Corps de l’article

1. Introduction

L’entrée massive des femmes sur le marché du travail est sans contredit l’un des plus importants changements sociaux observés dans les pays industrialisés au cours du siècle dernier. Au Canada, de 1995 à 2003, le taux d’activité sur le marché du travail est passé de 61 à 66 % pour les mères d’enfants âgés de moins de 3 ans et de 68 à 75 % pour les mères d’enfants âgés de 3 à 5 ans (Childcare Resource and Research Unit, 2004). Comme le souligne l’Institut de la statistique du Québec (Gouvernement du Québec, 2005), au Québec, les mères de jeunes enfants ont accru leur participation au marché du travail depuis 1976. Le taux d’activité des mères âgées de 20 à 44 ans dont l’enfant le plus jeune a moins de 6 ans est passé de 30,2 % en 1976 à 76,2 % en 2003 lorsqu’elles ont un conjoint, et de 33,8 % à 62,1 % lorsqu’elles vivent seules. Cette hausse est supérieure et plus rapide que celles observées dans les autres provinces canadiennes. La majorité des observateurs s’entendent pour attribuer, en partie, cette hausse du nombre de mères sur le marché du travail à l’offre accrue de places en services de garde régis dans cette province (Cleveland, 2008).

En effet, en 1997, le gouvernement du Québec propose trois nouvelles dispositions de la politique familiale (Ministère du Conseil exécutif, 1997) visant à soutenir les familles et les enfants. L’une d’elles prévoit la mise en place d’un réseau de services de garde éducatifs à la petite enfance plus accessible en matière de places et de coûts. L’État s’engage à créer des places à contribution réduite et à en développer de nouvelles au cours des sept années subséquentes. Ces deux mesures visent à rendre les services de garde éducatifs accessibles à tous et ainsi promouvoir l’égalité des chances pour les enfants. On transforme alors les garderies sans but lucratif subventionnées et les agences de services de garde en milieu familial en centres de la petite enfance (CPE)[1]. Ces nouveaux services doivent permettre aux enfants « […] de bénéficier d’un encadrement qui favorise leur développement, de se familiariser progressivement avec un environnement d’apprentissage stimulant et d’acquérir des habiletés qui les placeront en situation de réussite à l’école » (Ministère du Conseil exécutif, 1997). Ces services éducatifs sont destinés aux enfants dès leur naissance jusqu’à la fréquentation de la maternelle. La création de ces places en services de garde aurait permis l’entrée massive des mères sur le marché du travail et surtout, un accès accru à des ressources économiques pour les mères qui assument seules leurs responsabilités parentales (Lefevre et Merrigan, 2003a, b, 2002; Cleveland, 2008).

1.1 Recension des écrits

1.1.1 Stress parental

Toutefois, ces récents changements s’accompagnent de défis importants pour les familles. Comme le souligne Pronovost (2007), « la grande majorité des couples qui occupent un emploi trouvent difficile de concilier le travail rémunéré, la vie personnelle, la famille et l’attention à accorder aux enfants ». Dans cette ligne, Tremblay et ses collaborateurs (2006) rapportent que de nombreux parents ayant à concilier vie familiale et professionnelle se sentent stressés (Galinsky et al., 2001; Paquet et Najem, 2005; Tremblay, 2004, 2003, 2002a; Tremblay et De Sève, 2002). En outre, certaines caractéristiques familiales telles que le fait d’avoir des enfants en bas âge et la monoparentalité seraient parmi les plus importantes sources de stress (Tremblay, 2002). Ainsi, les parents d’enfants âgés de moins de cinq ans rapporteraient davantage de stress associé au manque de temps pour accomplir adéquatement leurs rôles d’employé, de parent et de conjoint (Caussignac, 2000). Selon Pronovost (2007), les femmes actives sur le marché du travail ayant un enfant âgé de quatre ans ou moins remportent la palme du stress relié au manque de temps. En 2005, 66 % d’entre elles se déclarent parmi les gens les plus stressés, alors que ce taux est de 35 % pour l’ensemble de la population, ce qui correspond à 14 % de plus que les hommes qui sont dans une situation comparable (Pronovost, 2007). Ce stress ressenti par les parents, s’il est chronique, est associé à davantage de problèmes de comportement chez l’enfant (Crnic, Gaze et Hoffman, 2005).

1.1.2 Risques psychosociaux

La présence de risques psychosociaux est également associée à des niveaux de stress plus élevés chez les parents de jeunes enfants travaillant à temps plein. La pauvreté est surtout mise en cause (McLoyd, 1998; St-Pierre et Layzer, 1998). Par exemple, les parents qui subissent des pressions économiques en raison de revenus trop faibles risquent de présenter une santé émotionnelle et physique plus fragile, d’être irritables ou dépressifs et, par voie de conséquence, de se montrer moins attentifs à leur enfant, moins enclins ou moins aptes à interagir de façon appropriée avec lui et à lui offrir des expériences d’apprentissage adéquates. De la même façon, des revenus précaires contraignent les familles à se loger dans des quartiers peu favorables pour assurer la qualité du développement de leurs enfants. Dans ces quartiers, les ressources pour enfants sont souvent moins denses, moins faciles d’accès et parfois même de moindre qualité. À cet égard, des chercheurs québécois confirment que plus les familles et les enfants sont exposés à un nombre élevé de facteurs de risque (pauvreté, faible scolarité de la mère et monoparentalité), plus leur bien-être et leur développement sont affectés (Bigras, Pomerleau, Malcuit et Blanchard, 2008; Denis et al., 2005; Pomerleau et al., 2005).

1.1.3 Soutien social

Plusieurs aspects des conditions de vie des familles en contexte de vulnérabilité affectent aussi les comportements des parents, en particulier, le soutien social qu’ils reçoivent (Huang et al., 2005; Lyons et al., 2005; Reiner-Hess et al., 2004). Le soutien social prend principalement trois formes : le soutien émotif, instrumental et informationnel (Lepage, Vézina et Desrosiers, 1990). La taille du réseau de soutien social dont disposent les mères serait particulièrement importante pour les familles cumulant plusieurs facteurs de risque. Le soutien social serait associé au niveau de santé et de bien-être des parents et aux comportements de l’enfant (Lyons et al., 2005). Il y aurait une relation positive entre le soutien social, la santé physique et psychologique des parents, leurs pratiques éducatives et le fonctionnement de l’enfant (Attree, 2004). Cette relation s’observerait particulièrement chez les familles vivant dans la pauvreté (Kim-Cohen et al., 2004). Plus précisément, on observe que les parents rapportant un nombre restreint de personnes dans leur réseau de soutien social sont ceux dont les enfants présentent le plus de problèmes de comportement ou de développement (Ceballo et McLoyd, 2002; Oravecz, Koblinsky et Randolph, 2008).

1.1.4 Caractéristiques personnelles et familiales

D’autres caractéristiques de l’enfant et de ses parents sont associées à des niveaux plus élevés de stress parental et de problèmes de comportement chez l’enfant. Par exemple, l’âge et l’état de santé de l’enfant, de même que l’âge et le pays d’origine de la mère, seraient aussi des facteurs déterminants. En ce qui a trait à l’âge de l’enfant, les écrits rapportent une hausse de présence de problèmes de comportement avec l’âge (Campbell, 2002). De plus, les parents rapportent des niveaux plus élevés de stress parental et de problèmes de comportement lorsque leur enfant présente des problèmes de santé (Campbell, 2000).

Du côté des parents, leur jeune âge (moins de vingt ans) a été maintes fois associé à un niveau de risque plus élevé de problèmes de comportement chez l’enfant (Gosselin, Lanctôt et Paquette, 2000). Dans le même ordre d’idées, lorsque les parents sont nés dans des pays dits en développement, certains écrits rapportent que leurs enfants présentent des taux élevés de retard de développement cognitif et de difficultés d’adaptation à l’école (Berry, 2001; Phalet et Schonpflug, 2001).

