Résumés
Résumé
L’oeuvre de Kiarostami, entièrement travaillée par les événements du seuil, interroge la figuration des marges. Le vent nous emportera et Le goût de la cerise retracent les moments liés au funeste, ce temps improbable aux confins de la vie crépusculaire. Le réalisateur, à chaque fois, pense une scénographie funeste : dévitalisation de la scène filmique et investissement des zones frontalières, valorisation de formes éphémères ou dégradées ainsi que d’une poétique miroitante.
Mots clés:
- scénographie du non-lieu,
- irreprésentable,
- miroir,
- vitaliser
Abstract
Shaped entirely by threshold events, Kiarostami’s oeuvre challenges how the margins are represented. The Wind Will Carry Us and A Taste of Cherry are accounts of moments linked to death, the improbable time at the far reaches of the twilight of life. He designs each film to evoke mortality; he creates lifeless onscreen images, pushes into boundary areas, and highlights forms that are ephemeral, faded and shimmeringly poetic.
Keywords:
- Design for a non-place,
- Unrepresentable,
- Mirror,
- Vitalizing
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Parties annexes
Notes
-
[1]
E. Jabès, Le seuil. Le sable. Poésies complètes 1943-1988, Paris, Éditions Poésie / Gallimard, 1990, p. 11.
-
[2]
Voir à ce sujet notre étude : « L’orée de l’agonie. Le non-lieu dans Cris et chuchotements » dans M. Jimenez (dir.), Imaginaire et Utopie du XXIe siècle, Paris, Éditions Klincksieck, 2003, p. 109-122.
-
[3]
Installation exposée notamment à la Troisième Biennale d’Art contemporain de Bourges (France), du 9 au 19 novembre 2006. Avec Lady M. s’en lave les mains, la figuration de la mort passe par une anamorphose du visage épris, véritable larme rougeoyante qui efface un dernier regard éploré.
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[4]
Les premières esquisses du film diffèrent de l’histoire définitive : « Dans l’idée originale du film, le documentariste, pour parvenir à son but, se voit obligé de négocier sa mort avec la malade. Celle-ci acceptait de feindre la mort pour que le projet se réalise et pour que l’équipe puisse tourner le film […] Au chevet de cette vieille femme au seuil de la mort, nous avons compris combien il était difficile de rester fidèle à l’idée d’origine. » (A. Kiarostami, « Préface », dans Le vent nous emportera, Paris, Cahiers du cinéma, coll. Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma », 2002, p. 5.)
-
[5]
Voir R. Bellour, C. David, C van Assche, « Préface », dans Passages de l’image, Paris, éditions de Centre Pompidou, 1990, p. 7. « Comme si c’était là, dans cet étagement, cet enlacement de passages, que l’image trouve aujourd’hui son lieu, sa plus entière et nouvelle qualité d’énigme, dans une infinité suspendue de mouvements et de temps […] ».
-
[6]
V. Jankélévitch, La mort, Paris, Éditions Flammarion, coll. « Champs », 1977, p. 270‑271. L’auteur souligne par ailleurs comment toute philosophie du seuil reste en marge de son objet : « […] philosophant autour d’un presque-rien beaucoup trop fin pour être connu, elle survient soit l’instant d’avant […] soit l’instant d’après […] En avance, en retard ! » p. 38.
-
[7]
G. Didi-Huberman, La ressemblance informe ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille, Paris, Éditions Macula, 1995, p. 135.
-
[8]
Il faudrait donc ajouter ici à la tradition du dernier portrait la perspective kiarostamienne : le regard des marges. Voir sur la question : E. Héran (dir.), Le dernier portrait, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2002.
-
[9]
Voir à ce sujet A. Bergala, « L’intervalle », dans J. Aumont (dir.), La mise en scène, Bruxelles, Éditions De Boeck Université, 2000, p. 34.
-
[10]
Ibid. p. 47. À propos du rapport spéculaire, Dällenbach note comment le principe d’identité spatiale vacille : « C’est là dire que le miroir-espion a moins à charge ici d’intégrer au roman une réalité “extérieure” que d’abolir l’antithèse du dedans et du dehors, ou plutôt de réaliser entre eux une espèce d’oscillation. »
-
[11]
J.-P. Vernant, La mort dans les yeux. Figures de l’Autre en Grèce ancienne, Paris, Hachette Littératures, coll. « Pluriel », 1998, p. 75-82.
-
[12]
A. Kiarostami, Abbas Kiarostami. Textes, entretiens, filmographie complète, Paris, Éditions de l’Étoile, p 78-79. Interrogé par Serge Toubiana sur la fin du film, le réalisateur répond : « Des spectateurs me demandent : “Pourquoi dans le film, ne dites-vous pas ce qui arrive au personnage ?” À mon tour, je leur retourne la question : “Que pensez-vous personnellement du personnage ?” […] de manière à ce que les spectateurs puissent les [films inachevés] compléter et y apporter leur propre imaginaire. » Serait-ce ici une manière de convoquer un éphémère interprétatif ?
-
[13]
R. M. Rilke, « Les élégies de Duino », dans Poésie. Oeuvres II, Paris, Éditions du Seuil, 1972, p. 368.
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