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Introduction

Au cours de la dernière décennie, le rehaussement culturel de l’école québécoise est devenu une priorité (MÉQ, 1997b). La volonté gouvernementale d’insister sur la dimension culturelle de l’école est clairement affichée dans les programmes de formation des élèves (MÉQ, 2001a, 2003) et dans le document sur la formation à l’enseignement (MÉQ, 2001b), dont l’une des deux orientations est l’approche culturelle de l’enseignement. La perspective culturelle induit des changements dans les écoles et les universités. Les enseignants et les futurs enseignants sont invités à s’inscrire dans un rapport dynamique à la culture et même à porter un regard nouveau sur les savoirs scolaires. Dans ce contexte, les formateurs d’enseignants sont directement interpellés et la formation initiale en milieu de pratique n’échappe pas à cet appel. Toutefois, des enseignants associés[2] doutent de leur compétence de formateurs et comptent même sur leur stagiaire pour mieux comprendre et concrétiser les orientations des programmes scolaires modifiés (Portelance, 2005). Le stage peut alors représenter un lieu de formation mutuelle et de partage de savoirs, ce qui s’inscrit dans la perspective d’une reconnaissance des savoirs en actes, souvent implicites. Ce processus participe du développement professionnel des enseignants et des stagiaires (Donnay, 2002).

Dans ce texte, nous portons intérêt aux savoirs du formateur et du formé relativement à une approche culturelle de l’enseignement. En référence à l’inventaire d’études sur le teacher’s personal knowledge, réalisé par Clandinin et Connelly (1987), les savoirs englobent un éventail de pensées et d’actions, de conceptions, de théories personnelles, de croyances et de valeurs, de constructions mentales, de représentations, de connaissances. L’expression savoirs des enseignants est également utilisée dans ce sens par Gauthier, Desbiens, Malo, Martineau et Simard (1997). Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes intéressée à des conceptions, des représentations et des perceptions. À la suite d’une brève présentation d’éléments contextuels et des objectifs de l’étude, nous exposons le cadre de référence qui soutient la démarche méthodologique. Nous examinons ensuite l’essentiel des résultats en ce qui concerne les conceptions de la culture et les représentations de la dimension culturelle de l’école et de l’approche culturelle de l’enseignement. Nous terminons par l’exposé des perceptions que l’enseignant et le stagiaire ont des impacts du partage de leurs savoirs sur l’approche culturelle de l’enseignement.

Formation nécessaire à la mise en œuvre de changements curriculaires

Que le milieu scolaire soit en période d’implantation d’une réforme ou non, les stages en enseignement peuvent représenter une occasion de formation réciproque pour l’enseignant associé et son stagiaire (Pelpel, 1991). D’une part, le stagiaire souhaite que l’enseignant expérimenté l’aide à mobiliser et à utiliser ses connaissances psychopédagogiques et didactiques, sur lesquelles son enseignement devrait prendre appui. D’autre part, l’enseignant ne prétend généralement pas qu’il est apte à lui fournir toute l’aide attendue ; il espère que le stagiaire l’alimentera en puisant dans ses savoirs théoriques fraîchement acquis. Cependant, les attentes de l’enseignant formateur à l’égard de son stagiaire peuvent être accentuées en période de réforme curriculaire. Même s’il a participé à des activités de formation offertes dans son milieu, il se perçoit comme un novice à plusieurs égards. Son sentiment de compétence est faible quant à l’appropriation cognitive des concepts fondamentaux sous-jacents aux lignes d’action des changements prescrits et à l’intégration de ces concepts dans ses interventions éducatives (Portelance, 2005). Or, il est appelé à guider le futur enseignant dans le développement des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice de la profession enseignante dans un milieu scolaire en transformation, c’est-à-dire dans une école qui doit mettre en place le renouveau pédagogique prescrit par la réforme curriculaire.

Toutefois, une réforme ne se réalise que si les enseignants en comprennent les finalités, adhèrent à ses orientations et s’approprient ses fondements (Fullan, 1992). Dans la réalité, le calendrier de l’implantation effective d’une réforme ne suit pas le calendrier officiel du Ministère. Les écoles et les enseignants redéfinissent la réforme, l’implantent de manière sélective et réajustée (Tyack et Cuban, 1995), lui donnent un sens dans la démarche même de l’innovation (Pelletier, 1996). Toute réforme exige des enseignants qu’ils s’inscrivent dans une démarche d’apprentissage afin que sa mise en oeuvre ne soit pas faite de façon superficielle. Les enseignants associés sont concernés à la fois comme enseignants et comme formateurs d’enseignants. Selon des travaux récents, ils manifestent de l’ouverture à l’innovation pédagogique et aux idées nouvelles que les stagiaires leur présentent (Portelance et Durand, sous presse). Les échanges et les discussions avec un stagiaire peuvent constituer une occasion de questionnements, ébranler les représentations, les croyances, et même les valeurs, et conduire à des changements conceptuels.

