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Peu de recherches ont étudié la relation de confiance entre représentants syndicaux et gestionnaires, bien que certaines se soient intéressées aux différences dans les représentations de la confiance entre ces agents du travail (Harrisson, 2003), à la relation de confiance dans un contexte de coopération (Bourque, 1999a; Harrisson et Laplante, 1994; Ospina et Yaroni, 2003) ou de négociation (Bourque, 1999b; Ross et Lacroix, 1996), ainsi qu’au rôle de la médiation sur la confiance entre représentants de salariés et d’employeurs (Le Flanchec, Rojot et Voynnet Fourboul, 2006). Au sein des organisations, les études ont plus souvent porté sur la confiance des employés à l’endroit des superviseurs ou des gestionnaires (Bryson, 2001; Campoy et Neveu, 2006; Clark et Payne, 1997; Perry et Mankin, 2004; Tzafir et al., 2004; Whitener et al., 1998).

Historiquement, les tensions dans les relations du travail, couplées avec des pratiques de négociation adverses ont produit un faible niveau de confiance entre les gestionnaires et les représentants syndicaux (Fonstad, McKersie et Eaton, 2004). La confiance dans les institutions pouvait apparaître plus importante que la confiance entre les agents oeuvrant à l’intérieur des entreprises. La confiance interpersonnelle est toutefois appelée à jouer un rôle plus important dans les relations sociales au sein des organisations qui misent de plus en plus sur des rapports de coopération (Atkinson et Butcher, 2003; Harrisson, 2003; Mayer, Davis et Schoorman, 1995; Williams, 2001). Dans un contexte d’innovation, la direction et le syndicat sont appelés à interagir en dehors du cadre institutionnel qui définit les droits de gestion et les droits négociés. Fondamentalement, la confiance ne se substitue pas aux règles institutionnelles marquant les relations entre employeurs et syndicats, mais elle permettrait néanmoins le développement de nouveaux rapports qui, tout en ne bénéficiant pas de la protection institutionnelle, peuvent favoriser l’innovation sociale (Harrisson et Laplante, 2006). Les bouleversements introduits lors des changements organisationnels entraînent un conflit entre la logique d’innovation qui prône le changement et la logique d’organisation fondée sur la stabilité (Alter, 2000). Dans ce sens, l’innovation perturbe les règles établies et les pratiques qui s’implantent sont trop incertaines pour assurer la régulation sociale de manière durable. La confiance est ainsi considérée comme un lubrifiant favorisant les échanges sociaux, particulièrement dans un contexte de transformation des organisations fondé sur une dynamique d’échanges et une réduction des mécanismes de contrôle plus formel (Mayer, Davis et Schoorman, 1995). La confiance permettrait de faire l’économie de la négociation perpétuelle en permettant de simplifier et de coordonner l’interprétation des règles qui marquent tout système. En bref, en se faisant confiance, les agents anticipent l’avenir sans garantie autre que l’engagement moral que les personnes vont agir comme attendu. La relation est fondée sur la gouvernance relationnelle adaptée à un contexte changeant (Donada et Nogatchewsky, 2007).

La confiance doit se construire au fil du temps et nous allons voir comment les conditions entourant l’adoption d’innovations organisationnelles peuvent influencer la relation de confiance entre les représentants syndicaux et les gestionnaires. Comment la relation de confiance entre ces agents du travail se développe-t-elle et comment les innovations organisationnelles peuvent-elles l’affecter, voilà les questions qui nous intéressent dans cet article. Avant de présenter le modèle d’analyse, nous allons toutefois examiner la signification de la relation de confiance entre les gestionnaires et les représentants syndicaux et les formes qu’elle peut prendre.

La relation de confiance

Les différentes études sur la confiance révèlent des dimensions cognitives, émotionnelles et sociales qui ont été privilégiées de façon différente selon les disciplines et les auteurs. Plusieurs points de convergence permettent de circonscrire la confiance comme représentant une certaine propension à la vulnérabilité dans des conditions d’interdépendance où celui qui fait confiance s’expose à un certain risque ou opportunisme de la part de celui en qui la confiance est déposée (Rousseau et al., 1998). Selon Bigley et Pearce (1998), l’interdépendance et la vulnérabilité se seraient accrues devant la complexité des arrangements organisationnels qui demandent aux acteurs de nouvelles façons d’agir. Il devient alors intéressant d’analyser les relations entre gestionnaires et représentants syndicaux car leur lien est fortement institutionnalisé comme une relation fondée sur la confrontation, l’adversité et des intérêts divergents. Alors, comment et pourquoi se faire confiance ? Comment construire cette relation nouvelle fondée sur la confiance ?

Dans notre étude, nous nous intéressons plus spécifiquement à la relation de confiance entre des agents du travail qui s’expriment au nom de commettants, soit les gestionnaires et les représentants syndicaux qui agissent à l’intérieur d’un cadre institutionnel, mais qui entretiennent des relations interpersonnelles (Le Flanchec, Rojot et Voynnet Fourboul, 2006; Simon, 2007). Nous définissons la relation de confiance comme la probabilité subjective qu’un agent évalue positivement l’action d’un autre sans possibilité de l’évaluer dans un contexte où sa propre action est affectée (Harrisson et Laplante, 1994). La confiance fait ainsi référence à la croyance que l’autre agent n’adoptera pas un comportement opportuniste et préjudiciable à la poursuite de la relation mutuelle. Elle se construit par le développement de liens sociopsychologiques et par des processus d’apprentissage (Donada et Nogatchewsky, 2007).

