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Il y a un peu plus de dix ans, je signais dans cette même revue une recension de Québec 1998 et Québec 1997. Le directeur de publication des deux livres était alors Roch Côté et déjà Simon Langlois y explorait, à l’aide de données statistiques multiples, les grandes tendances de la société québécoise. Si l’édition publiée en 1996 (Québec 1997) paraissait déjà, l’année suivante, grise et terne, l’édition publiée en 1997 (Québec 1998) adoptait la couverture rigide, abandonnée depuis, et surtout, une allure plus moderne et un papier plus fin. Fini le style « vieux livre de poche » un peu « cheap ». Depuis, plus de dix éditions ont vu le jour. Il est temps, sans doute, de dresser un bilan de cette belle entreprise qui consiste à fournir bilan, repères et indices pour comprendre le Québec d’aujourd’hui et de demain.

Le projet qui anime les éditeurs de l’annuaire, dresser l’état du pays, n’est pas sans rappeler celui des statisticiens allemands des XVIIe et XVIIIe siècles ou, plus près de nous, celui des auteurs des Statistical Accounts du XIXe siècle. Sur ce plan, les travaux d’un Joseph Bouchette, Arpenteur-général du Bas-Canada pendant presque les quarante premières années du XIXe siècle et auteur de deux gros ouvrages de topographie statistique, sont exemplaires : dans la Description Topographique de la province du Bas Canada de 1815, mais surtout, dans The British Dominions in North America de 1831-1832, Joseph Bouchette présente de nombreuses données, souvent chiffrées, qu’il resitue dans le cadre de l’évolution territoriale, démographique, économique, politique, sociale et même culturelle du pays (encore à définir à l’époque). Ce genre de littérature n’est donc pas nouveau. Il s’est perpétué tout au long du XXe siècle sous diverses formes, L’état du Québec 2009 n’en étant que la dernière expression, bien sûr provisoirement la plus achevée. L’impressionnante production de chiffres provenant d’organismes aussi techniquement irréprochables que Statistique Canada ou l’Institut de la statistique du Québec, l’énorme production de travaux et de recherches qu’autorise un monde universitaire segmenté, spécialisé, professionnalisé comme celui du Québec d’aujourd’hui, tout cela, évidemment, donne à ce projet des moyens incomparablement supérieurs à ce qu’ils étaient hier. Cela ne doit pas toutefois nous conduire à surestimer la précision, la valeur, l’objectivité, la neutralité des données à la base des annuaires d’aujourd’hui (et à sous-estimer la valeur ou, plus exactement, l’intérêt des chiffres derrière les descriptions statistiques d’hier). Comme le montre bien Alain Desrosières, « la quantification, sous ses différents formats, ne se contente pas de fournir un reflet du monde, elle crée une nouvelle façon de le penser, de le représenter, de l’exprimer et d’agir sur lui, à la fois par la puissance de ses modèles et de ses procédures, par leur diffusion et par leurs usages argumentatifs » (Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, Paris, Presses de l’École des mines, 2008).

