Résumés
Résumé
La loi de Wagner avance l’idée de gouvernements dépensiers s’adaptant à la demande sociale ; les dépenses publiques suivent l’évolution du PIB et ne rencontrent pas de freins en période de récession. La vérification empirique du lien positif entre dépenses et PIB dans le cas de la France n’est pas validée. Les gouvernements successifs ont reconduit depuis plus d’un quart de siècle des dépenses passées, indépendamment de l’idéologie partisane avancée, et n’ont donc pas eu des logiques de redistribution mais plutôt d’allocation optimale des ressources au sens de la réduction globale des coûts de production avec comme objectif la compétitivité internationale. Les logiques de regroupement d’actionnariat éclaté et les privatisations ont concouru à cette option supply side et les cycles électoraux d’alternance politique n’ont pas marqué des différences significatives de comportements entre gouvernements de gauche et gouvernements de droite. De même, l’adhésion à l’Union européenne n’a pas de manière nette à court terme empêché des fluctuations de la dépense, non observées dans un raisonnement de long terme, mais la révolution dans l’émission de la dette, la constitution de noyaux durs, le refus du financement monétaire des déficits… constituent la lecture adéquate du lien peu robuste des dépenses publiques par rapport au PIB en France et laissent à penser, avec la loi de Wagner, que les gouvernements de la France n’ont pas eu comme préoccupation la défense d’un revenu moyen.
Abstract
Adolph Wagner advances the idea that public expenditure follow the evolution of GDP. This long-run relationship, qualified as low, is not verified here in the case of France. Therefore, we include other variables and particularly political facts like electoral cycles and budgetary constraints imposed by the European Union, to explain the dynamic of public expenditure in France. The successive French governments followed for more than one quarter century the trend of last expenditure independently of their ideology and thus did not have goals of redistribution, but rather of optimal allowance of the resources, according to an international competitiveness objective. The electoral cycles did not mark significant differences between the conservative governments and the left ones. The revolution in the emission of the debt, the constitution of hard cores with privatization, the refusal of the monetary financing of the deficit contributed to this option supply side.
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Parties annexes
Notes
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Nous tenons à remercier les professeurs Jean-François Nivet, Claude Mathieu, Saïd Souam de l’Université de Tours, les doctorants Marius Mendès, Ferdinand Bararurunza et les arbitres anonymes de cette revue. Cet article a bénéficié des commentaires des professeurs Claude Dischamps (Paris II) et Kandzija Vinko (Croatie) au 54e Congrès des économistes de langue française (Aix-Marseille 23 au 25 mai 2005). Enfin, ma reconnaissance à Malïk Bensafta pour une relecture attentive de la version finale.
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Notre préoccupation n’est pas de donner un vrai modèle de l’économie française.
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Voir Musgrave et Peacock (1962) pour un exposé original de la loi de Wagner.
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La majorité des modèles de croissance endogène partent de la critique du modèle néoclassique de Solow (1956) avec des auteurs comme Romer (1986), Lucas (1988), Aghion et Howitt (1992)… Elles reconnaissent l’importance des rendements croissants, des externalités du capital, y compris humain, des biens publics; elles intègrent les théories du développement et les analyses schumpétériennes des innovations et montrent que les politiques publiques peuvent compléter les décisions décentralisées des agents économiques.
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Au Brésil, classé pourtant parmi les pays émergents, le quintile (20 %) de la population la plus riche reçoit 67,5 % du revenu total et 30 fois plus que le quintile le plus pauvre. La courbe de Lorenz du Brésil s’éloigne de la ligne d’égalité parfaite et elle est bien incurvée vers le bas, alors qu’elle est morte pour les pays développés (voir Banque mondiale, 2004, Rapport sur le Développement).
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Cette hypothèse est plausible : dans le cas des États-Unis, la protestation fiscale est régulière comme mode d’action politique; en Europe, les pressions des partis populistes comme aux Pays-Bas et en Autriche en témoignent.
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Ce constat justifie la deuxième partie du travail mobilisant des faits institutionnels et politiques appliqués à la France. Les fluctuations de court terme des dépenses publiques trouvent des explications multiples.
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Abstraction faite des dépenses transférées aux collectivités locales. Nous pensons ultérieurement étudier les effets d’éviction ou la complémentarité possible entre la dette de l’État et la dette des collectivités locales. En effet, depuis 1982 les 36 000 communes de France, les 100 départements et 22 régions ont un accès libre aux marchés financiers et peuvent y souscrire des emprunts à condition de présenter à l’État et aux différents organismes de contrôle des comptes équilibrés. Toutefois, il revient à l’État dans le cadre des dispositifs communautaires d’être attentif par rapport à la dette des collectivités locales. En même temps, ces dernières ne veulent pas que des recettes leur soient retirées et que des dépenses nouvelles leur soient transférées (sur ce point voir Gilbert et Guengant, 2002)
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Voir encore en annexes les graphiques de PIB, DEPUB log PIB et log DEPUB (données trimestrielles) puis de PIBANNCO, DEPUBANNCO, log PIBANNCO et log DEPUBANNCO (données annuelles).
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Voir en annexes les modèles suggérés par ces auteurs.
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Ce problème concerne la régression entre deux séries économiques Xt et Yt représentant indépendamment l’une de l’autre, deux processus fonction du temps, par exemple à l’ordre 1 du processus I (1). La régression de Yt sur Xt donnerait un résidu dépendant du temps, mais le coefficient estimé de Xt serait significatif. Une présentation formelle proposée par Granger et Newbold en 1974 (Boubonnais et Terraza,1998) à partir de deux marches aléatoires peut se présenter comme suit Xt = Xt-1 + ut et Yt = Yt-1 + vt; les résidus suivent une loi normale (bruit blanc ou processus stationnaire). L’estimation de l’équation Yt = a + bXt + wt donne un coefficient b différent de zéro alors que l’indépendance des séries voudrait que b tende vers 0. L’anomalie est que les tests de DW révèlent l’autocorrélation des résidus. De ce fait wt n’est plus un bruit blanc puisque la non-stationnarité de Xt est passée dans ce résidu qui suit un processus I (1). Avec les tests VARECM, la valeur estimée des coefficients est alors plus proche de zéro.
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INSEE, Direction Générale des impôts, 01/07/2004.
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C’est le rapport entre le revenu au-dessus duquel se situent les 10 % des ménages les plus riches et du revenu en dessous duquel se situent les 10 % les plus pauvres.
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Seuls 42 % des revenus monétaires seraient aujourd’hui imposés.
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Ce taux est passé de 75 % en 1978 à 54 % en 2000.
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Dans une moindre mesure que l’Allemagne et le Danemark, il a été suggéré grâce à un modèle VAR sur la période 1970-1992 que l’orientation de la politique budgétaire en France ne respecte pas une règle budgétaire mais évolue avec la conjoncture; la discipline budgétaire n’est pas alors étrangère au traité de Maastricht (Bruno, 1999).
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Il s’agit de : 1986-1988; 1993-1997; 1997 et au-delà.
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Dix-sept millions de souscripteurs ont été recensés.
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Il s’agit du Rassemblement pour la République dirigé par J. Chirac.
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Mai 1998.
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L’impact de la décentralisation sur les dépenses et les déficits publics sera l’objet d’un prochain travail.
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Article 109 J et protocole annexé.
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L’expression cagnotte fiscale a été utilisée dans le cas de la France entre 1999 et 2000. Elle était alors gouvernée par les socialistes.
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