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1. Introduction

Situé aux confins du Bassin parisien et du Massif armoricain, le bassin de la Maine (22 185 km2) fait partie des régions océaniques qui subissent fréquemment des sécheresses plus ou moins longues et sévères (Figure 1). Quatre épisodes ont été enregistrés depuis les années 1970 : la sécheresse de 1976, qui a donné lieu à un impôt-solidarité, fut courte et très sévère (DORIZE, 1990), celle de 1989 à 1993 fut la plus longue (GRAVIER et LARUE, 1992; LARUE et GIRET, 2004), la troisième, de 1996-1998, fut moins marquée et la dernière débuta avec la canicule exceptionnelle d’août 2003 (ANDRÉ et al., 2004). Résultant de déficits pluviométriques, les sécheresses atmosphériques peuvent provoquer des sécheresses pédologiques matérialisées par le flétrissement des végétaux, puis des sécheresses hydrologiques entraînant une baisse du niveau des nappes phréatiques, un tarissement des sources et l’apparition d’étiages pour les cours d’eau (LAMBERT et al., 1990; GIRET, 2004a). Caractérisés par des régimes pluvio-évaporaux océaniques (hautes eaux de saison froide et basses eaux de saison chaude), les cours d’eau du bassin de la Maine subirent des étiages plus ou moins graves qui se différencient des basses eaux ordinaires par leur nature exceptionnelle.

Figure 1

Carte : localisation et structure. 1 : limite des bassins versants de la Mayenne, de la Sarthe et du Loir; 2 : limnigraphe; 3 : socle granitique; 4 : schistes briovériens, anticlinal; 5 : synclinal primaire, schistes, grés, calcaires; 6 : dépôts détritiques pliocènes peu épais; 7 : Jurassique argilo-marneux; 8 : Crétacé sableux et crayeux, nappe du Cénomanien; 9 : calcaire oligocène de Beauce, nappe de Beauce.

Map: location and structure. 1: Mayenne, Sarthe and Loir catchment area boundaries; 2: water-level recorder; 3: granitic basement; 4: Brioverian shale, anticline; 5: primary syncline, shale, sandstone, limestone; 6: thin Pliocene detrital deposit; 7: Jurassic marly clay; 8: sandy and chalky Cretaceous, Cenomanian water table; 9: Beauce Oligocene limestone, Beauce water table.

Carte : localisation et structure. 1 : limite des bassins versants de la Mayenne, de la Sarthe et du Loir; 2 : limnigraphe; 3 : socle granitique; 4 : schistes briovériens, anticlinal; 5 : synclinal primaire, schistes, grés, calcaires; 6 : dépôts détritiques pliocènes peu épais; 7 : Jurassique argilo-marneux; 8 : Crétacé sableux et crayeux, nappe du Cénomanien; 9 : calcaire oligocène de Beauce, nappe de Beauce.

A : Moulin de Désert (908 km2); B : Montreuil-sur-Sarthe (2 716 km2); C : Spay (5 285 km2); D : Beffes (7 350 km2); E : Couterne (521 km2); F : Saint-Fraimbault (1 851 km2); G : Bonne (2 893 km2); H : Château-Gontier (3 906 km2); I : Chambellay (4 158 km2).

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Faute de données portant sur une période suffisamment longue, nous avons, à l’instar des recommandations de FRÉCAUT (1975), défini l’étiage par la moitié du débit mensuel minimal moyen, appelée le débit journalier limite d’étiage (DLE) dont les chiffres seraient peu différents de ceux obtenus en calculant le débit caractéristique d’étiage (DCE) sur une moyenne de 20 ans. Comme le DCE, le DLE varie selon les caractéristiques hydrologiques de chaque bassin versant : pour des bassins de taille semblable, il est plus fort pour les cours d’eau à régime pondéré comme le Narais (2,13 L/s/km2) que pour ceux qui ont des débits plus irréguliers comme l’Aron (0,71 L/s/km2). Les données hydrométriques journalières des stations gérées, soit par la Direction de l’Environnement (DIREN) Pays de Loire, soit par l’Agence de bassin Loire-Bretagne, permettent de déterminer la durée et la gravité des étiages des différents cours d’eau pendant ces quatre épisodes de sécheresse. Les mesures effectuées sur déversoir fournissent des données relativement précises même pour de très faibles débits, toutefois, en dessous d’un certain seuil que l’on peut évaluer entre 3 et 5 L/s, les enregistrements peuvent manquer de fiabilité.

Comme les conditions climatiques et topographiques sont relativement homogènes sur tout le bassin, les fortes variations des étiages dans l’espace et dans le temps ne peuvent être expliquées que par la diversité géologique : les terrains sédimentaires du Bassin parisien couvrent 3/5 et ceux du socle hétérogène du Massif armoricain les 2/5 restants du bassin de la Maine (SCHULÉ, 1984). Toutefois, il convient également de prendre en compte la variabilité des apports pluviométriques et l’impact des activités humaines.