Tout en étant volontaire et non forcée, la confiance est pertinente dans les situations où l’atteinte des buts de celui qui fait confiance est dépendante des actions futures de celui envers qui la confiance est déposée (Six, 2005). La confiance fait référence à trois concepts principaux, soit la réciprocité, la vulnérabilité et les attentes positives face aux actions de celui envers qui la confiance est dirigée (Tzafrir et Dolan, 2004). Selon Karpik (1996), faire confiance c’est déléguer à une autorité un principe d’orientation de sa propre action dans une relation asymétrique qui comporte le risque de se tromper et d’être trompé. Différents attributs des individus sont requis pour le développement de la confiance à leur endroit, principalement les suivants: intégrité, compétence, bienveillance et ouverture (Morgan et Zeffane, 2003; Six, 2005; Whitener et al., 1998). L’appréciation de ces attributs se fait par la connaissance de l’autre et se développerait à travers les interactions provenant de sa propre expérience ou sous l’influence de la réputation (Atkinson et Butcher, 2003). Différentes typologies de la confiance subsistent dans la littérature selon les composantes privilégiées; soit les composantes cognitives ou affectives pour McAllister (1995) ou encore le calcul, la connaissance ou les valeurs pour Lewicki et Bunker (1996). Ces typologies de la confiance présentent certains points communs tel qu’illustré par Dietz (2004) qui propose une synthèse des différentes formes de la confiance interpersonnelle en les situant sur un continuum allant de la méfiance à la confiance identitaire en passant par la confiance calculée, la confiance cognitive et la confiance relationnelle. Ce continuum permet de schématiser les différences fondamentales entre les types de confiance alors qu’à un pôle (confiance calculée et confiance cognitive), la confiance est plus rationnelle et davantage basée sur les informations et la connaissance tandis qu’à l’autre pôle, la confiance est plus subjective et émotionnelle (confiance relationnelle), allant même jusqu’au partage des valeurs (confiance identitaire). En bref, la confiance calculée est basée sur une analyse de coûts-bénéfices alors que la confiance est maintenue soit par la crainte de la sanction ou l’espérance de résultats. Il s’agit du plus faible niveau de confiance puisque le calcul peut mener rapidement à la défection dès lors que les coûts appréhendés dépassent les bénéfices escomptés. À l’opposé, la confiance identitaire est la plus solide puisqu’elle s’appuie sur l’identification à l’autre partie en voulant défendre ses intérêts. Elle est surtout le propre des groupes homogènes. La relation de confiance entre les gestionnaires et les représentants syndicaux relèverait davantage de la composante cognitive et de la connaissance que de la composante affective, sans pour autant nier la présence de cette dernière composante dans les rapports entre les agents du travail.

La confiance est parfois présentée comme un état statique, mais Zand (1972) a proposé un modèle dynamique de son développement mettant l’accent sur les interactions entre les individus. À partir d’un état initial, la confiance peut progresser ou régresser de façon itérative en fonction des rétroactions fournies dans le cadre des relations entre les individus. Une expérience positive permet de confirmer que la confiance initiale est méritée, renforçant du même coup le niveau de confiance qui augmente au gré des interactions. Le changement organisationnel constituerait un contexte critique pour le développement ou la destruction de la confiance (Lines et al., 2005). Selon Morgan et Zeffane (2003), tout type de changement affecterait la confiance à la baisse, mais ces effets négatifs pourraient être contrebalancés par un processus participatif. Selon cette dernière étude, le processus de changement aurait même un impact plus grand sur la confiance des travailleurs envers les gestionnaires que la nature même des changements. La confiance peut ainsi se développer ou au contraire se rétracter en fonction du contexte, des situations ou des agents impliqués. Ainsi, il est possible que gestionnaires et représentants syndicaux se fassent davantage confiance si les deux parties participent de manière égalitaire au processus devant conduire à des innovations organisationnelles.

Dans notre étude, nous ne cherchons pas à savoir si les représentants syndicaux et les gestionnaires présentent la même propension à faire confiance, mais plutôt de comprendre comment les conditions dans lesquelles ils agissent peuvent influer sur leur relation de confiance. Selon Brown et Oxenbridge (2004), plusieurs conditions sont associées à une confiance élevée entre partenaires (syndicat et management) tel qu’un rôle central et légitime des représentants syndicaux dans les lieux de travail; l’implication du syndicat dans les premiers développements reliés aux décisions des gestionnaires; la reconnaissance que les partenaires vont chacun retirer des bénéfices de la relation de coopération; l’ouverture dans les transactions entre les parties et l’engagement dans la relation à tous les niveaux du management. Il importe donc de comprendre comment la confiance peut se développer au sein des organisations alors que les enjeux ne sont pas identiques pour chacune des parties impliquées : sécurité d’emploi, salaires avantageux et bonnes conditions de travail pour le syndicat; rendement, productivité et engagement organisationnel pour la direction.

Afin d’analyser de façon plus spécifique le développement de la relation de confiance entre les agents du travail, nous nous appuyons sur le développement de connaissances scientifiques sur la confiance. Nous formulons ainsi les hypothèses à l’effet que dans un contexte d’implantation d’innovations organisationnelles, la relation de confiance entre représentants syndicaux et gestionnaires serait améliorée en fonction des facteurs suivants :

  1. un contexte socioéconomique plus favorable (Lewicki, McAllister et Bies, 1998);

  2. un climat des relations du travail moins conflictuel (Blunsdon et Reed, 2003; Le Flanchec, Rojot et Voynnet Fourboul, 2006);

  3. un partage des informations entre les parties (Becerra et Gupta, 2003; Shaw, 1997; Tzafir et al., 2004);

  4. un processus d’adoption des innovations ouvert et participatif (Lines et al., 2005; Morgan et Zeffane, 2003).