J’ai devant moi Québec 1999, Québec 2000, L’annuaire du Québec 2004, L’annuaire du Québec 2008 et la dernière édition, L’état du Québec 2009. Déjà, un premier constat, très simple, s’impose : le titre a changé et la parenté avec l’autre « annuaire » bien connu des étudiants et professeurs (L’état du monde, publié chaque année par La Découverte et Boréal) devient manifeste. Même si le format est resté sensiblement le même de 1999 à 2009 (19 x 14,5 cm), le poids de l’annuaire a varié d’une année à l’autre, le record de « lourdeur » revenant sans doute à L’annuaire du Québec 2004 et celui de « légèreté », à L’annuaire du Québec 2008. La couverture rigide des (presque) premières années (1997 à 2000 ou un peu plus) a disparu, tout comme le papier épais. La présentation est plus aérée (même si le caractère typographique utilisé est souvent petit) et la publicité a fait son entrée. Le nombre de pages avait grimpé de 1999 à 2004, bien que l’édition de 2000 inclût une rétrospective du XXe siècle : on passait ainsi de moins de 400 pages à plus de 1000 pages. On est redescendu à moins de 500 pages pour l’édition 2008 (avec un caractère typographique plus gros), mais on a regrimpé à plus de 600 pages pour 2009 (avec un caractère typographique plus petit qu’en 2008). L’édition de 2008, privée de l’habituelle synthèse de Simon Langlois, est donc une des plus légères. Pour moi, qui utilise les « tendances de la société québécoise » année après année dans mes cours de science politique, l’avant-dernière édition était un peu décevante. La dernière édition, par contre, rassemble ce qu’il y avait de mieux dans les éditions précédentes : les textes de fond, qui parlent de « population et démographie » (sept articles en 2009, dont le très long « Québec 2008, portrait social » de Simon Langlois) ; des articles courts et souvent percutants sur les différents aspects de la vie au Québec (classés dans les rubriques suivantes : « vie politique et administration publique », « économie et conditions de vie » ; « environnement » ; « santé » ; « éducation » ; « arts et culture » ; « médias » ; « société civile » et « territoire ») ; des chronologies, des rappels historiques, des « capsules » bourrées de chiffres (« la santé en chiffres », « l’éducation en chiffres », « le territoire en chiffres », etc.) et même une mise en situation de l’ensemble (« regards sur le Canada » et « le monde vu d’ici ») ; mais aussi un panorama de la recherche au Québec qui détonne dans l’ensemble, à mon sens, car les textes sont bien trop courts pour rendre justice aux recherches et aux chercheurs. Tout cela tient en un peu plus de six cents pages. Le format me semble parfait, peut-être jusqu’à ce qu’une édition subséquente ne me conduise à reconsidérer ce jugement.

Bien sûr, je n’ai pas tout lu, ni de l’édition 2009, ni de l’édition 2008, ni des éditions antérieures. Mais j’ai intégralement lu, comme chaque fois qu’elle était disponible, la belle synthèse de Simon Langlois. J’ai aussi lu plusieurs des autres textes et « papillonné » à travers les deux dernières éditions et, de façon moindre, à travers les éditions précédentes, m’arrêtant sur une thématique, un tableau ou un titre. De fait, c’est sans doute comme cela que l’annuaire est concrètement utilisé. Prenons un exemple. L’annuaire 2008 s’ouvre (presque) sur un bilan de l’élection du 26 mars 2007 et sur une question, « Peut-on parler d’une élection de réalignement ? ». La montée de l’Action démocratique du Québec, l’effritement du vote péquiste mais surtout, la sociologie du vote adéquiste en laissaient entrevoir la possibilité. Aujourd’hui, après les élections générales du 8 décembre 2008, on peut sans doute répondre par la négative. Mais les termes de l’analyse de Pierre Drouilly restent pertinents. Une partie de l’électorat, « les jeunes familles de la classe moyenne qui migrent massivement vers les couronnes périphériques des grandes villes » (L’annuaire du Québec 2008, p. 38), décroche du Parti québécois sans pour autant rejoindre le Parti libéral. La très forte abstention, lors du dernier scrutin, liée en partie à la prestation décevante de l’ex-opposition officielle adéquiste, ramène le jeu politique à Québec au tandem PLQ-PQ. Mais s’il est vrai que l’ADQ n’a pas réussi à imposer durablement de nouvelles thématiques dans le jeu politique ou, ce qui est partiellement le cas, à en rester le « dépositaire officiel » et que ces thématiques correspondent à des transformations de fond de la société et de l’électorat, alors il n’est pas impossible que la question d’un éventuel réalignement resurgisse bientôt.

