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L’instigateur de ce rassemblement de textes datant de la période située entre les années 1960 et la fin des années 1990 se démarque indéniablement par son audace et son originalité. Qu’est-ce qui explique l’origine de ce projet ? Dans son introduction, Dominique Fablet parle d’une irritation ressentie à la lecture de documents récents qui semblent tout à fait méconnaître les textes classiques dits « fondateurs » dans le domaine de la formation des formateurs d’adultes et d’enseignants. L’auteur décrie le sectarisme disciplinaire qui se traduit par une ignorance délibérée des travaux provenant d’autres disciplines. Il dénonce également l’habitude qui prévaut dans les travaux scientifiques à ne citer que les travaux récents et une tendance à mésestimer en matière pédagogique bon nombre d’innovations. Ne sommes-nous pas là en présence d’un phénomène de « réinvention perpétuelle », susceptible d’être davantage présent avec l’arrivée massive de nouveaux collègues dans nos universités ? D’ores et déjà, on peut donc penser à une recrudescence de cette pratique afin d’éviter de toujours tout recommencer. Pourquoi ne pas profiter de ce qui a déjà été fait avec succès ? Encore faut-il le ramener et le rendre disponible : voilà l’objectif général de cet ouvrage.

Les textes traitent de la formation et de l’intervention psychosociologiques. Ils sont regroupés en trois parties. Dans la première sont décrites les pratiques et les problématiques du travail en groupe. La seconde partie se centre sur le processus de groupe qui a reçu, à un moment ou à un autre de l’histoire, différentes appellations telles « groupe de base » ou « dynamique de groupe », de « diagnostic », « d’évolution » ou encore d’« expression verbale ». Dans la dernière partie, l’auteur discute de l’évolution des modèles dans la conception et la conduite des groupes en France.

Dans la première partie, il est question, entre autres, des attitudes à l’intérieur de la relation pédagogique, c’est-à-dire d’un certain style de relation avec autrui et avec le groupe. D’autres styles de relation sont aussi abordés, comme l’attitude coopérative et l’attitude non directive. Ce sont tous des concepts qui trouvent leur pertinence présentement dans le domaine des interventions en sciences de l’éducation. On parle alors de relation entre l’enseignant et l’élève, entre l’enseignant et son groupe-classe et entre les élèves eux-mêmes. La maîtrise de l’attitude non directive est essentielle dans une perspective de travail constructiviste, comme dans l’élaboration de certains projets de travail en groupe. Pour adopter de telles attitudes, il faut nécessairement, au préalable, avoir été sensibilisé aux processus interpersonnels et collectifs dans le cadre d’un projet de groupe.

Toujours dans la première partie, un autre texte fort intéressant traite de la dynamique des groupes et des limites du changement concerté. Quel que soit le contexte, il semble toujours y avoir des facteurs qui interviennent, tels que des forces qui résistent au changement ou des forces orientées vers le changement. Selon l’auteur, l’initiateur du changement dans un groupe dispose de deux alternatives d’intervention : soit augmenter les pressions en faveur du changement, soit diminuer les résistances envers ce changement.

Le cinquième chapitre de la deuxième partie retient également notre attention dans la mesure où l’on y discute de l’évolution de la formation psychosociologique sur une période de 25 ans. Malgré la diversité des formules, on y identifie certaines constantes d’une formation qui prend le processus psychosocial à la fois comme support et comme objet : 1) l’expérience vécue et élucidée comme point de départ des évolutions ; 2) la confrontation entre les désirs des autres et la fonction régulatrice de la règle ; et 3) le contrôle des animateurs par la coanimation, la réflexion sur les objectifs, les modes d’interaction, les processus vécus dans les groupes. Les visées et le mode du travail propre au groupe de base y sont aussi explicités, soit une sensibilisation aux relations vécues et aux phénomènes de groupes pouvant permettre des prises de conscience et des évolutions personnelles.

Quant aux articles terminaux dans la troisième partie, ils discutent de sujets particuliers au contexte de la France et en lien avec l’évolution diachronique des modèles dans la conception et la conduite des groupes et la confrontation synchronique avec la mise en oeuvre de plusieurs modèles.

En bref, une qualité de l’ouvrage est de montrer le travail énorme qui a été fait à partir des années 1950 relativement à l’intervention psychosociologique de groupe. Des notions et des expériences qui y ont été développées restent toujours aussi pertinentes. Elles peuvent servir d’assises à plusieurs interventions développées au cours du 21e siècle.

Cependant, il importe de mentionner que, par moments, le texte est très difficile à lire et nécessite plusieurs fois la lecture d’un même passage. On a parfois l’impression de s’égarer. C’est pourquoi j’émets une certaine réserve quant à l’utilisation possible de ce document en formation des éducateurs. Peut-être serait-il pertinent de faire ressortir certains volets seulement et de les inclure dans un ouvrage global en matière d’intervention de groupe et qui serait davantage accessible aux praticiens en formation.