1.1.5 Potentiel de protection des services de garde

La fréquentation d’un service de garde pourrait atténuer certains effets des facteurs de risque psychosociaux sur le développement des enfants et ainsi constituer un facteur de protection (Klebanov, Brooks-Gunn, McCarton et McCormick, 1998; Papero, 2005; Parish, Cloud, Huh et Henning, 2005; Toroyan, Oakley, Laing, Roberts, Mugfords et Turner, 2004). Dans cet esprit, Bigras et ses collègues (2008a) rapportent que les enfants qui fréquentent des services de garde de qualité ont de meilleures performances langagières et cognitives ainsi qu’une meilleure capacité à établir des relations harmonieuses avec leurs pairs et les adultes de leur entourage que ceux qui n’en fréquentent pas (Montes, Hightower, Brugger et Moustafa, 2005; NICHD, 2005; Vandell, 2004). Marshall (2004) et Votruba-Drzal, Coley et Chase-Lansdale (2004) rapportent que les enfants ayant fréquenté des services de garde collectifs[2] ou en milieu familial ont des scores supérieurs à ceux des autres enfants n’ayant pas fréquenté ces services pour des mesures de compétences sociales, de langage, de persistance à la tâche, de confiance en soi et de résolution de problèmes.

Concernant la dimension socioaffective des enfants qui fréquentent des services de garde, Jacob (2007) souligne que les études ont abordé deux thématiques principales : 1) les interactions entre l’enfant et ses parents, notamment en ce qui regarde l’attachement et 2) l’ajustement comportemental et social de l’enfant tel que les compétences sociales, les problèmes de comportement, les interactions entre pairs et l’estime de soi.

En ce qui a trait aux problèmes de comportement, la recherche sur les comportements externalisés[3] et internalisés rapporte une incidence plus élevée de conduites agressives chez les enfants d’âge préscolaire et scolaire issus de milieux socioéconomiques moins favorisés et ayant fréquenté un service de garde de faible qualité au cours de la première année de vie (Belsky, 2007; Jacob, 2007; Zaslow et al., 2006). À l’inverse, d’autres rapportent que les enfants ayant fréquenté des services de garde de qualité élevée depuis leur première année de vie présentent moins de comportements agressifs que les enfants ayant expérimenté des services de garde de faible qualité tôt dans la vie (Shonkoff et Phillips, 2000; Côté et al., 2007).

Les études qui examinent les relations entre la fréquentation des services de garde et le développement socioaffectif des enfants soulignent l’importance de prendre en compte plusieurs variables (Vandell, 2004; Belsky, 2006) afin de mettre en lumière certains des résultats contradictoires concernant la présence de problèmes de comportement internalisés et externalisés chez l’enfant. Ainsi, le type de service de garde fréquenté, la durée de l’expérience de garde et l’âge de l’enfant lors de son entrée en service de garde, de même que la qualité et la stabilité de l’expérience de garde, sont des facteurs à considérer pour bien cerner cette relation.

Lorsqu’on compare les comportements des enfants qui fréquentent divers types de services de garde, les services collectifs (center daycare) tels que les centres de la petite enfance sont associés à moins de problèmes de comportement que les services de garde en milieu familial ou en garderie à but lucratif (Bacharach et Baumeister, 2003; De Schipper et al., 2003; Youngblade, 2003). Il n’est pas clair cependant si cette plus faible proportion de problèmes de comportement chez les enfants est attribuable à la simple fréquentation des services de garde collectifs ou bien à d’autres facteurs. En effet, il existe un consensus parmi les recherches européennes (Van Beijsterveldt, Hudziak et Boomsma, 2005), américaines (Belsky, 2006; Vandell, 2004), canadiennes (Goelman, Forer, Kershaw, Doherty, Lero et LaGrange, 2006) et québécoises (Drouin et al., 2004; Japel et al., 2005a, b) selon lequel le niveau de qualité des services de garde varie selon le type de garde. Selon Love et ses collaborateurs (2005), la qualité des services de garde en installation, supérieure à celle des milieux familiaux et des garderies à but lucratif, pourrait expliquer, du moins en partie, les plus faibles scores de problèmes de comportement des enfants.

Le cumul de temps hebdomadaire passé dans un service de garde serait également associé aux problèmes de comportement ultérieurs chez l’enfant. Certains rapportent que les enfants ayant passé plus de 45 heures par semaine en service de garde durant leurs 4,5 premières années de vie sont ceux dont le niveau de comportements agressifs est le plus élevé lorsqu’évalué à l’âge de 54 mois (NICHD Study of Early Child Care, 2001, 2002; 2003). Ces associations demeurent même significatives sur le plan statistique lorsqu’on contrôle la qualité du milieu de garde et les caractéristiques familiales comme le revenu et la scolarité des parents. Par ailleurs, les corrélations observées entre la qualité de l’environnement de garde et les comportements agressifs des enfants seraient plus fortes chez les enfants âgés entre deux et trois ans comparativement aux plus jeunes. Les chercheurs du NICHD (1998) soulignent aussi que les enfants qui fréquentent des services de garde de faibles niveaux de qualité montrent des taux plus élevés de problèmes de comportement que ceux observés dans la population en général. Enfin, la recherche révèle également l’importance de la stabilité de l’expérience de garde pour le développement socioaffectif de l’enfant. Ceux qui expérimentent plusieurs modes de garde à la fois ou qui changent fréquemment de service de garde au cours de la petite enfance seraient plus susceptibles de développer des problèmes de comportement que ceux qui demeurent dans le même service de garde au cours de la même période (Bachara et Baumeister, 2003; De Schipper et al., 2003; Youngblade, 2003).

Récemment, des chercheurs américains se sont intéressés au potentiel de protection des services de garde et d’un réseau de soutien social élargi sur les problèmes de comportement des enfants dont les mères présentent des symptômes dépressifs (Li-Ching, Halpern, Hertz-Picciotto, Martin et Suchindran, 2005). Leurs résultats suggèrent qu’un plus grand réseau de soutien social pourrait atténuer l’association entre la dépression maternelle et les problèmes de comportement externalisés des enfants (p. ex. briser des objets, frapper des gens). Également, l’intensité de la fréquentation d’un service de garde réduirait significativement la relation entre les symptômes dépressifs des mères et les problèmes de comportement internalisés de leurs enfants (p. ex. être retiré, pleurer facilement), la force de l’association diminuant toutefois lorsque la dépression maternelle devient sévère. De plus, les auteurs constatent une diminution significative de comportements internalisés chez les enfants lorsque ceux-ci fréquentent un service de garde à temps plein. Ils suggèrent notamment que les professionnels en santé mentale poursuivent et même accroissent leurs recommandations de fréquentation des services de garde dans une telle situation, et ce, afin de procurer du répit aux mères présentant des symptômes de dépression et des opportunités pour leurs enfants d’expérimenter des interactions constructives et sécurisantes avec d’autres adultes.

À l’inverse, des chercheurs canadiens (Baker, Gruber et Milligan, 2006) ont récemment affirmé que les parents québécois étaient plus stressés que leurs homologues canadiens et que les enfants québécois présentaient des taux d’agressivité en hausse depuis l’implantation de la politique familiale du Québec en 1997. Ils attribuaient ces résultats à la fréquentation des services de garde québécois. Toutefois, nous devons souligner qu’il s’agissait de l’évaluation maternelle du taux d’agressivité et qu’on ne précisait pas le contexte dans lequel cette mesure avait été prise. Également, cette étude donnait l’impression de résultats spectaculaires, alors qu’ils étaient non significatifs sur le plan clinique. En effet, les taux de départ étaient faibles et sous le seuil clinique et demeuraient faibles malgré l’augmentation notée. Bien qu’aucun lien de causalité ne puisse être inféré de ces résultats, et que la méthodologie de cette étude ait été largement critiquée, la publication de Baker et ses collègues (2006) a fait grand bruit au Québec et au Canada et a largement contribué à semer le doute dans l’esprit du public et de plusieurs spécialistes concernant les effets potentiellement délétères de la fréquentation des services de garde québécois sur les enfants et leurs parents.

