en Colombie, le plus souvent lorsqu’il s’agit des parents, des enfants ou du conjoint. Une communication soutenue désigne ici des contacts téléphoniques ou par Internet établis sur une base allant de quotidienne à hebdomadaire. Parmi ces personnes qui développent une communication soutenue se trouvent notamment presque toutes celles arrivées au Canada comme revendicatrices du statut de réfugié et ayant le plus souvent laissé au pays les membres de leur noyau familial. Ces personnes semblaient effectivement souffir le plus fortement d’angoisse face à l’absence des proches.

L’exemple d’un homme ayant fui la Colombie seul, trois ans auparavant, laissant derrière lui sa conjointe et son enfant à naître ainsi que sa mère et d’autres parents illustre bien ce type de situation. Il affirme communiquer quotidiennement avec sa conjointe et hebdomadairement avec sa mère. Il reçoit régulièrement des appels d’autres parents établis aux États-Unis ou restés en Colombie. Lors d’une visite de trois heures réalisée par la chercheure à la résidence de cet homme, il y a eu un appel de la part de la conjointe ainsi qu’un autre en provenance d’une tante établie aux États-Unis. Aussi, un ordinateur demeurait ouvert en permanence et des messages d’amis et de connaissances vivant en Colombie y arrivaient constamment. Le quotidien de cette personne est donc fortement marqué par les relations familiales transnationales.

Une autre famille, celle d’un jeune homme ayant lui aussi fui la Colombie, il y a plus de deux ans, en laissant derrière lui sa conjointe et ses deux enfants (en plus d’une famille élargie très nombreuse) vient illustrer de façon troublante cette réalité. L’intensité de la communication et du vécu à distance de cette famille mérite de s’y arrêter. La communication établie au sein de ce couple depuis la séparation forcée semble vitale pour l’un comme pour l’autre. Ils ont su utiliser différents moyens de communication afin de consolider leur relation à travers la distance. Les propos du jeune homme sont éloquents :

Parfois je ne travaillais que pour ça, pour payer les appels téléphoniques. Parce qu’il m’était impossible de passer deux, trois ou quatre jours sans leur parler. Je ne suis pas capable, je sens que l’air me manque. Et quand je téléphone, je sens que je recommence à respirer.

A., homme ayant laissé sa famille en Colombie

Si pour certaines personnes revendicatrices du statut de réfugié, comme celles dont il vient d’être question, les premiers temps en exil font place à une communication très fréquente avec les proches au pays, pour d’autres, les difficultés économiques caractéristiques de ces premiers temps sont telles qu’il devient impossible de soutenir une communication aussi fréquente. Un père de famille divorcé affirme :

Avec mon fils, [je communique] toutes les deux ou trois semaines et avec ma mère la même chose. À mon arrivée, c’était chaque mois, parce que je n’avais pas les ressources économiques pour appeler plus souvent. Depuis que je travaille, j’achète des cartes téléphoniques et c’est plus facile.

B., père de famille divorcé

Parmi les personnes qui communiquent de façon soutenue avec des proches en Colombie, se trouvent également des personnes qui le font non pas seulement avec leur noyau immédiat mais bien avec des membres de la famille plus élargie. Certaines le font du fait de la pression exercée par la famille au pays. C’est le cas d’une dame divorcée au Canada :

Nous, obligatoirement, nous devons communiquer avec elle [mère] tous les dimanches. Si je ne lui téléphone pas, elle tombe malade. Alors ma soeur me téléphone pour me dire de l’appeler parce qu’elle en est malade. C’est une pression très forte.

C., femme divorcée

D’autres le font sans pression apparente. C’est le cas notamment pour une femme mariée sans enfant et pour qui les contacts avec la famille élargie font partie de la dynamique quotidienne, ou presque :

À mon arrivée, nous parlions par Internet tous les matins, par la suite au moins trois fois par semaine, par Messenger.

