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L’ouvrage de Richard Gauthier, Le devenir de l’art d’église dans les paroisses catholiques du Québec, s’insère parmi de nombreux écrits sur le patrimoine religieux publiés au cours des dernières années, dans le contexte du débat social qui se déroule actuellement au Québec. Mais ne traitant pas du phénomène dans son ensemble, cet ouvrage se distingue en ce qu’il propose une étude sur le devenir de l’art d’église à partir des pratiques et réaménagements des lieux de culte dans les paroisses catholiques du Québec entre 1965 et 2002.

L’auteur aborde dans le premier chapitre l’évolution des conceptions de l’art d’église dans les paroisses catholiques des diocèses de Québec et de Montréal durant cette période. Le chapitre suivant fait état des pratiques nouvelles et profanes qui ont lieu dans des églises paroissiales depuis quelques années, notamment les performances artistiques détachées de la pratique du culte, le tourisme religieux, ainsi que certains nouveaux rituels dans les églises, dont les funérailles profanes de Pauline Julien, de Jean Paul Riopelle et de Marie-Soleil Tougas, sur lesquelles l’auteur s’attarde largement.

Dans le troisième et dernier chapitre sont présentés plusieurs cas de constructions et de réaménagements de lieux de culte, ainsi que des cas de modifications dans l’architecture d’églises des diocèses de Montréal et de Québec entre 1985 et 2002. Cette dernière partie se démarque nettement des deux premières en proposant un riche inventaire d’églises réaménagées au cours de cette période. Chaque cas est situé dans son contexte historique et décrit de manière exhaustive, de nombreuses photographies et plans à l’appui. On saisit bien l’évolution de l’architecture religieuse au Québec et de ses influences. Cette section est très intéressante et pertinente pour l’histoire de l’art religieux d’ici ; elle fait suite, comme Gauthier l’indique lui-même, à une importante étude de l’historien de l’art Claude Bergeron sur les églises du Québec construites entre 1940 et 1985. Notons également que l’auteur présente plusieurs cas de réaménagements partiels d’églises, dont celui de Sainte-Françoise-Romain dans le diocèse de Québec, bien connu de ceux qui s’intéressent au phénomène de la réutilisation et du réaménagement des églises. À l’initiative de la communauté, la nef de cette église fut transformée en gymnase (et salle paroissiale, selon le besoin), tout en conservant intacts le choeur et l’extérieur de l’église. Très beau cas d’appropriation par le milieu pour répondre à un besoin d’espace et d’économie.

L’ouvrage de Gauthier, une adaptation de sa thèse de doctorat en histoire de l’art (Université Laval, 2004), comprend des descriptions forts justes et intéressantes, et fournit maintes informations sur tous les cas d’églises étudiés. Malgré une structure d’ensemble cohérente, les deux premiers chapitres laissent un peu perplexe, surtout le deuxième, qui ne semble pas bien répondre à son titre, « Des pratiques nouvelles dans des églises paroissiales catholiques du Québec ». Car nous ne croyons pas que les pratiques dont fait état l’auteur méritent la désignation « nouvelles » au sein des églises catholiques. Outre l’exemple du tourisme religieux, ces pratiques nous apparaissent incarner des valeurs déjà liées aux églises – valeur artistique, de sociabilité, de reconnaissance - mais sous une forme évoluée et différente. Méritent-elles d’être décrites comme des nouvelles pratiques qui remettent en question le culte ? Nous en doutons. Cette publication intéressera certainement les chercheurs intéressés par le patrimoine et servira d’outil pour les recherches sur l’histoire de l’art d’église au Québec et sur le patrimoine religieux bâti des vingt dernières années.