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Le 4 mars 2007, le canal Discovery diffusa un film de Simcha Jacobovici intitulé The Lost Tomb of Jesus. Les réalisateurs du film — le directeur, producteur et auteur Jacobovici, les producteurs Felix Golubev, Ric Esther Bienstock, James Cameron, et les consultants James Tabor et Charles Pellegrino — affirment qu’un tombeau découvert en 1980 sur un chantier de construction à Talpiot, près de Jérusalem, et les dix ossuaires qu’il contenait, appartenait autrefois à Jésus de Nazareth, la Vierge Marie, Marie Madeleine, José le frère de Jésus, Juda le fils de Jésus (!) et de Marie Madeleine, et à cinq autres proches de Jésus non identifiés, dont un portait le nom de Matthieu. La majorité des archéologues et des spécialistes des études bibliques ont déjà condamné le film et sa théorie du tombeau familial de Jésus comme une entreprise pécuniaire sensationnaliste, anti-scientifique et intellectuellement malhonnête, inspirée du Code Da Vinci. La découverte réelle des ossements de Jésus — ou d’un ossuaire où ils auraient été placés après la décomposition de son corps — impliquerait que la partie la plus importante de l’enseignement chrétien, à savoir la résurrection de Jésus, était en fait un mensonge. Conséquemment, l’Église n’aurait pas de véritable raison d’être et des millions de chrétiens perdraient espoir. Suivant cette logique, la thèse de la découverte d’un coffret qui aurait contenu les ossements de Jésus est donc lourde de conséquence. Qu’il nous soit permis d’examiner cette théorie de plus près. Dans cet article, je vais d’abord faire un examen critique de la théorie du tombeau familial de Jésus telle que la présente le film. Je vais ensuite discuter du contexte général du film, c’est-à-dire le phénomène moderne de la fiction biblique.

I. La théorie du tombeau familial de Jésus

Sur les dix ossuaires retrouvés dans le tombeau, il y en avait six sur lesquels était inscrit un nom : 1) Jésus, fils de Joseph (Jeshua bar Jehosef), 2) Juda le fils de Jésus (Jehuda bar Jeshua), 3) Matthieu (Matia), 4) José, 5) Maria, et 6) Marie et Marthe (Mariamè kai Mara[2]), le dernier nom étant inscrit en lettres grecques. Bien que tous ces noms aient été répandus parmi la population juive de Palestine du premier siècle de notre ère, les réalisateurs du film affirment qu’il s’agit spécifiquement de Jésus et de ses proches, parce que les noms concordent avec les descriptions du Nouveau Testament. Pourtant, deux des six noms ne concordent pas. Aucune source ancienne ne mentionne que Jésus avait eu un fils ou qu’il avait un proche du nom de Matthieu. Selon les réalisateurs du film, la généalogie lucanienne de Jésus (Lc 3,23-38) nous montre que Matthieu devait être un nom répandu dans la famille de Jésus puisque la généalogie en dénombre plusieurs (avec des orthographes différentes). Par contre, les cinq Matthieu de la généalogie ont vécu de façon non concomitante et aucun d’entre eux n’a été un contemporain de Jésus. On doit également signaler que la généalogie lucanienne n’est pas seulement une construction théologique menant directement à Adam et à Dieu, mais qu’elle est également une version concurrente de celle que présente Matthieu en 1,1-17 (l’évangéliste est un autre Matthieu, et non pas un membre de la famille de Jésus). Ces deux généalogies passent par Joseph, mais elles présentent plusieurs contradictions l’une par rapport à l’autre, que certains théologiens tentent de résoudre en disant que Luc présente la lignée de Marie, en dépit de ce que l’évangéliste dit lui-même en 3,23. Mais même si nous prenons les généalogies au sérieux, les deux listes montrent que le Matthieu le plus proche de Jésus était son arrière-grand-père. Nous ne connaissons tout simplement pas de Matthieu contemporain de Jésus. De plus, même le nom de Jésus inscrit sur l’ossuaire est controversé. Bien que Frank Moore Cross, qui est interviewé dans le film, croie que l’inscription pourrait être interprétée comme Jeshua, c’est-à-dire Jésus, Stephen Pfann a suggéré récemment qu’une lecture plus juste de l’inscription serait Hanun[3].