En effet, les études ont démontré que si la propension à faire confiance découle de caractéristiques personnelles, notamment de nature psychologique, la relation de confiance serait davantage liée aux conditions relationnelles et organisationnelles dans lesquelles se retrouvent les agents du travail (Blunsdon et Reed, 2003; Harrisson, 2003; Whitener et al., 1998).

Méthodologie

Les données proviennent d’une étude portant sur les nouvelles relations du travail entre employeur et syndicat effectuée auprès d’un échantillon de représentants syndicaux et de gestionnaires d’établissements de production de biens ou de services. Mille établissements québécois comptant plus de cinquante employés ont reçu un questionnaire adressé au gestionnaire et au représentant syndical. De ce nombre, 242 questionnaires ont été retournés par les représentants syndicaux et 221 par les gestionnaires. Le questionnaire comportait cinq parties. La première partie traitait des caractéristiques de l’établissement : propriété, secteur d’activité, main-d’oeuvre, sous-traitance, organisation syndicale et relations du travail. La seconde partie portait sur la relation de confiance envers le vis-à-vis, représentant syndical ou gestionnaire. La troisième partie du questionnaire traitait de l’innovation au sein des entreprises au cours des cinq années précédant l’enquête, soit les facteurs à l’origine des innovations, leur nature, le processus utilisé et l’impact sur la relation de confiance. La quatrième partie contenait des questions ouvertes ayant trait à la relation de confiance. La dernière partie du questionnaire portait sur les caractéristiques sociodémographiques du répondant. Il s’agit de connaître l’importance de la relation de confiance entre gestionnaires et représentants syndicaux et ce qui influence cette relation et, plus particulièrement, si le contexte des innovations est favorable à l’établissement d’un lien de confiance.

La première variable dépendante de notre étude est la relation de confiance entre les gestionnaires et les représentants syndicaux qui interviennent dans un contexte spécifique et qui représentent des parties prenantes. La mesure de cette relation est difficile en raison de la complexité et du caractère multidimensionnel de la confiance. Plusieurs études qui s’intéressent à la confiance se contentent de la mesurer à partir d’une seule question. Afin de mieux rendre compte de la complexité de la relation de confiance, nous avons plutôt choisi de la mesurer à partir d’une échelle validée, soit l’échelle de Butler (1991) qui a développé son instrument de mesure pour la confiance interpersonnelle envers les gestionnaires. Selon Campoy et Neveu (2006), cet instrument de mesure serait le plus exhaustif et le mieux adapté pour mesurer la confiance au sein des organisations, notamment pour la confiance envers le supérieur. L’échelle de Butler porte sur onze dimensions du concept de confiance, incluant la confiance globale. Nous avons utilisé quatre dimensions de cette échelle de Butler, à savoir la discrétion (ne pas divulguer les informations confidentielles), l’intégrité (honnêteté et franchise), le respect des promesses (tenir ses engagements) et la confiance globale. Nous n’avons pas retenu les dimensions de l’échelle de Butler qui concernent des aspects psychologiques ou traits de personnalité pour nous attarder plus spécifiquement aux dimensions de la confiance qui apparaissent plus importantes dans la relation entre les gestionnaires et les représentants syndicaux. Chacune des quatre dimensions retenues est évaluée à partir de quatre questions selon une échelle de Likert en cinq points où les agents répondaient en fonction de la relation avec leur vis-à-vis. Pour cet article, la mesure de la confiance est basée sur le score moyen obtenu pour les quatre dimensions. Le coefficient alpha pour l’échelle de la confiance est de 0,93 autant pour les représentants syndicaux que pour les gestionnaires. Une seconde variable dépendante porte sur l’amélioration de la relation de confiance à la suite de l’adoption de l’innovation jugée par les répondants comme ayant eu le plus d’impact sur les relations du travail entre la direction et le syndicat. Cette seconde variable basée sur une seule question permet de mesurer si la relation de confiance s’est améliorée ou non suite à l’implantation de cette innovation la plus significative.

Les deux variables dépendantes sont analysées à l’aide d’une régression multiple selon un modèle d’analyse qui fait référence aux effets du contexte socioéconomique des entreprises, du climat des relations du travail, au partage des informations, à la nature des innovations, au processus d’implantation de celles-ci ainsi qu’à leurs impacts perçus par les agents. Certaines caractéristiques sociodémographiques (sexe, durée de la relation avec le vis-à-vis, nombre d’employés et secteur d’activité) ont également été retenues. Le contexte socioéconomique est évalué à partir de deux indicateurs, soit la modification de la main-d’oeuvre ainsi que la hausse de la sous-traitance dans les trois années précédant l’étude. Le climat des relations du travail est évalué à partir des griefs (proportion de griefs par rapport au nombre d’employés, pourcentage des griefs réglés à l’interne et hausse ou non du nombre de griefs), ainsi que de la présence de grève ou de lock-out au cours des dix dernières années. Les griefs et les grèves sont souvent utilisés comme indicateurs institutionnels du climat de travail (Jalette et Bergeron, 2002; Cutcher-Gershenfeld, 1991). Bien que ces indicateurs portent davantage sur les conflits formels et ne rendent pas compte de toute la complexité du climat prévalant au sein des entreprises, ils sont néanmoins des indicateurs institutionnels importants qui peuvent distinguer les entreprises au plan du climat des relations du travail. Un indicateur de la confiance (présence ou non) avant l’innovation est également utilisé pour l’analyse de l’amélioration de la relation de confiance suite à l’adoption de cette innovation. L’accès aux informations provient d’une question où les agents ont indiqué dans quelle mesure ils avaient accès à toutes les informations demandées auprès de leur vis-à-vis. Les innovations peuvent prendre plusieurs formes que nous avons subdivisées en plusieurs catégories : relations du travail, organisation du travail, conditions de type non monétaire, condition monétaire, formation et développement, innovations technologiques, innovations relatives à la qualité. Pour l’analyse, nous évaluons l’effet de la présence ou non de ces types d’innovations. Le processus d’implantation des innovations se base sur le principal facteur à l’origine de l’adoption de l’innovation jugée comme ayant eu le plus d’impact sur les relations entre le syndicat et la direction (présence d’un facteur humain et motif relié à la productivité) ainsi que sur l’implication ou non du syndicat dans ce processus. Le facteur humain vise à résoudre un problème lié au roulement de personnel, à l’absentéisme ou à l’insatisfaction des employés tandis que l’autre facteur cherche à résoudre la faible productivité, la mauvaise qualité, les coûts de production élevés ou la réduction de budget. L’implication du syndicat fait référence à la mise en place de l’innovation à la suite de négociations avec le syndicat ainsi qu’au développement d’un mécanisme conjoint patronal-syndical pour assurer le suivi des changements. Lorsqu’un tel mécanisme existe, il prend le plus souvent la forme d’un comité mixte ayant un rôle consultatif. Finalement, les impacts perçus permettent de connaître la perception des répondants quant à la présence ou non de conséquences positives ou négatives suite à l’adoption de l’innovation.