Les savoirs partagés représentant l’objet de l’étude concernent l’approche culturelle de l’enseignement. D’après le ministère de l’Éducation (MÉQ, 2001b) l’expression réfère au concept de culture ainsi qu’au rôle et à la formation d’un maître dit cultivé. La culture représentée en tant qu’objet correspond à la compréhension du monde que l’élève construit et fait également référence à un idéal d’individu que l’école devrait aider à atteindre. La culture représentée en tant que rapport invite l’enseignant à établir un triple rapport au savoir, un rapport au monde, à soi et aux autres, et à engager l’élève dans des situations qui le mettent en relation avec la culture. Cela exige de l’enseignant qu’il agisse comme un héritier, un critique et un interprète des savoirs culturels. Dans le Programme de formation de l’école québécoise (MÉQ, 2001a, 2003), il est mentionné qu’une approche culturelle de l’enseignement amène l’élève à structurer son identité par l’augmentation de son bagage culturel et le développement d’une ouverture face à la diversité culturelle. Selon le renouveau pédagogique souhaité, cette approche est associée à une approche par compétences, c’est-à-dire à un enseignement qui, dans une perspective de connaissances construites par l’élève, vise aussi le développement de compétences.

De nombreux auteurs s’intéressent à la culture ou à la mission culturelle de l’école. Un survol de la littérature scientifique permet de constater diverses conceptions de la culture et des représentations qui illustrent la dimension culturelle de l’école.

Culture et dimension culturelle de l'école

Le concept de culture

Forquin (1989) formule cinq acceptions représentant les usages les plus courants du vocable culture. Il y a en premier lieu la culture de l’homme cultivé, qui correspond à une définition normative de la culture. L’homme cultivé représente essentiellement un individu possédant des connaissances dans divers domaines ainsi que des compétences au niveau cognitif général et un esprit critique en matière intellectuelle et artistique. De ce point de vue, l’université constitue le lieu par excellence de production de culture. En second lieu, et contrairement à cette description plutôt traditionnelle du mot culture, l’acception positive ou descriptive des sciences sociales de Forquin (1989) désigne davantage un groupe qu’un individu. Celle-ci réfère à des spécificités du mode de vie d’une collectivité, des traits caractéristiques, des schémas d’action et des coutumes manifestés au quotidien, à une époque particulière de son évolution. Cette acception peut renvoyer à Simard (2002b) qui, à l’instar de Dumont (1968), aborde la culture en partie comme un objet et plus précisément comme un ensemble de savoirs, d’oeuvres, de symboles et d’outils que les hommes ont conçus afin de satisfaire leurs intérêts ou leurs besoins et de comprendre le monde. En troisième lieu, le mot culture est utilisé pour affirmer une identité collective. L’auteur désigne alors la culture patrimoniale d’un groupe ethnique. Par exemple, les enseignements donnés dans une collectivité de génération en génération constituent un bagage d’apprentissages propres à la communauté. Forquin (1989) parle ainsi d’héritage collectif, intellectuel et spirituel. Une quatrième acception se rattache à une culture sans frontière, universaliste et unitaire. Selon cette signification, ce qui est transmis dépasse les limites des particularismes ethniques et fait donc partie d’une mémoire commune (Forquin, 1992, p. 9) à toute l’humanité. Dans cette vision, on recherche davantage ce qui unit les collectivités que ce qui les divise ou les particularise. L’idée de culture commune à l’école participe de cette dimension. Finalement, une explication philosophique donne lieu à une cinquième acception, qui concerne essentiellement la culture et son rapport à la nature. La culture est vue comme étant ce qui distingue l’homme de l’animal et donc comme un état spécifiquement humain (Forquin 1989, p. 11). Ces différents sens du concept de culture, admis et reconnus par l’usage (Forquin, 1989), ne s’excluent pas mutuellement. Ils peuvent être rattachés de façon complémentaire à la dimension culturelle de l’école (Gohier, 2002).

À cette catégorisation, ajoutons que la culture est aussi considérée dans une perspective plus large comme un rapport au monde, à soi et aux autres (Charlot, 1997), une remise en question continuelle par l’individu de ses savoirs sur le monde (Reboul, 1992), une interaction réciproque entre le monde et lui (Simard, 2002a). Cette thèse du triple rapport invite l’école à s’interroger sur son rapport au savoir et lui permet de penser la culture en lien avec le rapport au savoir de l’élève (MÉQ, 2001b).