Quant au nom de José, il constitue une forme abrégée, un surnom de Joseph. Nous le retrouvons dans l’Évangile de Marc 6,3, dans lequel il désigne un des frères de Jésus[4]. Mt 13,55 nous donne le nom complet de ce frère : Joseph. Même si James Tabor affirme dans le film que la graphie José ne se retrouve nulle part ailleurs, nous la trouvons aussi dans certains manuscrits anciens de l’Évangile de Matthieu, aussi bien que sur certains autres ossuaires (la contradiction se rencontre dans le film lui-même puisqu’on affirme que José se retrouve dans 5 % des noms de la base de données utilisée pour calculer les statistiques ; voir ci-dessous). Ce n’est pas étonnant puisque Joseph était le deuxième nom masculin le plus répandu parmi les juifs de la Palestine de l’époque (Jésus étant le sixième), et plusieurs de ces « Joseph » devaient être nommés par le diminutif José. Certains de ces surnoms ont en effet survécu sur des ossuaires et dans des manuscrits des Évangiles. Rien ne prouve que le José du tombeau de Talpiot soit le frère de Jésus, fils de Joseph, de ce même tombeau. En effet, José pourrait être le père de ce Jésus, Joseph lui-même !

Selon les réalisateurs du film, un des ossuaires contenait les restes de Marie Madeleine. L’inscription sur cet ossuaire est également controversée, mais la lecture la plus vraisemblable est « Marie et Marthe » (Mariamè kai Mara), au lieu de l’interprétation adoptée dans le film, « Marie la maîtresse » (Mariamnè è Mara). Comme preuve de leur interprétation, les réalisateurs du film font appel à un texte qui fut rédigé quelque 300 ans plus tard et qui ne fait pas partie du Nouveau Testament, les Actes de Philippe. Ce texte apocryphe, qui contient une bonne part de matériaux légendaires, mentionne que l’apôtre Philippe a une soeur appelée Mariamnè, qu’ils ont prêché dans le monde grec, que Mariamnè serait devenue une autorité chrétienne et que finalement, Mariamnè serait retournée à Jérusalem. Dans une entrevue réalisée pour le film, François Bovon, l’un des plus récents éditeurs des Actes de Philippe, réitère sa conviction que cette Mariamnè est Marie Madeleine. Les chercheurs ne sont cependant pas tous d’accord avec cette thèse[5]. Il n’y a pas d’autre source qui mentionne que Marie Madeleine était la soeur de Philippe. De plus, les réalisateurs du film affirment que Marie s’exprimait en grec puisqu’elle provenait de la ville commerciale de Migdal. Cette affirmation, combinée à celle de la Mariamnè prêchant en grec des Actes de Philippe, pourrait expliquer l’inscription grecque, Mariamnè, sur l’ossuaire. Son statut comme autorité affirmé dans les Actes de Philippe expliquerait l’épithète araméenne, Mara, c’est-à-dire « maître » ou « enseignant ». Cependant, Stephen Pfann a remis en question l’interprétation « Mariamnè è Mara » adoptée dans le film. Pfann démontre clairement que les deux parties de l’inscription ont non seulement été inscrites par deux mains différentes, mais qu’elles se réfèrent à deux femmes différentes, Mariamè (non Mariamnè) et Mara, dont les ossements furent placés dans le même ossuaire (une pratique répandue à l’époque)[6]. Mara, une forme raccourcie de Marthe, était le dixième nom le plus répandu à l’époque. Si l’interprétation de Pfann est exacte, comme ce semble être le cas, Mariamè n’est donc pas une autorité (« Mara »). Et de toute façon, il est impossible d’utiliser un écrit du quatrième siècle comme les Actes de Philippe pour reconstruire le curriculum vitae et les aptitudes linguistiques de la Marie Madeleine historique. En plus, même si l’ossuaire en question porte l’inscription Mariamnè ou Mariamè, ce pourrait être n’importe quelle Marie. Nous retrouvons Mariamnè comme nom de Marie Madeleine dans certaines sources anciennes, mais cette orthographe est également utilisée pour la Vierge Marie, contrairement à ce qui est mentionné dans le film[7]. En fait, c’est une traduction normale du nom sémitique de Miriam. Parce que les mots et les noms, selon le bon usage grec, ne peuvent pas se terminer par des consonnes autres que n, r et s (ils peuvent aussi se terminer par des voyelles), il aurait été étrange pour un grec d’entendre le nom Miriam prononcé avec un m en finale. Par conséquent, en écrivant dans la langue d’usage de l’époque, les auteurs des textes chrétiens anciens changèrent à l’occasion le nom de Miriam pour une forme plus appropriée à la langue grecque : Maria, Mariamè ou Mariamnè[8]. On doit aussi noter que Marie (Miriam et ses différentes graphies) était le nom commun féminin le plus répandu en Palestine au début de notre ère.

