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Introduction

Compétence en communication orale et culture : responsabilités de l'école

Si les avis sont unanimes quant aux insuffisances langagières et culturelles des jeunes Québécois (Bissonnette, 1997 ; Boivin et Dubé, 1994 ; Bouchard et Maurais, 1999 ; ministère de la Culture et des Communications, 1996), ils le sont aussi quant à la responsabilité de l’école de les former à la maîtrise du français oral standard et à la culture générale. Nombreux en effet ont été les mémoires et rapports préparés en ce sens, notamment par le Conseil de la langue française (1995), le ministère de la Culture et des Communications (1996), le Groupe de travail sur la réforme du curriculum (Rapport Inchauspé) (1997) et la Commission des états généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec (Rapport Larose) (2001).

Nouvelles orientations ministérielles sur la formation des maîtres

En conséquence, le ministère de l’Éducation a revu non seulement les programmes scolaires (2001c) mais aussi ses prescriptions en matière de formation des maîtres (2001a) pour y accorder une plus large place à l’acquisition de compétences en communication orale et en culture. Le Ministère exige maintenant deux compétences fondamentales chez les éducateurs du préscolaire et les enseignants du primaire : Compétence 1. Agir en tant que professionnelle ou professionnel héritier, critique et interprète d’objets de savoirs ou de culture dans l’exercice de ses fonctions ; Compétence 2. Communiquer clairement et correctement dans la langue d’enseignement, à l’oral et à l’écrit, dans les divers contextes liés à la profession enseignante (ministère de l’Éducation, 2001a : 59). Le Ministère précise que les enseignants doivent posséder une maîtrise inconditionnelle de la langue parlée et écrite pour constituer des modèles linguistiques aux yeux de leurs élèves (2001b), position qui trouve un écho favorable dans la société québécoise (Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec et Larose, 2001 ; De Villers, 1996). Il exige aussi implicitement que les maîtres représentent des modèles d’esprits cultivés pour leurs élèves tout en jouant le rôle de médiateurs culturels (ministère de l’Éducation, 2001a).

Problématique

Pour offrir aux futurs enseignants la formation la mieux adaptée possible, les formateurs des maîtres des universités québécoises disposent de données très limitées sur les compétences initiales de leurs étudiants à l’égard de l’oral et de la culture. En revanche, les recherches qui ont été menées nous confirment la nécessité de proposer des activités de formation bien structurées. Voyons rapidement quelques données dont nous disposons sur le sujet.

Données insuffisantes sur les besoins de formation

Précisons d’abord ce que nous entendons par oral. L’oral peut être considéré comme outil de communication, soit l’oral pour apprendre, ou encore comme objet d’étude, soit l’oral à apprendre (Halté, 2005). L’oral à apprendre comporte des aspects linguistiques (maîtrise de la norme linguistique), ainsi que des aspects discursifs et communicatifs (maîtrise des genres formels oraux [Dolz et Schneuwly, 1998]). Dans notre recherche, nous nous intéressons aux dimensions linguistiques de l’oral à apprendre, c’est-à-dire à la maîtrise du français québécois oral standard. Notons dès maintenant que nous utilisons indifféremment les termes standard, soigné et soutenu pour désigner la norme du français québécois oral, sur laquelle nous reviendrons plus loin.

Que savons-nous de la maîtrise des futurs enseignants à l’égard du français soigné ? Gervais, Ostiguy, Hopper, Lebrun et Préfontaine (2001) ont examiné des productions orales de 285 étudiants maîtres de trois universités québécoises. Les chercheurs ont relevé en moyenne 33,11 variantes de registre familier par production orale d’une durée de trois minutes, même si les étudiants avaient pour consigne de s’exprimer en français soigné. D’autres recherches confirment l’emploi d’un nombre élevé de variantes de ce registre, même si les futurs enseignants produisent aussi des variantes soignées (Ostiguy, Champagne, Gervais et Lebrun, 2005 ; Ostiguy et Gagné, 2001).

Par ailleurs, être enseignant, c’est aussi être capable de diagnostiquer les forces et faiblesses langagières des élèves et de les amener à une plus grande maîtrise de leur langue maternelle, notamment à l’utilisation d’un oral soigné quand la situation l’exige. À notre connaissance, aucune recherche n’a été menée sur ce sujet.

Sur le plan des représentations de l’oral standard, Lebrun et Baribeau (2001) ont conduit une étude qui met en lumière quelques données sur les conceptions de six étudiants. Ainsi, à leur entrée en formation, ceux-ci estiment que le français est une langue difficile et remplie d’exceptions, que la maîtrise de l’oral conduit au développement de bonnes compétences à l’écrit, que les faiblesses les plus courantes en français oral sont liées à une articulation relâchée, à la pauvreté du vocabulaire ainsi qu’à l’emploi du joual et des anglicismes.