En résumé, les recherches indiquent que les mères de famille dont les deux parents travaillent à temps plein et qui vivent en situation de précarité économique rapportent un niveau de stress parental élevé. Ces conditions de vie auraient des répercussions sur leurs pratiques éducatives, et ultimement, sur le développement de leur enfant. Toutefois, le soutien social reçu de l’entourage pourrait contribuer à aider les parents en diminuant leur niveau de stress et ainsi favoriser l’établissement d’une relation plus positive entre eux et leur enfant. Suivant cette logique, la fréquentation d’un service de garde de qualité élevée pourrait être associée à la présence de moins de problèmes de comportement chez les enfants. À notre connaissance, aucune étude sur ce thème n’a été réalisée au Québec.

1.2 Objectifs de recherche

Le premier objectif de cet article consiste à examiner les taux de problèmes de comportements internalisés et externalisés (Child Behavior Checklist) des enfants de même que l’indice de stress parental et la taille du réseau de soutien social rapporté par les parents en fonction du type de services de garde fréquentés (structurés, moins structurés et aucun service) et de vérifier si ces taux se comparent à ceux observés dans la population en général. Le second objectif est d’identifier si les quatre variables dépendantes (stress parental, réseau de soutien social, problèmes de comportement externalisés et internalisés) diffèrent en fonction de l’utilisation de divers types de services de garde et du nombre de facteurs de risques psychosociaux présents dans la famille. Il est à noter que les effets reliés à l’âge et la santé des enfants ainsi que le pays d’origine et l’âge de la mère sont contrôlés. Ce choix est fait conformément aux écrits qui soulignent l’influence de ces variables sur les quatre variables dépendantes (comportements internalisés et externalisés des enfants, stress parental et soutien social des parents) examinées dans cette étude.

2. Méthode

2.1 Participants

L’échantillon de cette étude transversale est constitué de 1245 enfants (624 filles et 621 garçons) et familles. Nous avons retenu les données des enfants pour lesquels nous disposions d’une mesure valide à l’échelle du comportement de l’enfant (Child Behavior Checklist). Nous avons donc exclu les données présentant des valeurs extrêmes à l’une des variables (moins de 1 % de l’échantillon) dont l’évaluation n’était pas représentative pour une raison spécifique (problème de langue, refus de participer). Nous avons aussi exclu les données des familles (3 % de l’échantillon) pour lesquelles les informations sur l’une des variables à l’étude étaient manquantes. Le Tableau 1 indique la répartition des familles selon les niveaux de risques.

Tableau 1

Répartition des familles selon les facteurs de risques

Répartition des familles selon les facteurs de risques

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Les enfants sont âgés de 20 à 42 mois (M = 30,6 mois, ÉT = 6,1). Le choix de cette tranche d’âge repose sur deux raisons. Nous voulions étudier le développement de jeunes enfants d’âge préscolaire à une période où leur répertoire d’habiletés comportementales est suffisamment diversifié. Nous souhaitions aussi recueillir de l’information sur la perception des parents quant à leur enfant à un moment où le développement comporte davantage de défis pour les pratiques éducatives parentales (Alink et al., 2006). Enfin, la mesure du comportement de l’enfant utilisé (Child Behavior Checklist, Achenbach, 1992) comportait au moment de l’étude des normes validées à partir de l’âge de 2 ans.

2.2 Matériel

Parmi l’ensemble des données colligées, nous utilisons, aux fins de la présente étude, la mesure du comportement des enfants et les informations sur les caractéristiques sociodémographiques des familles. Nous utilisons aussi les réponses des parents aux questionnaires sur le mode de garde actuel utilisé pour leur enfant, sur l’indice de stress parental et sur la taille du réseau de soutien social des parents.

Données sociodémographiques. Nous recueillons des données sur les familles (âge des parents, scolarité, état matrimonial, langue parlée à la maison, occupation, revenu familial, pays d’origine de la mère). Nous déterminons le revenu familial à partir de six catégories de revenus. En nous basant sur celles indiquées par les parents et sur les seuils de faibles revenus établis par Statistique Canada (2004) qui tiennent compte du nombre de personnes dans le ménage ainsi que du secteur de résidence, nous distinguons les familles à revenu précaire et non précaire. Le revenu familial est considéré précaire si la catégorie de revenu indiquée par les parents se situe sous le seuil de pauvreté ou l’inclut. À l’inverse, le revenu familial est considéré non précaire si la catégorie de revenu est supérieure à celle du seuil de pauvreté. Le niveau de scolarité de la mère comprend aussi deux catégories : 5e secondaire ou moins et scolarité supérieure au 5e secondaire. Nous prenons également en considération la composition de la famille, monoparentale ou biparentale, renvoie aux parents vivant sans conjoint. Les familles sont définies biparentales si le parent répondant affirme résider avec un conjoint, qu’il soit apparenté ou non à l’enfant. Dans 96 % des cas, le conjoint est le parent de l’enfant évalué. La précarité du revenu familial, la faible scolarité de la mère et la monoparentalité constituent les trois facteurs de risques de l’étude. Le cumul de ces facteurs varie de 0 à 3, c’est-à-dire que la famille peut présenter 0, 1, 2 ou 3 facteurs de risques. Nous notons également le genre, l’âge et la présence ou l’absence de problèmes de santé chez l’enfant lors de la visite. Le Tableau 2 présente les caractéristiques des familles et des enfants.

Tableau 2

Variables sociodémographiques portant sur les enfants et les familles

Variables sociodémographiques portant sur les enfants et les familles

N = 1245

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Grille d’utilisation des services de garde (équipe DEC, 1998). Nous notons à l’aide d’une grille si, actuellement, les familles utilisent ou non des services de garde pour leur enfant. Dans le cas positif, les parents identifient le principal mode de garde parmi les quatre possibilités présentées : garderie, milieu familial, halte-garderie, garde par un proche. La modalité garderie regroupe les installations du réseau des CPE ainsi que celles qui relèvent du secteur privé. Les services de garde en milieu familial peuvent être ou non associés au réseau des CPE. Nous n’avons pas distingué les ressources du réseau des CPE régies par le secteur public de celles du réseau privé. Ceci pourrait constituer une limite de la présente étude. En effet, si les ressources du réseau des CPE sont généralement de meilleure qualité que celles du secteur privé (Drouin, Bigras, Fournier, Desrosiers et Bernard, 2004; Japel, Tremblay et Côté, 2005b), leur effet potentiellement bénéfique pour le développement de l’enfant risque d’être atténué ou masqué.

Dans les analyses, nous regroupons les modes de garde en deux catégories de façon à distinguer les services que l’on pourrait qualifier de structurés (garderie et milieu familial) et moins structurés (halte-garderie et garde par un proche). Ce regroupement repose essentiellement sur un choix conceptuel. Les services de garde en garderie et en milieu familial impliquent habituellement un certain mode d’organisation et une régularité de fréquentation. De façon générale, les enfants y sont regroupés par groupe d’âges ou multiâges et leur routine quotidienne s’organise autour d’activités planifiées. C’est pourquoi nous les catégorisons comme services structurés. D’un autre côté, la garde offerte par un proche ne comporte pas, dans la plupart des cas, d’organisation particulière. On n’y retrouve qu’un seul ou qu’un petit nombre d’enfants à la fois. Pour leur part, les haltes-garderies sont des services ponctuels offrant du répit ou du dépannage aux parents. Il y a rarement régularité de fréquentation ou présence d’un programme structuré. Pour ces raisons, nous avons donc regroupé les modes garde par un proche et halte-garderie dans la catégorie de services moins structurés. L’absence de garde constitue la troisième catégorie.