2. Des situations très différentes selon les bassins versants

Les données chiffrées portées sur le tableau 1 facilitent le classement des bassins versants étudiés en fonction de leur taille et de la durée et de la sévérité des étiages survenus durant les années de sécheresse. Pour chaque bassin versant sont indiqués le DLE, tel que nous l’avons défini, le nombre de jours d’étiage et la durée de l’assèchement du lit des cours d’eau. Pour quelques cours d’eau disposant de données hydrométriques sur plus de 30 ans, la fréquence des étiages a été représentée en utilisant le modèle débit-durée-fréquence d’étiage de GALÉA et al. (1999).

Tableau 1

Les étiages dans le bassin de la Maine. BV : bassin versant; S : surface; Qspe : module spécifique (L•s‑1•km‑2); min m : minimum mensuel (L•s‑1•km‑2); DLE : débit limite d’étiage (L•s‑1•km‑2); DE : durée des étiages en jours; DA : durée d’assèchement en jours.

Low flows in the Maine basin. BV: watershed; S: surface; Qspe: discharge (L•s‑1•km‑2); min m: monthly minimum (L•s‑1•km‑2); DLE: low water discharge limit (L•s‑1•km‑2); DE: low flow duration; DA: drought duration.

 

 

Moy 1961-1988

1976

1989

1990

1991

1992

1993

1996

1997

1998

2003

2004

BV

S (km2)

Q spe

min m

DLE

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

DE

DA

LOIR

7925

4,12

1,67

0,84

120

0

4

0

31

0

51

0

66

0

31

0

45

0

7

0

26

0

0

0

0

0

AUNE

224

5,66

1,73

0,87

100

0

53

0

104

0

75

0

124

0

45

0

-

-

76

0

82

0

32

0

38

0

BRAYE

270

7

2,38

1,19

63

0

0

0

8

0

1

0

12

0

0

0

61

0

0

0

5

0

0

0

4

0

VEUVE

156

7,4

3,6

2,42

-

-

0

0

44

0

75

0

47

0

17

0

34

0

6

0

33

0

0

0

0

0

SARTHE

7380

6,03

1,63

0,82

94

0

0

0

0

0

0

0

21

0

0

0

0

0

1

0

13

0

0

0

0

0

HUISNE

1890

7,5

4,5

2,25

2

0

0

0

0

0

1

0

5

0

18

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

GEE

112

7

3

1,5

-

-

0

0

35

0

4

0

94

0

88

0

72

0

111

0

30

0

12

0

78

0

NARAIS

167

6,7

4,26

2,13

-

-

0

0

0

0

29

0

42

0

24

0

56

0

74

0

61

0

0

0

0

0

ORNE SAO

510

6

1,5

0,75

135

0

68

0

68

0

96

0

86

0

61

0

72

0

24

0

17

0

6

0

40

0

VEGRE

401

6,31

1,59

0,8

213

0

36

0

64

0

24

0

77

0

0

0

19

0

13

0

0

0

0

0

0

0

VIVE PAR

185

5,83

1,99

1

-

-

4

0

75

0

68

0

70

0

69

0

131

0

103

0

99

0

51

0

88

0

ERVE

380

6,86

1,14

0,57

177

0

102

0

97

0

69

0

131

0

22

0

82

0

43

0

0

0

0

0

0

0

VAIGE

233

7,55

0,66

0,33

-

-

128

0

107

51

101

26

160

52

50

1

102

42

123

5

77

2

102

0

111

0

ORNE CH

59

6,38

2,11

1,06

-

-

30

0

0

0

0

0

68

0

18

0

44

0

90

0

30

0

0

0

0

0

RHONNE

77

-

0,6

0,3

-

-

69

0

71

53

76

73

123

15

26

11

76

47

113

51

89

42

64

10

65

11

MAYENNE

4158

8,68

1,37

0,69

121

0

72

0

60

0

13

0

22

0

0

0

61

0

11

0

0

0

17

0

0

0

ARON

188

11,3

1,42

0,71

102

0

44

0

86

0

15

0

19

0

0

0

46

0

46

0

1

0

46

0

5

0

ERNEE

375

10,1

1,97

0,99

108

0

12

0

59

0

2

0

12

0

0

0

14

0

13

0

0

0

0

0

0

0

JOUANNE

410

7,07

0,51

0,26

151

0

140

0

111

0

91

0

118

0

8

0

72

0

39

0

11

0

10

0

6

0

OUDON

734

5,27

0,95

0,48

212

91

138

0

166

47

138

14

281

14

92

0

137

9

119

6

49

0

102

0

107

0

VICOIN

235

7,5

0,5

0,25

121

0

5

0

63

0

62

0

68

0

0

0

107

0

90

0

26

0

35

0

7

0

CHERAN

85

5,55

0,4

0,2

181

36

81

0

103

41

137

15

172

11

18

0

63

0

58

0

7

0

49

0

44

0

UZURE

21

8,85

0,95

0,48

-

-

32

0

110

31

129

28

153

105

20

0

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-> Voir la liste des tableaux

2.1 Trois catégories apparaissent quant à la durée et à la sévérité des étiages

  • L’assèchement est atteint dans cinq bassins versants (Tableau 1). Il s’agit de bassins versants petits (moins de 100 km2 pour le Rhonne, le Chéran et l’Uzure) et moyens (233 km2 pour la Vaige et 734 km2 pour l’Oudon). Un seul, le Rhonne, se situe sur la couverture sédimentaire du Bassin parisien, les quatre autres coulent sur le socle du Massif armoricain. Les plus longues durées d’assèchement se produisent en 1990, 1991, 1992 et 1996. Le record est détenu par l’Oudon qui totalise 281 jours d’étiage en 1992 et 1 329 de 1989 à 2004. Etablies pour le Chéran, les courbes débit-durée-fréquence d’étiage montrent que l’assèchement est un risque décennal un jour par an et vicennal 10 jours consécutifs par an (Figure 2).

