Corps de l’article

Afin de répondre aux nouvelles exigences de compétitivité et de flexibilité, les organisations ont dû recourir à divers moyens comme la rationalisation de leurs effectifs et la révision de leurs politiques de ressources humaines pour assurer leur survie. En conséquence, la sécurité d’emploi a diminué et la relation entre l’employé et son entreprise s’est fragilisée (Morrison et Robinson, 1997). Sur ce point, la littérature sur le leadership transformationnel (Bass, 1985) souligne justement à quel point le supérieur représente un acteur de premier plan dans le rétablissement de ce lien social affaibli entre les organisations et leurs employés. D’ailleurs, de plus en plus d’études (Bycio, Hackett et Allen, 1995 ; Dumdum, Lowe et Avolio, 2002 ; Rafferty et Griffin, 2004 ; Yammarino, Spangler et Dubinsky, 1998) montrent que les différentes formes de leadership associées à la théorie du leadership transformationnel, transactionnel et laisser-faire ont un impact important sur plusieurs attitudes et comportements des employés dont l’engagement affectif organisationnel qui se caractérise par l’attachement émotif d’un individu envers son entreprise (Meyer et Allen, 1997).

Malgré cela, encore très peu de chercheurs se sont intéressés aux processus par lesquels les leaders produisent de tels effets (Bass et Riggio, 2006 ; Bono et Judge, 2003 ; Yukl, 2006). De rares auteurs se sont attaqués à cette problématique en identifiant notamment l’habilitation des employés (empowerment) (Avolio et al., 2004) et la justice (Pillai, Schriesheim et Williams, 1999) comme mécanismes explicatifs entre le leadership transformationnel et l’engagement affectif des employés.

Nous entendons bâtir sur ces récents résultats afin d’améliorer la compréhension de cette dynamique. En s’appuyant sur la théorie de l’échange social (Blau, 1964), l’objectif de cette recherche consiste donc à explorer comment le supérieur peut renforcer l’engagement affectif de ses employés. Plus précisément, nous évaluerons dans quelle mesure le soutien et la confiance permettent d’expliquer l’influence de chacune des dimensions associées au leadership transformationnel, transactionnel et laisser-faire sur l’engagement.

Cet objectif s’inspire également de récents travaux sur les qualités psychométriques de la théorie du leadership transformationnel, transactionnel et laisser-faire qui ont mis en évidence l’importance d’utiliser les dimensions spécifiques plutôt que les trois grandes formes de leadership parce que ces dernières fournissent une image imparfaite et trop simplifiée de l’ensemble des comportements et du potentiel des leaders (Antonakis, Avolio et Sivasubramaniam, 2003). Une des principales contributions de cet article provient justement du fait qu’encore très peu de recherches empiriques se sont attardées à l’effet de ces dimensions sur d’autres variables, ne se concentrant que sur l’influence des formes globales de leadership et presque exclusivement sur la forme transformationnelle. En plus de combler une lacune à ce niveau, la deuxième contribution significative de ce projet réside dans le fait qu’aucune étude n’a, à notre connaissance, validé le soutien comme mécanisme intermédiaire entre le leadership et l’engagement affectif.

La théorie du leadership transformationnel, transactionnel et laisser-faire

Bien que l’étude du leadership recèle une multitude de théories, celle du leadership transformationnel constitue sans nul doute la théorie qui a reçu le plus d’attention au cours des dernières années (Lowe et Gardner, 2000 ; Yammarino et al., 2005). La présente recherche s’articule donc autour de cette théorie. En s’appuyant sur les travaux de Burns (1978) et de Bass (1985) sur le leadership transformationnel et transactionnel, Avolio (1999) a par la suite développé la « full range leadership theory » qui regroupe trois formes de leadership (transformationnel, transactionnel et laisser-faire).

Le leader transformationnel encourage ses subordonnés à développer leur plein potentiel et à dépasser leur intérêt personnel pour le bien de l’organisation en posant des actions qui modulent leurs attitudes et croyances (Judge et Piccolo, 2004). Les recherches actuelles s’entendent généralement sur quatre grandes dimensions associées à cette forme de leadership. D’abord, l’influence idéalisée (idealized influence) représente la capacité du leader à motiver ses employés en étant un modèle, un exemple à suivre. Un tel individu se sacrifie pour l’organisation, il va au-delà de son intérêt personnel pour le bien de l’organisation (Bass, 1985). La motivation inspirationnelle (inspirational motivation) représente la deuxième composante du leadership transformationnel. Un leader particulièrement habile à ce niveau motivera ses subordonnés en donnant du sens et des défis dans leur travail. Il suscitera leur enthousiasme en transmettant une vision claire et en partageant ses objectifs (Podsakoff et al., 1990). On retrouve ensuite la stimulation intellectuelle (intellectual stimulation). Ici, les employés sont encouragés par leur supérieur qui les pousse à être innovateurs et créatifs, à remettre en question les façons de faire habituelles et les idées préconçues (Podsakoff et al., 1990). Il les aide à voir les problèmes sous un nouveau jour. Finalement, la considération individualisée (individualized consideration) est présente chez un leader qui porte une attention aux besoins de chacun de ses employés. C’est un individu qui agit à titre de coach et de mentor (Judge et Piccolo, 2004), qui possède une bonne écoute et qui favorise une communication ouverte avec ses subordonnés. Il n’hésite pas non plus à leur déléguer des tâches pour encourager leur développement.