Plusieurs formateurs de maîtres ont en outre constaté que leurs étudiants sont irrités quand on leur signale les variantes de registre familier qu’ils emploient et se montrent récalcitrants à l’idée de transformer leur expression orale (Maurais, 1999). De son côté, Ostiguy (2000, non publié) a interviewé six futurs enseignants du secondaire qui affirment avoir l’intention d’employer en classe un français correct mais, précisent-ils, à la portée de leurs élèves. Interrogés sur les raisons de cette approche, les étudiants reconnaissent qu’ils ne maîtrisent pas parfaitement la langue et qu’ils redoutent de créer un fossé entre eux et leurs élèves s’ils s’expriment en français soigné.

Enfin, à notre connaissance, il n’existe aucune recherche sur les rapports à la culture des futurs éducateurs au préscolaire et enseignants au primaire ni sur leurs représentations de l’apport de la culture à la didactique de l’oral.

Objectif de la recherche

Compte tenu de ces données très partielles, il nous semble essentiel de mieux connaître les besoins des futurs enseignants en vue d’adapter la formation qui leur est offerte. Dans cette recherche, nous analyserons dans quelle mesure, avant leur formation à l’oral, leurs représentations correspondent aux standards attendus, décrits plus loin dans un portrait modèle du maître cultivé de français oral. Rappelons que, en ce qui concerne l’oral, notre étude se limite aux aspects linguistiques de la communication et, en particulier, aux représentations des futurs enseignants à l’égard du français québécois oral standard. Comme nous l’avons indiqué plus haut, la maîtrise de la norme de référence par les enseignants et par les jeunes constitue en effet, au Québec, une préoccupation sociale importante, notamment chez les professionnels de la langue (Maurais, 2003).

Cadre conceptuel

Nous décrivons d’abord brièvement les principaux éléments conceptuels à prendre en compte en oral soigné du point de vue de la didactique de l’oral. Nous traitons ensuite des différentes acceptions du mot culture. Enfin, nous établissons des liens entre oral, culture et didactique de l’oral en proposant un portrait modèle du maître cultivé de français oral. En examinant l’écart entre les compétences initiales des futurs enseignants et les compétences ciblées dans les programmes de formation, nous pourrons déterminer leurs besoins de formation (Lapointe, 1992 ; Stolovitch et Keeps, 1993 ; Van der Maren, 2003).

Oral

Si l’on oppose souvent oral et écrit, il faut aussi distinguer les diverses modalités de réalisation de l’oral, car les exigences liées à la communication varient selon celles-ci. En effet, l’oral proprement dit (langue parlée), l’écrit oralisé (texte lu à d’autres ou chanté), l’écrit proprement dit (langue écrite) et l’oral écrit (corpus sonore transcrit pour fin de recherche, dialogues écrits pour le théâtre ou le cinéma) s’avèrent quatre modalités d’une même langue dont la réalisation diffère largement selon les conditions de production. En effet, l’oral proprement dit ou spontané est réalisé dans l’immédiateté et souvent sous forme dialogique ; ainsi, la langue parlée laisse voir les étapes de sa confection (Blanche-Benveniste, 1997 : 17) par la présence de reformulation, de reprise-effacement ou de feedback interne (Chase, 1963). Pour ce qui est de l’écrit oralisé (conférence publique, présentation des informations à la télévision ou à la radio, intervention scientifique devant un auditoire dans un colloque ou un symposium) ou de l’écrit proprement dit, ils prennent place généralement à la suite d’une planification et sous forme monologique (Rey-Debove, 1998). En revanche, l’oral écrit est tantôt dialogique tantôt monologique (transcription de corpus sonore ou dialogue pour la mise en scène de personnages).

