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Depuis les crises survenues dans les pays en développement engagés dans un processus de libéralisation financière à la suite des recommandations des principales institutions internationales (comme le Mexique et la Turquie en 1994, les pays du Sud-Est asiatique en 1997 ou l’Argentine et la Turquie en 2001), la relation entre la finance et le développement économique constitue l’un des domaines de controverses qui alimentent les débats aussi bien dans les médias que dans les milieux académiques. La question n’est pas nouvelle pour ces derniers, dans la mesure où les relations entre la finance et le processus de développement figurent parmi les thèmes majeurs de la recherche académique depuis plusieurs décennies. Bien que l’existence d’une liaison importante entre la finance et le processus de développement recueille un large consensus, le sens de la causalité continue de nourrir les controverses. Le développement de la finance figurerait-il parmi les préalables du développement économique en général ou au contraire serait-il une conséquence de ce dernier ? Telle est la problématique centrale de cet ouvrage auquel dix-huit auteurs ont contribué, sous la direction de trois universitaires britanniques. Ils nous livrent un état des lieux des connaissances dans le domaine. Les aspects de la question qui sont abordés sont très variés, allant de l’étude macroéconomique de l’épargne dans le cadre des marchés financiers au développement des marchés boursiers et à la réglementation financière, en passant par les aspects plus spécifiques du processus de développement comme l’investissement direct étranger et l’aide au développement, la microfinance, les marchés financiers dans le milieu rural, les petites et moyennes entreprises ou la structure financière des entreprises dans les pays en voie de développement.

Organisé en deux parties, l’ouvrage traite la problématique tout d’abord dans une perspective macroéconomique, pour l’aborder ensuite du point de vue des relations qu’entretiennent les ménages et les firmes avec les institutions financières. Dans un chapitre préliminaire, les éditeurs de l’ouvrage s’interrogent sur la question de savoir comment la finance peut contribuer au processus de développement et à la réduction de la pauvreté. Après un bref aperçu de l’évolution des paradigmes qui ont marqué la littérature sur la croissance économique depuis ses origines, l’accent est mis sur les interactions entre la croissance et le développement de la finance.

Les six contributions de la première partie, qui traitent le sujet dans une perspective macroéconomique, commencent par observer que si le développement du secteur financier influence positivement l’épargne, son impact sur la croissance est soumis à certaines conditions, comme la régulation ou la supervision du système bancaire en vue de maintenir la stabilité macroéconomique. Les trois contributions suivantes étudient successivement les leçons du développement des marchés boursiers, les expériences récentes de la régulation financière dans les pays en développement et les leçons à tirer pour les pays en développement comme pour les pays développés, en matière de régulation bancaire, à la lumière des crises financières récentes. Elles attirent l’attention sur l’importance de la mise en place d’un système prudentiel crédible afin d’écarter les risques de crises brutales. Une dernière contribution qui vient clore cette première partie s’intéresse aux questions de mesures à adopter dans le cadre du marché (politiques monétaires et de change) ou hors marché (la réglementation prudentielle des intermédiaires financiers) pour le maintien d’un « marché ordonné » afin de maîtriser la volatilité des investissements de portefeuille.

Les cinq contributions de la seconde partie regroupées sous le titre de « ménages, firmes et institutions financières » traitent des thèmes variés sous l’angle des différents acteurs. Les deux premières contributions traitent la finance et les moyens de subsistance des pauvres et s’interrogent sur la question de savoir s’il y aurait une finance pour les pauvres. Les études de cas de l’Inde, du Kenya ou du Bengladesh offrent des perspectives pour mieux comprendre le fonctionnement d’un secteur financier informel. L’importance de ce dernier est également soulignée dans les régions rurales. Enfin, les deux dernières contributions se penchent sur la situation financière des entreprises dans les pays en voie de développement. Pour les petites et moyennes entreprises, l’impact positif de la libéralisation ne va pas de soi et nécessite selon les auteurs des interventions publiques. L’étude de la structure financière des firmes dans les pvd insiste sur la diversité des résultats obtenus par les différents travaux de recherche.

Les contributions figurant dans cet ouvrage nous livrent non seulement des réflexions originales, mais aussi une synthèse de la littérature et des pistes de recherche stimulantes qui restent à explorer. Il s’agit d’un ouvrage qui s’adresse à un public avisé ; les étudiants avancés, les doctorants ainsi que les professionnels spécialistes de la question tireront profit de ce livre axé sur une problématique qui continuera sans doute à faire couler beaucoup d’encre.