Au lieu d’encourager les salariés à dépasser leurs aspirations individuelles, le leader transactionnel agira plutôt sur leurs intérêts personnels afin de les motiver. Selon Bass (1985), un tel leader communique clairement ses attentes à ses subordonnés et récompense ou punit selon l’atteinte des objectifs fixés. En somme, il utilise divers incitatifs (ex. félicitations, récompenses matérielles, avertissement, blâme) significatifs aux yeux des employés afin qu’ils rencontrent ses attentes (ex. effort supérieur, aide à des collègues). Trois dimensions sont généralement associées au leadership transactionnel (Judge et Piccolo, 2004). On retrouve d’abord la reconnaissance contingente (contingent reward) où le leader cherche à clarifier les tâches et objectifs à effectuer, pour ensuite reconnaître ou récompenser l’employé qui les accomplit de façon satisfaisante (Podsakoff et al., 2006). C’est cette rétroaction régulière sur la performance qui permet aux employés de mieux cibler leurs efforts. Les deux autres dimensions du leadership transactionnel sont la gestion par exception active et la gestion par exception passive (management by exception active and passive) où l’emphase est placée sur les écarts et les erreurs des subordonnés. Le premier cas renvoie au leader qui surveille constamment le travail et la performance de ses employés et qui réprimande lorsque ceux-ci s’écartent des objectifs ou des standards (Bass et Riggio, 2006). Dans le deuxième cas, le supérieur attendra plutôt que les problèmes et erreurs s’aggravent avant de rectifier la situation.

Enfin, le leadership laisser-faire, qualifié par certains de non transactionnel, représente la troisième et dernière forme de leadership de cette théorie. Composée d’une seule dimension, elle réfère à des supérieurs qui s’investissent peu dans leurs relations avec leurs subordonnés. Ils retardent ou évitent souvent des décisions les concernant, comme s’ils cherchaient à se soustraire à leurs responsabilités managériales (Judge et Piccolo, 2004). Poussé à l’extrême, on parlerait d’une absence de leadership.

Bien que la théorie du leadership transformationnel, transactionnel et laisser-faire, propose un total de huit dimensions de leadership, ce découpage n’est toutefois pas aussi clairement tranché au plan empirique puisque les résultats de certaines recherches arrivent à un nombre plus ou moins variable de dimensions. Devant ce constat, Avolio, Bass et Jung (1999) ont cherché à comparer les différentes structures factorielles relevées dans la littérature. À partir de leurs analyses, ils ont dégagé un modèle à six dimensions qui offrait le meilleur ajustement aux données. Ce modèle reprend les mêmes dimensions théoriques décrites par Judge et Piccolo (2004), mais combine la motivation inspirationnelle et l’influence idéalisée en une seule dimension de charisme, ainsi que la gestion par exception passive et le laisser-faire en une dimension d’évitement passif, d’où le passage de huit à six dimensions. Puisque l’étude d’Avolio, Bass et Jung (1999) constitue la validation la plus exhaustive des dimensions associées à la théorie du leadership transformationnel, transactionnel et laisser-faire, nous avons retenu leur structure dans la présente étude.

Le leadership et l’échange social

La théorie de l’échange social offre un éclairage intéressant sur le processus par lequel le leader influence les attitudes et comportements de ses subordonnés. Il existe de nombreuses articulations de cette théorie (Cropanzano et Mitchell, 2005), mais la plus utilisée en gestion réfère à des actions volontaires exécutées par des individus qui espèrent que les acteurs visés leur procurent des bénéfices en retour (Blau, 1964). Ainsi, lorsqu’un individu (ex. supérieur) commet un geste qui a des conséquences positives pour un autre (ex. employé), il crée un engagement envers celui-ci. Afin de se départir de cette obligation, la personne retournera une forme quelconque de bénéfice à l’initiateur de l’action. Si les deux acteurs valorisent ce qu’ils reçoivent, le cycle d’échanges se poursuivra jusqu’à l’atteinte d’un point d’équilibre où l’utilité marginale des bénéfices retirés par chacun ne dépassera plus les coûts engendrés pour l’obtention de ces derniers.

Contrairement à l’échange économique où les responsabilités de chaque partie peuvent être explicitées à travers des mécanismes formels comme le contrat, l’échange social repose avant tout sur la confiance interpersonnelle, puisque le bénéfice attendu en retour est difficilement exigible (Blau, 1964). En d’autres mots, l’acte de réciproquer demeure à la discrétion de celui qui reçoit le bénéfice. Sur la base de l’échange social, l’engagement affectif des subordonnés envers leur organisation pourrait donc être accentué par un sentiment de confiance que le leadership du supérieur instaure dans la relation (Pillai, Schriesheim et Williams, 1999).