Les résultats

Le tableau 1 présente les caractéristiques globales de l’échantillon en fonction des variables qui sont retenues pour l’analyse statistique. Nous fournissons des informations complémentaires pour mieux connaître les caractéristiques des établissements et des répondants de notre échantillon. Ainsi, le portrait général qui se dégage est celui d’établissements de propriétés québécoises (62 %), de moyenne ou grande taille comptant une forte proportion de travailleurs masculins âgés dans la quarantaine, occupant des postes permanents et ayant plus de dix années d’ancienneté. Plusieurs établissements connaissent des fluctuations de la main-d’oeuvre à la hausse ou à la baisse. La sous-traitance est utilisée dans une majorité des établissements (82 %), surtout pour des travaux d’entretien, mais parfois pour certains travaux de production ou des services administratifs. Le recours à la sous-traitance est évalué dans les mêmes proportions par les gestionnaires et les représentants syndicaux. Ces derniers sont toutefois plus nombreux à déclarer une hausse de la sous-traitance comparativement aux gestionnaires (29 % vs 45 %). Certaines différences notables démarquent le secteur manufacturier du secteur des services. Ainsi, le secteur des services compte plus d’établissements de grande taille avec une plus forte proportion de travailleurs de sexe féminin. Le secteur des services se démarque également par une plus forte proportion d’établissements ayant connu une baisse de la main-d’oeuvre (48 % vs 32 %) au cours des trois années avant l’étude et une plus faible proportion d’établissements (25 % vs 45 %) ayant augmenté leur main-d’oeuvre.

Tableau 1

Caractéristiques de l’échantillon

Nom de la variable

Description de la variable

N

Score moyen

Écart type

Caractéristiques socio-démographiques

   Répondant

Gestionnaire = 1; représentant syndical = 2

463

1,52

0,500

   Sexe

Masculin = 1; féminin = 2

458

1,25

0,432

   Durée de la relation

Selon cinq groupes : 1 = 1 an; 2 = 2 ans; 3 = 3 ans; 4 = 4 ans; 5 = 5 ans ou plus

445

4,01

1,468

   Nombre d’employés

1 = moins de 50 ; 2 = de 51 à 150; 3 = de 151 à 300; 4 = de 301 à 450; 5 = 451 et plus

462

3,30

1,303

   Secteur d’activité

1 = secteur manufacturier; 2 = autres secteurs

463

1,53

0,500

Contexte socioéconomique

   Baisse de la main-d’oeuvre

1 = non; 2 = oui

456

1,41

0,492

   Hausse de la sous-traitance

1 = non; 2 = oui

439

1,37

0,484

Climat des relations du travail

   Proportion des griefs

1 = 5 % ou moins; 2 = plus de 5 %

438

1,52

0,500

   % des griefs réglés à l’interne

1 = 90 % ou moins; 2 = plus de 90 %

439

1,54

0,499

   Hausse des griefs

1 = non; 2 = oui

457

1,30

0,461

   Grève depuis 10 ans

1 = non; 2 = oui

452

1,39

0,488

   Lockout depuis 10 ans

1 = non; 2 = oui

454

1,09

0,290

   Confiance avant l’innovation

1 = non; 2 = oui

440

1,50

0,501

Information

   Accès aux informations

1 = jamais; 2 = rarement; 3 = quelquefois; 4 = souvent; 5 = toujours

459

3,36

1,029

Type d’innovation introduite

   Relations du travail

1 = non; 2 = oui

463

1,92

0,278

   Organisation du travail

1 = non; 2 = oui

463

1,83

0,373

   Non monétaires

1 = non; 2 = oui

463

1,64

0,479

   Monétaires

1 = non; 2 = oui

463

1,51

0,500

   Formation

1 = non; 2 = oui

463

1,92

0,271

   Technologiques

1 = non; 2 = oui

463

1,92

0,268

   Qualité

1 = non; 2 = oui

463

1,73

0,446

Processus d’implantation des innovations

   Facteur humain

1 = non; 2 = oui

434

1,22

0,414

   Productivité

1 = non; 2 = oui

434

1,47

0,500

   Négociations

1 = non; 2 = oui

435

1,42

0,493

   Suivi conjoint

1 = non; 2 = oui

440

1,54

0,499

Impacts des innovations

   Impacts négatifs

1 = non; 2 = oui

463

1,19

0,389

   Impacts positifs

1 = non; 2 = oui

463

1,70

0,458

Relation de confiance entre représentants syndicaux et gestionnaires

   Relation de confiance

Selon une échelle de Likert à 5 points

427

3,47

0,876

   Amélioration de la relation de confiance

Selon une échelle à 2 points : (1 = non; 2 = oui)