  • À l’opposé, cinq bassins versants de taille moyenne (Braye, Veuve et Narais) et grande (Sarthe, 7 380 km2 et Huisne, 1 890 km2) connaissent des étiages peu prononcés, qui restent toujours proches du débit limite d’étiage. Seul, le plus vaste est situé à cheval sur le socle et la couverture sédimentaire, les autres sont inclus dans le Bassin parisien. Présentant des régimes relativement bien pondérés, ils enregistrent tous une diminution des débits minima avec le temps. Ainsi, la Sarthe ne subit 21 jours d’étiage qu’en 1992, l’Huisne et le Narais sont touchés à partir de 1991 et la Braye dès 1990 mais très faiblement. L’Huisne enregistre son plus long étiage en 1993. Les étiages décennaux sur 10 jours ne descendent pas en-dessous de 1,2 L/s/km2 pour la Braye et de 0,7 L/s/km2 pour la Sarthe à Spay (Figure  2).

  • Entre ces deux catégories, les autres cours d’eau subissent tous des étiages longs et sévères sans cependant atteindre l’assèchement. Ceux qui coulent sur le socle : la Mayenne, l’Ernée, l’Aron, l’Erve, la Jouanne et le Vicoin, comportent plus de 50 % de jours d’étiage sévère (< ½ débit limite d’étiage). Au contraire, l’Aune, la Gée, la Vive Parence, l’Orne Champenoise, l’Orne Saonoise et le Loir, qui traversent des terrains sédimentaires, ont des étiages sévères moins marqués. Toutefois, l’Orne Saonoise compte des étiages sévères prépondérants en 1990. La Vègre, qui chemine à la fois sur le socle et sur la couverture, s’intègre au deuxième groupe en 1989, 1990 et 1991, mais bascule dans le premier en 1992, avec une croissance brutale des débits très faibles, inférieurs à 0,80 L/s/km2. Les étiages décennaux sur 10 jours consécutifs atteignent 0,2 L/s/km2 pour la Mayenne et un risque d’assèchement paraît possible pour une période de retour centennale (Figure 2).

Figure 2

Courbes débit-durée-fréquence d’étiage pour la Sarthe, la Braye, la Mayenne et le Chéran.

Discharge-duration-frequency curves for the Sarthe, Braye, Mayenne and Chéran low flows.

Courbes débit-durée-fréquence d’étiage pour la Sarthe, la Braye, la Mayenne et le Chéran.

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Ainsi, les étiages apparaissent-ils plus fréquents et sévères dans les bassins versants du socle que dans ceux de la couverture sédimentaire. L’assèchement apparaît exceptionnel dans ces derniers (seul un petit bassin versant, le Rhonne, est affecté) alors qu’il est atteint dans de nombreux bassins du socle quelle que soit leur taille (le plus grand, l’Oudon, atteint tout de même 734 km2).

2.2 L’enseignement des profils hydrologiques de la Sarthe et de la Mayenne prend alors tout son sens

Cette méthode, utilisée par TRICART et HIRSCH (1960) puis par DÉCLOUX et SARY (1988), porte en ordonnée les modules bruts et en abscisse l’aire des bassins versants située en amont de la station correspondante. Sur les organismes à régimes pluvio-évaporaux océaniques, on obtient une courbe croissante, car le module brut s’élève à mesure que la surface de l’impluvium s’accroît. Collectant des eaux apportées par des affluents classés dans des groupes différents, la Sarthe et la Mayenne sont caractérisées par des profils hydrologiques en général irréguliers de l’amont à l’aval (Figure 3) : un redressement de courbe traduit l’apport d’affluents plus abondants et un repli, soit l’arrivée d’affluents aux débits modestes, soit l’existence de pertes naturelles ou pas.

Figure 3

Relations entre débits et superficie pour les bassins versants de la Sarthe (a) et de la Mayenne (b), pour le mois le plus sec de l’année. A : Moulin de Désert (908 km2); B : Montreuil-sur-Sarthe (2 716 km2); C : Spay (5 285 km2); D : Beffes (7 350 km2); E : Couterne (521 km2); F : Saint-Fraimbault (1 851 km2); G : Bonne (2 893 km2); H : Château-Gontier (3 906 km2); I : Chambellay (4 158 km2). Ces stations limnigraphiques sont localisées sur la figure 1.