La perception de soutien représente un deuxième concept issu de la théorie de l’échange social qui pourrait expliquer le renforcement de l’engagement de l’employé à partir des actions des leaders. En s’appuyant sur la norme de réciprocité de Gouldner (1960) selon laquelle les individus ressentent le besoin ou l’obligation d’aider ceux qui les ont aidés, Eisenberger et al. (1986) ont articulé leur théorie du soutien organisationnel selon laquelle les employés se forment généralement une opinion globale du degré d’engagement de l’organisation envers eux afin de combler leur besoin de reconnaissance et d’approbation. En d’autres mots, ils déterminent dans quelle mesure l’organisation et ses représentants valorisent leurs contributions et se préoccupent de leur bien-être et ajustent ensuite leurs comportements et attitudes en fonction de cette évaluation. C’est pourquoi l’engagement d’un employé pourrait être plus élevé lorsqu’il perçoit que son supérieur se préoccupe de lui et valorise son bien-être.

Le modèle théorique développé dans le cadre de la présente étude est présenté à la figure 1. Il illustre les cinq hypothèses développées dans les sections qui suivent.

Le leadership et la confiance

La confiance reflète une « acceptation de vulnérabilité basée sur des attentes positives d’un individu à l’égard des intentions ou actions d’une autre personne » (Rousseau et al., 1998 : 395). En d’autres mots, la confiance se manifeste lorsque l’on présume que les intentions et les comportements d’autrui sont bienveillants. Un certain nombre de recherches se sont déjà attardées à la relation entre le leadership transformationnel et la confiance envers le supérieur. Par exemple, Dirks et Ferrin (2002) montrent que le leadership transformationnel représente un des principaux déterminants de la confiance envers le supérieur. De son côté, Bass (1985) soutient que les actions posées par un leader transformationnel visent principalement à développer le potentiel de ses employés. Ce faisant, elles créent une zone de confiance et de respect qui permet aux employés de s’identifier davantage à leur leader et à sa vision. Cet argumentaire qui ouvre la voie au positionnement intermédiaire de la confiance a déjà été validé dans deux études où le leadership transformationnel a été indirectement relié aux comportements de citoyenneté organisationnelle (Pillai, Schriesheim et Williams, 1999 ; Podsakoff et al., 1990) à travers la confiance envers le supérieur.

Figure 1

Modèle théorique

Modèle théorique

-> Voir la liste des figures

Maintenant que nous avons vu comment le leadership transformationnel peut renforcer la confiance, il importe de tourner notre regard du côté du leadership transactionnel. Pour certains auteurs, une relation entre le leadership transactionnel et l’engagement affectif pourrait difficilement se justifier à partir de l’échange social. C’est le cas de Burns (1978) qui mentionne que le leadership transactionnel développe des échanges de nature économique tandis que le leadership transformationnel favorise des échanges à caractère social. Cependant, d’autres chercheurs comme Avolio (1999) apportent un son de cloche différent. Malgré l’effet positif du leadership transformationnel, l’auteur insiste sur l’importance de la forme transactionnelle et, plus particulièrement, de la dimension de reconnaissance contingente, car c’est à travers cette dernière que le supérieur initie les premiers échanges constructifs avec ses employés et que la confiance se développe. Cette hypothèse a été vérifiée par l’étude de Podsakoff et al. (1990) et de Pillai, Schriesheim et Williams (1999) qui font toutes deux états de relations positives entre la reconnaissance contingente et la confiance du supérieur. Il nous apparaît donc tout à fait pertinent d’étudier le leadership transactionnel dans une perspective d’échange social.

Comparativement aux deux premières formes de leadership, nous n’avons recensé aucune étude s’attardant à l’effet des dimensions de gestion par exception active et d’évitement passif sur la confiance ou l’engagement. Ceci n’est guère surprenant puisque très peu de recherches empiriques ont porté sur ces dimensions du leadership. Les résultats de ces études semblent toutefois indiquer que leur influence sur des variables comme la satisfaction et l’efficacité est généralement négative (Judge et Piccolo, 2004 ; Dumdum, Lowe et Avolio, 2002 ; Goodwin, Wofford et Whittington, 2001). Sur cette base, nous supposons un effet analogue avec la confiance. Ainsi, parce qu’ils sont laissés à eux-mêmes, les employés des leaders faisant preuve d’évitement passif pourraient difficilement se sentir en confiance puisque leur relation avec leur supérieur est pratiquement inexistante. Aussi, de par leur gestion centrée sur les écarts et les erreurs, les leaders transactionnels qui gèrent par exception auraient probablement un impact négatif sur la confiance. La discussion qui précède nous amène à formuler cette première hypothèse de recherche :

H1 :

Les dimensions de charisme (a), de stimulation intellectuelle (b), de considération individualisée (c) et de reconnaissance contingente (d) sont positivement reliées à la confiance que l’employé entretient envers son supérieur, alors que les dimensions de gestion par exception active (e) et d’évitement passif (f) y sont négativement associées.

Le leadership et le soutien

Bien qu’aucune étude empirique n’ait, à notre connaissance, considéré le soutien comme variable intermédiaire entre les dimensions de leadership qui nous intéressent et l’engagement affectif, nous demeurons convaincus qu’il recèle un potentiel fort intéressant. Sur le plan conceptuel, certaines recherches laissent d’ailleurs sous-entendre qu’un leader transformationnel contribuerait à un sentiment de soutien accru chez les employés notamment parce qu’ils visent à développer leur potentiel en créant des occasions d’apprentissage (Yammarino et Bass, 1990). Aussi, en agissant à titre de coach et de mentor, le leader transformationnel montrerait, à travers la dimension de considération individualisée, l’importance qu’il accorde aux employés. Enfin, comme le soulignent Jung et Avolio (2000), le supérieur qui fait passer les intérêts de ses employés devant les siens renvoie l’image symbolique du sacrifice pour le bien du groupe. Ce genre de comportement, associé à la dimension de charisme, contribuerait à consolider la perception de l’employé d’être supporté par son supérieur. Bien que ces trois éléments n’aient pas été vérifiés empiriquement, ils fournissent autant d’exemples démontrant comment les actions d’un leader transformationnel peuvent influencer la perception des employés que leur supérieur les supporte.