De tels regroupements permettaient aussi d’augmenter la puissance dans les analyses statistiques. Pour les analyses multivariées, le type de garde est recodé en trois variables dichotomiques : 1) garde structurée (0 = mode de garde moins structurée ou aucune garde, 1 = mode de garde structurée), 2) garde moins structurée (0 = mode de garde structurée ou aucune garde, 1 = mode de garde moins structurée), 3) aucune garde (0 = garde structurée ou moins structurée, 1 = aucun mode de garde).

Child Behavior Checklist (Achenbach, 1992; Achenbach et al., 1987). Ce questionnaire sous forme d’inventaire des comportements de l’enfant est rempli par le parent répondant. Il permet de détecter les problèmes de comportement de l’enfant âgé de deux à trois ans et comporte 100 items incluant 7 sous-échelles : 1) enfant anxieux (11 items), 2) enfant renfermé (14), 3) comportements agressifs (15), 4) comportements destructeurs (11), 5) problèmes de sommeil (7), 6) problèmes somatiques (14) et 7) autres problèmes (27). Les parents doivent indiquer la présence et la sévérité des problèmes de comportement au cours des deux mois précédant la rencontre sur une échelle de type Likert en 3 points (0 = ne s’applique pas du tout à mon enfant, 1 = s’applique parfois à mon enfant, 2 = s’applique souvent à mon enfant). Sa fidélité test-retest est de 0,87. On utilise six de ces sous-échelles pour créer trois scores globaux : les problèmes d’internalisation (anxieux + renfermé), les problèmes d’externalisation (comportements agressifs + destructeurs) et les autres problèmes (problèmes de sommeil + problème somatiques). Les alphas de Cronbach varient de 0,78 à 0,97. Le score total est composé du score d’internalisation et d’externalisation, on convertit les scores bruts en scores T, puis on les classe en 3 catégories : normal = score inférieur à 60, problématique ou limite = score situé entre 60 et 65, et clinique = scores supérieurs à 65. Pour les analyses des scores internalisés et externalisés, la distribution des scores présentant une légère asymétrie à gauche et des valeurs égales à zéro, on additionne une constante (+1) à la variable originale, de façon à n’avoir que des valeurs supérieures à zéro, puis on fait la racine carrée de cette variable pour corriger l’asymétrie. Enfin, on élimine les valeurs extrêmes situées à plus ou moins trois écarts types de la moyenne.

Arizona Social Support Interview Schedule (Barrera, 1980, traduction et adaptation québécoise de Lepage, 1984). Cet outil évalue la taille du réseau de soutien social, potentiel et effectivement utilisé. Il donne de l’information sur l’étendue perçue et réelle du réseau social (conjoint, famille, belle-famille, amis, relations de travail, relations professionnelles, groupes d’entraide), sur le type d’aide (soutien matériel, assistance physique, interaction intime, guidage-conseil, rétroaction positive et socialisation), sur les besoins de soutien et le degré de satisfaction de l’aide reçue au cours des deux semaines précédant la passation du questionnaire. Cet inventaire, présenté sous forme d’entrevue structurée, se complète en une quinzaine de minutes. Seule la taille du réseau de soutien social telle que perçue par la mère est retenue pour la présente recherche. Cette décision repose sur la plus grande utilisation de la taille du réseau de soutien social plutôt que sur la nature ou la suffisance du soutien offert dans le cadre de ce type d’étude (Goulet, 2006). De plus, parmi l’ensemble des dimensions mesurées par l’instrument, la taille perçue du réseau de soutien social présente les meilleures qualités psychométriques. Les coefficients de corrélation test-retest de chacune des dimensions évaluées sont de .90 pour la taille du réseau de soutien potentiel, .50 pour l’étendue du réseau réel, de .58 à .84 pour les 6 types d’aide, .66 pour le besoin de soutien, .81 pour la satisfaction de l’aide reçue. Lepage (1984) rapporte des coefficients de cohérence interne de .81 à .86 pour les différentes dimensions. Les qualités psychométriques de l’adaptation québécoise de l’instrument s’avèrent comparables à celles de la version originale (test-retest : .50 à .88, cohérence interne : .86). Le nombre de personnes rapporté par la mère offrant ou pouvant offrir du soutien social constitue une variable continue. Plus le score est élevé, plus nombreux sont les gens offrant ou pouvant offrir du soutien à la mère tel que rapporté par cette dernière. Aux fins de cette étude, nous catégorisons la taille du réseau de soutien social en trois niveaux : 1) petit réseau de soutien social (5 personnes et moins), 2) moyen réseau de soutien social (de 6 à 11 personnes), 3) grand réseau de soutien social (12 personnes et plus). Le petit réseau de soutien social correspond à ce qui est observé dans les populations de familles vulnérables et associé à des problèmes de comportements chez leurs enfants (Campbell, 1995). Pour les analyses, nous transformons la variable taille du réseau de soutien social en utilisant son logarithme et en éliminant les valeurs extrêmes à plus ou moins trois écarts types de la moyenne.

Parental Stress Index, Short Form (PSI-SF) (Abidin, 1995). Ce questionnaire autoadministré, vise à évaluer le niveau de stress ressenti par les parents dans la relation parent-enfant. Il comporte 36 items, répartis en trois sous-échelles de 12 items chacune : a) la détresse parentale (le parent a l’impression qu’il ne maitrise pas son rôle parental); b) l’interaction parent-enfant dysfonctionnelle (le parent perçoit que sa relation avec son enfant est négative); et c) un enfant difficile (le parent perçoit que son enfant est difficile à éduquer). Le parent répond selon une l’échelle de Likert en cinq points, allant de « vraiment en désaccord » à « vraiment d’accord ». Le score de stress total ressenti est obtenu en additionnant les résultats aux trois sous-échelles. Un score de plus de 90 indique un niveau élevé de stress parental, alors qu’un score inférieur à 90 indique un niveau normal de stress parental. Les analyses factorielles en composante principale avec rotation varimax, pour chaque item, montrent une similarité globale de la structure factorielle entre le PSI-SF et la traduction par l’équipe DEC. La fidélité interne de l’instrument original en anglais est bonne, montrant des coefficients alpha de .87, .80 et .85 pour chacune des sous-échelles ci-haut mentionnées. Enfin, la version abrégée du PSI est hautement corrélée avec la version longue de l’indice de stress parental (Abidin, 1995), comme le soulignent plusieurs études (Hutcheson et Black, 1996; Reitman, Currier et Stickle, 2002). Pour les analyses, la distribution des scores totaux présentant une forte asymétrie à gauche, on utilise le logarithme de cette variable pour corriger l’asymétrie et on élimine les valeurs extrêmes à plus ou moins 3 écarts types de la moyenne.

