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Cette publication est la version papier d’une thèse de doctorat soutenue en 2003. L’étude du géographe Alain Parent porte sur des gravures et des aquatintes préparées d’après les esquisses ou aquarelles de militaires artistes britanniques ayant séjourné à Québec entre 1759 et 1833 qui, selon l’auteur, n’auraient « pas été envisagées dans la perspective des enjeux territoriaux et de constructions nationales propres à la Grande-Bretagne » (p. 5). L’objectif de ce compte rendu n’est pas de déterminer si les objectifs scientifiques ont été atteints, mais de regarder si l’ouvrage est intéressant pour un public plus large.

En fait, l’auteur étudie les mentalités : la tranche chronologique retenue se divise essentiellement en deux époques, la première va de la fin de la French and Indian War, le volet nord-américain de la Guerre de sept ans pour les Britanniques, à la signature du Traité de Paris ; la seconde, de 1786 à 1833. Son espace – empire et nation – est essentiellement conceptuel, son objet d’étude, hautement polysémique. Ce sont là des variables excessivement difficiles à maîtriser.

La lecture de cet ouvrage est difficile. Tout y est mais, malgré la présence de tableaux, le lecteur a du mal à fixer l’ordre des priorités. Par exemple, Alain Parent fait grand état de l’anti-papisme présent, notamment dans certaines gravures qui datent du début des années 1760 où l’on voit l’église Notre-Dame-de-la-Victoire, la cathédrale ou le palais épiscopal en ruines. Que ces bâtiments aient été détruits par des bombardements venant des navires ancrés dans le fleuve, on ne peut en douter, mais de là à dire qu’elles ont été mises sur le marché comme un symbole implicite ou explicite d’anti-papisme… En Grande-Bretagne – et en Europe en fait – on discute religion depuis le XIVe siècle, et plus intensément et souvent violemment aux XVIe et XVIIe siècles. En 1759, ce problème était déjà moins aigu ; de gré ou de force, on avait dû s’accommoder de la présence de catholiques non seulement en Irlande, mais aussi en Angleterre et en Écosse. Si l’Acte du Test avait été voté en 1673, le besoin de prêter serment sera aboli dans la Province of Quebec en 1774, et dans l’ensemble du Royaume-Uni en 1829 !

Plus important, et Parent y met peu d’insistance, est la présence de navires dans un bon nombre de gravures tout au long de la période étudiée. Or, l’espace impérial par excellence est la mer et sa Royal Navy dont le rôle est multiple : elle sert d’escorte armée pour la livraison d’armement militaire, elle protège la navigation commerciale, elle est le lien avec les colonies outre-mer et assure leur défense ; en somme, pendant plus de 200 ans, elle a été le symbole de la puissance – essentiellement commerciale – de la Grande-Bretagne sur toutes les mers et dans les nouvelles colonies. Grâce aux politiques du law and order – que l’on peut voir notamment sur les gravures de la seconde période –, au début des années 1830 on comptait 520 marchands britanniques et 441 « hommes d’affaires » canadiens sur une population totale estimée à 27 000 !

La publication de cette thèse aurait mérité un travail d’édition important, même si elle satisfait sans doute aux critères d’obtention d’un doctorat. Sa lecture est laborieuse pour un lecteur extérieur. La version électronique est disponible au http://www.theses.ulaval.ca/2003/20940/20940.html et, contrairement au livre, les illustrations y sont d’excellente qualité.