Le lien entre le leadership transactionnel et le soutien peut être établi à partir de certaines recherches sur la reconnaissance non monétaire. Par exemple, Wayne et al. (2002) ont observé que la reconnaissance non monétaire de la part de la haute direction est généralement accompagnée d’un fort sentiment de soutien organisationnel. Aussi, selon Rhoades et Eisenberger (2002), les récompenses et les marques de reconnaissance contribuent à la perception de soutien parce qu’elles communiquent une évaluation positive de la contribution des employés. La forte proximité conceptuelle entre la reconnaissance non monétaire et la dimension de reconnaissance contingente nous amène à proposer que cette dimension du leadership transactionnel soit associée positivement au soutien.

Finalement, comme nous l’avons mentionné précédemment, les recherches sur les leaders qui gèrent par exception et par évitement passif demeurent peu nombreuses. Cependant, les effets faibles et négatifs généralement observés sur les réactions des employés (Judge et Piccolo, 2004 ; Dumdum, Lowe et Avolio, 2002 ; Goodwin, Wofford et Whittington, 2001) nous amènent à croire que ces dimensions affecteraient négativement le soutien du supérieur tel que perçu par les employés. Encore une fois, les subordonnés d’un leader d’évitement passif peuvent difficilement se sentir supportés puisqu’ils sont bien souvent laissés à eux-mêmes. Il en est de même pour le leader qui gère par exception active puisque la nature de la rétroaction offerte aux employés est négative et n’est transmise que lorsque les situations sont problématiques. L’argumentaire développé dans cette section nous permet de formuler les deux hypothèses suivantes :

H2 :

Les dimensions de charisme (a), de stimulation intellectuelle (b), de considération individualisée (c) et de reconnaissance contingente (d) sont positivement reliées au soutien que l’employé perçoit de son supérieur, alors que les dimensions de gestion par exception active (e) et d’évitement passif (f) y sont négativement associées.

Le soutien et la confiance comme mécanismes intermédiaires

L’échange social suggère, dans une logique de réciprocité, qu’un employé qui se sent soutenu et en confiance répondra généralement par des comportements ou des attitudes positives comme l’engagement affectif. À cet effet, des études récentes montrent que l’engagement organisationnel serait davantage influencé par le soutien ou la confiance envers l’organisation plutôt que le supérieur. Par exemple, Pillai, Schriesheim et Williams (1999) n’ont pu, contrairement à leurs attentes, observer de relation significative entre la confiance du supérieur et l’engagement affectif. La méta-analyse de Dirks et Ferrin (2002) confirme ce résultat en démontrant que la confiance envers l’organisation a un effet beaucoup plus marquant sur l’engagement organisationnel que la confiance envers le supérieur. Parallèlement, Rhoades et Eisenberger (2002), ainsi que Rhoades, Eisenberger et Armeli (2001) font ressortir l’influence indirecte du soutien du supérieur sur l’engagement organisationnel à travers le soutien organisationnel. Cette dynamique peut s’expliquer par le phénomène de personnification de l’organisation (Eisenberger et al., 1986 ; Levinson, 1965), selon lequel les employés interprètent, à travers le temps, la somme des actions des agents organisationnels comme des actions de l’organisation en elle-même. Ainsi :

H3 :

Le soutien de l’organisation représente une variable intermédiaire entre le soutien perçu du supérieur et l’engagement affectif.

Bien que le parallèle n’ait jamais encore été établi, le mécanisme de personnification de l’organisation pourrait également expliquer le rôle intermédiaire de la confiance à l’égard de l’organisation dans la relation entre la confiance envers le supérieur et l’engagement. Whitener (1997) propose par exemple que, dans une perspective d’échange social, la perception de confiance que l’employé se forge à l’égard de son superviseur puisse influencer sa confiance envers son organisation. Wong, Ngo et Wong (2006) expliquent cette même relation par le fait que le superviseur personnifie généralement pour les employés un représentant important de l’organisation. En plus de valider leur hypothèse, ces auteurs ont démontré que la confiance envers le superviseur influençait indirectement certains comportements des employés par le biais de la confiance envers l’organisation. Nous formulons donc notre quatrième hypothèse qui répond d’ailleurs à l’appel de Dirks et Ferrins (2002) d’améliorer la compréhension des relations entre les différents construits de confiance.

H4 :

La confiance envers l’organisation représente une variable intermédiaire entre la confiance envers le supérieur et l’engagement affectif.