D., femme mariée sans enfant

Pour la moitié des personnes rencontrées, soit 21 sur 42, il se développe également une communication entre la parenté établie au Québec et celle établie en Colombie, mais sur une base plus occasionnelle, occasionnelle signifiant ici des contacts établis moins d’une fois par semaine et plus d’une fois par an. Leur vie quotidienne est donc moins marquée par des contacts familiaux transnationaux. Ces personnes prennent l’habitude de téléphoner lorsque se présentent des occasions spéciales comme l’anniversaire de quelqu’un, la fête de Noël ou encore la maladie d’un parent. Le témoignage d’un jeune homme établi au Québec avec sa famille illustre ces cas. Il met également en lumière la diversité d’expériences selon les relations avec les différents membres de la famille. Alors qu’il entretient des liens sporadiques mais stables avec certains de ses frères et soeurs, ses liens avec son père demeurent très rares, comme ils l’étaient d’ailleurs en Colombie :

Je téléphone lorsque c’est la fête de mon frère, je le salue, j’appelle lorsqu’il y a des fêtes comme Noël, le jour de l’An. (...) Mais avec mon père, non, j’ai parlé une seule fois depuis mon arrivée ici. Il n’est pas très porté à parler, ni avant ni maintenant.

E., jeune homme établi avec sa famille

Il est intéressant de noter que la communication avec la parenté en Colombie devient souvent source de tensions au sein des couples où l’un sent le besoin de téléphoner ou de communiquer fréquemment en Colombie, et d’y consacrer par conséquent plus d’argent, alors que l’autre n’en ressent qu’un besoin occasionnel.

Lui [le mari], il vit à l’affût de la Colombie, de la maman, de la soeur, de tout le monde. Il crée beaucoup de dépendance de sa famille à son égard. Il appelle constamment. Moi, ça me préoccupe parce que les appels sont coûteux puis il parle longtemps. Pour moi l’important est ailleurs.

F., femme établie avec sa famille

Finalement, parmi toutes les personnes rencontrées, une seule a affirmé ne communiquer que très rarement avec des proches en Colombie. La raison invoquée semblait avoir trait à son aversion particulièrement forte envers les moyens de communication que sont le téléphone et les médias électroniques.

Direction des relations établies

Dans la vaste majorité des cas, la communication établie entre la Colombie et le Québec est initiée par les personnes installées au Québec. Les raisons économiques sont le plus souvent invoquées pour expliquer cette réalité, les coûts d’appel étant plus abordables et les ressources économiques également plus accessibles au Canada. Par ailleurs, dans certains cas – huit dans le cadre de cette étude – c’est plutôt les gens en Colombie qui établissent les contacts avec ceux en exil. Il s’agit souvent de familles possédant des ressources économiques plus importantes et qui accordent une grande importance au fait de communiquer avec leurs proches au Québec. Pour une jeune femme bientôt maman, la communication avec l’ensemble de la famille est importante :

Je sais que si j’ai besoin de quelque chose je peux compter sur eux. Maintenant que je suis enceinte, si je sens quelque chose, j’envoie un message et ma soeur me téléphone tout de suite. Ou, sinon, ils me téléphonent la fin de semaine ou un autre jour de la semaine. Avec tout le monde nous parlons de tout. Ma soeur m’appelle, puis elle appelle mon autre soeur et mes parents et leur raconte les choses. Nous sommes au courant de ce qui se passe dans la famille.

G., femme, future maman

Parmi tous les propos recueillis, le facteur limitatif face à la communication transnationale le plus souvent invoqué est sans contredit le facteur financier. Les difficultés économiques des personnes installées au Québec limitent donc souvent les possibilités de communiquer avec leurs proches. Mais il s’agit aussi parfois des limites économiques des personnes en Colombie qui les empêchent de consulter plus souvent Internet. Un autre facteur a été mentionné, quoique beaucoup moins fréquemment, celui d’un sentiment d’insécurité toujours présent lors des communications téléphoniques avec les membres de la famille toujours en Colombie dans un contexte où des conversations pourraient être interceptées par des personnes ou instances mal intentionnées.