2.3 Recrutement

Le recrutement se fait à partir de listes de familles ayant un enfant âgé de 20 à 42 mois et habitant dans 10 territoires de la grande région de Montréal (4 en milieu urbain, 4 en milieu semi-urbain et 2 en milieu rural) fournies par la Régie de l’assurance maladie du Québec, et ce, après avoir obtenu la permission de la Commission d’accès à l’information. Suite à l’envoi d’une lettre explicative aux familles, une professionnelle de l’équipe les contacte par téléphone. Notre taux de réponse est de 42 %. Elle leur explique avec plus de détails en quoi consiste l’étude, répond à leurs questions et, si les parents acceptent de participer, fixe un rendez-vous avec eux. Du personnel entraîné se rend ensuite à leur domicile, procède à l’évaluation de l’enfant et à l’observation de l’environnement familial. Il présente aussi des questionnaires aux parents afin que ceux-ci les complètent. La rencontre dure environ deux heures et demie. Pour être retenus dans l’échantillon, les familles et les enfants doivent parler et comprendre le français ou l’anglais.

Nous utilisons les données secondaires de l’évaluation de l’initiative 1,2,3GO! (voir Denis, Malcuit et Pomerleau, 2005). Nous avons complété trois cueillettes biennales de données de 2000 à 2003 sur 10 territoires de l’Île-de-Montréal. Une cueillette supplémentaire a été réalisée en 2004 auprès des 4 territoires urbains. Ces territoires ont été sélectionnés parce que beaucoup d’enfants d’âge préscolaire s’y retrouvaient, de même que des taux élevés de pauvreté et de faible scolarité des parents. De plus, ces territoires urbains étaient composés d’un grand nombre de familles immigrantes dont les contours se définissent à partir d’un référent administratif de défavorisation provenant de l’unité de planification scolaire ou politique (municipalité) de l’île de Montréal.

2.4 Analyses statistiques

Les analyses sont conduites en trois étapes successives. Dans un premier temps, nous présentons des tableaux croisés des variables indépendantes à l’étude (indice de stress parental, taille du réseau de soutien social, scores de problèmes de comportements (CBCL) internalisés et externalisés) en fonction des trois types de services de garde fréquentés par les enfants. Nous réalisons des khi carrés sur les tableaux croisés afin de vérifier le taux d’occurrence des scores des catégories normale, limite et clinique du comportement de l’enfant pour chacune des catégories de types de service de garde.

En second lieu, afin de vérifier la possibilité de conduire des analyses multivariées, nous menons des analyses de corrélations entre les variables contrôlées (l’âge de l’enfant, l’état de santé de l’enfant, l’âge de la mère et le pays d’origine de la mère) et les variables dépendantes à l’étude (l’indice de stress parental, de la taille du réseau de soutien social et des scores de comportements (CBCL) internalisés et externalisés). Ces analyses permettent aussi de vérifier les coefficients de corrélation (Pearson) entre les quatre variables dépendantes.

Enfin, compte tenu du taux de corrélation entre les variables dépendantes, nous menons des analyses multivariées de covariance entre les scores totaux de l’indice de stress parental, la taille du réseau de soutien social et les scores de comportements (CBCL) internalisés et externalisés, et entre les facteurs niveaux de risques (4) et les catégories de services de garde (3) en contrôlant pour l’effet des variables âge de la mère, âge de l’enfant et pays d’origine de la mère. Le tout, afin d’examiner si les quatre variables dépendantes diffèrent en fonction du cumul de risques ou du type de service de garde utilisé ou d’une interaction de ces facteurs.

3. Résultats

3.1 Tableaux croisés

Le Tableau 3 présente les moyennes et les écarts types des scores normalisés des variables dépendantes à l’étude (problèmes de comportement internalisés et externalisés, indice de stress parental et taille du réseau de soutien social) en fonction de l’utilisation des trois types de services de garde (structuré, moins structuré et aucune garde). On y retrouve aussi les proportions de l’échantillon se situant dans les catégories normale, limite ou clinique pour chacune des variables à l’étude en fonction de l’utilisation des trois types de services de garde (structuré, moins structuré et aucune garde).

Tableau 3

Moyennes, écart type et proportion d’utilisation des divers types de services de garde selon les seuils de problèmes de comportements intériorisés et externalisés des enfants, les indices de stress parental et la taille de réseau de soutien social des parents

Moyennes, écart type et proportion d’utilisation des divers types de services de garde selon les seuils de problèmes de comportements intériorisés et externalisés des enfants, les indices de stress parental et la taille de réseau de soutien social des parents

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Les scores moyens des problèmes de comportement internalisés (garde structurée : M = 9,0, ÉT = 5,13; garde non structurée : M = 9,4, ÉT = 5,5; aucune garde : M = 10,7 et ÉT = 5,6) et externalisés (garde structurée : M = 13,5, ÉT = 7,2; garde non structurée : M = 13,8, ÉT = 7,2; aucune garde : M = 14,7 et ÉT = 7,5) sont inférieurs au seuil limite établi pour la normalisation de l’instrument[4], et ce, pour tous les types de services de garde fréquentés par les enfants (Achenbach, 1992).

Dans notre échantillon, 13.7 % des enfants ont été évalués comme présentant des problèmes de comportement internalisés à la maison (scores 16 et +). Lorsqu’on examine les données en fonction du type de service de garde fréquenté, on constate que 10,9 % (n = 73) des enfants en service de garde structurés, 14,8 % (n = 43) en service de garde moins structuré, et 19,0 % (n = 54) qui ne fréquentent aucun service de garde sont évalués comme ayant des problèmes de comportement internalisés à la maison (scores de 16 et +).

Les scores de l’indice de stress parental (Abidin, 1995) (garde structurée : M = 67,7, ÉT = 16,7; garde non structurée : M = 69,0, ÉT = 16,9; aucune garde : M = 70,5 et ÉT = 18,2) se situent également sous le seuil limite[5] du niveau de stress élevé pour l’indice de stress parental (version abrégée).

Enfin, les moyennes des scores de la taille du réseau de soutien social (garde structurée : M = 9,6, ÉT = 5,5; garde non structurée :M = 8,7, ÉT = 4,9; aucune garde : M = 7,3 et ÉT = 4,1) se situent toutes la catégorie que nous avons qualifiée de réseau de taille moyenne (6 à 11 personnes).

Les analyses khi carré sur les trois catégories de scores (normal, limite et clinique) des comportements internalisés par les trois catégories de services de garde (structurés, moins structurés et aucun) révèlent que la répartition des enfants dans chacune des catégories de comportements internalisés diffère en fonction du type de service de garde, χ2(4, N = 1245) = 29,176, p < 0,001.

L’examen a posteriori des cotes z associées aux cellules du tableau croisé nous permet d’identifier les relations significatives entre les scores aux mesures de comportements internalisés (CBCL) des enfants et les types de services de garde. Ainsi, le pourcentage d’enfants qui obtiennent des scores normaux à cette échelle s’avère plus élevé parmi ceux qui fréquentent des services structurés (76,8 %, z = 2,3) que parmi ceux qui ne fréquentent aucun service de garde (63,4 %, z = -4,7). Par ailleurs, les enfants qui ne fréquentent aucun service de garde sont plus nombreux (17,6 %, z = 3,1) que ceux qui fréquentent des services moins structurés (6,9 %, z = -3,2) à présenter des scores limites. Ils sont aussi plus nombreux (19,0 %, z = 3,0) que ceux qui fréquentent des services structurés (10.9, z = -3,1) à présenter des scores problématiques.

Pour la mesure de comportement externalisés, dans l’échantillon global, 7,3 % des enfants sont évalués comme ayant des problèmes de comportement à la maison (scores de 26 et +). En ce qui concerne les services de garde, on note que 6,3 % (n = 42) des enfants en service de garde structuré, 6,9 % (n = 20) en service de garde moins structuré et 10,2 % (n = 29) des enfants qui ne fréquentent aucun service de garde sont évalués comme ayant des problèmes de comportement externalisés à la maison. Les analyses de khi carré sur les trois catégories de score des comportements externalisés (normal, limite et problématique) pour les trois catégories de services de garde (structuré, moins structuré et aucun) révèlent que la répartition des enfants dans chacune des catégories de comportements internalisés ne diffère pas en fonction du type de service de garde, χ2(4, N = 1245) = 5,95, p = 0,203.