Relationships between discharge and watershed surfaces during the driest month. Water-level recording stations are presented in figure 1.

Relations entre débits et superficie pour les bassins versants de la Sarthe (a) et de la Mayenne (b), pour le mois le plus sec de l’année. A : Moulin de Désert (908 km2); B : Montreuil-sur-Sarthe (2 716 km2); C : Spay (5 285 km2); D : Beffes (7 350 km2); E : Couterne (521 km2); F : Saint-Fraimbault (1 851 km2); G : Bonne (2 893 km2); H : Château-Gontier (3 906 km2); I : Chambellay (4 158 km2). Ces stations limnigraphiques sont localisées sur la figure 1.

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Pour la Sarthe, la moyenne (1971-1991) du mois le plus sec (août) montre une croissance presque linéaire, avec cependant de légers fléchissements à Montreuil-sur-Sarthe (B) et à Beffes (D). Or ces fluctuations s’amplifient au cours des années de vache maigre du fait des faibles apports des affluents issus du socle et des sédiments argilo-marneux jurassiques (Figure 1). En amont de Montreuil, la Sarthe ne reçoit que de modestes affluents comme le Merdereau, la Bienne ou l’Orne Saonoise qui subissent des étiages sévères. Par contre, entre Montreuil et Spay, elle reçoit l’apport de l’Huisne, qui draine un bassin important (1 890 km2), classé dans la catégorie ne connaissant que des étiages peu prononcés. Plus en aval, de Spay à Beffes, les apports redeviennent médiocres : le Rhonne (77 km2), la Gée (112 km2), la Vègre (401 km2), l’Erve (380 km2), la Vaige (233 km2) ont tous connu des étiages sévères et parfois l’assèchement.

Avec un bassin tout entier inclus dans le socle, la Mayenne enregistre des variations moins importantes de l’amont à l’aval, mais, par contre, les différences interannuelles sont plus fortes que pour la Sarthe. Modelé principalement dans des schistes, des grès et des quartzites, le bassin supérieur connaît jusqu’à Couterne (E) des débits faibles qui s’amoindrissent encore lors des sécheresses exceptionnelles, en 1976 et 1990. De Couterne (E) à Saint-Fraimbault (F), la Mayenne et ses affluents drainent surtout des roches cristallines fortement arénisées, ce qui favorise une progression notable des débits, excepté toutefois en 1976. Après un léger fléchissement de Saint-Fraimbault à Château-Gontier (H), les courbes se redressent sensiblement jusqu’à Chambellay (I), grâce aux apports d’affluents installés sur des arènes granitiques, comme la Jouanne (410 km2). La croissance plus rapide des débits entre Château-Gontier et Chambellay, en 1991 et 1992, semble être due à l’existence au mois d’août d’orages copieux (Renazé a enregistré deux orages supérieurs à 10 mm en août 1991 et un de 52 mm en août 1992). Contrairement à la Sarthe, les profils de 1993 et 1998 indiquent que les étiages sont peu prononcés. En revanche, ceux de 2003 et 2004 figurent parmi les étiages sévères.

Bien que certaines données manquent, il apparaît que les étiages des périodes 1988-1993, 1996-1998 et 2003-2005 n’ont que très rarement atteint le niveau, tant en durée qu’en gravité, de ceux de 1976. Seules l’Aune et l’Huisne subissent, en 1992, une durée d’étiage supérieure à celle de 1976. Soumis à des étiages peu sévères et décalés dans le temps, les bassins versants de la couverture sédimentaire disposant de nappes souterraines (figurés 8 et 9 de la figure 1) contribuent à soutenir les débits des cours principaux, comme la Sarthe.

3. Les facteurs explicatifs de cette variabilité

3.1 Étiages et conditions climatiques

En milieu océanique, les étiages surviennent surtout en saison chaude à la faveur de déficits pluviométriques et d’une forte évapotranspiration. Cette situation est assez fréquente car les précipitations peuvent varier notablement dans l’espace et dans le temps.

Dans le bassin de la Maine, les variations spatiales des précipitations calculées par bassin versant selon la méthode de Thiessen (COSANDEY et ROBINSON, 2000) restent modestes, par contre, la réponse des cours d’eau, matérialisée par l’écoulement annuel et le coefficient d’écoulement, présente des différences plus importantes (Figure 4). Les cartes mettent ainsi en valeur une diagonale plus sèche, orientée ENE-WSW, située entre le Loir supérieur et le bassin de l’Oudon. Mais les variations interannuelles ont une influence bien plus importante.

Figure 4

Cartes des précipitations, écoulements et coefficients d’écoulement dans le bassin de la Maine de 1989 à 1992. 1 : limite socle (à l’ouest) -couverture sédimentaire (à l’est); 2 : limite de bassin versant; 3 : 1 mois sans écoulement; Ec : écoulement; P : précipitations; CE : coefficient d’écoulement.

Maps of rainfall, flow and discharge coefficients for the Maine basin from 1989 to 1992. 1: boundary between basement (to the West) -sediment cover (to the East); 2: watershed area boundaries; 3: one month without flow; Ec: flow; P: rainfall; CE: discharge coefficient.