438

1,35

0,479

-> Voir la liste des tableaux

Les établissements ont adopté plusieurs innovations dans l’ensemble des catégories retenues. Le tableau 2 présente les principales innovations adoptées par les entreprises. Les informations obtenues ne permettent pas de juger de la profondeur des innovations adoptées, mais selon les répondants, dans plus de 90 % des établissements, les changements ont touché plusieurs départements ou même l’établissement au complet de sorte qu’il ne s’agit pas d’expérience pilote à petite échelle, même si cela peut parfois être le cas.

Dans l’ensemble, les répondants donnent une vision positive des résultats de l’innovation puisque 70 % de ceux-ci mentionnent au moins un impact positif tandis que seulement 19 % rapportent au moins un impact négatif. Les impacts positifs rapportés par le plus grand nombre de répondants sont l’amélioration de la productivité (56 %), l’amélioration du climat de travail (28 %) et l’amélioration de la qualité (20 %). La réduction de l’emploi (14 %) et la réduction des budgets (12 %) sont les impacts négatifs le plus souvent mentionnés. Les impacts positifs ou négatifs les plus souvent invoqués sont les mêmes pour les gestionnaires et les représentants syndicaux, mais dans des proportions différentes. Ainsi, les représentants syndicaux sont moins nombreux à rapporter au moins un impact positif (64 % vs 77 %), mais plus nombreux à mentionner au moins un impact négatif (28 % vs 8 %). À titre d’exemple, 64 % des gestionnaires jugent que l’innovation a permis une augmentation de la productivité tandis que 49 % des représentants syndicaux en arrivent au même constat. À l’inverse, à peine 4 % des gestionnaires considèrent que l’innovation a entraîné une réduction de l’emploi tandis que 22 % des représentants syndicaux pensent que tel est le cas.

La relation de confiance est estimée comme étant plus forte de la part des gestionnaires comparativement aux représentants syndicaux (score moyen de 3,81/5 vs 3,15/5). Les gestionnaires considèrent davantage que la relation de confiance s’est améliorée suite à l’implantation des innovations organisationnelles. Les différences tant pour la mesure de la relation de confiance que celle de l’amélioration de cette relation sont statistiquement significatives (p < 0,0001 selon un test de T). C’est donc dire que les gestionnaires sont davantage portés que les représentants syndicaux à faire confiance et sont plus nombreux à percevoir une amélioration de la relation de confiance à la suite de l’implantation de l’innovation. Nous verrons plus loin les raisons de ces différences.

Tableau 2

Innovations adoptées dans les établissements

Relations du travail

• comité de relations du travail (53 %)

• conventions collectives de longue durée (45 %)

• approche fondée sur la résolution de problèmes (39 %)

• adoption d’une démarche de négociation raisonnée (35 %)

 

Organisation du travail

• restructuration (47 %)

• flexibilité dans les affectations de travail (30 %)

• élargissement ou l’enrichissement des tâches (30 %)

• flexibilité des gens de métier (25 %)

• création d’équipes de travail (23 %)

• réduction des catégories d’emploi (22 %)

Dispositions non monétaires

• retraite anticipée (31 %)

• congés à traitement différé (26 %)

• horaires de travail flexibles (23 %)

• programmes de reconnaissance (16 %)

 

Dispositions monétaires

• participation aux bénéfices (15 %)

• rémunération au rendement (9 %)

• rémunération selon les connaissances (8 %)

• primes de flexibilité (7 %)

Formation et développement

• formation en santé et sécurité du travail (65 %)

• détermination des besoins de formation (53 %)

• remboursement des frais de scolarité (47 %)

• formation technique (34 %)

• congés d’études non rémunérés (32 %)

• formation syndicale (32 %)

 

Changements technologiques

• nouveaux équipements (77 %)

• informatisation (63 %)

• automatisation (35 %)

 

Qualité

• normes ISO (35 %)

• mesures d’assurances qualité (29 %)

• amélioration continue (27 %)

• programmes de contrôle (26 %)

-> Voir la liste des tableaux

Les tableaux 3 et 4 présentent les résultats de l’analyse de régression multiple appliquée premièrement à la relation de confiance et deuxièmement à l’amélioration de cette relation à la suite de l’adoption de l’innovation la plus signifiante pour les répondants. Les résultats sont présentés sous la forme de coefficients beta avec les seuils de signification appropriés. Chacun des deux tableaux présente l’analyse pour l’échantillon global et de façon séparée pour les gestionnaires et les représentants syndicaux. Il est à noter que la présence de la confiance avant l’innovation a été utilisée uniquement pour l’analyse de l’amélioration de la relation de confiance suite à l’adoption de l’innovation la plus signifiante pour les répondants. Le modèle utilisé est significatif et explique respectivement 38,3 % de la variance (R2 ajusté) de la relation de confiance entre représentants syndicaux et gestionnaires et 23,9 % de l’amélioration de la relation de confiance après l’innovation (groupe total). Le modèle est également plus probant pour les représentants syndicaux pour lesquels le pourcentage de la variance expliquée est plus élevé tant pour la relation de confiance (36,0 % vs 21,2 %) que pour l’amélioration de celle-ci (27,1 % vs 15,3 %).