L’école et la culture

Savoir et culture sont souvent mis en relation. L’homme cultivé est présenté comme l’individu qui questionne et se questionne (Reboul, 1992), et la culture comme un rapport entre l’homme et ce qu’il sait. Pour Camilleri (1985), éducation et culture s’articulent l’une à l’autre, l’éducation étant informée par la culture et la culture devenant l’effet de l’éducation. Cette affirmation signifie, d’une part, que, pour faire oeuvre d’éducation, l’école utilise la culture de la société, celle de ses élèves, en s’ajustant aux changements sociaux. Elle exprime aussi, d’autre part, que l’éducation suscite la création d’oeuvres de culture en littérature, en philosophie, en arts et dans tous les domaines. Dumont (1968), dans son ouvrage Le lieu de l’homme, a mis en lien l’éducation et la culture en élaborant sa vision de ce qu’il nomme culture première et culture seconde, qui correspondent à deux façons de se représenter le monde. La culture première désigne le monde familier de chaque individu. Les humains sont des héritiers d’une culture première par les interactions quotidiennes, le langage, les règles de conduites, les modèles de comportements appris dès le plus jeune âge. Mais en prenant une distance par rapport à lui-même, l’homme a créé un ensemble de connaissances, d’outils et de symboles qui répondent à des questionnements sur le monde et lui permettent de mieux le comprendre. L’école se trouve être l’un des principaux lieux de production de cette représentation du monde associée à une culture seconde. À l’école, des oeuvres sont transmises et des savoirs sont enseignés en tenant compte du monde familier des élèves. L’école équivaut à une société de référence (Dumont, 1981), avec des programmes scolaires qui appartiennent à l’ensemble des éléments de culture seconde choisis pour devenir objets d’apprentissage. Par ces choix, elle exerce une influence marquante sur l’identité des élèves.

Camilleri (1985) affirme que la culture détermine la construction de l’identité de l’individu et que la fonction de l’école à cet égard est marquante. L’école enseigne des croyances, des représentations et des attitudes qui définissent l’individu. Mais les messages culturels transmis par l’école, comme les normes et les valeurs, entrent souvent en concurrence avec les repères culturels des élèves, associés à leurs apprentissages au quotidien. À ce propos, Perrenoud invite l’école à considérer le fait que les élèves sont les héritiers d’une culture, celle de leur famille, de leur quartier ou de leur communauté locale, de leur classe sociale (1990, p. 21) et qu’ils y prennent part. Tout en tenant compte des aspects contextuels de la culture des élèves, l’école doit s’efforcer de mettre l’accent sur ce qui est général, constant, incontournable. Ce défi de former des citoyens qui disposeront d’un bagage culturel collectif n’est pas simple. L’immense quantité des savoirs disponibles a comme conséquence la probable disparité des savoirs effectivement enseignés. L’école et les enseignants font une sélection et transforment les savoirs qu’ils transmettent. Dans ce contexte, il peut sembler banal d’affirmer, à l’instar de Barrère et Sembel (1998), que la culture scolaire est liée aux idées des classes dominantes.

Le rôle de l’enseignant

La nécessaire adaptation de l’école, facteur premier du développement culturel et social, est soulignée dès le début des années 1970 par Dumont (1971), pour qui il n’existe pas de stock culturel unanime. Selon lui, l’absence de repères culturels clairs et unanimement reconnus dans la société oblige l’école à se transformer en un laboratoire culturel, un environnement mettant en relation le milieu social et le milieu scolaire. C’est au maître qu’il revient de s’adapter, d’identifier et de créer les conditions qui peuvent faire apparaître les capacités cognitives et la motivation, et de concevoir des situations d’interactions entre les élèves.

Le rôle du maître est ainsi celui d’un passeur culturel (Zakhartchouk, 1999) qui aide l’élève à franchir les obstacles. Comme le souligne Simard (2002b), l’enseignant représente la personne qui permet de passer d’une rive à l’autre, de la culture première à la culture seconde. Il doit alors avoir une conscience claire du rôle de l’école dans la transmission d’un héritage culturel. Gohier (2002) propose le vocable de lieur pour décrire cette fonction de l’enseignant. À l’image du passeur culturel, elle ajoute celle du lien entre sensé et senti chez l’individu. L’auteure présente ainsi l’enseignant comme le lieur du rationnel et de l’imaginaire, du sens et de la sensibilité par quoi chacun a tout à la fois le sentiment de comprendre le monde et de lui être lié (p. 232). Dans une éducation à la compréhension et à la relation où l’enseignant fait figure de lieur, la sphère du senti doit croiser celle du sensé car c’est par la sensation d’être en contact avec le monde et avec le sentiment d’en faire partie que l’intelligence des choses peut advenir pleinement, et faire sens (p. 233). L’intention de l’enseignant serait d’offrir à l’élève un fil conducteur qui fait passer à l’abstraction et à la règle, qui permet l’organisation de la pensée en utilisant les émotions (Boimare, 2001).

Les efforts des enseignants doivent porter sur le déploiement de stratégies variées et de médiations pédagogiques appropriées à la diversité qui caractérise la composition de la classe. Ils se voient confier la tâche d’aider chacun à trouver sa place dans la culture de l’humanité, à exercer ses capacités mentales, à se poser des questions sur le monde et à avoir des outils pour le comprendre (Ardouin, 1997). Avoir accès à l’universalité, c’est […] être en mouvement, c’est être capable de se cultiver, de créer des liens, […] de maîtriser un certain nombre d’outils ou de concepts qui […] permettront d’avoir accès aux champs de culture (p. 21).

À la lumière de ces différentes manières de concevoir la culture et de se représenter ses rapports avec l’école et l’enseignement, nous avons analysé les résultats de notre étude sur les relations entre les stagiaires et les enseignants associés. Avant d’en révéler certains éléments, nous décrivons brièvement la méthodologie de l’investigation.