Cartes des précipitations, écoulements et coefficients d’écoulement dans le bassin de la Maine de 1989 à 1992. 1 : limite socle (à l’ouest) -couverture sédimentaire (à l’est); 2 : limite de bassin versant; 3 : 1 mois sans écoulement; Ec : écoulement; P : précipitations; CE : coefficient d’écoulement.

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La figure 5, qui montre l’évolution des précipitations et de l’écoulement dans les bassins versants de l’Aron et de l’Aune, révèle que les étiages se situent tous en année déficitaire, mais que toutes les années où la pluviométrie est inférieure à la moyenne, comme 1985, n’engendrent pas forcément d’étiages. En effectuant le cumul des précipitations annuelles par rapport à la moyenne établie sur 20 ans, on remarque que les années à étiages se placent toujours en phase descendante et plutôt en fin de cette dernière, comme en 1976, 1991 et 1992. Le cumul des précipitations et de l’écoulement mensuels indique que le milieu de l’année 1988 sépare les phases ascendante et descendante, mieux marquées pour l’écoulement que pour les précipitations. Pour le bassin de la Veuve, caractéristique des régions sédimentaires, le cumul des précipitations et de l’écoulement mensuels entre 1984 et 2004 montre des fluctuations plus fortes pour les précipitations que pour l’écoulement et un décalage de l’écoulement par rapport aux précipitations (Figure 6 a). Le cumul simple de la lame d’eau écoulée révèle que les ruptures de pente qui marquent le début de chaque année hydrologique sont moins prononcées durant les périodes de sécheresse que pendant les phases plus humides (Figure 6 b). Les trois paliers correspondant aux phases sèches donnent des pentes différentes selon l’importance du déficit d’écoulement : la phase 1988-1993, qui présente une pente plus faible que celles de 1996-1998 et 2003-2005, a enregistré les plus faibles écoulements.

Figure 5

Précipitations et écoulement dans les bassins versants de l’Aron (188 km2) et de l’Aune (224 km2). a) : Cumul simple par rapport aux moyennes 1972-1992 pour l’Aune et 1974-1992 pour l’Aron. b) : Évolution des précipitations et de l’écoulement annuels, de 1972 à 1992. 1 : courbe des précipitations annuelles dans le bassin versant de l’Aron; 2 : courbe des précipitations annuelles dans le bassin versant de l’Aune; 3 : lame d’eau écoulée par l’Aron (en mm); 4 : lame d’eau écoulée par l’Aune (en mm); M 1 : moyenne des précipitations pour l’Aron; M 2 : moyenne des précipitations pour l’Aune; M 3 : lame d’eau moyenne écoulée par l’Aron; M 4 : lame d’eau moyenne écoulée par l’Aune.

Rainfall and flow in the Aron (188 km2) and Aune (224 km2) basins. A:  Simple cumulation compared to the 1972-92 average for the Aune and the 1974-92 average for the Aron. B: Annual rainfall and flow from 1972 to 1992. 1: annual rainfall in the Aron watershed; 2: annual rainfall in the Aune watershed; 3: Aron discharge (in mm); 4: Aune discharge (in mm); M 1: Aron rainfall average; M 2: Aune rainfall average; M 3: Aron average flow; M 4: Aune average flow.

a

b

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Figure 6

a

Cumul des précipitations (en mm) et de l’écoulement (en mm) par rapport à la moyenne, dans le bassin de la Veuve, entre 1984 et 2004.

Cumulative rainfall and discharge (in mm) in the Veuve basin, between 1984 and 2004.

Cumul des précipitations (en mm) et de l’écoulement (en mm) par rapport à la moyenne, dans le bassin de la Veuve, entre 1984 et 2004.

b

Cumul simple de la lame d’eau écoulée (en mm) par la Veuve entre le 1/10/1988 et le 1/3/2005.

Cumulative Veuve discharge (in mm) between 1/10/1988 and 1/3/2005.

Cumul simple de la lame d’eau écoulée (en mm) par la Veuve entre le 1/10/1988 et le 1/3/2005.

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La variation saisonnière des précipitations s’ajoute aux fluctuations interannuelles. La figure 7 indique que les années à étiages ont subi un déficit pluviométrique de saison froide. Or, c’est la période pendant laquelle se réalise l’infiltration qui reconstitue les réserves des sols et des nappes souterraines. Les graphiques de la figure 8 montrent que l’évapotranspiration réelle faiblit dès le mois d’août, pour reprendre en mars ou avril. L’infiltration se situe entre ces deux dates avec un maximum bref autour de décembre. En outre on relève un repli appréciable de cette infiltration avec le temps. Ainsi, sur l’Huisne, cours d’eau le plus pondéré, elle passe de 234 mm en 1989-90 à 125 mm en 1991-92, avec surtout pour ce dernier hiver 93 % de celle-ci réalisée dès novembre. Ainsi, au cours de ces hivers, les réserves du sol et du sous-sol se réduisirent au fur et à mesure que s’accumulèrent les déficits pluviométriques.