Par ailleurs, la langue, en l’occurrence le français, est un système dynamique que ses locuteurs font évoluer dans le temps (chronolecte), l’espace (régiolecte), en fonction de leur milieu social (sociolecte), des intentions de communications (types de discours) et des situations formelles ou familières de communication (registre) (Cajolet-Laganière et Martel, 1995 ; Calvet, 2002 ; Verreault, 1999). Pour un contexte de communication orale donné, la différenciation dans le traitement social des variantes, ou hiérarchisation des usages, amène l’ensemble des locuteurs d’une communauté à privilégier implicitement l’un des registres – en l’occurrence le registre standard – comme la norme des communications publiques (Brent, 1999 ; Maurais, 1999). Ce registre présente des variantes non seulement d’ordre discursif (selon les intentions phatiques, régulatoires, etc. du locuteur), mais aussi d’ordre phonétique, morphologique, lexical et syntaxique (Corbeil, 1993 ; Maurais, 1999). En conséquence, à la lumière des travaux menés par de nombreux chercheurs (Cajolet-Laganière et Martel, 1995 ; Corbeil, 1993 ; De Villers, 2005a, 2005b), nous nous rangeons aux côtés des aménagistes qui estiment que le français de qualité parlé au Québec en situation formelle – dialogique ou monologique – montre des particularités linguistiques qui le distinguent du français de France tout en permettant l’intercompréhension avec les autres francophones. De plus, soulignons que, même s’il n’existe pas de norme prescriptive officielle du français oral québécois en situation de communication formelle, la langue des lecteurs de nouvelles de Radio-Canada représente, à quelques nuances près, pour une majorité de Québécois interrogés sur le sujet, ce français oral soutenu – et ce, même s’il consiste en un écrit oralisé, c’est-à-dire un texte lu (Bouchard et Maurais, 1999). Nous verrons d’ailleurs plus loin comment les futurs enseignants confondent de la même manière les exigences de réalisation de l’oral en situation formelle calquée sur l’écrit proprement dit (comme un oral scolaire qui consiste en une reproduction oralisée de textes écrits préexistants) et comment ce constat nous interpelle quant à l’ignorance des différentes normes de qualité qui régissent ces deux modes de communication, qu’il s’agisse d’oral spontané en situation formelle ou d’écrit oralisé scolaire.

Culture

Depuis près de 250 ans, vivant dans un environnement majoritairement anglophone, les Québécois défendent avec opiniâtreté leur langue dont la transmission est assurée d’une génération à l’autre par leurs institutions familiales, sociales et culturelles (ministère de la Culture et des Communications, 1996). Quels liens existe-t-il justement entre culture et langue ? Pour y répondre, nous nous interrogeons d’abord sur la signification – ou plutôt les significations – que revêt le mot culture.

Voyons d’abord les sens que peut prendre le concept de culture comme ensemble des objets créés par l’être humain pour répondre à ses besoins ou encore à ses questions. On peut d’abord considérer la culture sous l’angle anthropologique ou ethnologique. C’est la culture que nous intériorisons sans nous en rendre compte, à compter de notre naissance et au fil des jours, et qui fait que nous appartenons à une société bien précise. La culture est un système composé de nos coutumes, lois, moeurs, attitudes, comportements, croyances et techniques, sans oublier notre langue ; bref, de tout ce qui caractérise les activités humaines d’une société donnée (Kambouchner, 1995). Nous l’acquérons par l’intermédiaire d’institutions sociales comme la famille et les médias (Tardif et Mujawamariya, 2002). Dumont (1969) l’appelle la culture première ou la culture comme milieu.

La culture est aussi l’ensemble des oeuvres produites par l’humanité pour se comprendre elle-même (Gauthier, 2001 : 24). Il s’agit alors autant d’oeuvres scientifiques que littéraires ou artistiques, produites par des êtres humains qui ont ainsi tenté de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivaient. C’est la culture seconde ou culture comme horizon de Dumont (1969), qui implique aussi une distanciation à l’égard de la culture première. La culture seconde s’acquiert notamment à l’école, où l’on apprend à se familiariser avec les objets culturels. L’école et les maîtres ont alors pour rôle d’accompagner les élèves dans leur distanciation ou objectivation progressive de la culture première (Gauthier, 2001) pour accéder à la culture seconde (Dumont, 1969), sans toutefois renier la première.

Par ailleurs, on peut envisager la culture comme l’ensemble des dispositions et des qualités caractéristiques de l’esprit « cultivé », c’est-à-dire la possession d’un large éventail de connaissances et de compétences cognitives, qui constitue un idéal d’individu cultivé (Forquin, 1996 : 9). Prenant appui sur cette définition, nous dirons que la distanciation de la culture première requiert la mise à contribution de capacités cognitives supérieures, soit d’analyse, de synthèse et d’évaluation (Bloom et Krathwohl, 1956).

Au-delà de la connaissance des objets culturels et du développement de capacités cognitives, la culture, c’est aussi le rapport qu’on développe au savoir et, en définitive, au monde, à autrui et à soi (Charlot, 1997). Développer notre rapport à la culture, c’est développer le plaisir d’apprendre, la curiosité, c’est avoir envie d’aller plus loin, de savoir d’où l’on vient pour mieux savoir – peut-être – où l’on va. C’est acquérir un rapport au savoir qui conditionne notre identité, qui nous donne le sentiment de nous rattacher à l’humanité tout entière et – peut-être – de mieux nous connaître comme être humain tout en affirmant ce qui nous est personnel, qu’il s’agisse de nos réflexions les plus intimes ou de nos rapports avec autrui. Avoir de la culture, c’est nous rattacher à la société où l’on vit, avec ses préoccupations philosophiques, technologiques et culturelles, sans oublier les préoccupations langagières, c’est trouver notre place dans le monde que nous habitons et c’est y prendre notre place, comme créateur, comme acteur et comme critique. C’est aussi déterminer nos rapports à l’autre, pour mieux nous comprendre et pour mieux le comprendre et l’accueillir, comme locuteur francophone ou allophone, Québécois de souche ou immigrant, Québécois d’hier ou d’aujourd’hui, citoyen d’ici ou d’ailleurs (Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec et Larose, 2001 ; Groupe conseil sur la Politique du patrimoine culturel du Québec et Arpin, 2000 ; Simard, 2002).

