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La direction de la revue dédie ce numéro à Charles-Antoine, qui aura 20 ans l’année où la revue fêtera ses 40 ans et qui, pour des raisons manifestes, n’a pu être présent sur la photo. Quoique…

Après la publication du présent numéro, Cinémas entamera sa vingtième année d’existence. Nous sommes heureux d’offrir à nos lecteurs, au seuil de nos 20 ans, un numéro fort spécial, qui se démarque de notre production courante, ne serait-ce que sur un plan quantitatif : aucun autre numéro de la revue, même double, n’avait encore été aussi volumineux.

Sur le plan qualitatif, la « valeur ajoutée » de la présente livraison n’est pas négligeable non plus. Il s’agit d’un numéro qui avait des ambitions et qui est parvenu à les réaliser : jeter un éclairage neuf sur ce « continent perdu » de la recherche et de la réflexion sur le cinéma qu’est la filmologie, qui, malgré certaines de ses apories et insuffisances, reste et restera toujours, en quelque sorte, un monument de l’histoire de la pensée cinématographique. Un monument qui n’aura cependant pas attendu les outrages du temps pour s’effriter, et qui a, après une quinzaine d’années d’existence, quasiment été englouti, pour disparaître de la surface du monde… sans que l’on sache trop pourquoi… Maintenant, grâce à ce numéro de la revue, on saura ! En effet, ce que les auteurs du présent numéro, qui ont travaillé sous la conduite de François Albera et de Martin Lefebvre, portent à notre connaissance, c’est non seulement une mise au point fort attendue sur les tenants et les aboutissants de la filmologie, mais aussi une série de révélations sur sa grandeur et sa décadence. Ce numéro fourmille de renseignements inédits, tant et si bien qu’il aurait pu s’intituler « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la filmologie sans jamais oser le demander… » ! On y apprend entre autres que la Sorbonne — recteur compris — n’est pas le seul « appareil d’État » (merci Althusser) à s’être intéressé à la res filmologica, puisque celle-ci est rapidement devenue un objet digne d’intérêt non seulement pour les différents « appareils idéologiques d’État » que sont les ministères et la religion — le pape Pie XII compris, si ! si ! —, mais aussi pour ces « appareils répressifs d’État » que sont l’armée — services secrets compris — et le gouvernement — le président Pompidou compris, si ! si !

On y apprend aussi que l’« aventure filmologique » a représenté un pôle d’attraction hors du commun puisqu’elle a su s’associer quantité de chercheurs déjà célèbres, ou qui allaient bientôt le devenir, comme Gaston Bachelard, Roland Barthes, Maurice Merleau-Ponty et Edgar Morin. C’est dire…

C’est à l’occasion d’un séjour de recherche de François Albera (Université de Lausanne) à l’Université de Montréal, autour d’un texte que Georges Sadoul avait publié dans la Revue internationale de filmologie, que l’idée de consacrer un numéro de la revue Cinémas à la filmologie vint au signataire du présent texte, numéro qu’il envisagea d’abord de codiriger avec son collègue de Lausanne, avant de proposer à Martin Lefebvre (Concordia University) d’entrer dans le jeu. Il reste à souhaiter que ce numéro donnera une impulsion nouvelle aux recherches sur la filmologie, ce qui permettra notamment d’en savoir plus, un jour, sur le contexte qui a pu mener Gilbert Cohen-Séat à déposer aux États-Unis et au Canada, à partir de 1968 (après, donc, la dissolution de l’Institut de filmologie), un certain nombre de brevets (cf. quatrième de couverture). Il faudrait notamment se pencher un jour sur les divers éléments résiduels de l’« aventure filmologique » dans le milieu universitaire français. Cela nous permettrait de connaître la nature de l’attachement envers la filmologie d’un certain nombre d’universitaires qui continuèrent, dans les années 1970, à se réclamer de la filmologie. Ainsi de l’Université Lille 3, où l’actuel Département d’études cinématographiques s’appelait, jusqu’en 2004, « Département de filmologie ». Les couloirs de Lille 3 gardent d’ailleurs encore aujourd’hui un certain nombre de stigmates de la tradition filmologique, dont la photographie ci-après témoigne.

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La revue entamera donc sa vingtième année, et elle est loin d’avoir épuisé sa matière. Nos lecteurs se réjouiront d’apprendre que nous avons plusieurs numéros en chantier, qui sont déjà inscrits à notre calendrier de publication, et qui mèneront la revue d’un pas alerte au seuil de ses 25 ans ! Nous aurons, dans le prochain volume, un premier numéro simple préparé sous la direction de Germain Lacasse (Université de Montréal), sur le thème « Cinéma et oralité », qui sera suivi d’un numéro double sur « L’horreur au cinéma », concocté par Richard Bégin (Université Laval) et Laurent Guido (Université de Lausanne). Ce sera ensuite au tour de Michael Cowan (McGill University) et Viva Paci (Université du Québec à Montréal) de s’arrêter sur un thème inédit : la rue comme espace filmique. Nous pourrons aussi enfin en savoir plus sur le cinéma brésilien contemporain, grâce aux auteurs réunis par Hudson Moura (Simon Fraser University).

Avec un pareil programme, nous sommes convaincus que les lecteurs de notre revue nous resteront fidèles.

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Le comité de direction et l’équipe de la revue Cinémas. De gauche à droite : Lisa Pietrocatelli, André Gaudreault, Marnie Mariscalchi, Germain Lacasse, Catherine Russell, Denis Bellemare et Pierre Véronneau. (Photo : Julie Pelletier)