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Ce petit livre est la réédition d’un ouvrage paru en 1980 qui faisait alors le point sur les relations internationales du Québec depuis les origines, c’est-à-dire depuis l’époque où le Bas-Canada ouvrait une agence à Londres en 1816. Sans doute, a-t-il fallu attendre la Révolution tranquille pour que le Québec ne s’engage plus résolument sur la scène internationale, mais l’auteur, un fin connaisseur de la diplomatie et des affaires étrangères, note opportunément que le Québec s’était donné une représentation à Paris avant même le gouvernement fédéral qui a alors demandé au délégué du Québec d’agir aussi au nom de l’ensemble du Canada. Jusqu’en 1936, le Québec possédait de modestes légations à Londres et à Bruxelles. Avant 1936, plusieurs premiers ministres avaient effectué des voyages officiels en Europe, notamment en France : Chapleau, Mercier, Gouin, Taschereau.

Bien que plusieurs études aient paru depuis 1980 sur le sujet, il valait la peine de rééditer cet ouvrage qui conserve son originalité en raison des qualités particulières de son auteur. En effet, André Patry est le pionnier par excellence de la diplomatie québécoise. Dès ses études au Petit Séminaire de Québec durant les années trente et, par la suite, à la Faculté de droit de l’Université Laval, il fait l’apprentissage de plusieurs langues étrangères et s’instruit par lui-même sur la pratique de la diplomatie. Déjà, en 1945, il agissait comme interprète lors de la première réunion, tenue à Québec, de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Au cours des années soixante, il agit comme conseiller et chef du protocole et il occupe d’autres fonctions auprès du gouvernement québécois. Il compte parmi les principaux artisans de l’émancipation internationale du Québec. Juriste, polyglotte, fin diplomate, il contribue à l’établissement de liens entre le gouvernement du Québec et les diverses délégations consulaires de Montréal. C’est à lui qu’on doit l’essentiel de la rédaction du discours du ministre de l’Éducation, Paul Gérin-Lajoie, au corps consulaire de Montréal en 1965. C’est dans cette allocution qu’est énoncée la doctrine selon laquelle le Québec est autorisé à agir sur le plan international dans le prolongement des compétences que lui confère la Constitution fédérale du Canada. C’est encore lui qui joue le rôle majeur de chef du protocole lors de la venue de plusieurs chefs d’État au Québec à l’occasion de l’Expo 67, dont celle, spectaculaire, du Président de la République française. Ce petit livre constitue donc, pour une grande part, le récit d’un concepteur et d’un acteur de l’affirmation internationale du Québec, un récit où l’auteur fait preuve d’une exceptionnelle discrétion. Ne référant à lui-même qu’à la troisième personne du singulier, il ne précise son rôle qu’une seule fois au sujet d’une recherche de caractère académique. Il faut donc consulter la biographie de l’auteur incluse, fort à propos, à la fin de l’ouvrage pour bien établir son rôle dans les événements.

Le livre accorde une importance disproportionnée à la première décennie de la période (97 p.) par rapport à la seconde (24 p.) pour une raison très simple. C’est surtout au cours des années soixante que l’auteur a fait sa marque, tout particulièrement sous Daniel Johnson (1966-1968) à qui d’ailleurs est dédié l’ouvrage. L’auteur déplore que le gouvernement de l’Union nationale ne soit pas allé plus loin dans la mise en oeuvre de la doctrine qu’il professait. Il attribue cette réserve en partie à la fragilité électorale de ce gouvernement qui, tout de même, à ses yeux, a « fait vivre au Québec, sur le plan international, quelques-unes de ses plus belles heures » (p. 104). Il déplore bien davantage les mesquineries du gouvernement fédéral à l’endroit des aspirations du Québec. Bien que la politique internationale du gouvernement de Robert Bourassa apparaisse moins audacieuse que celle de ses prédécesseurs (surtout Lesage et Johnson), l’auteur lui accorde quand même le crédit d’avoir maintenu pour l’essentiel les visées amorcées au cours des années soixante et d’avoir étendu le réseau international du Québec à l’Allemagne, à l’Europe centrale, au Japon et au Moyen-Orient. Il témoigne en cela de la remarquable continuité de l’affirmation internationale du Québec à travers plusieurs régimes d’orientations différentes.

On peut reprocher à l’éditeur de ne pas avoir corrigé quelques expressions qui portent la marque du moment de la première édition de l’ouvrage, comme « cette année » (p. 123) pour référer à 1980 et « il y a deux ans » (p. 129) pour référer à 1978. On lira ou relira tout de même cet ouvrage avec intérêt et profit. Un classique dans la bibliographie des relations internationales du Québec !