Didactique de l’oral : portrait modèle du maître cultivé de français oral

À partir des écrits recensés sur l’oral et la culture, dont nous faisons partiellement et brièvement état dans cet article, ainsi que du référentiel de compétences du ministère de l’Éducation du Québec pour la formation à l’enseignement (2001a), nous avons élaboré un portrait modèle du maître cultivé de français oral dont nous présentons ici les grandes lignes.

Le maître cultivé possède un vaste éventail de connaissances approfondies (Forquin, 1996) sur l’oral, sur le français oral standard, sur les productions à dimension orale de la culture mondiale, en général, et de la culture québécoise et francophone, en particulier, autant d’un point de vue synchronique que diachronique. Au fait des similitudes et des différences entre l’oral et l’écrit, il connaît les fondements, méthodes et outils de l’enseignement et de l’évaluation de l’oral. Il a aussi une représentation juste de la norme du français québécois oral. Il sait en quoi consistent les registres de langue et les codes sociaux comme le vouvoiement et il distingue les situations de communication autorisant une langue familière ou requérant une langue standard. En outre, il connaît bien les situations de communication à enseigner et sait planifier, animer et évaluer des activités didactiques en oral (Dolz et Schneuwly, 1998 ; Garcia-Debanc et Plane, 2004 ; Groupe Oral-Créteil, Le Cunff et Jourdain, 1999). Le maître cultivé de français oral dispose en outre de solides référents culturels, non seulement en théâtre, opéra, poésie, cinéma, chanson et autres arts liés à la parole, mais aussi en littérature[1].

Par ailleurs, il connaît bien la culture de ses élèves, qui est fonction non seulement de leur âge mais aussi de leur origine linguistique, sociale et culturelle. Enfin, le maître cultivé met à profit ce qu’il sait d’autres langues et cultures non seulement pour mieux cerner les siennes propres, mais aussi pour s’ouvrir à la francophonie et au monde entier.

Les capacités langagières du maître cultivé lui assurent une excellente maîtrise du français oral standard en situation formelle de communication. Usant d’une prononciation propre à la langue québécoise soignée, il s’exprime avec précision à l’aide d’un vocabulaire étendu et approprié, de même qu’il adopte une morphologie et une syntaxe correctes. Il organise son discours en circonscrivant bien son sujet et en l’adaptant à ses interlocuteurs et à son message. Attentif à son auditoire et conscient de la nature de ses propos, le maître cultivé choisit l’intonation, le débit, le volume et le rythme de sa voix en conséquence. Son attitude, sa posture, ses gestes et son regard contribuent à la qualité de ses interactions avec ses interlocuteurs (Gervais, Laurier et Paret, 1994 ; Préfontaine, Lebrun et Nachbauer, 1998). Véritable caméléon linguistique (Corbeil, 1993), il adapte aisément son expression orale aux situations de communication. Dans le discours de ses interlocuteurs, il sait repérer les formes caractéristiques de l’oral, ainsi que les variantes socialement acceptées ou stigmatisées. S’il sait employer la langue comme outil d’expression, de communication et de participation à la vie en société, le maître cultivé l’exploite aussi comme outil d’enseignement pour donner des explications faciles à comprendre, aider les élèves à préciser leur pensée et formuler des consignes aisément intelligibles, qu’il s’agisse de contenu disciplinaire ou de gestion de classe.

Grâce à ses capacités cognitives supérieures, le maître cultivé de français oral est en mesure d’adopter un point de vue critique à l’égard des productions culturelles orales, ainsi que des programmes de formation et des ressources didactiques portant sur l’oral et la culture.

Les capacités didactiques et psychopédagogiques du maître cultivé l’amènent tout d’abord à accueillir et à comprendre (Simard, 2002) la langue orale familière et les référents culturels de ses élèves. Il élabore et met en oeuvre des situations d’enseignement-apprentissage qui les aident à s’en distancier, à élargir leur répertoire langagier en y ajoutant le registre standard, ainsi qu’à prendre conscience de leurs représentations à l’égard de l’oral et des oeuvres de la culture comportant une dimension orale. Pour ce faire, il choisit comme point de départ les expressions, tournures de phrase, questions et représentations ou habitudes culturelles de ses élèves pour partir de là et partir versdes ailleurs (Zakhartchouk, 1999). Le maître cultivé sert en effet de médiateur entre, d’une part, la langue et la culture premières de ses élèves (Dumont, 1969) et, d’autre part, la langue soignée et les productions orales de la culture. Il situe les éléments de culture première et de culture seconde dans le contexte de l’évolution de la langue et de la culture québécoises pour aider ses élèves à développer à la fois leur sentiment d’appartenance, leur regard critique et leur désir d’apprendre. Il guide ses élèves dans ce passage qu’il a lui-même progressivement franchi au cours de sa formation (Gauthier, 2001).