Figure 7

Répartition saisonnière des précipitations sur les bassins du Rhonne, de l’Huisne et de l’Aron.

Seasonal rainfall distribution in the Rhonne, Huisne and Aron basins.

Répartition saisonnière des précipitations sur les bassins du Rhonne, de l’Huisne et de l’Aron.

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Figure 8

Évapotranspiration réelle, infiltration et écoulement pour le Rhonne, l’Huisne et l’Aron.

Actual evapotranspiration, infiltration and flow for the Rhonne, the Huisne and the Aron.

Évapotranspiration réelle, infiltration et écoulement pour le Rhonne, l’Huisne et l’Aron.

Qmm : lame d’eau écoulée en mm; Imm : lame d’eau infiltrée en mm; Emm : évapotranspiration réelle estimée au Mans.

Qmm: amount of flow in mm; Imm: infiltration; Emm: evapotranspiration at Le Mans.

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Ces déficits pluviométriques produisent des étiages plus ou moins sévères selon les bassins versants. Les régions sédimentaires résistent relativement bien aux sécheresses, les étiages peu marqués et décalés dans le temps surviennent quand les précipitations de saison froide ont été insuffisantes pour recharger les réserves souterraines. Ainsi, l’Huisne est un cours d’eau encore pondéré (Figure 8) où, entre 1989 et 1992, le rapport entre le mois le plus abondant et le mois à l’étiage le plus prononcé est de 5 seulement. En hiver, les eaux infiltrées sont abondantes et le ruissellement modeste comme l’indique la faible amplitude des pics de crues. Cette eau, emmagasinée ici dans les sables cénomaniens, est bien redistribuée en été, malgré l’ampleur de l’évapotranspiration réelle qui consomme la quasi-totalité des averses. En revanche, sur le socle, les étiages sont en général plus longs, plus sévères et ne se limitent pas à la saison chaude. En 1992, l’Oudon subit 281 jours d’étiages répartis en 10 périodes situées entre le 1er janvier et le 10 novembre. Bien que son bassin versant reçoive 333,3 mm de précipitations de mai à octobre, soit un peu plus que la moyenne établie sur 20 ans, l’écoulement n’atteint que 1,5 mm, alors qu’en 1989, avec seulement 180,6 mm de pluie, il était de 11,8 mm. Sur l’Aron, la pondération apparaît très mauvaise : le rapport entre le mois le plus abondant et le mois à l’étiage le plus prononcé atteint 81 (Figure 8).

Ainsi, dans le bassin de la Maine, les variations saisonnières des précipitations sont à l’origine des étiages, mais leur gravité inégale dans l’espace dépend surtout des conditions morphostructurales des bassins versants.

3.2 Étiages et réserves souterraines

L’analyse de deux tarissements non influencés, du 29 avril au 9 mai 1989 et du 12 au 23 mai 1992, montre que les réserves souterraines qui soutiennent les étiages sont très inégales selon les bassins versants (Tableau 2). C’est à MAILLET (1905) qu’on doit d’avoir estimé que le débit Q non perturbé d’un cours d’eau pouvait être exprimé par une fonction exponentielle du temps du type Q = Q0*ea t où Q0 est le débit à l’instant initial et a un coefficient négatif de tarissement qui, statistiquement, apparaît comme une caractéristique non seulement du bassin versant mais aussi du type d’écoulement ou de ruissellement du moment. Les plus forts coefficients a correspondent aux cours d’eau les moins pondérés comme l’Oudon, la Vaige, le Rhonne, voire l’Aune, soit ceux dont la valeur absolue de a est voisine ou supérieure à 0,1, car dotés de réserves modestes, rapidement vidangées. Au contraire, pour l’Huisne et le Narais, voire l’Aron, qui ont des réserves plus copieuses, les coefficients sont plus faibles, voisins ou inférieurs à 0,05. L’accroissement de ce coefficient avec le temps sur les cours d’eau du socle souligne la précarité des réserves en 1992.

Tableau 2

Coefficients de tarissement de plusieurs cours d’eau, calculés du 29 avril au 8 mai 1989 et du 12 au 22 mai 1992.

Recession coefficients for several rivers, from April 29 - May 8, 1989 and from May 12‑22,1992.