Évolution des relations familiales

À l’observation de l’intensité des relations établies après l’exil de certains membres des familles, il est apparu opportun de s’attarder à l’évolution de la dynamique familiale de ces familles et à l’appréciation qu’ont les personnes concernées de cette nouvelle dynamique. À l’étude des cas documentés, une grande diversité d’expériences est apparue. Dans plusieurs familles, il s’est produit une amélioration dans la qualité des relations entre ses membres, que ce soit entre les personnes restées en Colombie, entre les personnes restées en Colombie et celles établies au Québec ou encore entre les personnes établies au Québec seulement. Dans d’autres familles, manifestement moins nombreuses, au contraire, c’est une détérioration des relations entre les membres qui a plutôt été observée.

Rapprochement familial

Une seule famille rencontrée a mentionné que le départ en exil de certains de ses membres avait occasionné un rapprochement entre les personnes restées en Colombie. Une femme de cette famille rencontrée en Colombie affirmait que le fait de constituer maintenant un groupe plus petit avait pour effet de resserrer les liens et d’augmenter le sentiment de solidarité entre eux.

Il a été très fréquent, par contre, d’entendre dire qu’un rapprochement s’était produit entre les membres de la famille partis en exil et ceux restés en Colombie. En effet, des individus de plusieurs familles différentes ont affirmé considérer que la qualité des relations intrafamiliales s’est, soit maintenue comme elle était avant l’exil, soit améliorée suite à cette expérience. Pour certaines personnes, le fait de recourir à de nouveaux moyens de communication pour s’exprimer a permis d’alimenter des sentiments d’amour et d’affection entre les personnes. Un homme en Colombie, et dont le frère est réfugié au Québec, affirmait la chose suivante :

Je remarque, avec le temps, que ce fut très riche de parler avec lui et je crois que c’est la période où nous nous sommes le plus rapprochés [depuis le départ au Canada]. La façon de s’exprimer par Internet ou par écrit permet de dire à l’autre combien il nous manque et combien on l’aime. Il y a un rapprochement dans la distance.

H., homme resté en Colombie, dont le frère est au Québec

Un autre homme réfugié au Québec formulait des propos semblables au sujet de sa relation avec sa conjointe toujours en Colombie :

Il me semble que notre relation est à son meilleur. Elle est très forte, il y a beaucoup de compréhension, beaucoup d’écoute. Il me semble que notre relation s’est beaucoup améliorée.

I., homme établi au Québec sans sa conjointe

Pour d’autres, le fait d’avoir vécu, avant l’exil, dans une situation de persécution telle que les relations intrafamiliales étaient impossibles (pour des personnes qui vivaient cachées la majeure partie du temps), le fait de se trouver en exil, à l’abri de la persécution, permet de retisser, à partir du Québec, des liens impossibles à entretenir en Colombie.

Finalement, un rapprochement entre les personnes établies au Québec a été mentionné chez certaines familles. Parfois, l’amélioration des relations est directement attribuée à la distance géographique établie par l’exil entre les personnes restées en Colombie et celles installées au Québec. Les membres d’un couple ont effectivement parlé des bienfaits ressentis au sein de leur noyau familial, une fois l’ingérence quotidienne de la famille élargie dans leur vie terminée. Parfois, c’est l’arrivée en exil d’un pilier de la famille élargie qui donne un nouveau souffle aux membres de la famille établis au Québec.

Détérioration des relations

Une détérioration de la qualité des relations intrafamiliales, que ce soit au sein de la parenté en Colombie ou entre les personnes installées en Colombie et celles au Québec, a été décrite par certains participants.

En réalité, peu de familles ont déclaré avoir senti une détérioration des relations entre les membres restés en Colombie à la suite du départ de certains de leurs membres. Dans les quelques cas où ce constat a été clairement mentionné, la nette détérioration de la qualité des liens entre les personnes restées en Colombie était explicable par la persécution dont la famille était toujours victime, par la quasi-impossibilité de communiquer entre ces personnes et par les tensions que créent la persécution entre les personnes affectées.