C’est alors qu’apparaît fondamentale, pour un politologue, l’étude de la morphologie de la société québécoise. Elle pose ce qui, en fond de scène, « travaille » à plus ou moins long terme la vie politique. D’abord, le « lent recul du poids démographique relatif du Québec » : en 2040, la population du Québec, qui en 2008 représentait 23,4 % de la population du Canada, ne devrait plus compter que pour environ 20 % de l’ensemble ; ce faisant, on peut penser que le poids politique du Québec ira aussi en s’affaiblissant ; cela jouera-t-il en faveur ou en défaveur des forces souverainistes ? Ensuite, la décroissance démographique des régions et, par contre, la croissance des ensembles métropolitains : là encore, l’impact sur la vie politique sera indéniable, mais difficile à prévoir ; la carte électorale devra en tenir compte, les partis également ; le Parti libéral, fortement montréalais, et le Parti québécois, nettement (proche) banlieusard, ne devraient pas être perdants ; mais comment réagiront les électeurs des régions en perte de vitesse ? Qui prendra en charge leurs intérêts ? De ce point de vue, l’idée d’un Conseil des Régions élu et égalitaire proposée par la Coalition pour un Québec des Régions a-t-elle des chances d’être entendue, d’être retenue ? Également, la désaffection vis-à-vis du mariage, la hausse du divorce, l’augmentation du nombre de naissances hors mariage, mais aussi le retour de la famille, la diversité grandissante des modes de vie familiaux et non familiaux : comment les partis, les gouvernements répondront à des demandes suscitées par ces transformations qui semblent s’opposer ? Enfin, l’accentuation des inégalités générée, entre autres, par une baisse des impôts, et une certaine atténuation de la pauvreté : ces deux évolutions, qui peuvent apparaître contradictoires mais qui ne le sont pas nécessairement, vont-elles conduire à l’émergence de forces ou de discours politiques nouveaux ?

Toutes ces tendances (notre liste n’est pas exhaustive) – que Simon Langlois explore et expose année après année en s’appuyant sur les données issues des recensements et des enquêtes statistiques – informent le politique. Mais selon des logiques complexes que les électeurs, les militants, les politiciens (et, sur un mode particulier, les analystes) cherchent à saisir, pour exploiter les ressources politiques nouvelles que ces tendances décèlent, les mobiliser ou pour contrer les effets de ces tendances, voire inverser ces dernières, par exemple en favorisant l’immigration, la francisation, la dynamisation des régions, une meilleure redistribution. Le « portrait social du Québec d’aujourd’hui » dans L’état du Québec 2009 est un excellent exemple de cadre contextuel pour comprendre et analyser différentes dimensions de la vie politique, économique, culturelle et, bien sûr, sociale du Québec. Mais ce portrait ne se transforme pas, année après année, selon une logique autonome, univoque, strictement démographique. Comme le montre l’exemple des politiques fiscales, des décisions politiques relativement à l’abaissement ou non des taux d’imposition, à un recul ou non de la progressivité de l’impôt, modifient à terme ce portrait social. Depuis de nombreuses années, d’ailleurs, Simon Langlois, en s’appuyant sur l’analyse des coefficients de Gini avant et après transferts et impôts, anticipe une détérioration de la situation du point de vue de l’inégalité entre les ménages. Dans Québec 2000, il notait que :

L’impôt sur le revenu et les paiements de transfert aux individus réduisent considérablement les inégalités entre les ménages. Cette observation est importante, car elle montre que ces deux grands mécanismes de réduction des inégalités, caractéristiques du mode de fonctionnement de l’État-providence, continuent de fonctionner. Les changements observés dans les politiques publiques – abolition des allocations familiales, remise en cause de l’universalité du programme de sécurité du revenu de la vieillesse, faible indexation de l’aide de dernier recours, modifications radicales au programme de l’assurance-emploi, etc. – et surtout les baisses d’impôts qui sont annoncées (déjà en vigueur dans plusieurs provinces et discutées au Québec) risquent d’accroître la hausse des inégalités dans les années à venir (p. 187).

Les baisses d’impôts se sont concrétisées et avec le recul et, bien sûr, des données sur les périodes plus récentes, on peut constater que si :

Les mécanismes de redistribution typiques de l’État-providence fonctionnent [,] leur rôle et leur efficacité se présentent bien différemment d’une décennie à l’autre. Durant les années 80, l’État-providence a été en mesure de réduire les inégalités observées dans les revenus de marché, notamment au cours du cycle d’expansion qui a suivi la récession dans le premier cycle économique. Les choses ont changé dans les années 90. L’intervention étatique réduit les inégalités de marché en redistribuant les revenus chaque année, certes, mais elle n’est plus en mesure de faire baisser les inégalités au cours du cycle, qui sont restées à un niveau plus élevé qu’au cours du cycle économique précédent. […] L’inégalité est donc structurellement en hausse, après que l’État-providence a joué son rôle de redistributeur de la richesse. Il s’agit là d’un changement important dans l’histoire des 50 dernières années (L’état du Québec 2009, p. 82-83).

