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Ce plaidoyer pour le multilatéralisme s’avère un résumé succinct de la situation actuelle dans le monde. En général, les ouvrages sur le multilatéralisme ou les relations internationales traitent d’un aspect ou de quelques aspects de la situation internationale, mais il est assez peu fréquent que des auteurs soient assez audacieux pour englober huit aspects forts différents, d’en résumer l’état de la situation et d’offrir des solutions que les directeurs de l’édition espèrent réalistes et réalisables et ce, en quelques pages seulement.

Face aux désordres du monde est un fourre-tout des diverses composantes de la société internationale : conflits, problèmes environnementaux, opinion publique, etc. Les éditeurs de l’ouvrage débutent par deux chapitres introductifs présentant un survol de la situation actuelle : mondialisation, acteurs du monde d’aujourd’hui, menaces, prévention des crises et construction de la paix, lutte contre le terrorisme, réforme de l’onu, régulation des relations économiques internationales, désarmement et environnement. Ces deux chapitres et la conclusion de ceux-ci composent la première partie de l’ouvrage.

La deuxième partie regroupe les textes des huit contributeurs à l’ouvrage. D’abord, la contribution de Dominique David, intitulée Le monde de l’après-guerre froide – conflictualité, menaces et asymétrie, qui aborde les changements apparus avec la fin de la guerre froide. Dans cet article, l’auteur pose la question de la concentration ou de la diffusion de la puissance ; évoque les enjeux que sont la prolifération des armes de destruction massive et le terrorisme ; et les réponses possibles à ce nouvel ordre du monde. La contribution suivante est celle de Hubert Védrine et a pour titre Les limites à l’unilatéralisme. L’ancien ministre des Affaires étrangères de France aborde l’origine du mot unilatéralisme pour parler de la puissance américaine puis des limites à cet unilatéralisme américain. Ces limites sont d’ordre interne, externe et budgétaire.

Patrice Sartre enchaîne avec Comprendre les crises violentes pour les maîtriser – comprendre le complexe pour agir simplement. Dans ce chapitre, l’auteur nous offre un modèle qu’il appelle culture pour rendre plus simple et partageable la lecture des crises et ainsi mieux les comprendre, les expliquer et agir. D’abord, Sartre suggère de comprendre l’angoisse de la société en crise, de démonter les mécanismes de crise et de démasquer les hommes de la crise. Ensuite, il propose trois étapes d’action soit, prévenir la crise, maîtriser la crise et retourner à la paix. Ce chapitre a l’avantage d’offrir un mécanisme réaliste et réalisable de gestion des crises, répondant ainsi au souhait des éditeurs.

Le chapitre suivant, Intervention militaire et droit d’ingérence est rédigé par Serge Sur et traite, comme son titre l’indique clairement, des interventions militaires et du droit d’ingérence. L’auteur débute en nous rappelant l’évolution du concept de droit d’ingérence, particulièrement depuis la fin de la guerre froide. Il aborde ensuite les motifs légitimes dont la doctrine de l’intervention humanitaire, facile à légitimer et défendable du point de vue légal selon l’interprétation offerte par Sur. Pour compléter son analyse, ce dernier traite des instances de légitimation. Ce chapitre nous offre une analyse fort intéressante et instructive du concept de droit d’ingérence.

Pour faire suite à la gestion de crises et au droit d’ingérence, François-Xavier Trégan traite, comme son titre le démontre, du conflit israélo-palestinien. Sortir de la crise israélo-palestinienne – Au-delà d’une fenêtre d’opportunité est une analyse rédigée au mois d’avril 2005. Il est heureux que l’éditeur l’ait précisé puisque l’auteur aborde des événements récents, particulièrement dans son diagnostic de la situation. La deuxième partie du chapitre est consacrée à l’objectif de réhabilitation de la crise israélo-palestinienne et à une méthode de résolution qui consiste à partir d’un diagnostic critique des failles du processus de paix historique et des ambitions, volontés et moyens.

L’ambassadeur de France, Alain Dejammet, offre une présentation historique de l’Organisation des Nations Unies, de ses fonctions et des réformes souhaitables. Elle a pour titre La réforme des Nations Unies et l’avenir du multilatéralisme. Les deux réformes présentées par l’auteur sont l’élargissement du Conseil de sécurité et le retour au multilatéralisme.

Jérôme Bindé, qui a judicieusement intitulé son chapitre Le développement peut-il tuer le développement ?, propose une critique du développement. En effet, ce mot tend à désigner, dans l’imaginaire collectif, un processus positif pour les populations et les pays dits en voie de développement. L’auteur déconstruit donc le concept en en soulignant ses coûts en terme de santé, d’éducation et d’environnement et le manque d’éthique dans le développement. Il met par la suite l’accent sur les concepts de développement durable et de gouvernance.

Jean-Yves LeDéaut traite pour sa part de deux problèmes environnementaux d’actualité, soit les problèmes énergétiques et climatiques, dans sa contribution Insouciance énergétique et dérapage climatique. Il s’agit d’un plaidoyer pour la réduction des gaz à effet de serre par un contrôle de la consommation énergétique et pour le Protocole de Kyoto. De plus, l’auteur souligne l’importance de la recherche, du développement et du transfert de technologie vers les pays du Sud pour faire face à ces problèmes environnementaux.

La contribution de Patrick Champagne a pour titre L’opinion publique et la démocratie. Dans ce chapitre, l’auteur souligne d’abord l’importance du concept d’opinion publique et du rôle des médias dans la démocratie. Il offre un aperçu fort intéressant des difficultés d’appréhender l’opinion publique et une critique solide du sondage d’opinion.

La qualité de cet ouvrage est inégale. On retrouve des textes dignes de mention tel que celui de Patrice Sartre ou de Jérôme Bindé, des textes intéressants comme celui de Serge Sur et de Patrick Champagne et un texte décevant, celui de Hubert Védrine. On peut donc résumer ainsi : de grands noms mais pas nécessairement le contenu que nous aurions été en droit d’attendre. De plus, il n’est pas certain que proposer des textes de politiciens et ceux de scientifiques dans un même ouvrage ait été un choix judicieux vu les prises de position des premiers. Finalement, comme dans presque tous les ouvrages publiés en France, on note un relent d’antiaméricanisme. Ce livre s’adresse à un large public et mérite d’être consulté, ne serait-ce que pour la contribution de Patrice Sartre.