Le maître cultivé, qui fait preuve d’une attitude positive (Burns, 1975) à l’égard de l’oral, du français oral soigné et de la culture, reconnaît leur valeur. Conscient d’assumer une responsabilité sociale en étant un modèle de locuteur et d’esprit cultivé pour ses élèves (Ouellon et Dolbec, 1999), il sait aussi que sa culture et la qualité de son expression orale lui procurent de la crédibilité, notamment auprès des parents de ses élèves, de ses collègues et des administrateurs scolaires. Évoluant avec aisance dans l’univers langagier, il s’exprime sans gêne en public, dans diverses situations de communication liées à sa pratique professionnelle, qu’il s’agisse de communiquer avec ses élèves, leurs parents, des collègues ou des gestionnaires. Habitué des manifestations et des lieux culturels, il les fréquente avec une égale aisance. Comme il manifeste de l’intérêt pour l’oral et pour la culture, dans ses dimensions orales, il prend plaisir à accroître son vocabulaire, faire des jeux de mots, lire à haute voix, écouter des productions culturelles à dimension orale, etc.

Méthodologie

Voilà donc un bref résumé du portrait modèle du maître cultivé de français oral que nous proposons. Pour comparer les représentations et les réactions affectives des étudiants du baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire par rapport à ce portrait et établir ainsi leurs besoins de formation, nous avons mené une étude exploratoire. Au cours de la première phase de ce projet, soit celle dont nous rendons compte dans cet article, nous avons recueilli des données auprès de 174 étudiants maîtres, 84 d’entre eux faisant partie de la cohorte 2004 et 90 de la cohorte 2005. Ils en étaient tous à leur deuxième année de formation, au début de leur cours de didactique de l’oral.

En 2004, avant même de présenter le plan de cours, nous leur avons demandé de nous écrire, dans leurs propres mots, ce qu’ils savaient de l’oral. Nous voulions voir de quels sujets ils traiteraient spontanément. Nous leur avons ensuite posé 26 questions fermées sur le français oral soigné, inspirées des résultats obtenus dans l’étude susmentionnée par Gervais et collab. (2001), et deux questions ouvertes portant, d’une part, sur les variantes qui, selon eux, sont à éviter en situation formelle de communication et, d’autre part, sur leurs principales attentes par rapport au cours. Enfin, avant le deuxième cours, nous leur avons demandé d’écrire ce qu’ils savaient d’eux-mêmes en tant que locuteurs.

En 2005, toujours avant de présenter le plan de cours, nous avons demandé aux étudiants de cette cohorte de répondre par écrit à deux questions sur la culture : 1. À votre avis, que veut dire l’expression « avoir de la culture » ? 2. Comment pourriez-vous recourir à la culture pour enseigner la communication orale ? Par ces questions très largement formulées, nous voulions interférer le moins possible avec leurs représentations de la culture et de l’apport de celle-ci à l’enseignement de l’oral. À l’aide du logiciel Atlas-TI et d’une grille de codage mixte (Huberman et Miles, 1991), nous avons procédé à une analyse de contenu qui nous a permis de colliger les données selon, d’une part, la teneur et la fréquence des énoncés produits et, d’autre part, selon le nombre d’étudiants qui les produisaient. Voyons maintenant ce que les étudiants nous ont appris de leurs rapports à l’oral et à la culture.

Résultats

Oral

Dans leurs textes, les étudiants mentionnent très souvent le français oral soigné. Ils sont en effet dans un cours de didactique de l’oral et savent qu’ils doivent parler un bon français.

Représentations

Quelle conception ont-ils de la norme ? Pour eux, comme pour les Québécois en général, bien parler, ce n’est pas s’exprimer comme un Français, le Français étant pour bon nombre de Québécois l’archétype du francophone européen. Bien parler, c’est en effet pour 50 % des étudiants, tout comme pour 44 % des Québécois francophones (Bouchard et Maurais, 2001 ; Ouellon et Dolbec, 1999), parler comme les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada. Pour l’autre moitié des étudiants, est-ce parler comme les gens ordinaires des jeux télévisés, ce qu’estiment 47 % des Québécois (Bouchard et Maurais, 1999) ? Les étudiants ne l’expriment pas clairement.