Les membres de trois familles seulement ont mentionné ressentir une détérioration de la qualité des relations entre les personnes restées en Colombie et celles parties au Québec. Parmi celles-ci, une famille illustre particulièrement bien cette dynamique. Pour elle, les moyens de communication disponibles et la fréquence limitée des contacts ne réussissent pas à maintenir une relation satisfaisante et, même, occasionnent une détérioration de ces relations. Il s’agit d’un couple de professionnels établis au Québec avec leurs deux enfants adultes. Les trois membres de leur famille rencontrés ont exprimé le même constat, un constat qui met notamment en doute la sincérité des échanges possibles à travers la distance :

Je pense qu’une distance s’est établie parce que nous n’avons plus la facilité de communiquer ni de parler, rien. Ma mère, je lui téléphone chaque mois ou presque et elle raconte ce qu’elle arrive à me raconter en peu de temps. Mais ce sont souvent des mensonges de toute façon. Je ne crois pas ce qu’elle me dit sur sa santé, je ne le crois pas.

M. et Mme J., établis avec leurs deux enfants

Conclusion

L’analyse réalisée nous a permis d’observer qu’une majorité des réfugiés rencontrés considère le bien-être de leur famille, nucléaire ou élargie, comme la priorité dans leur vie. La majorité des participants a d’ailleurs affirmé connaître des relations familiales étroites et jugées satisfaisantes avec la famille demeurée en Colombie, relation souvent marquée par la solidarité affective et économique. Par ailleurs, le départ en exil de certains membres de la famille ne représente pas toujours une première rupture ou une fragmentation géographique de ces familles.

Les témoignages ont permis d’observer qu’une première coupure avec cette dynamique caractérisée par la proximité et l’intensité des liens intrafamiliaux en Colombie s’est souvent produite avant même le départ en exil. De telles coupures sont généralement occasionnées par la persécution dirigée à l’endroit d’un ou de plusieurs membres des familles. En effet, les mois ou les années précédant le départ pour le Canada des réfugiés rencontrés sont souvent caractérisés par le déplacement forcé, à l’intérieur du pays, des personnes victimes de persécution, par la perturbation profonde de la vie familiale et par une coupure ou une diminution marquée des contacts familiaux.

Les relations établies entre les familles dans les deux pays représentent donc souvent un rétablissement des liens dans un contexte où les stratégies de survivance face à la persécution rendaient de tels contacts impossibles en Colombie. De plus, pour bon nombre de personnes, l’expérience de communication à distance permet, non pas une détérioration de la qualité des relations intrafamiliales, mais, bien au contraire, une amélioration de la qualité ressentie de ces relations. Même des personnes ayant exprimé une grande douleur reliée à la séparation physique de leurs êtres chers ont présenté une appréciation très positive de la qualité des relations établies avec eux, allant même jusqu’à se dire satisfaites des bienfaits ressentis à travers cette communication à distance.

En réalité, très peu de personnes ont affirmé ressentir un éloignement affectif entre les personnes établies au Québec et celles restées en Colombie. Ainsi, les relations transnationales établies à l’intérieur d’un groupe familial peuvent contribuer à améliorer la qualité de la dynamique globale de celui-ci.

Cette situation contraste cependant avec la réalité, moins fréquente, des personnes qui apprécient, en exil, la distance physique établie avec leurs proches et la diminution de la communication avec eux. C’est notamment le cas chez certaines personnes qui considéraient trop absorbantes et contraignantes les relations familiales en Colombie et qui jouissent d’une liberté accrue en leur absence. Pour elles, la communication se poursuit également entre le Québec et la Colombie, mais avec une fréquence moindre et à un rythme contrôlé par les résidents du Québec.

Une fois les familles installées au Québec, la communication avec les membres de la famille restés en Colombie semble donc très importante pour la majorité des interlocuteurs. La famille, nucléaire ou élargie, devient l’élément d’attraction le plus fort et le plus fréquemment invoqué par les participants pour le maintien de liens avec la Colombie. C’est donc dire que pour la majorité des interlocuteurs, les contacts avec la famille à travers les frontières représentent la principale connexion qu’ils souhaitent maintenir.

Cette analyse nous amène à poser la question à savoir si, pour une proportion importante des réfugiés rencontrés, l’attachement à l’égard de leur pays d’origine ne serait pas en réalité un attachement résolument tourné vers la famille et non pas vers la Colombie en tant que pays avec ses modes de vie, ses cultures, son histoire, son territoire et ses autres caractéristiques.