Méthodologie

La recherche est de type qualitatif. Cinq enseignants associés et autant de stagiaires[3] finissants du baccalauréat en enseignement secondaire de l’Université du Québec à Trois-Rivières y ont participé. Les dix participants forment cinq dyades réparties dans deux écoles de la Mauricie et deux de Lanaudière. Les disciplines d’enseignement des stagiaires comprennent l’histoire, la géographie, le français et les mathématiques ; les niveaux d’apprentissage des élèves varient de la 2e à la 5e année du secondaire. La collecte des données a été faite entre décembre 2004 et avril 2005, au moyen d’un questionnaire écrit et d’une entrevue individuelle semi-structurée, avant et après le stage, de même que de l’enregistrement sonore, au cours du stage, de discussions entre l’enseignant et son stagiaire sur des situations d’enseignement-apprentissage conçues et pilotées par le stagiaire et mettant en évidence la dimension culturelle de l’apprentissage et de l’enseignement. De plus, les stagiaires ont noté dans un journal de bord leurs réflexions à propos de leurs discussions avec l’enseignant au sujet d’une approche culturelle de l’enseignement. Les thèmes touchés par le questionnaire et l’entrevue sont sensiblement les mêmes : le sens accordé aux expressions culture et approche culturelle de l’enseignement, la dimension culturelle de l’école, le rôle de l’enseignant et ses pratiques pédagogiques, de même que, à la fin du stage, les impacts de la réflexion et des discussions portant sur la thématique de la recherche. L’entrevue a permis au participant d’élaborer davantage ses conceptions et ses perceptions et d’émettre plusieurs idées sur un même thème.

Après la transcription intégrale des données récoltées par l’entremise des questionnaires et des entrevues, leur codification et leur analyse ont été effectuées au moyen du logiciel d’assistance à l’analyse qualitative N’vivo. Cet instrument per- met de s’inspirer du processus itératif d’analyse qualitative de Huberman et Miles (1991). Il offre la possibilité de codifier, d’organiser et d’affiner le corpus des données par un jeu d’aller-retour entre les opérations du traitement de ces don-nées. Dans un premier temps, une structure catégorielle a été construite à partir des thèmes de la collecte de données. Au cours du processus de codifica- tion, d’autres catégories et sous-catégories ont émergé. La structure de codage, sous forme d’arborescence thématique, a été raffinée progressivement et traduite finalement dans des tableaux. La synthèse de l’analyse et l’interprétation des données sont issues des regards croisés de la chercheure et d’un assistant de recherche.

L’analyse présentée ici met en évidence les distinctions entre les données provenant respectivement des stagiaires et des enseignants associés. Faute d’espace, elle ne fait pas ressortir les rapports entre les savoirs respectifs et l’influence mutuelle des membres de chaque dyade[4].

Résultats

La culture : des conceptions diversifiées

La question au sujet du concept de culture donne lieu à des réponses diversifiées de la part de l’ensemble des participants et même de chacun d’eux, ce qui confirme la polysémie du vocable que nous avons mise en évidence dans le cadre de référence. En ce qui concerne les stagiaires, les conceptions se rattachent aux quatre premières acceptions de la liste de Forquin (1989), surtout à l’idée de l’individu cultivé, mais également à d’autres acceptions courantes du terme. La culture correspond ainsi au bagage de connaissances générales, à des connaissances très utiles au développement de l’individu, acquises en dehors du cadre scolaire, à un ensemble incommensurable de connaissances qu’un humain peut posséder, car un individu n’est jamais trop cultivé. Deux stagiaires voient plutôt dans le terme culture les traits spécifiques d’une collectivité, tels que ses habitudes alimentaires, sa mentalité, son expression artistique, son fonctionnement politique. Dans le même sens, l’expression représente ce qui différencie un groupe social d’un autre, comme les jeunes de leurs aînés. De plus, le vocable fait penser aux origines de l’individu, au bagage historique légué par ceux qui ont vécu avant nous, à un assemblage d’éléments qui détermine qui nous sommes ; il s’agit là d’une conception qui concerne la transmission d’un patrimoine. Finalement, deux futurs enseignants accordent à la culture une signification large, qu’on peut mettre en lien avec la conception d’un patrimoine universel. Ils font référence à l’ouverture sur le monde, à toutes les cultures. L’un conçoit la culture comme la transcendance des particularismes et l’autre la définit comme une zone franche où s’entrecroisent les réflexions et les modes d’expression de la société humaine.

Du côté des enseignants, les conceptions de la culture se rattachent aux trois premières acceptions de Forquin (1989). Trois enseignants ont une conception de la culture qui concerne la personne cultivée ou ce qui s’en rapproche. L’un affirme que la culture représente la connaissance la plus large possible dans tous les domaines, un autre parle de la connaissance des grands de ce monde. La troisième définit la culture comme ce qui est au-dessus du savoir enseigné dans le programme, se référant à la nécessité de rehausser la culture des élèves pour en faire des individus cultivés. Deux enseignants parlent de la culture en termes de caractéristiques d’un groupe d’appartenance. Il s’agit d’une manière d’être et d’agir avec son bagage culturel, familial et social. Il est question des croyances et des connaissances liées à un milieu particulier, d’une manière de s’exprimer, des goûts musicaux, des caractéristiques d’un groupe social, comme celui des adolescents qui fréquentent l’école. Deux participants associent la culture au bagage patrimonial. Le premier exprime ainsi sa pensée : c’est ce qui nous définit actuellement au quotidien et historiquement. Le second fait référence à la connaissance de ce qui s’est passé, pour mieux savoir qui on est. Un seul enseignant voit dans la culture une compréhension des événements qui ont marqué et marquent encore la société.