Mentionnons en premier qu’après l’ajustement pour les autres variables du modèle d’analyse, la relation de confiance demeure plus faible pour les représentants syndicaux et cette relation s’est moins améliorée comparativement aux gestionnaires. Par ailleurs, la relation de confiance est également plus faible et elle s’est moins améliorée pour les répondants du secteur manufacturier, particulièrement chez les gestionnaires alors que pour les représentants syndicaux les différences entre les secteurs d’activité sont moins marquées. Nous allons présenter les autres résultats successivement pour la relation de confiance et l’amélioration de celle-ci, en spécifiant au besoin les particularités des gestionnaires et des représentants syndicaux pour les diverses dimensions (contexte socioéconomique, climat des relations du travail, etc.) du modèle d’analyse.

Pour l’ensemble de l’échantillon, la relation de confiance n’est pas affectée par le contexte socioéconomique. Toutefois, ce contexte touche différemment les gestionnaires et les représentants syndicaux alors que la relation de confiance des premiers serait plus élevée lorsque la main-d’oeuvre est réduite, tandis que les représentants syndicaux seraient moins portés à faire confiance aux gestionnaires lorsque la sous-traitance a augmenté au cours des trois dernières années. Ceci illustre que les intérêts des répondants ne sont pas les mêmes alors que les représentants syndicaux défendent le niveau d’emploi et les gestionnaires seraient plus préoccupés par des questions de rendement. Par ailleurs, la relation de confiance est affectée par le climat de travail tant chez les gestionnaires que les représentants syndicaux. Lorsqu’il y a beaucoup de griefs ou lorsque ceux-ci augmentent, la relation de confiance est plus faible chez les deux groupes de répondants. Par ailleurs, la relation de confiance est plus élevée lorsque les griefs sont plus souvent réglés à l’interne, particulièrement pour les gestionnaires. Cela montre la capacité des agents à résoudre leurs différends sans recourir à un tiers.

Tableau 3

Facteurs associés à la relation de confiance

Nom de la variable

Groupe total

Gestionnaires

Représentants syndicaux

 

β

β

β

Constante

3,900****

3,097***

3,598****

Caractéristiques socio-démographiques

 

 

 

   Répondant (syndical)

‑0,227****

   Sexe (femme)

‑0,076*

 

 

   Durée de la relation

 

 

 

   Nombre d’employés

 

 

 

   Secteur d’activité (manufacturier)

‑0,126***

‑0,173**

‑0,122*

Contexte socioéconomique

 

 

 

   Baisse de la main-d’oeuvre

 

0,148**

 

   Hausse de la sous-traitance

 

 

‑0,107*

Climat des relations du travail

 

 

 

   Proportion des griefs

‑0,139***

‑0,194***

‑0,137**

   % des griefs réglés à l’interne

0,074*

0,138**

 

   Hausse des griefs

‑0,153****

‑0,170**

‑0,128**

   Grève depuis 10 ans

 

 

 

   Lockout depuis 10 ans

 

 

 

   Confiance avant l’innovation

Accès aux informations

0,324****

0,224***

0,423****

Type d’innovation introduite

 

 

 

   Relations du travail

 

0,165**

 

   Organisation du travail

 

 

 

   Non monétaires

 

 

 

   Monétaires

‑0,098**

‑0,131*

‑0,122*

   Formation

0,089**

0,160**

 

   Technologiques

0,080**

 

 

   Qualité

 

 

 

Processus d’implantation des innovations

 

 

 

   Facteur humain

 

 

 

   Productivité

 

‑0,224***

 

   Négociations

 

 

 

   Suivi conjoint

 

‑0,153**

0,160**

Impacts des innovations

 

 

 

   Impacts négatifs

‑0,080*

 

‑0,116*

   Impacts positifs

 

 

 

N

399

195

204

R2

0,423

0,314

0,439

R2 ajusté

0,383

0,212

0,360

Anova F

10,587****

3,088****

5,571****

Seuil de confiance : * p < 0,10; ** p < 0,05; *** p < 0,01; **** p < 0,001

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Tableau 4

Facteurs associés à l’amélioration de la relation de confiance

Nom de la variable

Groupe total

Gestionnaires

Représentants syndicaux

 

β

β

β

Constante

0,917**

0,759

0,595

Caractéristiques socio-démographiques

 

 

 

   Répondant (syndical)

‑0,130**

   Sexe

 

 

 

   Durée de la relation

 

 

 

   Nombre d’employés

 

 

 

   Secteur d’activité (manufacturier)

‑0,108**

‑0,146*

 

Contexte socioéconomique

 

 

 

   Baisse de la main d’oeuvre

‑0,113**

 

 

   Hausse de la sous-traitance

 

 

 

Climat des relations du travail

 

 

 

   Proportion des griefs

 

 

 

   % des griefs réglés à l’interne

 

 

 

   Hausse des griefs

‑0,096**

 

‑0,164**

   Grève depuis 10 ans

 

 

 

   Lockout depuis 10 ans

 

 

 

   Confiance avant l’innovation

‑0,089*

 

‑0,121*

Accès aux informations

 

 

0,177**

Type d’innovation introduite

 

 

 

   Relations du travail

 

 

 

   Organisation du travail

0,137***

 

0,225***

   Non monétaires

 

0,131*

 

   Monétaires

 

 

 

   Formation

 

 

 

   Technologiques

 

 

 

   Qualité

 

 

 

Processus d’implantation des innovations

 

 

 

   Facteur humain

0,191****

0,243***

0,139*

   Productivité

 