Enfin, la dernière hypothèse provient d’études récentes tendant à démontrer que le soutien aurait un impact positif sur la confiance. D’abord, Whitener (2001) a trouvé que le soutien de l’organisation était relié à la fois directement à l’engagement et indirectement à travers la confiance envers la haute direction, amenant l’auteure à lui attribuer un statut de variable médiatrice partielle. Dans cette même veine, Dirks et Ferrin (2002) révèlent que le soutien organisationnel constitue un antécédent important de la confiance. Enfin, les résultats de Stinglhamber, de Cremer et Mercken (2006) font état d’une relation significative positive entre le soutien de l’organisation et la confiance envers l’organisation. Ces auteurs ont d’ailleurs observé une relation similaire entre le soutien que les employés perçoivent de leur superviseur et la confiance qu’ils entretiennent à l’égard de ce dernier. Ainsi :

H5a :

Le soutien perçu du supérieur exerce une influence positive sur la confiance envers le supérieur.

H5b :

Le soutien perçu de l’organisation exerce une influence positive sur la confiance envers l’organisation.

Le cadre méthodologique

Population à l’étude

Cette recherche a été effectuée à l’hiver 2004 auprès de l’ensemble des employés d’un centre hospitalier québécois à l’exception des médecins. Un questionnaire a été distribué par courrier interne à chacun des individus qui disposaient d’une période de deux mois pour remettre leur questionnaire complété dans une boîte sous clé prévue à cet effet à l’intérieur de l’organisation. En tout, 580 questionnaires ont été recueillis sur les 1224 distribués. De ce nombre, 12 questionnaires ont été retirés des analyses à cause de réponses manquantes aux questions se rapportant au leadership du superviseur immédiat. L’échantillon final compte 568 répondants pour un taux de réponse de 46 %. Ce dernier est composé de 80 % de femmes et 20 % d’hommes. L’âge moyen se situe à 43 ans et l’ancienneté moyenne dans l’organisation se situe à 12 ans.

Mesures

Tous les items de mesure qui suivent sont évalués sur une échelle de Likert à sept points. À cause de contraintes organisationnelles liées à la taille du questionnaire, nous avons dû restreindre le nombre d’items par variable. Afin d’effectuer cette sélection, nous nous sommes basés sur les coefficients de fidélité présentés dans les articles rapportant les échelles originales et avons retenu les items qui présentaient les coefficients les plus élevés. Les différentes dimensions du leadership du superviseur immédiat ont été adaptées de deux études. Ainsi, la motivation inspirationnelle, l’influence idéalisée, la stimulation intellectuelle, la considération individualisée, ainsi que la reconnaissance contingente proviennent de Podsakoff et al. (1990). Un exemple d’items pour chacune de ces dimensions est respectivement « mon supérieur immédiat… suscite l’enthousiasme par sa vision, est un modèle pour moi, m’expose des idées qui m’aident à questionner mes façons de faire, se préoccupe de mes objectifs et m’aide à les atteindre, me félicite pour mes contributions significatives ». Étant absentes de l’échelle utilisée dans cette dernière étude, les dimensions de gestion par exception active et passive et de laisser-faire s’inspirent quant à elles d’Avolio, Bass et Jung (1999). Un exemple d’items pour ces trois dimensions est : « mon supérieur immédiat… met l’accent sur mes erreurs plutôt que sur mes réalisations, ne réagit aux problèmes que s’ils sont importants, évite de prendre des décisions ». Pour la confiance envers le supérieur, nous avons utilisé trois items de l’échelle de McAllister (1995) auxquels nous avons ajouté un item plus général adapté de l’échelle de Robinson (1996). Les libellés de ces mêmes items ont été légèrement modifiés pour la confiance à l’égard de l’organisation. La perception de soutien organisationnel a été évaluée par quatre items tirés de l’échelle réduite d’Eisenberger et al. (1986). Tout comme l’ont fait Eisenberger et al. (2002), nous avons mesuré la perception des employés du soutien de leur supérieur par quatre items tirés de l’échelle d’Eisenberger et al. (1986) desquels nous avons remplacé le terme organisation par supérieur. Enfin, l’engagement organisationnel de type affectif a été mesuré en utilisant quatre items de l’échelle de Meyer et Allen (1997). Un exemple d’item pour ces cinq variables est respectivement : « je n’ai pas confiance en mon supérieur immédiat (item inversé), la haute direction de cet hôpital est digne de confiance, mon supérieur immédiat se soucie réellement de mon bien-être, mon organisation se soucie réellement de mon bien-être, je n’ai pas un fort sentiment d’appartenance envers l’hôpital (item inversé) ».

Résultats

En nous appuyant sur la procédure en deux temps d’Anderson et Gerbing (1988), nous avons d’abord effectué des analyses factorielles confirmatoires afin de nous assurer que les variables mises à contribution étaient bien distinctes. Puis, afin de tester nos hypothèses de recherche, nous avons procédé à une modélisation par équations structurelles en contrôlant pour le sexe, l’âge et le statut d’emploi (temps plein vs temps partiel). Ces analyses ont été effectuées à l’aide du logiciel AMOS 16.0 en employant la méthode d’estimation du maximum de vraisemblance.

