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Le religieux est de retour sur la scène politique. Contrairement à ce que la thèse bien connue d’une sécularisation progressive nous laissait croire, à savoir que l’influence de l’église s’atténuera pour peut-être disparaître complètement un moment donné, les orientations religieuses sont redevenues des enjeux politiques majeurs. La mise en question théorique de cette idée d’un lent mais certain progrès vers la disparition du religieux des processus politiques est un phénomène assez jeune. La publication du livre Public Religions in the Modern World (Chicago 1994) de José Casanova en était un pas important. Depuis le monde devait se rendre compte à quel point il est nécessaire de réviser la thèse de la sécularisation : c’était au plus tard le 11 septembre de l’année 2001 que le monde entier réalisait la persévérance des convictions religieuses et leur pertinence au niveau géopolitique. Il y a toutefois d’autres contextes politiques où, malgré leur entrelacement avec la situation globale, cette persévérance du religieux se fait sentir d’une façon moins éclatante et pourtant non moins frappante, comme par exemple aux différents niveaux de l’intégration européenne. Dans le cadre des négociations pour l’élaboration d’une constitution européenne, la question du religieux en représentait un des problèmes les plus difficiles à résoudre, et la question de savoir si et à quelles conditions la Turquie, avec une population majoritairement islamique, peut devenir un membre de l’Union européenne en est un autre exemple.

La présente livraison d‘EUROSTUDIA. Revue transatlantique de recherche sur l’Europe est consacrée à ce champ de problèmes en recherchant la gestion du religieux dans trois pays membres de l’Union européenne, à savoir la France, l’Espagne et l’Allemagne. Réunies par les soins de Bérengère Massignon et Sabrina Pastorelli, ces contributions dressent un portrait comparatif de la façon dans laquelle les européens essayent de gérer les tensions qui résultent non seulement de la résurgence du religieux, mais de la résurgence du religieux étranger, ou de l’étranger religieux, au sein de leur identité autochtone.