En somme, chez l’ensemble des participants, la culture prend plusieurs sens, dont la plupart recoupent les acceptions les plus courantes de Forquin (1989). Elle correspond à un objet de connaissance et à ce qui façonne l’identité d’un groupe social ou d’un peuple. Un seul enseignant l’associe à la compréhension du passé et de la société actuelle, ce qui rejoint l’idée de Charlot (1997), reprise par Simard (2001, 2002b). Pour certains stagiaires, la culture transcende les particularismes et traverse l’humanité. Toutes les conceptions sont formulées de façon propre à chacun, peut-être parce qu’elles sont l’expression de constructions personnelles et non de représentations construites socialement. En effet, aucun participant ne se rapporte à des définitions formellement reconnues. Aucune trace d’un ancrage dans des savoirs officiellement diffusés n’a été relevée. Les conceptions exposées semblent enracinées dans les valeurs, les croyances et les théories personnelles de ceux qui les ont mises en mots.

La dimension culturelle de l’école unanimement affirmée

Stagiaires et enseignants associés reconnaissent unanimement la dimension culturelle de l’école, même si, pour une enseignante, la culture est un ajout aux contenus des programmes scolaires. Les représentations qu’ils s’en font sont cependant variées.

L’école est perçue par les stagiaires comme un lieu de transmission de la culture. Deux d’entre eux soutiennent qu’elle est un milieu culturel en soi, un lieu de culture. À l’école, c’est de la culture que l’élève acquiert, déclare une future enseignante de français. Une autre mentionne que tout ce qui s’y fait se rapporte à la culture générale. L’école doit montrer aux élèves ce qui se passe dans le monde, leur faire comprendre que d’autres sont passés avant eux, leur enseigner ce que ces prédécesseurs ont légué à la société. Un futur enseignant d’histoire croit que la dimension culturelle de l’école est davantage présente dans l’enseignement des sciences humaines et du français, étant donné que l’enseignement de ces disciplines peut être fait avec souplesse.

Quelles représentations ont les enseignants de la dimension culturelle de l’école ? Trois participants la perçoivent en liaison relativement étroite avec l’enseignement disciplinaire. Un enseignant d’histoire considère que, par l’apprentissage des arts et de l’histoire, la culture est associée au développement de la façon d’être et de la manière de comprendre le monde. Aux yeux d’une enseignante de mathématiques, la culture concerne l’apprentissage d’un savoir-vivre par l’éducation à la citoyenneté[5]. Sa collègue croit que l’école se doit d’ouvrir des horizons aux élèves dans le domaine des langues, de la musique et des arts, sans pour autant négliger les apprentissages de base en français et en mathématiques. Ces perceptions, d’apparence disparates, font ressortir une impression assez répandue : certaines disciplines scolaires auraient un potentiel supérieur de rehaussement culturel des apprentissages des élèves. Par ailleurs, l’un des enseignants croit, comme les stagiaires, que tous les enseignants devraient faire de l’école un véhicule de la culture générale.

À travers l’expression de leurs représentations, la question des liens entre la culture de l’élève et la culture de l’école, abordée par Camilleri (1985), Barrère et Sembel (1998) et d’autres, est soulevée par les enseignants. Ainsi, l’un insiste sur l’importance pour l’école de rattacher la culture qu’elle transmet à la culture des élèves et de leur famille, une idée développée par plusieurs, dont Perrenoud (1990). À l’inverse, deux autres enseignants mettent l’accent sur le rôle des parents, considérés par l’un comme les premiers responsables de la culture de leur enfant et par l’autre comme des partenaires potentiels qui devraient travailler dans le même sens que les enseignants. Cet appel à la contribution des parents peut être mis en parallèle avec le défi, formulé par Barrère et Sembel (1998), de former des élèves ayant un bagage culturel collectif sensiblement uniforme dans une société où l’idéologie de l’école et celle de nombreux milieux familiaux sont souvent nettement distinctes.

Nous avons noté que les représentations qu’ont les enseignants de la dimension culturelle de l’école sont plus proches du monde scolaire dans son quotidien que celles des stagiaires. En effet, les enseignants raccordent davantage et plus directement la culture à certaines disciplines scolaires. Ils sont également plus sensibles aux influences de la famille sur la réussite des enfants et plus conscients des liens entre l’école et la famille. Relativement à l’inévitable et omniprésente concurrence entre la culture scolaire et la culture des élèves, aucun participant n’a signalé ce que déplorent Barrère et Sembel (1998) : la culture scolaire n’est pas neutre, l’école sélectionne et transforme les savoirs à enseigner pour les adapter aux élèves, selon les milieux familiaux dont ils proviennent.

