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La fonction de lieutenant-gouverneur dans les provinces, comme celle de gouverneur général au palier canadien, est fortement décriée depuis longtemps. Plusieurs considèrent ce poste comme une sinécure, servant souvent à récompenser des gens qui ont fait une carrière sur le plan politique et qui occupent ensuite cette fonction jugée inutile. En tant que représentants de la reine du Canada aux fins provinciales, les lieutenants-gouverneurs constituent pourtant un rouage essentiel de notre monarchie constitutionnelle. La couronne forme encore aujourd’hui la clef de voûte du système politique québécois. Elle participe à la fois aux décisions législatives (par la sanction royale) et exécutives (par la nomination officielle du premier ministre). Cependant, l’autorité de la couronne, autrefois réelle, est devenue largement symbolique et fortement encadrée par la coutume et les conventions. Tel est le cas également de l’autorité des lieutenants-gouverneurs dans les provinces. En réalité, à une époque où l’on assiste au triomphe de la démocratie, c’est davantage l’idée même d’une monarchie héréditaire qui est remise en question que celle d’un « chef de l’État » incarné par le représentant de la reine.

Historiens de formation, les trois auteurs nous convient donc à une histoire du Québec à travers ses lieutenants-gouverneurs. Par-delà une galerie de portraits des 27 lieutenants-gouverneurs du Québec, galerie qui constitue l’essentiel de ce volume, ils définissent en une cinquantaine de pages les pouvoirs et rôle du « chef de l’État » québécois, pour terminer par les honneurs et les devoirs de sa fonction, non sans avoir évoqué auparavant ses différents lieux de résidence officielle et de fonction.

C’est le parcours de 26 hommes et d’une femme que retrace la galerie des portraits. Ces portraits sont intéressants en ce qu’ils nous replongent dans l’histoire du Québec. Mais, en même temps, ils nous présentent des hommes et une femme qui, à l’exception de certains échecs politiques, ont eu un parcours pratiquement sans failles.

De même, un certain nombre d’imprécisions ont pu se glisser ici et là, plus particulièrement dans la première partie qui traite des pouvoirs et du rôle du « chef de l’État » québécois. Ce rôle est constitutionnellement détenu par la reine du Canada, même s’il est rempli effectivement par son représentant dans la province, le lieutenant-gouverneur (p. 34). En outre, il est difficile d’admettre que la « souveraineté » appartient toujours à la couronne (p. 55). Il faudrait également préciser (p. 33) que le chef de gouvernement exerce habituellement le pouvoir au nom d’une majorité d’électeurs, mais que ce n’est pas toujours le cas (au Québec, en 1944, 1966 et 1998). Bien plus, il s’agit de nos jours d’une majorité relative, rarement absolue. De même, le terme « cabinet ministériel » employé dans les tableaux 10 à 12 peut porter à confusion avec le cabinet d’un ministre. Enfin, il faudrait corriger la légende de M. King (p. 50) pour ajouter ses années de pouvoir de 1926 à 1930.

Malgré ces quelques imprécisions, les auteurs proposent un ouvrage de grande qualité, bien documenté, agréable à lire, agrémenté de nombreuses photos et de tableaux instructifs, tout en faisant revivre certains moments importants de la vie politique québécoise.