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Est-il besoin de présenter Marcel Trudel, auteur de plus de 30 ouvrages comptant des monographies, des synthèses, des biographies, des éditions de textes, des dictionnaires ? Est-il besoin de présenter cet historien dont la carrière, qui s’étend sur soixante ans, a été ponctuée de nombreux prix, comme le précise la quatrième de couverture ? La question ne se pose pas : Marcel Trudel est un des historiens les plus connus du Québec. Cependant, la publication de ce dernier ouvrage pose une autre question : était-il nécessaire de plonger aussi profond dans la « cruche » de Marcel Trudel (pour reprendre sa propre expression) pour en sortir les 14 textes réunis dans ce recueil ? Non et encore non.

Car que contient ce recueil ? Il y a d’abord des textes déjà publiés ou des textes portant sur des sujets beaucoup mieux traités ailleurs dans l’oeuvre de Trudel. Nous pensons ici à l’article sur Chiniquy, à celui portant sur le voyage de Jean Nicollet en 1639, à celui détaillant les relations entre les évêques et les autorités britanniques après la Conquête. Ajoutons à cela l’enquête, détaillée en dix pages, prouvant qu’il n’y avait pas qu’un seul exemplaire de la grammaire française au Canada après 1760, article qui, par une voie très étroite, sert à illustrer une idée chère à Trudel : la Conquête n’a pas eu des effets si dévastateurs qu’on l’a déjà dit. D’autres textes apparaissent aussi inutiles que décevants : pourquoi publier une critique sévère d’un ouvrage portant sur la Nouvelle-France paru en… 1950 ? Pourquoi ce texte comptant, à la journée près, le temps qu’ont pu passer ensemble Samuel de Champlain et son épouse Hélène Boullé (on sourira en retrouvant ici la passion quantitative de Trudel) ? Pourquoi ce texte sur « Ces nobles qui rêvaient du banc de marguillier » qui ne tient pas compte de l’état actuel de l’historiographie sur le statut des nobles dans la société canadienne d’avant 1760 ?

En fait, ce recueil ne nous dit pas grand-chose des « mythes et réalités » de l’histoire du Québec d’avant 1900. Par contre, mais cela n’est certes pas le but de l’ouvrage, il pourra être utile à ceux qui s’intéressent à l’histoire intellectuelle et à l’historiographie du XXe siècle : il est en effet fascinant de voir Trudel dénoncer le racisme dans lequel sa génération a été élevée et mettre en cause, en ce faisant, Lionel Groulx. Il est tout aussi intéressant de prendre connaissance de ce que contenait la petite bibliothèque familiale de sa famille d’adoption. Le texte « Les survivances de la Nouvelle-France en ce XXIe siècle » a le même intérêt. Comme plusieurs intellectuels d’après-guerre (celle de 1939-45 !), Trudel se plaît à exposer combien le XXe siècle naissant, dans lequel il a grandi, avait des traits archaïques. Bien que totalement a-historique, cette idée de la survivance de la Nouvelle-France au XXe siècle est chère à l’auteur qui l’a exprimée d’ailleurs à plusieurs reprises. Il y a droit. Mais l’auteur et son éditeur auraient quand même pu éviter, dans le titre de l’article, d’actualiser au XXIe siècle des faits qui remontent aux années 1920-1930.