Le néolibéralisme, qui a inspiré bien des politiciens et des gouvernements depuis les années 80 du siècle dernier et jusqu’à la crise actuelle, théorise cette évolution des inégalités et de la pauvreté. Comme plusieurs de ses laudateurs l’ont écrit dans les colonnes des journaux, l’inégalité peut être un puissant stimulant pour l’économie. Elle est constitutive du monde dans lequel nous vivons. Un désengagement de l’État, une moindre imposition, une moindre progressivité vont d’abord conduire à un accroissement de l’inégalité. Mais à terme un « équilibre » s’instaurera. Que les innovateurs puissent tirer le plein bénéfice de leurs idées, de leur audace, de leurs actions n’est que justice. Tôt ou tard, une redistribution par la création d’emplois, le redéploiement des richesses opérera. De telles politiques de désengagement, de déréglementation, productrices de richesses, seraient ainsi plus aptes à combattre le véritable fléau, la pauvreté, que celles qui visent la réduction des inégalités. Le fait que la pauvreté au Québec régresse (« Les trois mesures disponibles indiquent que les taux de faible revenu et de pauvreté sont en baisse au Québec après l’entrée dans le nouveau siècle », L’état du Québec 2009, p. 87), donne, il est vrai, du crédit à ces thèses. D’un point de vue plus politique ou sociologique qu’économique, on peut toutefois s’inquiéter des effets sur le moral (et la morale) social de la hausse des inégalités. Nos sentiments et nos actions ne sont-ils pas fonction de la conception qu’on se fait de notre position relative dans l’ensemble sociétal (l’écart entre nous, notre groupe et les autres) plutôt que de notre position absolue (notre plus ou moins grande pauvreté ou richesse), du moins lorsqu’on échappe à l’extrême pauvreté ? De ce point de vue, une lecture plus fine des inégalités serait sans doute nécessaire. Nous recevons de plus en plus d’informations, surtout depuis que la crise économique actuelle s’est imposée, sur ce qui peut apparaître comme des situations d’extrême privilège : rémunérations et primes de séparation sans commune mesure avec ce que reçoivent la très grande majorité des citoyens. Le contexte de crise économique est, certes, favorable à la diffusion de nouvelles à ce sujet. D’un autre côté, le militantisme d’un Institut économique de Montréal, par exemple, qui campe sur des positions néolibérales marquées, se fait plus discret. Mais des données sur la croissance des revenus pour les 5 %, les 1 %, les 0,1 %, les 0,01 % les plus riches, comme le signale Emmanuel Todd dans son dernier livre (Après la démocratie, Paris, Gallimard, 2008), permettraient sans doute d’offrir une assise plus solide aux argumentaires critiques du néolibéralisme. Dans le cas français, selon Todd, qui s’appuie sur les travaux de Camille Landais, qui lui-même reprend la méthode d’analyse de Thomas Picketty, entre 1998 et 2006 la croissance du revenu des 10 % les plus aisés a été de 8,7 %, celle des 5 % les plus riches de 11,3 %, celle des 1 % les plus riches de 19,4 %, celle des 0,1 % les plus riches de 32 % et celle des 0,01 % les plus riches de 42,6 %, alors que le revenu médian n’a augmenté pendant la même période que de 4,29 % (Todd, p. 178).

Le portrait social que présente Simon Langlois offre donc des bases solides pour l’analyse sociologique et politique et permet, ainsi, de mettre en contexte les débats, les polémiques. Dans l’annuaire 2008, mais cette année-là la synthèse de Langlois fit défaut, un débat « opposa » Luc Godbout qui « critiqu[a] les baisses d’impôt sans les diaboliser pour autant » et Germain Belzile qui fit un « plaidoyer pour une réduction radicale des impôts ». Belzile argumenta en termes de croissance du PIB en lien avec la taille de l’État, développant un argumentaire strictement néolibéral (« lorsque l’on a moins de riches, que ce soit parce que l’on entrave l’enrichissement ou parce que l’on fait fuir les riches, c’est la classe moyenne qui paie », p. 194) et concluant « qu’on n’a pas encore identifié un pays développé où l’État était si petit qu’il nuisait à la croissance » (p. 195). L’opposition était, dans ce cas-là, assez modérée puisqu’elle invoquait essentiellement des raisons touchant aux pressions démographiques et à l’équité intergénérationnelle (p. 191). L’année suivante, un débat comparable, mais plus musclé opposa, à propos du rapport du groupe de travail sur la tarification des services publics, ou rapport Montmarquette, Marcel Boyer (« Pour une politique tarifaire efficace et juste ») et Philippe Hurteau (« L’utilisateur-payeur : quand les néolibéraux parlent d’équité »). Dans le coin « gauche », contrairement à l’année 2008, le polémiste n’hésita pas à viser la cible néolibérale et ses dogmes (« le premier consiste à présenter l’impôt proportionnel aux revenus comme étant improductif et le second, à lier service public et gaspillage », p. 176).