En ce qui a trait aux mesures parentales, 11,3 % (n = 141) des parents se situent dans la catégorie de scores cliniques (supérieur à 90) à l’indice de stress parental (PSI-SF) (Abidin, 1995). Les données en fonction du type de service de garde nous indiquent que 9,1 % (n = 61) des parents dont les enfants fréquentent des services de garde structurés, 12,8 % (n = 37) de ceux dont les enfants fréquentent des services de garde moins structurés et 15,1 % (n = 43) dont les enfants ne fréquentent aucun service de garde, présentent un niveau de stress parental très élevé. Un tel niveau de stress, s’il est chronique, est susceptible d’entrainer des pratiques parentales inadéquates et, en conséquence, des comportements désadaptés chez l’enfant.

Les analyses de khi carré sur les deux catégories de score (normal et problématique) des scores de l’indice de stress parental total (PSI-SF) par trois catégories de services de garde (structurés, moins structurés et aucun) révèlent que la répartition des parents dans les deux catégories de l’indice de stress parental diffère en fonction du type de service de garde, χ2(2, N = 1245) = 8,046, p < 0,05.

L’examen des cotes z du tableau croisé montre que les mères qui rapportent un niveau de stress parental inférieur au seuil clinique sont proportionnellement plus nombreuses à utiliser des services structurés de garde (90,9 %, z = 2,7), et ce, comparé à celles qui n’utilisent aucun mode de garde (84,9 %, z = -2,3). Inversement, les mères dont le niveau de stress parental atteint le niveau clinique sont plus nombreuses à n’utiliser aucun mode de garde (15,1 %, z = 2,3) qu’à utiliser un mode structuré de garde (9,1 %, z = -2,7).

Pour la taille du réseau de soutien social, 27,3 % (n = 340) des parents de l’échantillon rapportent un petit réseau (cinq personnes ou moins dans leur entourage) de soutien social. Parmi ces derniers, 23 % (154) utilisent un service de garde structuré, 27,3 % (80) utilisent un service de garde moins structuré et 37,3 % n’utilisent aucun service de garde.

Les analyses de khi carré sur les trois catégories de taille du réseau de soutien social (5 ou moins, 6 à 11 et 12 et +) pour les trois catégories de types services de garde (structurés, moins structurés et aucun) révèlent que la répartition des enfants dans les trois catégories de la taille du réseau de soutien social diffère en fonction du type de service de garde, χ2(4, N = 1245) = 37,301, p < 0,0001.

L’examen des cotes z du tableau croisé révèle que le pourcentage de mères ayant un réseau de soutien de taille moyenne (de 6 à 11 personnes) ne diffère pas significativement selon les modes de garde. Toutefois, les mères dont les enfants utilisent des services de garde structurés sont plus nombreuses (34,6 %, z = 4,7) à disposer d’un grand réseau de soutien social (12 personnes ou plus) que celles qui n’utilisent aucun mode de garde (16,9 %, z = -5,1). À l’inverse, les mères qui n’utilisent aucun mode de garde sont plus nombreuses (37,3 %, z = 4,3) à compter un nombre restreint de personnes dans leur réseau de soutien que celles qui utilisent des services structurés de garde (23 %, z = -3,7).

3.2 Corrélations

Afin de réaliser les analyses multivariées, nous présentons au Tableau 4 les taux des corrélations entre les covariables (âge de la mère, âge de l’enfant, santé de l’enfant, pays d’origine de la mère) et les variables dépendantes (stress parental, soutien social, problèmes de comportement internalisés et externalisés).

Tableau 4

Corrélations entre les covariables et les variables indépendantes à l’étude

Corrélations entre les covariables et les variables indépendantes à l’étude

N = 1245 * : p ≤ 0,05

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La première covariable, l’âge de la mère, présente des corrélations significatives avec trois des quatre variables dépendantes (stress parental : r = -0,08, p < 0,05, comportements internalisés : r = -0,16, p < 0,05 et comportements externalisés : r = -0,18, p < 0,05). Les mères plus jeunes sont celles qui rapportent des scores d’indices les plus élevés de stress parental, de comportements internalisés et externalisés chez leur enfant. La seconde covariable, l’âge de l’enfant, est également associée à deux des variables dépendantes (soutien social : r = -0,06, p < 0,05 et comportements internalisés : r = 0,06, p < 0,05). Les mères qui rapportent un plus petit réseau de soutien social et des scores de problèmes de comportements internalisés plus élevés chez leur enfant ont des enfants plus âgés.

La troisième covariable, la santé de l’enfant, est associée à une seule variable dépendante (comportements externalisés : r = -0,07, p < 0,05). Lorsque les enfants sont en santé, leurs mères rapportent moins la présence de problèmes de comportements externalisés. Enfin, la dernière covariable, le pays d’origine de la mère, est associée à trois des variables dépendantes (stress parental : r = 0,10, p < 0,05, soutien social : r = - 0,37, p < 0,05 et comportements externalisés : r = -0,10, p < 0,05). Ainsi, les mères dont les indices de stress parental sont plus élevés, qui ont un réseau de soutien social plus faible et qui rapportent moins de problèmes de comportements externalisés chez leurs enfants proviennent davantage de pays en voie de développement.

La seconde partie du Tableau 5 présente les coefficients de corrélations entre les quatre variables dépendantes. Les résultats indiquent que le score total de la mesure du stress parental (PSI-SF) est associé aux trois autres variables dépendantes. Le stress parental est en relation négative avec la taille du réseau de soutien social (r = -0,16, p < 0,05) et en relation positive avec les scores de comportements internalisés (r = 0,48, p < 0,05) et externalisés (r = 0,48, p < 0,05) du CBCL-SF. Les parents dont les scores de stress parental sont les plus élevés sont ceux dont la taille du réseau de soutien social est plus petite et dont les enfants présentent des scores de comportements internalisés et externalisés plus élevés. La taille du réseau de soutien social est uniquement associée au score de comportements internalisés (r = -0,09, p < 0,05) du CBCL-SF. Les parents qui disposent d’un petit réseau de soutien social ont des enfants dont les scores de comportements internalisés sont plus élevés. Enfin, les scores de comportements internalisés sont associés aux scores de comportements externalisés (r = -0.65, p < 0,05). Les enfants dont les scores de comportements internalisés sont élevés sont aussi ceux dont les scores de comportements externalisés sont élevés.

3.3 Analyses multivariées

Les Tableaux 5 et 6 présentent les moyennes et les écarts types ajustés des quatre variables dépendantes de l’étude : scores de comportements internalisés et externalisés (CBCL), scores totaux de l’indice de stress parental et taille du réseau de soutien social des parents selon qu’ils fréquentent des services de garde structurés, moins structurés ou qu’ils n’en fréquentent pas et selon le cumul de facteurs de risque (0, 1, 2, 3).

Tableau 5

Moyennes ajustées et écarts types des variables dépendantes selon le type de service de garde en trois catégories

Moyennes ajustées et écarts types des variables dépendantes selon le type de service de garde en trois catégories

N = 1245

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Tableau 6

Moyennes ajustées et écarts types des variables dépendantes selon les quatre niveaux de risque

Moyennes ajustées et écarts types des variables dépendantes selon les quatre niveaux de risque

N = 1245

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Le Tableau 7 présente les analyses de covariance multivariées (MANCOVAs) et univariées (ANCOVAs). Les analyses multivariées révèlent un effet principal des variables niveaux de risques, F(12, 1245) = 4,56, p < 0,0001, et des types de garde, F(8, 1245) = 5,67, p < 0,0001. Il n’y a pas d’effet d’interaction entre les niveaux de risques et les types de services de garde, F(24, 1245) = 0,92, p = 0,58.

