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Ce livre est doté d’un second sous-titre qui en explicite le projet : Mélanges à la mémoire de Roger Chamberland, professeur au Département des littératures de l’Université Laval, décédé accidentellement en 2003. Comme celui à qui il est dédié, l’ouvrage embrasse très large. Le Groove dont il est ici question, c’est le Groupe de recherche et observatoire de l’objet vidéoclip et de son esthétique, fondé en 2001. Au-delà du vidéoclip et de l’esthétique, les collaborateurs de l’ouvrage s’intéressent aussi à la scène musicale et à l’histoire de la musique populaire, dans une perspective pluridisciplinaire, qui est celle des études culturelles chères à Chamberland : littérature, études cinématographiques, philosophie et sociologie.

Deux articles de Roger Chamberland encadrent le propos. Le premier, inédit en français et paru en anglais en 2002, porte sur le rap québécois et constitue un des temps forts de ce recueil, car y sont à l’oeuvre tant la connaissance de terrain de la scène musicale que les approches sociales et littéraires du rap. Le second texte de Chamberland, inachevé, s’intitule « Espace musical, espace érotique » et rend bien compte de la largeur et de la profondeur des préoccupations de l’auteur, à quoi font allusion plusieurs des collaborateurs de l’ouvrage. Lucie Roy prolonge une discussion interrompue dans son texte sur l’image-pulsation, qui part de celui que Chamberland avait consacré au vidéoclip en 2000. Le recueil contient quelques textes théoriques, dont un, très intéressant, de Richard Shusterman sur le divertissement et l’esthétique et un autre, de Serge Lacassse, sur les liens entre la composition, la performance et l’enregistrement de l’oeuvre musicale.

Les québécistes, en plus de l’article de Chamberland susmentionné, liront avec plaisir un article sur le hip-hop québécois, qui croise celui de Chamberland sur le rap. Ces textes nous entraînent sur le terrain de l’identité québécoise à l’heure de la mondialisation, de la scène locale et de la visibilité des artistes québécois au-delà des frontières ; abordées dans le cas d’un genre émergent, voire marginal, ces questions, qui permettent de suivre les groupes à la trace, ont une portée plus large. Dans un registre très différent, Chantal Savoie propose une analyse féministe délectable sur Michel Louvain, chanteur populaire des années 1950 et 1960, qu’elle situe dans la mouvance du baby-boom et de la Beatlemania mais aussi dans les débuts de la télévision québécoise ; elle analyse les paroles de quelques-uns de ses grands succès pour conclure qu’ils présentent une image positive des femmes et des hommes comme passifs. L’ensemble, dans son éclatement même, entre les scènes théoriques, musicales ou vidéographiques, d’ici et d’ailleurs, de Michel Louvain à Radiohead ou Fisherspooner, rend bien compte du dynamisme du Groove.