À l’automne 2009 paraîtra une nouvelle édition de L’état du Québec. Elle inclura, espérons-le, une longue section sur les tendances du Québec contemporain et réservera sans doute une place importante aux faits, aux débats portant sur la crise financière et économique actuelle, dont les effets politiques et sociaux sont complexes et, ce faisant, difficiles à cerner. Avons-nous, avec cette crise, clos une période de l’histoire de nos sociétés, amorcée dans les années 80 du siècle dernier et préparée idéologiquement dès la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Le capitalisme financier subira-t-il un coup d’arrêt ? L’élection de Barack Obama, au sud, le maintien d’un gouvernement conservateur, au fédéral, surveillé de près par les troupes libérales d’Ignatieff, l’étonnante capacité de Jean Charest à se maintenir au pouvoir à Québec et du Bloc québécois à mobiliser l’électorat francophone, l’acceptation, même dans bien des milieux qui lui étaient hostiles (mais pas, semble-t-il, à l’Institut économique de Montréal !), de l’idée de déficit budgétaire, les inquiétudes dans la population relativement à l’emploi et aux retraites, la reconfiguration du discours américain en matière de relations avec l’extérieur, le regain des idées protectionnistes (sur ce plan, on pourra encore renvoyer au dernier livre de Todd qui se termine par un plaidoyer en faveur du protectionnisme, « dernière chance de la démocratie européenne »), tout cela méritera d’être présenté, étudié, discuté. Sur la moyenne durée (plus de dix années !), L’annuaire ou L’état du Québec a prouvé son utilité. Il s’est transformé et s’est généralement bonifié ; comme on l’a vu, l’édition de 2009 représente un progrès par rapport à 2008, mais 2004, avec sa volumineuse section sur la population, était particulièrement riche en informations et analyses ! L’ensemble des éditions constitue en quelque sorte la mémoire récente du Québec, avec les débats, les opinions, les analyses, les conceptions, les faits dominants des années 1996 à 2008. Pour qui voudrait étudier l’histoire des dernières années, la lecture des annuaires serait particulièrement enrichissante : on y verrait apparaître et s’estomper, voire disparaître, des thématiques « à la mode » comme celles de la « réingénierie », de l’inforoute, ou on constaterait qu’à un moment donné, d’autres thématiques prennent beaucoup d’espace, comme les accommodements raisonnables, les fusions municipales, la crise du verglas, la laïcité… On y verrait, bien sûr, aussi se reproduire, d’année en année, les mêmes questionnements, souvent inquiets, relativement à la souveraineté, à la place du français, au sort des régions, à l’immigration, à la fécondité, au vieillissement, à l’état du système de santé, à la piètre condition du système routier, aux problèmes internes du Parti québécois…

C’est dire tout le bien que je pense d’un outil qui, certes, n’est pas exempt de défauts (on trouvera, bien sûr, quelques coquilles comme en 2009 où, dans le même texte, l’auteur parle de 116 puis de 126 sièges pour les conservateurs à la Chambre des communes, p. 22-23). Sur le lot de textes, certains m’ont enchanté, d’autres m’ont profondément irrité : ainsi, j’avoue n’avoir plus guère de tolérance face à certains argumentaires grossièrement néolibéraux, proches par le style et le caractère fortement idéologique, dogmatique et peu subtil des vieux argumentaires vulgairement marxistes. Mais c’est cela aussi l’état du Québec !