 

 

   Négociations

0,153***

0,141*

0,219***

   Suivi conjoint

0,232****

0,258****

0,178**

Impacts des innovations

 

 

 

   Impacts négatifs

‑0,123**

‑0,153**

 

   Impacts positifs

 

 

 

N

404

199

205

R2

0,290

0,264

0,364

R2 ajusté

0,239

0,153

0,271

Anova F

5,781****

2,374***

3,911****

Seuil de confiance : * p < 0,10; ** p < 0,05; *** p < 0,01; **** p < 0,001

-> Voir la liste des tableaux

La relation de confiance est fortement associée à l’accès aux informations auprès de l’autre partie tant chez les gestionnaires que les représentants syndicaux. Le type d’innovation touche également la relation de confiance qui est plus faible à la suite de l’introduction d’innovations de type monétaire, mais plus élevée lors de l’adoption d’innovations relatives à la formation ou encore à des innovations technologiques. La relation de confiance est également plus élevée chez les gestionnaires à la suite de l’adoption d’innovations dans le domaine des relations du travail, mais ce ne serait pas le cas pour les représentants syndicaux. Par ailleurs, la relation de confiance des gestionnaires envers les représentants syndicaux est plus faible lorsque les innovations ont été introduites pour des facteurs associés à la productivité. La mise en place d’un mécanisme de suivi conjoint des innovations affecte la relation de confiance tant pour les gestionnaires que les représentants syndicaux, mais de façon différente. Ainsi, la relation de confiance est plus élevée chez les représentants syndicaux lorsqu’il y a un suivi conjoint, mais elle est plus faible chez les gestionnaires lorsqu’un tel mécanisme a été mis en place. Le suivi conjoint viserait ainsi des objectifs différents pour les représentants syndicaux qui se voient confier un rôle dans l’implantation des innovations et les gestionnaires pour qui le suivi conjoint deviendrait plutôt un moyen de surveillance du syndicat. Finalement, les impacts négatifs semblent avoir un plus grand effet sur la confiance que les impacts positifs alors que les représentants syndicaux feraient moins confiance aux gestionnaires lorsqu’ils évaluent que l’innovation a entraîné au moins un impact négatif.

Pour les représentants syndicaux, la relation de confiance serait davantage améliorée lorsqu’ils ont accès aux informations provenant des gestionnaires. La relation de confiance est améliorée lors de l’adoption d’innovations portant sur l’organisation du travail, particulièrement chez les représentants syndicaux. De son côté, le processus d’implantation des innovations est important pour l’amélioration de la relation de confiance tant chez les gestionnaires que les représentants syndicaux. En effet, l’amélioration est plus marquée lorsque les innovations sont adoptées pour répondre à des facteurs humains, lorsqu’il y a un suivi conjoint du processus, lorsque l’innovation a été mise en place à la suite de négociation avec le syndicat, dans ce dernier cas surtout pour les représentants syndicaux. De leur côté, pour les gestionnaires, la relation de confiance se serait moins améliorée en présence d’impacts négatifs des innovations.

En bref, nous constatons que la relation de confiance entre les représentants syndicaux et les gestionnaires est influencée par le contexte socioéconomique, le climat des relations du travail, l’accès aux informations, la nature des innovations, le processus d’implantation de celles-ci et leurs impacts. Par ailleurs, si la relation de confiance est plus faible pour les représentants syndicaux, les facteurs qui affectent cette relation ne sont pas exactement les mêmes pour les deux parties qui représentent des intérêts différents.

Discussion

Les innovations au sein des entreprises peuvent requérir de nouveaux moyens de coopération entre les agents du travail pour être adoptées de façon efficace et durable. Dans ce sens, l’innovation est porteuse d’une des deux conditions identifiées par Rousseau et al. (1998) pour le développement de la confiance, soit l’interdépendance des acteurs. Toutefois, la relation de confiance ne peut se développer que si la deuxième condition est également présente, soit le risque qu’encourent les acteurs en associant leurs actions au comportement futur et inconnu de l’autre. Tel que souligné par Harrisson et Laplante (2006), l’innovation peut engendrer un risque en poussant les acteurs à interagir sur un terrain nouveau en dehors du cadre institutionnel classique. Certaines conditions doivent être rencontrées pour que le risque soit supporté et que la confiance se développe. Dans ce sens, nous rejoignons également les propos de Lines et al. (2005) pour qui l’innovation constitue un contexte critique permettant de détruire ou de construire la relation de confiance.

Contrairement à Morgan et Zeffane (2003) qui considèrent que tout changement affecterait la confiance à la baisse, notre étude démontre que la relation de confiance peut croître dans un contexte d’innovation. Toutefois, le développement de la relation de confiance est lié à certaines conditions qui prennent en compte les intérêts des deux parties impliquées. Ainsi, la relation de confiance peut se développer lorsque le climat des relations du travail est moins conflictuel tel que marqué par un moindre recours aux griefs et leur résolution à l’interne. Il peut paraître évident que la relation de confiance ne bénéficiera pas d’un contexte favorable à son développement lorsque le climat des relations du travail est plus conflictuel. Encore faut-il le prouver, ce que notre étude parvient à faire. Par ailleurs, pour se développer, la relation de confiance entre les agents du travail doit s’appuyer sur d’autres conditions qu’un climat de travail moins conflictuel. La relation de confiance devient surtout plus forte lorsque les informations demandées sont transmises à l’autre partie, particulièrement, mais non uniquement pour les représentants syndicaux. Dans la perspective itérative du développement de la confiance exposée par Zand (1972), nous voyons ces dimensions comme s’influençant mutuellement alors que la relation de confiance se construit au gré des interactions entre des individus qui agissent au nom de commettants, mais qui apprennent à se connaître et à partager les informations. Selon Beccerra et Gupta (2003), dans les organisations où la confiance est élevée, les communications sont plus ouvertes et les gens ne craignent pas de partager cette information et croient davantage dans l’information qu’ils reçoivent. Les rapports entre la confiance et l’information jouent dans les deux sens alors que l’information permet le développement de la relation de confiance et qu’en retour, celle-ci favorise le partage de l’information. Selon Dietz (2004), le partage des informations dépasserait ainsi la confiance calculée plus éphémère en permettant le développement de la confiance cognitive qui se base sur les connaissances.