Rien ne prouve non plus que la Maria du dernier ossuaire soit la mère de Jésus, fils de Joseph. En théorie, le lien de parenté aurait pu être établi par des tests d’ADN. Les réalisateurs du film ont fait faire des tests mitochondriaux d’ADN par un laboratoire de Thunder Bay, à partir de fragments d’ossements tirés des ossuaires de Jésus et Mariam(n)è. Selon les résultats obtenus, les deux individus ne sont pas apparentés du côté de la mère. À partir de cela, les réalisateurs du film tirent la conclusion que parce qu’ils étaient dans le même tombeau familial, ils devaient être mari et femme. Cette conclusion est pour le moins étrange. En principe, Mariam(n)è aurait pu être mariée à n’importe quel homme du tombeau. Si les réalisateurs du film avaient voulu démontrer la validité de leur théorie, il aurait fallu comparer l’ADN de Maria à celui de Jésus ou de José. Lorsqu’on demanda à Jacobovici pourquoi il ne l’avait pas fait, il répondit : « We’re not scientists. At the end of the day we can’t wait till every ossuary is tested for DNA. We took the story that far. At some point you have to say, “I’ve done my job as a journalist”[9] ». Cette réponse suggère que les réalisateurs du film n’ont pas osé faire compléter de tels tests car, s’ils avaient été négatifs, la théorie entière aurait été détruite. On doit de plus souligner que le nom Maria est inscrit en lettres araméennes sous une forme qui n’est pourtant pas araméenne. Les réalisateurs du film croient que c’est une forme spécifiquement latine (et non grecque) du nom de Miriam, ce qui refléterait l’influence de la Vierge Marie sur l’Église de la gentilité. Cependant, durant la vie de Marie, le christianisme de langue latine n’avait pas encore d’influence sur le christianisme oriental, dont les langues prédominantes étaient le grec et l’araméen. Il est donc très peu probable que son nom ait été inscrit sous une forme latine sur son propre ossuaire. Ce type de latinisation aurait été plus approprié au profil d’un sympathisant romain d’une classe supérieure, comme l’historien juif contemporain Josèphe, qui adopta en effet un nom romain, Flavius. Mais l’orthographe Maria pourrait tout autant être grecque comme nous l’avons mentionné ci-dessus. L’orthographe non araméenne de Miriam ne démontre en aucune façon que cette femme ait été la mère de Jésus de Nazareth.

Un élément clé de la théorie du film est la probabilité statistique de 30 000/1 que le tombeau de Talpiot appartenait à Jésus de Nazareth et à sa famille. Ce nombre a été calculé par un professeur de mathématiques et de statistiques de l’Université de Toronto, Andrey Feuerverger[10]. Les probabilités s’appuient sur le postulat que même si tous les noms du tombeau étaient très répandus à l’époque, leur occurrence dans le même tombeau familial est un cas très rare. En d’autres termes, si l’on se demande quelles sont les chances qu’il y ait eu à Jérusalem, au premier siècle de notre ère, un autre Jésus ayant un père appelé Joseph, une mère appelée Marie, un frère appelé José et une compagne appelée Marie, les chances sont de 600/1, selon Feuerverger. Lorsqu’on ajoute aux calculs le soi-disant ossuaire de Jacques qui a fait surface il y a quelques années et qui aurait appartenu à « Jacques le fils de Joseph, le frère de Jésus » et qui provient du tombeau de Talpiot selon les réalisateurs du film, on arrive à la probabilité de 30 000/1. Cependant, l’ossuaire de Jacques ne peut pas provenir du tombeau de Talpiot. Premièrement, le rapport archéologique original de 1980 mentionne qu’il y avait dix ossuaires dont six comportaient des inscriptions. Aujourd’hui, un des dix manque en effet à l’appel, mais nous avons déjà six ossuaires inscrits provenant du tombeau de Talpiot. Deuxièmement, les dimensions de l’ossuaire perdu (60 cm x 26 cm x 30 cm) ne correspondent pas aux dimensions de l’ossuaire de Jacques (50,5 cm x 25 cm x 30,5 cm), contrairement à ce qu’affirme James Tabor dans le film[11]. Troisièmement, le propriétaire de l’ossuaire de Jacques, Oded Golan, a dit l’avoir acheté avant la découverte du tombeau de Talpiot, et il existe même des photographies de l’ossuaire de Jacques datées des années 1970[12]. Quatrièmement, la terre qui a été trouvée sur l’ossuaire de Jacques correspond à la région de Silwan et non à la région de Talpiot ; Oded Golan affirme que l’ossuaire de Jacques a été découvert à Silwan[13]. Cinquièmement, les courbes de patine de l’ossuaire de Jacques et de l’ossuaire de Mariam(n)è du tombeau de Talpiot ne concordent pas, en dépit de ce qu’affirme le film[14].