Pour l’ensemble des participants, la culture se trouve en quelque sorte l’effet de l’éducation et l’école une sorte de courroie de transmission d’une culture seconde, tout comme l’avance Dumont (1968, 1981). Nous verrons plus loin que, d’après leurs perceptions de l’approche culturelle de l’enseignement, l’éducation est vue aussi, inversement, en tant qu’effet de la culture, car elle doit se tenir informée de la culture des élèves. Ce lien bidirectionnel rejoint la pensée de Camilleri (1985) au sujet de l’articulation de l’école et de la culture.

Une approche culturelle de l’enseignement au service de l’apprentissage

À quoi correspond une approche culturelle de l’enseignement chez les acteurs scolaires rencontrés ? L’expression ne leur est pas familière. Au premier abord, tous ont du mal à la définir, même si les liens entre l’école et la culture leur paraissent clairs. Chez les deux catégories de participants, l’approche culturelle de l’enseignement est comprise en lien avec le rôle de l’enseignant.

Selon quatre stagiaires, l’utilisation de cette approche est avant tout nécessaire pour rendre la matière accessible et pour en expliquer l’utilité. Elle suppose que l’enseignant fait voir aux élèves les liens entre les notions enseignées et la vie quotidienne. Une approche culturelle aide à faire ancrer la matière dans le vécu des élèves lorsque l’enseignant, afin de favoriser des apprentissages plus durables, aborde les thèmes du programme à partir de la culture quotidienne locale. Dans le but de donner [aux élèves] une bonne culture générale, l’enseignant se réfère à l’actualité nationale ou internationale, il sort du programme, déborde du cadre du cours, ajoute des informations au contenu prescrit. L’approche culturelle d’une stagiaire consiste, entre autres, à expliquer l’évolution historique des savoirs. Ce faisant, elle agit en quelque sorte comme une héritière et une interprète des savoirs, deux rôles de l’enseignant décrits par Simard (2002b) et exigés par le ministère de l’Éducation (MÉQ, 2001b).

Dans l’énoncé de leurs représentations d’une approche culturelle de l’enseignement, les enseignants insistent sur l’importance d’adapter l’enseignement à la culture adolescente locale, la culture musicale des jeunes, leurs goûts, leurs référents. L’un déclare : Depuis que je me réfère à leur culture, les élèves ne demandent plus à quoi ça sert d’apprendre l’histoire. Il fait ainsi d’une pierre deux coups : rendre les savoirs enseignés plus signifiants et démontrer leur utilité. Adopter une approche culturelle signifie, de plus, que l’enseignant transmet, le plus possible, des connaissances qui ne sont pas dans le programme. Un enseignant en vient à la conclusion suivante : Depuis six ans, je parle de l’actualité en classe. Les élèves manifestent davantage d’intérêt pour la matière. Un autre fait connaître à ses élèves d’autres cultures que la leur pour les amener à s’ouvrir sur le monde. Enseigner avec une approche culturelle consiste également à développer la capacité des élèves à comprendre et critiquer les connaissances léguées par les grands de ce monde. À cette fin, une enseignante de français amène ses élèves à découvrir leurs origines et à réfléchir sur les faits qui ont précédé leur époque. De cette manière, elle semble adopter et faire adopter par ses élèves une attitude critique vis-à-vis des savoirs, l’une des attentes ministérielles à l’égard des enseignants (MÉQ, 2001b). Finalement, une enseignante de mathématiques perçoit l’approche culturelle de façon singulière : cela me permet d’enseigner à partir de ce que je suis, de transmettre mes valeurs.

Les propos des enseignants recoupent ceux des stagiaires. Presque tous les participants émettent la même idée : l’approche culturelle de l’enseignement exige d’enseigner à partir de ce que les élèves connaissent et font, de démontrer l’utilité des apprentissages et d’enrichir les contenus de programmes pour développer l’intérêt et la compréhension. Ils illustrent en quelque sorte le rôle du maître imaginé par Zakhartchouk (1999), celui du passeur culturel qui entraîne l’élève d’une rive à l’autre, en situant le point de départ sur la rive où se trouve l’élève. Si on exclut l’utilisation par une enseignante de l’approche culturelle pour transmettre ses valeurs personnelles aux élèves, peu d’aspects distinguent les représentations des stagiaires de celles des enseignants, Dans l’ensemble, les participants font peu référence à leur rôle d’héritier, critique et interprète des savoirs et aucunement à la structuration de l’identité des élèves, deux éléments qui apparaissent dans les documents ministériels (MÉQ, 2001a, 2001b, 2003).