Notre étude démontre également que l’adoption d’innovations organisationnelles peut favoriser le développement de la relation de confiance, que ce soit par leur nature, les motifs invoqués pour les adopter et surtout par le processus utilisé pour leur implantation. La relation de confiance entre représentants syndicaux et gestionnaires se construit avec le temps au gré des interactions qui permettent aux agents de jauger dans quelle mesure ils ont raison de faire confiance, soit dans quelle mesure leur vulnérabilité n’est pas exploitée, que les attentes positives sont rencontrées et que le risque qu’ils encourent est minimisé. Les innovations sont le plus souvent développées à l’initiative de la direction des établissements et les syndicats se retrouvent dans une position plus réactive, sinon défensive. Le risque semble ainsi plus élevé pour les représentants syndicaux qui sont moins enclins à faire confiance aux gestionnaires que l’inverse. Ceci illustre une asymétrie de la relation alors qu’en raison d’un plus faible contrôle de la situation, les représentants syndicaux s’exposent davantage et peuvent être plus vulnérables face à des comportements opportunistes de la part des gestionnaires.

Par ailleurs, certaines conditions influencent différemment la relation de confiance pour les gestionnaires ou les représentants syndicaux, illustrant que ces agents du travail défendent des intérêts propres à la partie qu’ils représentent. Ainsi, le contexte socioéconomique et les impacts des innovations influenceraient davantage la relation de confiance pour les gestionnaires, tandis que l’accès aux informations semble plus important pour les représentants syndicaux. Les gestionnaires pourraient davantage craindre de perdre le contrôle comme l’ont illustré Mishra et Morrissey (1990) et ils accorderaient une plus grande importance aux impacts des innovations sur les performances de l’entreprise. Pour leur part, les représentants syndicaux voudraient jouer un rôle actif et central dans le processus d’adoption des innovations, tout comme Brown et Oxenbridge (2004) l’ont documenté pour le développement de la coopération patronale-syndicale. Ces différences entre représentants syndicaux et gestionnaires illustrent que la relation de confiance ne va pas jusqu’au partage des valeurs et que le respect de leurs identités propres serait plus profitable tant aux gestionnaires (Atkinson et Butcher, 2003) qu’aux représentants syndicaux (Dietz, 2004). Nous pouvons mieux comprendre les résultats d’études qui ont démontré la difficulté de développer la confiance identitaire au sein des établissements (Harrisson, 1999, 2003; Le Flanchec, Rojot et Voynnet Fourboul, 2006).

Conclusion

Notre étude a permis de mieux comprendre les conditions qui favorisent le développement de la relation de confiance entre représentants syndicaux et gestionnaires dans un contexte de transformation et d’innovation du travail. Ainsi, un climat de relations du travail moins conflictuel et le partage des informations semblent des conditions évidentes afin de favoriser une meilleure relation de confiance entre les agents du travail. Cependant, il ne faudrait pas voir des relations unidirectionnelles entre ces conditions et la relation de confiance, mais plutôt un réseau d’interactions alors qu’un meilleur climat de relations du travail et le partage des informations vont favoriser le développement de la relation de confiance qui, en contrepartie, pourrait améliorer le climat des relations du travail et favoriser le partage des informations, et ainsi de suite. Le processus utilisé pour l’implantation des innovations est fondamental pour l’amélioration de la relation de confiance. Pour les gestionnaires, la mise en place d’un mécanisme de suivi conjoint favorise l’amélioration de la relation de confiance, tandis que l’implication des représentants syndicaux dès le début du processus d’implantation des innovations est également important, pas seulement lors du suivi. Les innovations sont le plus souvent développées à l’initiative des membres de la direction, mais les intérêts des deux parties doivent être pris en considération, sinon il pourrait s’ensuivre une détérioration de la relation de confiance. Celle-ci est vue comme un attribut important favorisant le développement de la coopération patronale-syndicale alors que son absence pourrait mener à des blocages et une détérioration du climat social. Il leur revient alors de vouloir véritablement s’engager dans ce type particulier de relations entre les agents du travail.

Par ailleurs, il ne faudrait pas voir une transposition automatique de la relation de confiance entre les gestionnaires et les représentants syndicaux vers la confiance que les travailleurs peuvent entretenir pour les gestionnaires ou leur organisation. À cet effet, Morgan et Zeffane (2003) ainsi que Dietz (2004) ont bien fait remarquer que les rapports entre des agents (gestionnaires et représentants syndicaux), bien que favorisant le développement du partenariat et de la confiance entre eux, pouvaient rester localisés et ne pas se transmettre auprès des employés. Dans ce sens, les conditions qui favorisent le développement de la confiance entre les agents du travail doivent également se retrouver auprès des autres membres de l’organisation pour que la confiance se développe également à ce niveau. D’autres études seraient utiles afin d’établir cette relation tout comme des recherches longitudinales seraient nécessaires afin de traiter de l’évolution de la relation de confiance.