Afin de réaliser nos analyses factorielles confirmatoires, nous avons testé le modèle théorique à 11 facteurs et l’avons ensuite comparé à différents modèles alternatifs. Sur la base des différentes structures factorielles de leadership testées par Avolio, Bass et Jung (1999), nous avons défini le modèle alternatif A qui regroupe les dimensions de charisme, de stimulation intellectuelle et de considération individualisée en un seul facteur de leadership transformationnel. Ce modèle contient donc quatre facteurs de leadership (transformationnel, reconnaissance contingente, gestion par exception active et évitement passif) comparativement aux six facteurs de leadership du modèle théorique. Le modèle alternatif B, issu de cette même étude, intègre la dimension de gestion par exception active à la dimension d’évitement passif. Ce modèle contient donc trois facteurs de leadership (transformationnel, reconnaissance contingente et évitement passif). Les deux autres modèles alternatifs ont été élaborés afin de vérifier si les répondants distinguaient les cibles (superviseur vs organisations) et les construits (soutien vs confiance vs engagement) à l’étude. Ainsi, le modèle alternatif C réunit le soutien perçu du supérieur et la confiance envers le supérieur) en un seul facteur rattaché au superviseur, ainsi que le soutien perçu de l’organisation, la confiance envers l’organisation et l’engagement envers l’organisation en un autre facteur rattaché à l’organisation. Enfin, le modèle alternatif D fusionne le soutien perçu du supérieur et de l’organisation en un facteur de soutien, ainsi que la confiance envers le supérieur et l’organisation en un autre facteur de confiance. Le tableau 1 présente les résultats des analyses factorielles confirmatoires. Comme on peut le constater, le modèle théorique procure le meilleur ajustement aux données (χ2 = 1155,65, df = 539, CFI = 0,97, GFI = 0,90, TLI = 0,96, RMSEA = 0,045)[1]. Le tableau 2 présente les corrélations et les coefficients de fiabilité (diagonale) de chacun des construits.

Tableau 1

Résultats des analyses factorielles confirmatoires

 

Modèles

χ2

Δχ2

Df

CFI

GFI

TLI

RMSEA

1.

Modèle théorique

1155,65

----

539

0,967

0,900

0,962

0,045

2.

Modèle alternatif – A

1633,53

477,88*

558

0,943

0,849

0,935

0,058

3.

Modèle alternatif – B

2061,78

906,13*

566

0,920

0,817

0,911

0,068

4.

Modèle alternatif – C

2753,76

1598,11*

566

0,883

0,738

0,870

0,083

5.

Modèle alternatif – D

4286,75

3131,10*

629

0,826

0,645

0,805

0,101

*

p < 0,001

-> Voir la liste des tableaux

Pour les analyses d’équations structurelles, nous avons suivi la stratégie de modèles emboîtés d’Anderson et Gerbing (1988) et avons ainsi comparé notre modèle théorique à un modèle alternatif de médiation partielle qui ajoute un lien direct du soutien perçu du supérieur à l’engagement affectif, ainsi qu’un lien de la confiance envers le supérieur vers l’engagement affectif. Tel que l’indique le tableau 3, le modèle théorique affiche un bon ajustement aux données (χ2 = 1393,99, df = 657, CFI = 0,96, GFI = 0,89, TLI = 0,96, RMSEA = 0,044). De plus, le modèle alternatif ne s’avère pas significativement supérieur au théorique (Δχ2 = 5,10, Δdf = 2). Suivant le principe de parcimonie (Kline, 2005), nous conservons donc le modèle théorique.

Tableau 2

Corrélations et coefficients de fidélité entre les variables de l’étude

Facteurs latents

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

1. Charisme

(0,95)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2. Stimulation intellectuelle

0,84

(0,94)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3. Considération individuelle

0,83

0,82

(0,89)

 

 

 

 

 

 

 

 

4. Reconnaissance contingente

0,68

0,75

0,74

(0,95)

 

 

 

 

 

 

 

5. Gestion par exception active

‑0,41

‑0,34

‑0,38

‑0,44

(0,84)

 

 

 

 

 

 

6. Évitement passif

‑0,64

‑0,57

‑0,61

‑0,50

0,44

(0,84)

 

 

 

 

 

7. Soutien perçu du supérieur

0,74

0,72

0,72

0,69

‑0,48

‑0,53

(0,93)

 

 

 

 

8. Soutien de l’organisation

0,45

0,48

0,50

0,43

‑0,22

‑0,35

0,47

(0,87)

 

 

 

9. Confiance envers le supérieur

0,79

0,74

0,75

0,68

‑0,47

‑0,57

0,82

0,43

(0,90)

 

 

10. Confiance envers l’organisation

0,28

0,30

0,33

0,25

‑0,07

‑0,23

0,23

0,54

0,28

(0,92)

 

11. Engagement affectif

0,30

0,27

0,28

0,25

‑0,07

‑0,14

0,30

0,44

0,31

0,41

(0,81)

Les coefficients de fidélité de chaque facteur sont inscrits dans la diagonale entre parenthèses. Les corrélations supérieures à 0,08 sont significatives à p < 0,05 et celles supérieures à 0,13 sont significatives à p < 0,01.

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Tableau 3

Résultats des analyses d’équations structurelles

 

Modèles

χ2

Δχ2

df

CFI

GFI

TLI

RMSEA

1.

Modèle théorique

1393,99

----

657

0,961

0,888

0,956

0,044

2.