Si on fait abstraction dans les calculs de l’ossuaire de Jacques, on retourne à la probabilité de 600/1. Mais ce nombre n’est valide que si, et seulement si José est le frère de Jésus, si Maria est la mère de Jésus et si Mariam(n)è est Marie Madeleine. À moins que toutes ces relations puissent être prouvées sans le moindre doute (et à mon avis c’est impossible), les probabilités statistiques n’ont aucun sens. Mais abordons la question des statistiques d’un point de vue différent. Puisqu’une femme juive de la Palestine sur quatre se nomme Marie — et conséquemment une sur huit personnes — les statistiques prédisent que dans un tombeau de dix personnes, nous devrions trouver au moins une Marie ! Qu’il nous soit permis aussi de souligner que 4,1 % des hommes portaient le nom de Jésus et que selon une projection prudente, la population de Jérusalem à l’époque de Jésus est évaluée à 80 000 personnes (pour les fêtes religieuses, ce nombre doit être multiplié)[15]. Par conséquent, il y avait 3 200 hommes qui portaient le nom de Jésus. De plus, puisque deux des six noms du tombeau ne concordent pas avec les récits du Nouveau Testament, il est plus probable que le tombeau de Talpiot soit celui d’un autre Jésus (ou Hanun !), fils de Joseph. Par ailleurs, puisque Jésus de Nazareth et sa famille provenaient de Galilée, il serait très surprenant qu’ils aient voulu avoir un tombeau familial à Jérusalem, à tout le moins avant que l’Église ancienne ne prenne racine dans cette ville dans les années 30. Les ossuaires du tombeau de Talpiot ont été datés de la période entre la fin du premier siècle avant notre ère et 70 de notre ère[16]. Il est alors possible que les ossuaires soient antérieurs au temps de Jésus et de l’Église primitive de Jérusalem, et ne pourraient pas, dans ce cas, appartenir à la famille de Jésus de Nazareth.

L’idée d’un tombeau familial de certains membres de la famille de Jésus n’est pas impossible en soi. Il ne semble pas non plus y avoir de contradiction dans le fait que le tombeau de Talpiot semble avoir appartenu à une famille riche. Selon le Nouveau Testament, Jésus lui-même fut enseveli par un homme riche, Joseph d’Arimathie (Mt 27,57-60 et parallèles), possiblement dans son propre tombeau, bien que ce ne soit pas certain. De plus, le mouvement de Jésus a reçu un appui financier de la part de Marie Madeleine et de quelques autres femmes (Lc 8,2-3), et l’Église primitive de Jérusalem dirigée par Jacques, le frère de Jésus, a bénéficié d’un appui financier des églises fondées par Paul (1 Co 16,1-4 ; Ga 2,9-10 ; Rm 15,25 ; Ac 24,17). Ainsi, il n’est pas impossible de penser que la famille de Jésus ait pu se payer un tombeau dispendieux à Jérusalem, dont l’Église mère était dirigée par le frère de Jésus, Jacques. Cependant, tout cela demeure purement spéculatif.

II. Vendre la fiction comme des faits

La théorie de la découverte du tombeau familial de Jésus n’est pas convaincante. La majorité des archéologues et des spécialistes de la Bible l’ont en effet condamnée comme une entreprise pécuniaire suspecte, malhonnête et non scientifique. De plus, le style de Jacobovici semble étrange. D’abord, les affirmations des experts interrogés sont déformées. Après que François Bovon eût dit que, selon les Actes de Philippe, Mariamnè retourna à Jérusalem et que l’auteur du texte fait allusion à la possibilité qu’elle soit morte et ensevelie à cet endroit, le narrateur du film conclut que les Actes de Philippe affirment clairement que Marie Madeleine fut ensevelie à Jérusalem. La dernière scène à l’intérieur du tombeau de Talpiot est également étrange. Jacobovici s’excite au moment où il découvre des livres sacrés dans le tombeau. Il semble qu’une école rabbinique locale ait enseveli des éditions périmées de la Bible hébraïque dans le tombeau lorsqu’il fut brièvement accessible en 1980 (selon une coutume juive, les manuscrits de la Bible hébraïque ne peuvent pas être détruits, mais doivent être ensevelis). Jacobovici note qu’ils contiennent le livre de Jonas et son excitation est à son comble lorsqu’il se souvient que, selon le Nouveau Testament, Jésus se réfère une fois au livre de Jonas et utilise ainsi des « codes secrets ». Même si ces livres sacrés sont des éditions modernes, Jacobovici veut à tout prix les relier au Jésus historique !