Tableau 7

Analyses de covariance multivariée et univariée sur les quatre variables dépendantes

Analyses de covariance multivariée et univariée sur les quatre variables dépendantes

N =1245 * = p ≤ 0,05, ** = p ≤ 0,01, *** = p ≤ 0,001

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Les analyses univariées confirment l’effet principal du niveau de risque sur les quatre variables dépendantes. Pour les types de garde, on note uniquement un effet principal sur deux des variables dépendantes, les scores internalisés F(2, 1245) = 6,31, p < 0,01 et les scores de la taille du réseau de soutien social F(2, 1245) = 14,76, p < 0,001. Les analyses univariées confirment aussi une absence d’effet d’interaction entre les niveaux de risques et les types de services de garde pour chacune des variables dépendantes.

Le test de contraste de différences sur les catégories de services de garde révèle que les scores internalisés sont plus élevés chez les enfants qui ne fréquentent aucun service de garde que ceux des enfants fréquentant des services de garde structurés ou moins structurés t(1229) = 3,05, p = 0,002. Les tests de contrastes révèlent également que la taille du réseau de soutien social des parents est plus faible pour ceux dont les enfants ne fréquentent aucun service de garde lorsqu’on les compare aux scores des enfants qui fréquentent des services de garde structurés ou moins structurés t(1229) = 4,79, p < 0,0001.

Un contraste polynomial sur les niveaux de risque révèle que seul le contraste de type linéaire permet d’expliquer la relation entre le cumul de facteurs de risque et les variables dépendantes. Ainsi, on peut conclure que plus le niveau de risque augmente, plus les problèmes internalisés, t(1229) = 4,61, p < 0,001, et externalisés, t(1229) = 4,13, p < 0,001, de comportement augmentent chez l’enfant et plus le stress parental augmente chez la mère, t(1229) = 5,25, p < 0,001. À l’inverse, la taille du réseau de soutien social diminue en fonction de l’augmentation de nombre de facteurs de risque, t(1229) = 9,00, p < 0,001.

4. Discussion

La présente étude a permis d’analyser deux questions concernant l’utilisation de divers types de services de garde. En premier lieu, nous avons examiné les taux de problèmes de comportements des enfants, de stress parental et de soutien social en fonction de l’utilisation de divers types de services de garde. Par la suite, nous avons analysé si les scores moyens de stress parental et de la taille du réseau de soutien social des parents de même que des problèmes de comportement des enfants de divers niveaux de risque diffèrent selon qu’ils fréquentent ou non des services de garde structurés.

4.1 Taux de problèmes de comportements des enfants, de stress parental et de soutien social et utilisation des services de garde

4.1.1 Comportement des enfants

Les enfants de notre étude qui ne fréquentent aucun service de garde présentent des taux de comportements internalisés dans la catégorie clinique et limite et de comportements externalisés dans la catégorie limite (19,4 %) supérieurs aux taux qui sont habituellement observés dans la population en général (Campbell, 1995).

Des recherches sur les problèmes de comportement chez des enfants qui fréquentent des services de garde avancent que la fréquentation intensive d’un service de garde, même s’il est de qualité, est associée à plus de problèmes de comportements externalisés et internalisés chez les enfants (Belsky et al., 2007; Vandell, 2004, 2007). Toutefois, certaines études plus récentes rapportent des taux plus faibles de comportements externalisés chez les enfants qui fréquentent des services de garde structurés (Côté et al., 2007). Nos données suggèrent que les enfants qui ne fréquentent aucun service de garde démontrent plus de problèmes de comportements internalisés que ceux qui fréquentent des services structurés ou moins structurés, alors que ces différences seraient moins prononcées pour les problèmes externalisés. Nous pouvons évoquer diverses raisons pour expliquer nos résultats.

Tout d’abord, les études sur les problèmes de comportement des enfants utilisent généralement des données issues de plusieurs sources, telles que les éducateurs ou enseignants des enfants. Il se peut que les éducateurs puissent observer les comportements des enfants dans un contexte de groupe et arrivent à des résultats différents des parents en contexte familial (Stacks et Goff, 2006). Aussi, comme la présente étude est de nature corrélationnelle, on peut faire l’hypothèse que les mères qui choisissent d’envoyer leurs enfants en service de garde présentent des caractéristiques particulières (Bigras et al., 2008a; Côté et al., 2007). Il est possible que les familles qui privilégient des modalités de garde structurées mettent en place d’autres actions propres à assurer des taux plus faibles de problèmes de comportement internalisés. Il est également possible que les familles dont les enfants présentent des taux élevés de problèmes de comportements soient celles qui choisissent de garder leur enfant à la maison. En d’autres mots, on pourrait être en présence d’un biais de sélection des services de garde par les parents.

Nos résultats indiquent également une absence de différence pour ce qui concerne les comportements externalisés en fonction du type de service de garde fréquenté par les enfants. Certains éléments propres aux services de garde structurés fréquentés favoriseraient une baisse des scores de comportements internalisés, alors qu’ils n’auraient pas d’effet sur les comportements externalisés. Toutefois, la relation n’est pas aussi simple qu’elle ne parait. D’abord, étant donné que plusieurs études soulignent plutôt des hausses du taux de comportements externalisés chez les enfants fréquentant des services de garde, tels que les comportements agressifs, le fait qu’il y ait peu de différences entre les groupes nous apparaît une bonne nouvelle. Bien que les enfants en service de garde de notre étude ne présentent pas un taux moindre de comportements externalisés, tels que les comportements agressifs, nos données indiquent tout de même qu’ils n’en présentent pas plus. En outre, il faut rappeler que notre regroupement des services de garde structurés ne tient pas compte de la qualité des services et ne permet pas de distinguer les garderies privées des installations de CPE, pas plus que les milieux familiaux régis de ceux non régis. Nous faisons l’hypothèse que les différences de taux de problèmes externalisés auraient été plus importantes si nous avions pu distinguer les CPE des services privés, étant donné que ces derniers sont souvent évalués de moindre qualité (Drouin et al., 2004; Japel et al., 2005a).

4.1.2 Stress parental

Nos résultats indiquent une plus forte proportion de stress parental chez les parents dont les enfants ne fréquentent pas de services de garde structurés (15,1 %), comparativement à ceux qui utilisent des services structurés (9,1 %) ou moins structurés (12,8 %). Dans la population en général, on retrouve de tels taux dans une proportion de 10 % (Abidin, 1995). L’absence d’utilisation de services de garde semble donc également associée à des taux de stress parental plus problématiques que dans la population en général.

À notre connaissance, peu d’études ont examiné le lien entre le taux de stress parental et l’utilisation des services de garde. La recherche sur la conciliation famille-travail a toutefois largement souligné les effets du travail des parents sur le niveau de bien-être des membres de la famille (Voydanoff, 2002). Dans une étude récente, Warfield (2007) rapporte que les mères qui travaillent et qui ressentent des niveaux élevés de stress parental sont celles qui ont de la difficulté à trouver un service de garde qui correspond à leur horaire de travail. Ces dernières rapportent aussi un niveau de satisfaction au travail moins élevé. L’auteur propose que ce résultat s’expliquerait par le fait que les mères qui ne trouvent pas de service de garde approprié à leurs besoins doivent parfois changer d’emploi. Elles se retrouvent alors dans des emplois qui correspondent moins à leurs aspirations et à leurs capacités, ce qui induirait une insatisfaction au travail. Les données de notre étude ne permettent toutefois pas de confirmer ou non cette hypothèse. En effet, nous n’avons pas recueilli d’informations sur la satisfaction au travail chez les mères. Par ailleurs, les mères dont les enfants ne fréquentent pas de service de garde parce qu’elles n’y ont pas accès ou qu’elles choisissent de demeurer à la maison avec leur enfant se retrouvent davantage dans la catégorie des mères les plus stressées, ce qui pourrait s’expliquer par les pressions créées par un revenu familial moindre.