Modèle alternatif A

1388,89

5,10

655

0,961

0,889

0,956

0,044

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La figure 2 présente les coefficients standardisés du modèle retenu. Pour des fins de clarté de présentation, les effets des variables de contrôle ne sont pas insérés dans cette figure. Néanmoins, nos résultats indiquent que l’âge (β = 0,09, p < 0,05) et le statut (β = 0,08, p < 0,05) influencent positivement la perception de soutien organisationnel, alors que le sexe (β = ‑0,10, p < 0,05) influence négativement l’engagement. Les coefficients de la figure 2 montrent que seule la dimension de charisme produit un impact positif sur la confiance envers le supérieur, ce qui nous permet de confirmer H1a, mais nous pousse à rejeter H1b, H1c, H1d, H1e et H1f. Les hypothèses H2a, H2d et H2e sont supportées puisque les dimensions de charisme et de reconnaissance contingente influencent positivement le soutien que l’employé perçoit de son supérieur alors que la gestion par exception active influence négativement ce dernier. Par contre, H2b, H2c et H2f sont infirmées puisque les dimensions de stimulation intellectuelle, de considération individualisée et d’évitement passif ne sont pas significativement reliées au soutien perçu du supérieur. Avant d’aborder nos deux hypothèses de médiation (H3 et H4), soulignons également que les coefficients de la figure 2 nous permettent de confirmer les hypothèses 5a et 5b selon lesquelles le soutien perçu du superviseur et de l’organisation exercent une influence positive respectivement sur la confiance envers le supérieur et l’organisation.

Afin de vérifier nos hypothèses de médiation (H3 et H4), nous avons suivi la procédure de Rhoades, Eisenberger et Armeli (2001) qui testent les quatre conditions de médiation de Kenny, Kashy et Bolger (1998). Il s’agit ainsi d’évaluer, dans un premier temps, la signification de la relation entre la variable indépendante et la variable dépendante. Comme le montre le tableau 2, les corrélations observées entre le soutien perçu du superviseur et l’engagement affectif, ainsi qu’entre la confiance envers le superviseur et l’engagement sont significatives. Cette première condition est donc remplie pour H3 et H4.

Figure 2

Coefficients d’estimation standardisés du modèle retenu

Coefficients d’estimation standardisés du modèle retenu

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La seconde condition de médiation stipule que la relation entre la variable indépendante et la variable intermédiaire est significative. À cet effet, la figure 2 affiche une relation significative entre le soutien perçu du superviseur et le soutien de l’organisation, mais pas entre la confiance envers le superviseur et la confiance envers l’organisation. Ainsi, la deuxième condition de médiation est remplie pour H3, mais pas pour H4. Nous rejetons donc l’hypothèse 4, qui spécifiait un effet médiateur de la confiance envers l’organisation entre la confiance envers le supérieur et l’engagement, et testons les deux autres conditions de médiation uniquement pour l’hypothèse 3.

La troisième condition demande une relation significative entre la variable intermédiaire et la variable dépendante. Cette condition est remplie pour H3 puisque nous observons dans la figure 2 une relation positive significative entre le soutien organisationnel et l’engagement affectif. Enfin, la quatrième condition de Kenny, Kashy et Bolger (1998) stipule que la relation entre la variable indépendante et dépendante s’affaiblit ou devient non significative en présence de la variable intermédiaire. Les ajouts au modèle structurel alternatif présenté précédemment permettent de tester cette dernière condition de médiation. Étant donné que dans ce modèle la relation entre le soutien perçu du supérieur et l’engagement affectif n’est pas significative et couplé au fait que ce modèle n’est pas significativement supérieur au modèle théorique, nous pouvons conclure que la quatrième condition de médiation est rencontrée. En définitive, l’hypothèse 3, selon laquelle le soutien de l’organisation représente une variable intermédiaire entre le soutien que l’employé perçoit de son superviseur et l’engagement organisationnel affectif, est confirmée.

Discussion et conclusion

L’objectif de cette recherche consistait à évaluer si le soutien et la confiance que les employés reçoivent de leur supérieur immédiat et de l’organisation permettent d’expliquer comment les dimensions associées au leadership transformationnel, transactionnel et laisser-faire influencent l’engagement organisationnel de type affectif. D’abord, en ce qui a trait à l’effet du leader sur la confiance, seule la dimension de charisme semble susciter la confiance des employés envers leur supérieur. Cette constatation est particulièrement intéressante pour les chercheurs qui s’intéressent à la confiance interpersonnelle puisque d’autres études sont arrivées à des résultats similaires. En effet, Gillespie et Mann (2004) ont testé individuellement les dimensions du leadership transformationnel sur la confiance pour trouver que seule l’influence idéalisée y était positivement associée. Ce serait donc en incarnant un modèle à suivre et en transmettant une vision claire que le supérieur instaurerait un sentiment de confiance avec ses employés. De plus, n’oublions pas que ce type de leader n’est pas du type à s’approprier les résultats des autres. Au contraire, il tend à agir de manière désintéressée et sincère, ce qui n’est certainement pas sans effet sur la relation de confiance. Enfin, alors que certaines études (Podsakoff et al., 1990 ; Pillai, Schriesheim et Williams, 1999) soutiennent que c’est d’abord à travers la reconnaissance contingente du leadership transactionnel que la confiance peut s’installer, nos résultats vont davantage dans le sens de Burns (1978) qui préconise uniquement la forme transformationnelle comme source de confiance.