La pertinence d’une approche culturelle de l’enseignement

L’approche culturelle de l’enseignement est reconnue d’emblée favorable au développement des compétences des élèves, autant par les enseignants que par les stagiaires. Rappelons que la formation des élèves est centrée sur le développement de compétences (MÉQ, 2001a, 2003). Selon les participants, l’approche culturelle s’avère même nécessaire pour aller au-delà des connaissances et permettre le développement de compétences. L’un d’eux opine : Sans approche culturelle, il n’y a pas réellement d’apprentissage. De façon plus particulière, l’approche culturelle est associée au développement de compétences génériques. Par exemple, un stagiaire établit un rapprochement entre le développement de compétences d’ordre méthodologique et la capacité à acquérir de la culture. Un autre souhaite l’exploiter pour soutenir la structuration de la pensée, à la manière de Boimare (2001) pour qui l’enseignant est un médiateur culturel devant offrir un fil conducteur à l’élève dans le but de l’aider à organiser sa pensée. Deux enseignantes affirment que culture et compétence sont interdépendantes. L’une exprime cela comme suit : Plus un esprit est cultivé, c’est-à-dire plus un élève a de connaissances, plus il peut développer des compétences ; inversement, plus l’élève est compétent, plus il peut apprendre et avoir accès à la culture. Sur un autre plan, un enseignant soutient que l’approche culturelle représente une stratégie favorable au développement du sens critique et de l’esprit d’analyse et de synthèse.

Tous les participants sont d’avis qu’une approche culturelle de l’enseigne- ment offre plusieurs avantages. Elle est une avenue pour faire aimer l’école, intéresser les élèves aux savoirs, les inciter à la lecture, stimuler la curiosité et le plaisir d’apprendre, éveiller l’esprit de découverte. L’approche culturelle est à la portée de tous les élèves et permet ainsi le progrès de chacun. Elle peut représenter une bouée de sauvetage pour ceux qui manquent de motivation scolaire. La majorité des participants y voient un moyen de faciliter les apprentissages, d’en améliorer la qualité et d’aider les élèves à appliquer leurs connaissances dans la vie quotidienne.

En plus d’y voir des avantages pour les élèves, une stagiaire déclare à la fin du stage que l’approche culturelle demande peu d’effort à l’enseignant : Avoir une approche culturelle, c’est plus facile que je le croyais. Toutefois, deux stagiaires concluent qu’il n’est pas simple d’adopter cette approche de façon fréquente et régulière. Tous deux déplorent le manque de temps pour l’intégrer naturellement dans leur enseignement. L’un ajoute que les élèves ont trop peu de connaissances, en référence au passage de la culture première à la culture seconde et que, conséquemment, il est difficile de se mettre à leur niveau et de partir de leurs intérêts pour enclencher une approche culturelle. Malgré cela, déclare-t-il, j’enseigne toujours en tenant compte de la dimension culturelle de l’école. De leur côté, les enseignants ne perçoivent pas d’embûches quant à l’utilisation d’une approche culturelle. Chacun dit y arriver à sa manière en cohérence avec l’idée qu’il s’en fait. Seul l’un d’eux déplore les contraintes auxquelles il fait face lorsqu’il organise des activités qui permettent à ses élèves de rencontrer des gens de culture amérindienne.

En somme, qu’ils soient enseignants ou stagiaires, les participants considèrent que l’approche culturelle favorise le développement des compétences et comporte de nombreux avantages relatifs à la motivation et au plaisir d’apprendre. Parmi eux, certains déplorent les contraintes de temps et d’organisation scolaire ou le manque de connaissances des élèves. Mais, malgré cela, ils arrivent à tenir compte de la dimension culturelle de l’école dans leur enseignement.

L’impact des discussions sur l’approche culturelle de l’enseignement

L’analyse des données révèle que les discussions entre enseignant associé et stagiaire au cours du stage n’ont pas eu pour effet de modifier leurs conceptions personnelles de la culture et leurs représentations de la dimension culturelle de l’école. Elles sont demeurées sensiblement les mêmes du début à la fin du stage. Par ailleurs, au fil de leurs interactions, de leurs discussions et de leur réflexion, nourris par les plans de leçon du stagiaire et les rétroactions de l’enseignant à la suite d’observations en classe, stagiaires et enseignants ont augmenté leur bagage de savoirs sur l’approche culturelle de l’enseignement. Ce double résultat, c’est-à-dire la perception d’acquérir des savoirs sans la conscience d’un changement conceptuel, paraît étonnant. Il serait pertinent de pousser l’analyse pour l’expliquer. Nous présentons ici brièvement les perceptions qu’ont les participants de la co-formation à laquelle le stage a donné lieu, relativement à la compréhension et la concrétisation d’une approche culturelle de l’enseignement. Nous exposons brièvement les perceptions de l’apport reçu de son partenaire et ensuite celles de l’apport fourni à celui-ci.

À la fin du stage, trois stagiaires parlent des apprentissages qu’ils ont faits au contact de l’enseignant. Les savoirs énoncés par les enseignants concernés portent sur les méthodes d’enseignement et les raisons de les utiliser. Une stagiaire se déclare plus consciente de l’importance de parler souvent de l’actualité en classe, un autre dit avoir compris la nécessité de reconnaître et valoriser la culture des adolescents dans son enseignement. Le troisième apprécie que son enseignant ait pu le faire réfléchir sur sa conception de l’approche culturelle et le conduire à un changement conceptuel majeur. En plus d’illustrer une réflexion en profondeur, ses propos mettent en évidence que le choc des idées peut provoquer, comme le suggère Lenoir (1996), la co-construction de savoirs professionnels. Le stagiaire s’exprime ainsi :

Je m’attendais à un éclaircissement de sa conception par rapport à la mienne. Ça a été un choc. Je défendais le fait d’amener davantage d’auteurs et d’oeuvres, d’ouvrir les élèves à des choses qu’ils ne connaissent pas et devraient connaître. Lui, il croyait que les élèves ont d’abord besoin d’outils pour apprendre et de la conscience de leurs capacités de les acquérir. J’ai énormément réfléchi pour en arriver à un jumelage de nos idées : la culture avec un grand C et le quotidien des élèves.

