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Voici un livre particulièrement utile, dans lequel l’auteur, tablant sur les acquis d’une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Padoue en 1999, a réalisé un travail inédit : relever systématiquement, par une analyse méticuleuse des textes disponibles, les influences médio-platoniciennes qu’a pu subir Porphyre, et qui expliquent, sur plusieurs points, ses divergences avec Plotin. Le premier des six chapitres de l’ouvrage est consacré à des questions préliminaires. Zambon y fait d’abord leur part aux objections que maints chercheurs ont formulées contre la distinction entre le moyen-platonisme et le néoplatonisme, mais il estime que la démarcation demeure commode, et qu’elle peut donc se justifier. Puis il rappelle certains traits caractéristiques du médio-platonisme, tels que la croyance en la perfection de la philosophie platonicienne, ou la préséance accordée à un nombre limité de passages des dialogues, que les auteurs exploitent à l’envi. Enfin, il fait le point sur l’état des recherches ayant été menées sur Porphyre au cours des dernières décennies. Zambon analyse ensuite en détail les rapports entre Porphyre et Plutarque (chapitre 2), Atticus (chapitre 3), Numénius (chapitre 4), les Oracles chaldaïques (chapitre 5) et Alcinoos (chapitre 6). Il montre que Porphyre se rapproche de Plutarque (qu’il cite du reste littéralement à plusieurs reprises) par l’idée d’une contiguïté entre les pratiques philosophique et religieuse, de même que par une ouverture aux genres littéraires autres que philosophiques, ou aux traditions de pensée non platoniciennes et même non grecques. Les rapports précis avec Atticus sont moins facilement décelables, mais les préoccupations de Porphyre montrent, indubitablement, qu’il appartenait au même horizon intellectuel qu’Atticus. Comme on s’y attendait, l’influence exercée par Numénius sur Porphyre est beaucoup plus considérable. Elle se traduit notamment par une pratique similaire de l’exégèse allégorique, motivée par un même désir de démontrer l’unité et l’accord entre la philosophie platonicienne et les autres formes de sagesse antique. En revanche — et au-delà peut-être de l’importance accordée aux symétries triadiques —, les Oracles chaldaïques, dont la valeur philosophique est au demeurant assez faible, ne semblent guère avoir inspiré Porphyre. Quant à Alcinoos, il présente dans le Didaskalikos une vision harmonisante du platonisme et de l’aristotélisme que reprend Porphyre, non toutefois sans l’affiner grandement. On saura gré à Marco Zambon d’avoir réussi à cerner, par son analyse minutieuse, une facette majeure de la personnalité foisonnante de Porphyre, qui demeure à certains égards l’un des auteurs philosophiques les plus énigmatiques de l’Antiquité.