Plus du tiers des étudiants mentionnent qu’il existe des registres de langue et qu’il leur faut s’adapter à leurs interlocuteurs. Bien parler, selon eux, relève surtout de la prosodie, du lexique et de la prononciation. Leurs affirmations témoignent toutefois de certaines conceptions erronées sur les québécismes comme le mot tuque, qui est pourtant tout à fait accepté, ou sur la prononciation de toutes les lettres, comme si l’oral était équivalent à l’écrit. D’ailleurs, sur ce dernier point, trois questions fermées du questionnaire portaient sur la prononciation de je te comprends ou j’te comprends, je n’ai pas ou j’ai pas, je suis ou ch’suis. Le groupe est nettement partagé en deux. Les étudiants ne savent pas ce qui est acceptable ou ce qui ne l’est pas en langue orale soignée, alors qu’il est tout à fait acceptable de dire j’te comprends et ch’suis de même qu’on ne s’attend pas à ce qu’on dise tous les ne dans les énoncés négatifs. Enfin, très peu d’étudiants font des commentaires qui concernent la syntaxe, la morphologie, le discours et les éléments non verbaux.

Sur le plan de la discrimination des variantes appartenant au registre familier, moins de 10 % nous parlent de la nécessité de repérer ces variantes, ce qu’ils n’expriment d’ailleurs pas en ces termes. Nous verrons cependant plus loin que près de 50 % des étudiants souhaitent apprendre, dans le cours de didactique de l’oral, à reconnaître les erreurs dans le discours de leurs interlocuteurs.

Quelles variantes familières entendent-ils chez les élèves ? Les variantes morphologiques occupent la première place dans leurs préoccupations et, surtout, celles qui sont liées aux verbes comme si j’aurais (98 %), ils sontaient (50 %) ou autres (48 %), de même que les problèmes d’accord en genre (une avion, 17 %). Vient ensuite la phonétique : la prononciation relâchée est soulevée par 36 % des sujets (pis, ben, capab’), les liaisons fautives par 12 % (ça va t’être) et les diphtongaisons par 10 % (maère). Sur le plan du lexique, 29 % des étudiants soulèvent la question des anglicismes, 29 % également l’usage de mots passe-partout (faque, tsé, genre) et 14 % le manque de précision du vocabulaire. Enfin, pour la syntaxe, 26 % des étudiants mentionnent des difficultés liées à des connecteurs comme quand qu’on, la fille que je te parle.

Réactions affectives

Les futurs maîtres disent accorder beaucoup de valeur au français oral soigné. Ils sont conscients qu’on attend d’eux qu’ils soient des modèles et qu’ils doivent bien s’exprimer pour favoriser l’apprentissage des enfants. D’ailleurs, dans le questionnaire, 95 % se disent d’accord avec l’importance de parler en français soutenu en classe ; ce pourcentage très élevé est probablement dû au désir de répondre aux attentes du professeur. On constate par ailleurs une variation en fonction de l’interlocuteur : les étudiants savent qu’on attend d’eux qu’ils parlent bien en classe et disent qu’ils le feront – selon leur propre conception de ce qu’est bien parler –, devant leurs élèves et un peu moins facilement devant leur enseignant associé. C’est cependant devant leurs pairs et leurs amis qu’ils craignent le plus de bien parler, question – probablement – de conformité sociale et de sentiment d’appartenance au groupe.

Dans les textes des étudiants, on remarque d’ailleurs cette attitude de connivence, déjà relevée par Ostiguy (2000, non publié), qu’ils sont portés à adopter avec leurs élèves : ne pas trop bien parler, utiliser des expressions à la mode, car ils ne veulent pas être inaccessibles ou froids. Nous ne pouvons passer sous silence cette apparente schizophrénie : afficher leur croyance, d’une part, dans le bien-fondé d’être des modèles linguistiques pour leurs élèves et avouer, du même souffle, d’autre part, l’importance de parler comme eux pour ne pas créer de distance. Cette ambivalence par rapport à ce choix linguistique en classe provient-elle d’un sentiment d’incompétence à adopter ce registre de langue avec naturel, d’une représentation entachée d’une connotation de snobisme à l’égard de ceux qui le maîtrisent ou tout simplement d’un refus de projeter une image qui ne leur ressemble pas ? Certains étudiants se disent capables de parler un français soigné en situation d’expression dramatique, quand ils jouent un rôle de personne affectée, empruntée. Cette ambivalence ne serait-elle pas le propre des jeunes stagiaires dont le premier souci – comme nous l’enseigne la supervision en classe – est de se faire aimer par les élèves, quitte à jouer la carte de la démagogie ? Qu’en est-il sur ce plan des stagiaires finissants ? La question demeure.