Le film est clairement inspiré par le phénomène récent de la fiction biblique. Les parallèles les plus clairs sont le Code Da Vinci et le documentaire sur l’Évangile de Judas produit par le National Geographic en 2006. Est-il nécessaire de rappeler que leurs créateurs ont gagné des sommes faramineuses ? Le film de Jacobovici reprend à son compte la théorie présentée dans le Code Da Vinci, théorie selon laquelle Jésus et Marie Madeleine auraient été mariés et auraient eu un fils. Le film de Jacobovici parle aussi de « codes » et de « secrets » qui pourraient encore se trouver à l’intérieur du tombeau injustement scellé par les autorités. Une comparaison avec l’Évangile de Judas est pour le moins révélatrice. Comme la National Geographic Society, la chaîne Discovery a maintenant publié un film, un site Web[17] et un livre (le livre, The Jesus Family Tomb, est devenu instantanément un best-seller). Le film adopte le même format que le documentaire du National Geographic sur l’Évangile de Judas. Les deux présentent des dramatisations de la vie de Jésus, des tests de laboratoire, des entrevues avec des chercheurs d’envergure mondiale et la suggestion que l’interprétation traditionnelle de Jésus doit être repensée. On doit cependant noter que le documentaire du National Geographic sur l’Évangile de Judas a été fait d’une façon professionnelle et ne contient pas d’erreurs grossières.

Il existe encore un troisième film qui a probablement inspiré le film The Lost Tomb of Jesus. Il s’agit du film de Jonas McCord intitulé The Body, qui met en vedette Antonio Banderas (2001). Dans ce film, le Vatican envoie un prêtre (Banderas) pour faire des recherches sur une découverte archéologique troublante : un tombeau d’un homme riche contenant une pièce de monnaie à l’effigie de Ponce Pilate et les ossements d’un homme crucifié a été découvert sur un chantier de construction à Jérusalem. Des recherches plus poussées rapprochent cette découverte de Jésus : les objets et les graines de végétaux retrouvés dans le tombeau peuvent être datés du temps de Jésus, et un pathologiste trouve les marques d’une lance et d’une couronne d’épine sur le squelette. Les recherches mettent également en colère la communauté juive orthodoxe locale, mènent au suicide d’un prêtre ayant perdu la foi et enveniment le conflit israélo-palestinien. Je ne vais pas révéler la conclusion du film, mais les parallèles avec le film The Lost Tomb of Jesus sont évidents.

Si l’on veut trouver des points positifs au film de Jacobovici, ce pourrait être sa participation au phénomène récent qui tend à représenter Jésus comme un juif, ce qui constitue une nette amélioration par rapport aux anciens Jésus « aryens » d’Hollywood. Il est historiquement vrai que Jésus et les premiers chrétiens étaient des juifs. Ce phénomène récent peut être observé dans le film The Passion of the Christ de Mel Gibson, dans les dramatisations du documentaire du National Geographic sur l’Évangile de Judas, dans le Code Da Vinci et maintenant dans le film de Jacobovici, qui présente un Jésus au teint foncé parlant l’araméen et qui a peut-être été marié et enseveli selon les coutumes juives. Cependant, puisque les deux dernières idées ne concordent pas avec les récits du Nouveau Testament, les théories du complot sont devenues une partie intégrante de la fiction biblique. Selon ces théories, les apôtres, les auteurs du Nouveau Testament, l’Église, et particulièrement le Vatican, ont caché la vérité sur la vie et la mort de Jésus, et sur le sens de sa vie, et ce, dès les débuts du mouvement chrétien. En autant que ces affirmations demeurent un cadre avoué de la fiction, il n’y a pas de problème. Mais depuis que Dan Brown d’abord et Jacobovici aujourd’hui présentent leurs théories comme des faits à l’aide des médias, plusieurs personnes sont malheureusement toujours disposées à accorder créance à des théories du complot dépourvues de bases scientifiques et intellectuelles.