Cours d’eau

1989

1992

Oudon

-0,08

-0,15

Vaige

-0,12

-0,17

Aron

-0,05

-0,07

Rhonne

-0,11

-0,11

Aune

-0,09

-0,09

Huisne

-0,06

-0,03

Narais

-0,04

-0,02

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L’assèchement consécutif à l’épuisement des réserves est le reflet de la nature du sol et du sous-sol. Par exemple, l’Oudon et la majeure partie de ses affluents coulent sur des schistes briovériens dépourvus d’aquifères et développant des sols argileux, qui lors des pluies, reconstituent d’abord leur réserve utile (100 mm environ) avant de permettre un écoulement hypodermique. Il en est de même des bassins versants localisés sur les synclinaux primaires de Laval et d’Angers, constitués de grès, de schistes et de calcaires, et ne renfermant que des nappes souterraines morcelées et très peu importantes, incapables de soutenir les étiages. Quant à l’assèchement du Rhonne, dans la couverture sédimentaire, il s’explique à la fois par la lithologie et par la structure géologique de son bassin versant. Cet affluent de la Sarthe traverse la boutonnière du Bélinois d’est en ouest et coule, du fait du bombement anticlinal nord-sud, principalement sur les matériaux marneux et argileux, plutôt imperméables, du Jurassique et du Crétacé inférieur. Toutefois son cours amont recoupe des strates plus récentes, essentiellement sableuses et propices à l’alimentation d’aquifères, mais en raison d’un pendage marqué vers l’ESE, ces derniers soutiennent surtout les débits des cours d’eau voisins qui s’écoulent dans le même sens, à savoir l’Aune et la Veuve. Le bassin hydrogéologique, plus petit que le bassin hydrographique, favorise la formation des étiages.

À l’opposé, les cours d’eau dotés d’un régime plus pondéré, comme le Narais ou l’Huisne, résistent mieux à l’apparition d’étiage car leur bassin hydrologique comporte des aquifères multicouches importants, situés dans les sables cénomaniens, la craie turonienne et les sables tertiaires. Aussi les coefficients d’écoulement ne varient-ils que très peu d’une année à l’autre (GRAVIER et LARUE, 1992). Les situations intermédiaires correspondent aux rivières coulant, soit sur des roches cristallines à épaisse couverture arénique comme l’Aron, soit sur des terrains argileux du Jurassique comme l’Orne Saonoise ou la Gée.

Un suivi des variations piézométriques depuis 1988 aurait permis de mieux démontrer le rôle prépondérant joué par les aquifères dans la limitation des étiages, malheureusement l’équipement piézométrique est seulement en cours d’installation dans le département de la Sarthe. Toutefois, le calcul sommaire du bilan hydrologique global, selon la formule : P mm = Q (mm) + E (mm) + I (mm) (Figure 8) a permis de montrer que pendant la période 1988-1992, l’infiltration hivernale a été limitée par le déficit pluviométrique de saison froide. Cette situation est responsable de la faible recharge des nappes souterraines, insuffisante pour assurer le soutien des étiages estivaux. Pour le bassin supérieur du Loir, l’indicateur nappe de Beauce, établi à partir de la moyenne des niveaux de 9 piézomètres de référence depuis 1974, pondérée par la surface de leur bassin souterrain, montre que les niveaux les plus bas ont été atteints en 1992 et 1993 (seuil d’alerte 3), en 1997 et en 1976 (seuil 2) et les niveaux les plus élevés entre 1982 et 1985 et en 2001 et 2002 (Figure 9). Depuis 2003, le niveau baisse rapidement, mais il n’a pas encore atteint le seuil 1 en 2005. Ces variations expliquent bien la sévérité des étiages de 1976, 1992, 1993 et 1997 (assèchements d’affluents du Loir, comme la Conie) mais indiquent aussi que le soutien d’étiage est encore assuré en 2005.

Figure 9

Évolution du niveau piézométrique de la nappe de Beauce, de 1974 à 2005.

Temporal changes in the Beauce water table between 1974 and 2005.

Évolution du niveau piézométrique de la nappe de Beauce, de 1974 à 2005.

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3.3 Étiages et activités humaines

L’homme peut aggraver les étiages par des prélèvements d’eau excessifs et/ou par une utilisation du sol qui freine l’infiltration, en revanche, il peut les atténuer par des aménagements visant à réguler les régimes des cours d’eau.

Dans le bassin de la Maine, les prélèvements d’eau augmentent pendant la période de basses eaux qui correspond à la saison chaude, surtout en raison de l’essor de l’irrigation. Les données sont estimées à partir des déclarations des usagers auprès des Agences de l’Eau pour tous les usages sauf l’irrigation. Pour cette dernière, les volumes « forfaitaires » sont établis à partir des recensements agricoles et des volumes connus par les relevés de compteurs installés depuis 1991 (86 % des surfaces irriguées sont équipées en 2001). Si les eaux superficielles restent les plus utilisées (83,5 % en Mayenne, 79,1 % en Sarthe), les aquifères voient leur part grandir dans la partie sédimentaire du bassin de la Maine, à cause de la multiplication des forages pour les cultures de maïs en plein développement. Les besoins du maïs en eau d’irrigation varient entre 1 500 et 2 500 m3/ha/an. Les superficies irriguées déclarées ont beaucoup augmenté dans les années 1980 (passant de 79 000 ha à plus de 127 000 ha pour l’ensemble du bassin de la Maine). Depuis, la croissance s’est ralentie comme le montre la figure 10 : les surfaces et les prélèvements en période d’étiage augmentent pendant les années sèches (162 000 ha et 197 Mm3 en 2003) et diminuent pendant les années humides (99 000 ha et 102 Mm3 en 2000). Pendant les périodes de sécheresse, les pompages dans les aquifères sont responsables d’une accentuation de la diminution des débits de base et parfois de l’assèchement localisé de petits cours d’eau (BREUX, 1993).

Figure 10

Évolution des surfaces irriguées et des prélèvements pendant la période d’étiage dans le bassin de la Maine entre 1996 et 2003.