Attentes par rapport au cours

Pour terminer, nous avons aussi demandé aux étudiants quelles étaient leurs principales attentes par rapport au cours. Il est intéressant de constater que leurs objectifs sont surtout d’ordre personnel. Ainsi, la majorité d’entre eux veulent améliorer leur français oral : entendre les erreurs des autres (43 %), entendre leurs propres erreurs (33 %), distinguer registre familier et soutenu (17 %), améliorer leur prononciation (17 %), s’exprimer plus aisément devant un groupe (14 %), avoir plus de vocabulaire (14 %). Seuls 14 % d’entre eux demandent à apprendre comment enseigner le français oral alors qu’ils sont pourtant dans un cours de didactique.

Culture

Rappelons que nous avons demandé aux étudiants de décrire ce que signifie avoir de la culture et comment ils pourraient recourir à celle-ci pour enseigner l’oral.

Pour la très vaste majorité des étudiants (80 %), avoir de la culture, c’est d’abord et avant tout détenir des connaissances dans divers domaines. Plusieurs précisent que ces connaissances doivent être approfondies tandis que quelques-uns soulignent qu’il n’est pas nécessaire de tout savoir d’un thème, autrement dit d’être expert, pour être cultivé.

Le domaine des arts retient l’attention de 50 % d’entre eux. S’ils parlent le plus souvent d’arts en général, ils nomment aussi la musique ou la chanson, puis le cinéma. Il est intéressant de noter que viennent ensuite, presque à égalité avec les arts, les sciences humaines où l’histoire, la politique et la géographie occupent une place de choix dans leur conception de la culture. Au troisième rang seulement apparaissent les lettres, que mentionnent près de 25 % d’entre eux. Leurs énoncés concernent d’abord la littérature, puis la langue française et les langues modernes. Enfin, les sciences et les technologies sont mentionnées par près de 15 % des étudiants, précédant de peu la religion et la philosophie dans leurs préoccupations culturelles.

Pour environ 15 % des étudiants, avoir de la culture, c’est aussi connaître l’autre, soit les peuples du monde, ainsi que leurs croyances, us, coutumes et traditions culinaires. Étonnamment, seulement 13 % des étudiants font référence à la culture québécoise, à ses origines, à son histoire, à sa langue, ou encore à ses moeurs, valeurs et coutumes.

Par ailleurs, selon eux, suffit-il d’avoir des connaissances pour être cultivé ? D’après de rares étudiants, moins de 7 %, être cultivé, c’est aussi porter un regard critique sur le monde qui nous entoure et sur notre propre culture. De plus, si près de 25 % d’entre eux croient que les personnes cultivées discutent aisément de plusieurs sujets, quelques-uns estiment qu’elles fondent leurs opinions sur des connaissances leur permettant de nuancer leurs points de vue. Par ailleurs, un petit nombre d’étudiants associent culture et communication, en indiquant que de solides connaissances diversifiées offrent l’avantage d’échanges plus faciles avec des gens de différents milieux. Enfin, seuls trois étudiants soulignent qu’une personne cultivée maîtrise obligatoirement la langue française.

Sur le plan du rapport au savoir, environ le tiers des étudiants mentionnent que la culture exige d’être ouvert à l’autre et à sa différence, ainsi qu’à la nouveauté et au monde qui nous entoure. Être cultivé, selon un peu plus de 10 % d’entre eux, c’est être curieux et avoir le désir d’apprendre, décrivant ainsi le rapport à soi, à l’autre et au monde. Deux étudiants précisent même qu’être cultivé, c’est faire preuve de savoir-vivre, respecter les autres et l’environnement, bref, c’est vivre en harmonie avec soi, les autres et le monde.

Par ailleurs, 17 % des étudiants nous font part de leurs réflexions sur la manière dont on devient cultivé. Si près de la moitié d’entre eux estiment que c’est à l’école qu’on acquiert la culture, les autres soulignent cependant l’apport de l’expérience personnelle, de l’entourage, notamment des parents, ainsi que des lectures personnelles et des voyages.

En conclusion, les étudiants ont une conception très éclectique des connaissances d’une personne cultivée. En décrivant ce que veut dire avoir de la culture, ils nous révèlent probablement ce qui constitue leur propre culture, celle de jeunes Québécois au début de la vingtaine, s’intéressant aux arts, surtout à la chanson et au cinéma, mais aussi aux débats sociaux et politiques, dans un monde fortement marqué par la mondialisation des échanges et par l’immigration. En revanche, très peu d’entre eux associent culture et regard critique ou encore culture et désir d’apprendre.