Contrairement à la confiance, le superviseur dispose de plusieurs moyens pour agir sur la perception de soutien que ses employés possèdent à son égard. Nos résultats illustrent qu’en présence d’un leader qui transmet une vision claire, prêche par l’exemple et offre de la reconnaissance à ceux qui performent, les employés ressentent que leurs contributions sont valorisées et que leur bien-être est pris en compte. Par contre, lorsqu’un leader surveille constamment le travail et la performance de ses employés et qu’il les réprimande dès qu’ils s’écartent des objectifs, ces derniers se sentent moins supportés. Ces résultats sont particulièrement importants parce que cette relation qui n’a, à notre connaissance, jamais encore été testée offre une réponse aux écrits théoriques qui ouvraient la voie à une telle possibilité (Yammarino et Bass, 1990 ; Jung et Avolio, 2000).

Dans l’ensemble, ces résultats apportent également une contribution intéressante puisqu’ils viennent supporter la thèse d’Antonakis, Avolio et Sivasubramaniam (2003), selon laquelle l’utilisation de formes de leadership plutôt que de dimensions spécifiques fournit une image imparfaite et trop simplifiée de la réalité. En effet, le recours à des formes peut masquer une information précieuse puisque, comme le montrent clairement nos résultats, les dimensions associées à une même forme de leadership ne sont pas nécessairement reliées au soutien et à la confiance. Certains chercheurs ont même relevé des effets opposés entre les dimensions associées à une même forme de leadership (Podsakoff et al., 1990). Dans une perspective de développement organisationnel, le supérieur qui est informé des conséquences associées à une forme de leadership sans connaître l’influence relative des dimensions ne possède pas l’information nécessaire pour cibler les comportements précis à adopter afin de maximiser l’impact recherché. Nous recommandons donc aux chercheurs de privilégier la voie de parcimonie proposée par Antonakis, Avolio et Sivasubramaniam (2003) dans les recherches futures.

Par ailleurs, notre étude montre que les construits de soutien perçu du supérieur et de l’organisation constituent un mécanisme explicatif important dans la relation entre les formes transformationnelles et transactionnelles de leadership et l’engagement affectif. C’est donc en grande partie en valorisant les contributions des employés et en démontrant des préoccupations franches et honnêtes à l’égard de leur bien-être que le supérieur accroît leur engagement envers l’organisation. Ceci apporte une contribution originale et non négligeable à la compréhension de l’impact du leader sur l’engagement qui s’ajoute aux quelques recherches qui se sont attardées à cette dynamique (Avolio et al., 2004 ; Pillai, Schriesheim et Williams, 1999).

Nos analyses font ressortir également que la confiance envers l’organisation contribue à expliquer la dynamique entre le leadership et l’engagement, mais qu’elle n’est pas influencée significativement par la confiance envers le supérieur. Ce résultat inattendu nous a menés à vérifier certains éléments. Afin de nous assurer que la relation entre les divers construits de confiance ne soit pas éclipsée uniquement par l’effet du soutien, nous avons effectué des analyses supplémentaires à partir du modèle structurel théorique en omettant les liens proposés dans l’hypothèse 5 (liens respectifs du soutien perçu du supérieur et de l’organisation sur la confiance envers le supérieur et l’organisation). Nous avons alors constaté que la relation entre la confiance envers le supérieur et l’organisation devenait significative. Dès lors, nous éprouvons beaucoup de difficulté à écarter le mécanisme de personnification de l’organisation comme explication possible du lien entre les construits de confiance. Ces éléments nous entraînent plutôt à conclure que le soutien de l’organisation représente un antécédent plus important de la confiance envers l’organisation que la confiance envers le supérieur. Davantage de recherches seront donc nécessaires afin de savoir si le phénomène de personnification explique bel et bien la dynamique entre les différentes cibles de confiance.

Avant de conclure, il importe de rappeler que la présente recherche comporte un certain nombre de limites. D’abord, soulignons que notre échantillon est composé d’une seule entreprise, ce qui diminue grandement la généralisation de nos résultats. Aussi, la force de certaines relations peut être, en partie, attribuable à l’erreur de variance commune puisque toutes les variables de ce modèle ont été évaluées par la même source (employé). Troisièmement, des corrélations élevées ont été observées entre certaines dimensions du leadership, ainsi qu’entre le soutien perçu du supérieur et la confiance envers ce dernier. Malgré le fait que certaines études rapportent des résultats semblables et que nos analyses factorielles confirmatoires favorisaient la séparation de ces construits, un risque de multicolinéarité demeure. Enfin, notre devis en coupe transversale ne nous permet pas de confirmer la direction des relations analysées.

Finalement, nos résultats suggèrent certaines avenues de recherche novatrices et stimulantes. Bien que nos analyses aient identifié le soutien et la confiance comme mécanismes intermédiaires entre les dimensions du leadership et l’engagement, il se pourrait que d’autres mécanismes intermédiaires expliquent cette relation. En plus d’explorer cette avenue, les recherches ultérieures pourraient analyser simultanément les variables intermédiaires identifiées jusqu’à présent dans la littérature (ex. soutien, confiance, justice, habilitation) auprès de l’engagement, mais aussi auprès d’autres conséquences souvent reliées au leadership transformationnel et transactionnel (ex. satisfaction, mobilisation, performance) afin de mieux comprendre leur importance relative.