Temporal changes in irrigated surfaces in the Maine basin between 1996 and 2003.

Évolution des surfaces irriguées et des prélèvements pendant la période d’étiage dans le bassin de la Maine entre 1996 et 2003.

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La multiplication des surfaces imperméabilisées, le déboisement et le développement des labours aux dépens des prairies naturelles (DUFOUR et al., 1990) favorisent le ruissellement direct au détriment de l’infiltration. Ainsi, les pics de crue bien visibles sur les hydrogrammes (Figure 8) ne peuvent s’expliquer que par un ruissellement de surface induit par la formation, sous l’impact des gouttes de pluie, d’organisations pelliculaires de surface (OPS) qui limitent considérablement l’infiltration (BOIFFIN, 1984).

À l’opposé, les barrages, construits dès le Moyen Age pour faire tourner des moulins toute l’année, mais aussi les écluses installées sur la Sarthe et la Mayenne pour permettre le transport des marchandises jusqu’au début du XXe siècle et aujourd’hui le tourisme fluvial, créent des successions de plans d’eau artificiels qui ralentissent l’écoulement et, de ce fait, retardent l’apparition des étiages. Par exemple, la Mayenne comporte 45 biefs, et donc 45 écluses, entre Mayenne et la confluence avec la Sarthe. D’ailleurs, pendant les années de sécheresse, les péniches et vedettes touristiques ont pu continuer à naviguer sur ces deux rivières malgré la forte réduction des débits. Plus récemment, on a édifié et on prévoit la construction de barrages réservoirs pour écrêter les crues, soutenir les étiages mais également permettre l’irrigation et servir pour les loisirs. Par exemple, sur la Mayenne, le barrage de Saint-Fraimbault, au nord de la ville de Mayenne, a été construit en 1978 afin de pouvoir stocker 4,5 Mm3 d’eau et garantir à l’aval un débit minimum de 3 m3/s. Or en 1989, 1990 et 1991, ce chiffre plancher n’a pu être respecté en raison de la sévérité des étiages. Aussi a-t-on projeté la construction de 7 nouveaux barrages sur la Mayenne supérieure et sur ses affluents dont un sur l’Oudon à Méral (LESAGE, 1993), mais aucun n’a vu le jour en raison des risques de forte eutrophisation des retenues. Des mesures restrictives doivent donc être prises lors des étiages : par exemple, en 2003, interdiction de l’irrigation le 19 août et réduction du débit de restitution du barrage de Saint-Fraimbault le 10 septembre.

4. Conclusion

Dans le bassin de la Maine, représentatif des régions océaniques, la sévérité des étiages dépend souvent de la conjonction de conditions naturelles favorables et d’actions anthropiques qui les accentuent. Les déficits pluviométriques de la saison froide sont à l’origine de la sévérité des étiages estivaux. Même s’il n’y a pas de corrélation nette entre la sévérité des étiages et la taille des bassins versant, il apparaît que les petits bassins versants sont plus sensibles à l’assèchement que les grands. Comme en Bretagne (MOUNIER et al., 1993), les cas d’assèchement se rencontrent principalement dans les bassins versants situés sur les schistes briovériens ou les grés primaires du socle pratiquement dépourvus de réserves souterraines. Mais ils existent aussi sur la couverture sédimentaire du Bassin parisien lorsque la structure réduit la taille des aquifères et quand les prélèvements pour l’eau potable et pour l’irrigation abaissent suffisamment les surfaces piézométriques. Là, comme dans la région Poitou-Charentes (GIRET, 2004 b), les pompages pour l’irrigation contribuent à accentuer les étiages dans le temps. En général moins graves qu’en 1976, les étiages des années 1989-1992 et 1996-1998 se caractérisent par leur longue durée et leur accentuation dans le temps. Ce sont d’ailleurs les cours d’eau les plus pondérés qui enregistrent le mieux cette réduction progressive des débits. Si les étiages n’ont pas provoqué de sérieuses pénuries d’eau pour les populations, ils ont néanmoins entraîné une dégradation sensible de la qualité des eaux, avec de nombreux problèmes de dystrophisation, comme sur le Loir (BUSSONNAIS, 1993).

L’étude des étiages est une méthode utile à la compréhension du fonctionnement hydrologique des bassins versants (GALÉA et al., 1999; ZAIDMAN et al., 2003). Toutefois, à l’échelle d’un bassin versant de taille moyenne, comme celui de la Maine, les étiages ne sont jamais un phénomène généralisé et les mesures à prendre pour garantir les usages essentiels et préserver les équilibres biologiques doivent tenir compte des différences spatiales. Dans les régions dépourvues de nappes souterraines, l’aménagement de retenues des eaux hivernales apparaît nécessaire, alors que dans les bassins alimentés par les eaux souterraines, la réglementation des forages et les restrictions d’usages peuvent suffire. Un suivi piézométrique des nappes qui peuvent soutenir les étiages apparaît indispensable à la prévision des assèchements dans les régions agricoles utilisant l’irrigation (MICHEL, 1992).