Représentations de l’apport de la culture en didactique de l’oral

En ce qui concerne les objectifs et activités d’apprentissage liant culture et oral, le tiers des étudiants mentionnent au premier chef l’exposé, ce qui est probablement le reflet de la manière dont ils ont eux-mêmes appris l’oral à l’école. Le débat occupe la deuxième place (11 %) dans leurs conceptions de la didactique de l’oral, quelques-uns indiquant que les élèves pourraient échanger leurs points de vue sur des oeuvres artistiques ou littéraires, ou encore sur des questions d’actualité politique. Vient ensuite le théâtre dont nous entretiennent seulement six étudiants : créer et interpréter une pièce de théâtre, faire de l’improvisation théâtrale, ou encore assister à une pièce de théâtre. L’un d’entre eux souligne qu’il recourrait simultanément au théâtre de Molière et de Michel Tremblay pour amener les enfants à distinguer les genres théâtraux et les registres de langue. Enfin, parmi les autres activités proposées, notons le tournoi culturel, le cercle de lecture, la lecture à haute voix, ainsi que le tournage d’un reportage ou d’un film.

Quelques étudiants (15 %) indiquent clairement les objectifs d’apprentissage qu’ils poursuivraient : amener les élèves à apprécier des oeuvres artistiques ou littéraires, à exprimer leurs goûts et à développer leur intérêt pour la culture.

Enfin, sur le plan de la langue, environ 10 % des étudiants soulignent qu’ils feraient connaître aux élèves l’histoire et l’évolution de la langue française, les caractéristiques du français québécois et l’importance de la maîtrise de la communication orale pour se faire comprendre.

Ce sont bien sûr les lettres que plus du tiers des étudiants choisissent comme repères culturels en didactique de l’oral. La littérature, la chanson et le théâtre retiennent particulièrement leur attention. Environ 15 % privilégient les arts (cinéma et musées), ainsi que l’actualité et l’histoire. Enfin, un pourcentage équivalent d’étudiants insiste aussi sur la connaissance de la langue et de la culture des peuples du monde.

D’ailleurs, quelques étudiants souhaitent prendre en compte l’origine culturelle des élèves dans leurs stratégies d’enseignement. En outre, si certains choisiraient des thèmes qui touchent de près les élèves, d’autres insistent sur l’importance de développer chez eux le goût de se cultiver en leur proposant des sujets qui dépassent leur petit univers. Seuls quatre étudiants indiquent qu’il leur faudra être des modèles linguistiques pour les enfants. Enfin, trois d’entre eux parlent de l’évaluation des compétences orales des élèves.

La majorité des étudiants ont une vision assez traditionnelle de l’enseignement de l’oral et de ses liens avec la culture : l’exposé oral et le débat constituent en effet des genres souvent exploités – et ce, depuis longtemps. Il est en outre assez naturel que la langue orale leur fasse immédiatement penser à la langue écrite, ainsi qu’à la littérature. Notons qu’ils ne transposent pas, à l’enseignement de l’oral, l’éclectisme dont ils font preuve en décrivant les connaissances liées à la culture.

Limites de la recherche

Rappelons que notre étude rend compte des affirmations des étudiants et non de leurs comportements. De plus, comme nous leur avons posé des questions très générales, notamment sur la culture, leurs réponses sont un indice de ce qu’il leur est venu spontanément à l’esprit et non de l’ensemble des éléments constituant leurs représentations des thèmes abordés.

Conclusion

Que nous apprend cette recherche exploratoire ? Sur le plan de la formation, il faut aider les étudiants maîtres à mieux distinguer les particularités de l’oral et de l’écrit, à acquérir une vision plus juste de la norme du français oral soigné, à comprendre l’histoire du français québécois, à mieux se connaître comme locuteurs et à mettre à distance leur langue première. C’est ainsi qu’ils pourront gagner de l’aisance à communiquer en français soigné, notamment avec leurs élèves, et à maîtriser un objet d’étude complexe qu’ils devront à leur tour faire comprendre à ces derniers.

Il faut aussi les amener à élargir leur conception de la culture pour y intégrer les notions d’esprit critique et de désir d’apprendre. Il faut les familiariser avec les productions culturelles orales à l’intention des jeunes et des adultes, et favoriser dans leur esprit la mise en relation de la culture avec la communication orale.

Il faut aussi les amener à se distancier des modes d’apprentissage de l’oral qu’ils ont vécus en tant qu’élèves pour leur permettre de mieux apprécier la valeur de l’expression orale soignée sur les plans personnel, professionnel et social, en leur enseignant divers usages comme la prise de parole en société, le débat, le conseil de coopération, etc.

Cette étude constituait une première phase de recherche sur les représentations et les réactions affectives des futurs maîtres à l’égard de la communication orale et de la culture. Nous voulions en effet obtenir les observations des étudiants telles qu’ils les formulent spontanément. Nous poursuivons nos travaux en nous fondant sur les résultats que nous venons d’exposer pour encore mieux cerner le portrait de ces futurs maîtres cultivés de français oral, à leur entrée en formation, en y incluant notamment leurs habitudes culturelles.