La relation linéaire observée entre le cumul de facteurs de risque et le niveau de stress parental confirme cette hypothèse. Les mères de notre étude qui cumulent un plus grand nombre de facteurs de risque (faible scolarité, pauvreté et monoparentalité) sont celles qui se disent le plus stressées. Ce niveau de stress élevé pourrait même, par les conséquences qu’il entraine sur le bien-être de ces mères, contribuer à freiner leur recherche d’un travail ou d’un service de garde lorsqu’elles cumulent un grand nombre de risques. Ces résultats soulignent l’importance de développer des stratégies d’offre de services de garde accessibles et attrayants pour les familles les plus démunies.

4.1.3 Soutien social

Nos résultats suggèrent que les parents qui disposent d’un plus grand réseau de soutien social sont aussi ceux qui utilisent le plus des services de garde structurés pour leurs enfants. Ces résultats vont dans le même sens que d’autres recherches qui suggèrent que le fait de disposer d’un plus large réseau de soutien social pouvant offrir du soutien émotif, de l’aide matérielle ou instrumentale ou de l’information sur différents services est associé à une plus grande utilisation des ressources offertes dans la communauté (Goulet, 2006). Il est possible que les familles qui bénéficient d’un réseau de soutien plus large aient davantage accès à de l’information leur permettant d’identifier les ressources existantes et d’obtenir plus facilement une place en service de garde pour leur enfant. Dans un tel cas, le fait d’utiliser des services de garde ne favoriserait pas nécessairement un plus grand réseau de soutien social des familles. À l’inverse, les parents disposant d’un réseau de soutien social plus restreint connaîtraient moins les opportunités et les ressources possibles qui s’offrent à eux (Strain et Blandford, 2002), ce qui aurait pour effet d’en limiter leur utilisation. Une étude prenant en compte les connaissances des ressources par les mères, telles que les services de garde offerts dans leur environnement, permettrait de mieux comprendre le sens de cette relation.

4.2 Facteurs de risque psychosociaux et potentiel de protection des services de garde

4.2.1 Cumul de facteurs de risques psychosociaux

En parallèle, concernant notre seconde question de recherche, nos résultats d’analyses multivariées soulignent que le cumul de facteurs de risques psychosociaux présents dans les familles est associé à l’occurrence de problèmes de comportement chez les enfants, à des niveaux de stress élevés et à un plus faible réseau de soutien social chez les parents. Ces relations, observées à maintes reprises (Deater-Deckard, Dodge, Bates et Pettit, 1998; Greenberg, Speltz, Deklyen et Jones, 2001; Hoff, 2003; Jones, Forehand, Brody et Arminstead, 2002; Sameroff, 2000), demeurent présentes même après avoir contrôlé l’effet des variables associées à l’âge et la santé de l’enfant ainsi qu’au pays d’origine et à l’âge de la mère. Notons toutefois que pour nos quatre variables dépendantes, aucune des moyennes observées n’atteint le niveau clinique considéré à risque, même en cumulant trois facteurs de risques. Il convient aussi de souligner que le cumul de facteurs de risques n’explique qu’une faible proportion de la variance des scores des variables dépendantes (4.5 %). On pourrait ainsi dire que la relation, bien que significative sur le plan statistique, demeure modeste sur le plan explicatif.

4.2.2 Potentiel de protection des services de garde

Nos résultats issus des analyses multivariées suggèrent aussi que le fait de fréquenter un service de garde est lié à moins de problèmes internalisés chez les enfants et à un plus grand réseau de soutien social chez les parents. Cette relation demeure présente pour tous les enfants, quel que soit le nombre de facteurs de risque présents dans leur vie. Il est possible que les services de garde structurés fournissent un environnement propice au développement de comportements positifs pour les enfants, et pour les parents, et donnent accès à des conditions plus favorables pour développer un réseau de soutien social. Néanmoins, puisqu’il s’agit ici d’une recherche corrélationnelle, on ne peut affirmer que les différences dans les scores de problèmes internalisés et la taille du réseau de soutien social sont dues à la seule fréquentation de services structurés. Il demeure possible que le fait de choisir tel ou tel type de service de garde soit aussi associé à d’autres variables du contexte familial. Par exemple, les familles qui ne recourent pas à des modalités de garde structurées ont peut-être fait ce choix après avoir rencontré des obstacles à l’utilisation des services structurés, ce qui les place dans des situations de vulnérabilité encore plus grandes.

Dans cette étude, nous n’avons pas trouvé de relation significative entre la fréquentation des services de garde et les comportements externalisés ou le stress parental. La fréquentation des services de garde structurés ne contribuerait pas à la réduction des scores moyens de problèmes de comportements externalisés et au stress parental, pas plus qu’à leur augmentation. Nos résultats sont aussi contraires à ceux rapportés par Baker et al. (2006). Ainsi, malgré les limites que nous avons déjà évoquées en introduction, ces derniers suggéraient que les parents québécois étaient plus stressés et que leurs enfants étaient plus agressifs parce qu’ils fréquentaient des services de garde.

En somme, nos résultats indiquent que la fréquentation d’un service de garde est associée à moins de problèmes de comportements internalisés chez les enfants ainsi qu’à un plus grand réseau de soutien social chez les parents. Il n’y a pas de différence dans les scores en ce qui regarde les comportements externalisés chez les enfants et le stress chez leurs parents. Ce sont les enfants et leurs parents qui utilisent des services structurés qui obtiennent les meilleurs scores. Afin de comprendre la portée de ces résultats, les prochaines études devront intégrer d’autres variables de l’environnement familial telles que les motifs de choix des divers types de services de garde par les parents. Aussi, il aurait été intéressant d’avoir des données sur l’âge où l’enfant a commencé à fréquenter un service de garde, et sur la durée et l’intensité de fréquentation de services, de manière à préciser la portée de ces variables sur les problèmes de comportement internalisés et externalisés des enfants et sur le stress parental et la taille du réseau de soutien social des parents. Les enfants et leurs parents concernés ici ont pu connaître des expériences de garde différentes et dont il nous est impossible de dégager la contribution spécifique. Dans la même ligne, il est aussi possible que des différences plus importantes ou plus faibles entre les enfants ou leurs parents apparaissent plus tard. Une étude longitudinale permettrait d’obtenir ce type d’information (Hickman, 2006; Shpancer, 2006).

Également, une meilleure compréhension des variables associées aux obstacles à la fréquentation des services de garde plus structurés pour les familles serait utile pour mieux saisir le phénomène de l’utilisation des services de garde par les familles de divers niveaux de risque. Nous émettons l’hypothèse qu’il serait possible de déceler un effet protecteur des services de garde pour les scores de comportements externalisés et le stress parental si nous avions pu distinguer les CPE des services de garde privés de notre échantillon.

Pour conclure, notre étude soutient les recherches empiriques et travaux théoriques qui suggèrent la possibilité de bénéfices associés à la fréquentation des services de garde, et va à l’encontre des résultats des autres recherches suggérant des effets négatifs. Malheureusement, le débat social sur la place des services de garde régis dans notre société persiste, pendant que le phénomène de pénurie de places demeure. Si la disponibilité d’un service de garde adapté aux besoins de la famille favorise le développement des enfants et réduit le stress et l’isolement vécus par les familles, une augmentation du nombre et de la qualité des places offertes pourrait offrir un potentiel important d’intervention positive dans les vies de ces familles.