Quatre enseignants soulignent au terme du stage qu’ils disposent de ressources nouvelles et qu’ils comptent les réinvestir dans leur enseignement. Les savoirs transmis par les stagiaires touchent les actes d’enseignement, comme l’ancrage des notions dans les repères culturels des élèves, et le contenu à enseigner, comme un répertoire d’auteurs à faire connaître aux élèves. Un enseignant constate qu’il a une meilleure idée de ce qu’est l’approche culturelle. Une enseignante déclare : J’ai pu donner un nom à mon approche pédagogique. À la suite des discussions, des changements émergent : J’ai remis en question mes conceptions et j’accorde plus d’importance à la culture avec un grand C.

Si l’apport de l’autre à son développement professionnel est majoritairement reconnu par les participants, qu’en est-il de son propre apport à la formation de son partenaire ? Plus de stagiaires que d’enseignants estiment avoir fourni un apport valable à leur partenaire en ce qui concerne l’appropriation cognitive et l’intégration dans les pratiques d’une approche culturelle de l’enseignement. Une stagiaire mentionne qu’elle a créé des activités d’enseignement-apprentissage novatrices et du matériel didactique dont l’enseignante pourra profiter. Un autre signale qu’il a fait de l’enseignement interdisciplinaire des arts et de l’histoire ; il prétend que l’enseignant aura plus d’audace pédagogique et tentera des expériences du même ordre. Finalement, un stagiaire soutient qu’il a donné à l’enseignant le goût d’inclure des éléments de culture générale dans son enseignement. Il est étonnant de constater que, pour leur part, les enseignants sont peu éloquents sur leur apport au stagiaire en ce qui concerne l’approche culturelle. Une seule enseignante se déclare consciente d’avoir aidé sa stagiaire en l’amenant à saisir l’importance de faire des ajouts à la matière. Son collègue signale qu’il a suggéré à sa stagiaire de prendre en compte la culture locale pour favoriser les apprentissages.

En résumé, quatre enseignants et trois stagiaires font un bilan positif de leurs échanges avec leur partenaire, croyant avoir enrichi leurs savoirs sur l’approche culturelle de l’enseignement. Étonnamment, un plus grand nombre de stagiaires que d’enseignants estiment avoir fourni un apport valable à leur partenaire. Une autre analyse des données permettra de connaître les perceptions des apports réciproques au sein de chaque dyade.

Conclusion

Une circulation bidirectionnelle des savoirs est possible dans le contexte d’un stage en enseignement. L’enseignant et le stagiaire disposent de suffisamment de connaissances, formalisées ou non, pour pouvoir les partager. La dynamique interactionnelle du stage favorise en elle-même la réflexion et la discussion, toutes deux nécessaires à un partage de savoirs. Dans le cadre de cette étude, l’objet même de l’interaction entre les participants représente un élément déclencheur d’échanges, étant donné le flou actuel qui entoure l’approche culturelle de l’enseignement. La dimension culturelle de l’école ne fait pas de doute. Il appert cependant que les conceptions de la culture sont multiples et que les représentations de son intégration dans les situations d’enseignement et les activités d’apprentissage ne sont pas uniformes, bien au contraire. Dans ce contexte, le partage des savoirs entre enseignant et stagiaire s’avère un outil prometteur de la formation à l’enseignement et l’approche culturelle de l’enseignement, un objet de formation faisant forcément appel à la co-construction de savoirs par le formateur et le formé. Si la formation à l’enseignement doit viser une plus grande uniformisation des conceptions et des représentations de la mission culturelle de l’école et de l’approche culturelle de l’enseignement, il importe que ce ne soit pas au détriment de la richesse de la diversité et des incertitudes fécondes. Lorsque la certitude est créée, il devient plus difficile d’alimenter la réflexion.

Dans ce texte, l’analyse des résultats porte sur l’identification des savoirs partagés. Il serait pertinent de s’attarder sur la nature de ces savoirs. Il est généralement admis que l’apport des stagiaires aux enseignants est constitué de savoirs à caractère plutôt théorique, alors que celui des enseignants aux stagiaires serait davantage expérientiel. Stevens et Demirezen (2002) l’ont d’ailleurs confirmé à la suite d’une étude menée dans un contexte semblable. Altet (1996) a établi une typologie des savoirs des enseignants, qui comprend les savoirs théoriques à enseigner et les savoirs théoriques pour enseigner ainsi que les savoirs de la pratique et les savoirs sur la pratique. L’analyse des savoirs partagés, à la lumière de cette typologie, permettrait de mieux comprendre la circulation des savoirs professionnels au sein d’une équipe pédagogique.